Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant a eu un enfant qui est né au mois d’août 2017. À ce moment, la mère de l’enfant a présenté une demande de prestations parentales. En octobre 2017, l’appelant a avisé la mère de l’enfant qu’il souhaitait prendre des prestations parentales à partir du mois de février 2018. Ainsi, l’appelant a présenté une demande de prestations parentales le 19 février 2018. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a déclaré que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parentales, car il ne prenait pas soin de son enfant.

[3] Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelant est admissible à des prestations parentales.

Question en litige

[4] Est-ce que l’appelant était admissible à des prestations parentales pour la période débutant le 19 février 2018 ?

Analyse

[5] Un prestataire a droit à des prestations parentales s’il veut prendre soin de son enfant, et ce, sans égard à sa disponibilité (paragraphe 23 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi, ci-après « la Loi »).

[6] Pour être admissible à ce type de prestations, un prestataire doit non seulement avoir accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable durant la période de référence, mais également subir un arrêt de rémunération (paragraphe 7(2) de la Loi).

[7] Dans le cadre de prestations parentales, un arrêt de rémunération se produit au début de la semaine où l’assuré subit une réduction de 40% de sa rémunération hebdomadaire normale du fait qu’il cesse d’exercer cet emploi en raison des soins à donner à son nouveau-né (paragraphe 14 (2) du Règlement sur l’assurance-emploi, ci-après « le Règlement »).

[8] Le nombre maximal de semaines de prestations parentales attribuables s’applique pour les 2 parents (paragraphes 12 (3), (4) et 23 (4) de la Loi).

Est-ce que l’appelant était admissible à des prestations parentales pour la période débutant le 19 février 2018 ?

[9] L’appelant et la mère se sont séparés avant la naissance de leur enfant. L’appelant a témoigné qu’au départ, il avait été entendu avec la mère de l’enfant qu’elle allait prendre la totalité des 35 semaines de prestations parentales, alors que lui s’occuperait de l’enfant pendant ses jours de congés.

[10] À la naissance de l’enfant, l’appelant s’en occupait directement à la résidence de la mère, jusqu’au jour où elle a demandé à l’appelant de ne plus venir chez elle. Donc, l’appelant et la mère de l’enfant ont convenu que l’appelant amènerait l’enfant chez lui pendant ses journées de congé, pour 3 heures, soit entre 2 périodes d’allaitement.

[11] En octobre 2017, la mère de l’enfant a transmis à l’appelant un affidavit parce qu’elle demandait la garde exclusive de l’enfant devant la Cour. L’appelant a alors avisé la mère par courriel qu’il commencerait son congé parental le 18 février 2018. La mère n’a pas répondu à l’appelant concernant cette demande.

[12] Le 25 janvier 2018, la Cour de la famille du Nouveau-Brunswick a émis une ordonnance qui mentionne ceci :

  1. Les 2 parents ont une garde conjointe légale de l’enfant.
  2. La mère a la garde primaire de l’enfant ainsi que le pouvoir décisionnel au sujet de l’enfant.
  3. Les soins primaires et la résidence primaire de l’enfant sont avec la mère.
  4. L’appelant a un droit d’accès à l’enfant de façon progressive selon les modalités suivantes :
    • Entre le 25 janvier 2018 et le 28 février 2018, l’appelant avait un accès à l’enfant pour une période de 3 heures par jour de 9 h à midi sur 3 de ses journées de congé de travail.
    • Entre le 1er mars 2018 au 30 avril 2018 l’appelant avait un accès à l’enfant pour une période de 6 heures par jour de 11 h à 17 h sur 3 de ses journées de congé de travail.
    • Entre le 1er mai 2018 et le 30 juin 2018, l’appelant avait un accès à l’enfant pour une période de 8 heures par jour de 10 h à 18 h sur 3 de ses journées de congé de travail.
    • Entre le 1er juillet 2018 et le 13 août 2018, l’appelant avait un accès à l’enfant sur 3 de ses journées de congé de travail avec une nuitée. Ainsi, pour la première journée, l’appelant avait un accès de 9 h à 18 h. Pour la deuxième journée, l’appelant avait un accès de 9 h jusqu’à 18 h la 3e journée.
  5. L’appelant allait chercher l’enfant et le retournait chez la mère après ses périodes d’accès.

[13] Ainsi, la mère s’occupait de l’enfant entre les périodes d’accès de l’appelant.

[14] L’appelant a débuté un congé parental de son travail à partir du 17 février 2018. L’appelant souhaitait que les semaines soient réparties également entre les 2 parents soient 18 semaines pour lui et l7 semaines pour la mère.

