Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Le 18 mars 2016, l’appelante a été congédiée de son emploi au sein d’un organisme à but non lucratif où elle travaillait depuis 1987. Son employeur lui a versé huit semaines d’indemnité compensatrice de préavis, comme il est requis par la Loi sur les normes d’emploi de 2000. Lorsque les huit semaines ont pris fin, l’appelante a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) le 5 juillet 2016 et sa période de prestations a été établie comme commençant le 15 mai 2016. L’appelante a demandé de l’assistance judiciaire relativement à sa mise à pied et elle a conclu une entente de règlement avec son employeur le 27 mars 2017. L’entente prévoyait que l’employeur verserait un paiement forfaitaire à l’appelante, duquel il retiendrait et déduirait les prestations d’AE de 6 337 $ que l’appelante avait reçues de l’intimée. L’entente prévoyait que l’employeur verserait directement cette somme à l’intimée à la réception d’un avis de dette. Le montant du paiement forfaitaire devant être versé à l’appelante a été calculé à partir de ce qu’auraient été ses paiements de salaire de la date de son congédiement du 18 mars 2016 à la date de la signature de l’entente du 27 mars 2017, plus toute indemnité de congé annuel impayée, moins toutes les déductions prévues par la loi, moins une allocation de retraite de 8 000 $, moins les huit semaines d’indemnité compensatrice de préavis et moins le montant retenu de 6 337 $ devant être remboursé à l’intimée. En plus du paiement forfaitaire, l’entente prévoyait que l’appelante devait recevoir une continuation du salaire du 27 mars 2017 au 19 mars 2018.

[3] L’appelante a demandé un avis de dette à l’intimée afin de le remettre à l’employeur. En réponse, l’intimée a transmis une lettre de décision datée du 28 juin 2017. La lettre précisait que l’intimée ne pouvait pas verser de prestations à l’appelante à compter du 15 mai 2016 étant donné qu’elle bénéficiait d’une continuation du salaire de son emploi précédent et qu’elle ne pouvait donc pas être considérée en chômage. De plus, un avis de dette de 6 337 $ versé à l’appelante à partir du 15 mai 2016 a été émis au nom de l’appelante le 1er juillet 2017.

[4] L’appelante a fourni l’avis de dette à l’employeur. Toutefois, à l’insu de l’appelante et sans sa permission, plutôt que de rembourser à l’intimée le 6 337 $ retenu du paiement forfaitaire dû à l’appelante, l’employeur a négocié un calendrier de paiements mensuels de 130 $ avec l’Agence du revenu du Canada (ARC). Le 8 août 2017, l’employeur a informé l’appelante qu’en raison de problèmes financiers, il ne pouvait pas lui verser le paiement forfaitaire dont ils avaient convenu dans l’entente. Une version modifiée de l’entente de règlement a donc