[15] L’appelant a soumis en preuve une copie d’un « imprime-écran » provenant d’une agente de la Commission qui démontre le taux de prestations parentales qui lui serait attribué. L’appelant a expliqué que l’agente lui a mentionné qu’un autre agent allait le contacter pour confirmer les prestations parentales. Or, la mère de l’enfant a avisé la Commission qu’elle n’entendait pas retourner au travail et qu’elle refusait le partage des semaines de prestations parentales.

[16] Ainsi, la Commission a refusé d’octroyer des prestations parentales à l’appelant.  

[17] L’argumentaire de l’appelant se divise en 2 points : la définition de la notion de « prendre soin d’un enfant » et la preuve qu’il rencontrait les critères de cette définition.

[18] L’appelant a noté au Tribunal que le paragraphe 23 (1) de la Loi mentionne qu’un prestataire qui veut prendre soin de son enfant peut recevoir des prestations parentales. Selon l’appelant, le législateur n’a pas écrit peut, mais bien veut, ce qui représente une notion bien différente.

[19] L’appelant a consulté le Guide de la détermination de l’admissibilité, rédigé par la Commission pour définir le concept de « prendre soin d’un enfant ». Tout d’abord, l'objectif de la Loi est de permettre au parent de tisser des liens avec son enfant et de prendre soin de ce dernier. De plus, les exigences liées au soin de l'enfant sont satisfaites lorsque le parent comble les besoins de son enfant. Selon l’appelant, les besoins de l’enfant sont de le bercer, de le nourrir, de changer sa couche, etc.

[20] L’appelant a également soulevé que le Guide de la détermination de l’admissibilité précise que les prestations parentales constituent un soutien financier pour permettre à l'un ou aux deux parents de s'absenter du travail pour prendre soin de l'enfant

[21] De plus, le Guide de la détermination de l’admissibilité prévoit qu’il faut adopter une approche raisonnée et décider de chaque cas objectivement en prenant en compte que le législateur a voulu permettre au parent de prendre soin de l’enfant. Selon l’appelant, il ne faut pas interpréter de façon rigide l’expression prendre soin d’un enfant.

[22] Dans cette optique, le Guide de la détermination de l’admissibilité prévoit qu’un parent peut continuer de recevoir des prestations parentales pendant qu’il poursuit ses activités régulières, sans nécessairement que l’enfant soit avec lui.

[23] Selon l’appelant, la Loi ne prévoit pas que le parent doit s’occuper de l’enfant en tout temps. Ainsi, un parent peut quitter la maison et continuer à recevoir des prestations, que l’enfant soit présent ou non avec le parent durant ses activités.

[24] De plus, l’appelant est d’avis que comme la disponibilité n’est pas en cause dans le cadre de prestations parentales, un parent peut s’absenter le soir pour suivre un cours ou une activité d’emploi pendant qu’il bénéficie de prestations. Un prestataire peut même être en vacances à l’extérieur du pays et rester admissible à des prestations.

[25] Considérant cette définition, l’appelant est d’avis qu’il a cessé de travailler pour prendre soin de son fils.

[26] L’appelant a expliqué que lorsqu’il avait son enfant, il le nourrissait, lui changeait sa couche, le berçait et l’endormait. Par conséquent, il s’occupait de l’enfant, il était admissible à des prestations parentales. En fait, l’appelant a mentionné qu’il voulait prendre soin de son enfant, mais que l’ordonnance ne lui permettait pas.

[27] Selon l’appelant, le fait que la Cour accorde « les soins primaires et la résidence primaire » à la mère ne signifie pas qu’il ne s’occupait pas de l’enfant et que la mère avait le plein pouvoir sur l’enfant.

[28] De plus, l’appelant a soutenu que la Loi ne prévoit pas que l’enfant doit passer la nuit chez le parent.  

[29] Finalement, l’appelant a mentionné qu’en vertu du Guide de la détermination de l’admissibilité, il aurait pu travailler à temps partiel et s’occuper de son fils quelques heures par jour et avoir droit à des prestations. Cependant, l’appelant a soulevé qu’il a choisi de s’absenter de son travail pour demeurer à la maison et s’occuper de son enfant. D’ailleurs, si la mère de l’enfant était retournée au travail après les 17 semaines de prestations parentales, il se serait occupé de l’enfant pendant qu’elle travaillait.

[30] Selon la Commission, la mère prend soin principalement de l’enfant, car il demeure avec elle à temps plein et celle-ci est responsable des décisions se rapportant au bien-être de l’enfant. De plus, la Commission est d’avis que pour être admissible à des prestations l’enfant doit vivre principalement avec un des parents.

[31] Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu’il était admissible à des prestations parentales.

[32] En effet, l’appelant n’a pas subi d’arrêt de rémunération, car il n’a pas cessé de travailler pour prendre soin de son enfant (paragraphes 7 (2) de la Loi et 14(2) du Règlement). La Cour d’appel fédérale a résumé la portée de ces paragraphes comme ceci :

« On verse par conséquent les prestations parentales aux parents pour compenser l’arrêt de leur rémunération lorsqu’ils cessent de travailler ou réduisent leurs heures de travail pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants. » (Martin c Procureur général du Canada, 2013 CAF 15)

[33] Premièrement, l’appelant ne prenait pas soin de l’enfant au sens de la Loi.

[34] Contrairement à la prétention de l’appelant, le terme « veut » utiliser au paragraphe 23 (1) de la Loi ne peut se limiter à la simple volonté ou désir de prendre soin de son enfant, mais la capacité de prendre soin de son enfant doit être présente également. En effet, le paragraphe 23 (1) de la Loi doit s’analyser en fonction des paragraphes 12 (3), (4) de la Loi et 14 (2) du Règlement ou le législateur réfère aux expressions « dans le cas de soin à donner à un nouveau-né » et « en raison de soins à donner à un ou plusieurs enfants ».

[35] De plus, la Cour d’appel fédérale mentionne clairement que les prestations parentales existent « pour prendre soin d’un ou plusieurs enfants » (Martin, supra; voir également Renvoi sur la Loi sur l’assurance-emploi, [2005] 2 R.C.S. 669).

[36] Donc en vertu de la Loi et de la jurisprudence, les prestations parentales sont payables à un prestataire qui prend soin de son enfant de façon concrète et non d’une personne qui veut ou qui souhaite prendre soin de son enfant.

[37] Considérant cette définition, le Tribunal est d’avis que l’appelant ne pouvait prendre soin de son enfant, et ce, en raison de l’ordonnance de la Cour.

[38] En effet, l’appelant avait la garde légale conjointe de l’enfant, mais les soins primaires, la résidence et le pouvoir décisionnel étaient réservés à la mère. Selon l’ordonnance de la Cour, l’appelant n’avait qu’un droit d’accès à l’enfant. Il est vrai que l’appelant s’occupait de son enfant, mais uniquement dans le cadre de son droit d’accès défini par la Cour. Ainsi, l’appelant ne comblait les besoins de l’enfant uniquement sur une base temporaire, pendant les quelques heures par semaine où l’appelant avait accès à l’enfant. Par conséquent, l’appelant ne pouvait pas « prendre soin de son enfant ».

[39] Il est vrai que la Loi permet à un parent de vaquer à ses occupations régulières et qu’il n’a pas à demeurer constamment à la maison pour être en présence de l’enfant, mais dans la mesure où, au départ, le prestataire est admissible à des prestations parentales parce qu’il a cessé de travailler pour prendre soin de son enfant (Martin, supra). Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, car l’appelant ne possédait qu’un droit d’accès à l’égard de son enfant et qu’il n’était pas admissible à des prestations.

[40] Deuxièmement, l’appelant n’a pas cessé de travailler pour prendre soin de son enfant. En effet, l’ordonnance de la Cour mentionne que l’appelant avait un droit d’accès à l’enfant lors de ses journées de congé de travail, tel qu’il avait été convenu avec la mère de l’enfant avant la naissance de celui-ci. L’appelant n’a pas cessé de travailler pour prendre soin de son enfant, puisqu’il devait s’en occupait pendant ses journées de congé. Pour les autres journées, l’appelant ne pouvait pas prendre soin de l’enfant en vertu de l’ordonnance. Par conséquent, le fait que l’appelant cesse de travailler ne pouvait pas être pour prendre soin de son enfant, puisqu’il ne pouvait pas légalement le faire.

[41] L’appelant a soulevé que si la mère de l’enfant était retournée au travail en février 2018, l’appelant se serait occupé de l’enfant pendant qu’elle travaillait. Cependant, l’ordonnance de la Cour ne permettait pas à l’appelant de s’occuper de l’enfant en dehors des droits d’accès. L’appelant n’aurait pas pu, tel que l’ordonnance est écrite, garder son enfant pendant que la mère travaillait.

[42] Considérant que l’appelant n’a pas cessé de travailler pour prendre soin de son enfant et qu’il n’a pas subi d’arrêt de rémunération, le Tribunal est d’avis que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations parentales.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

20 février 2019

Vidéoconférence

E. B., appelant

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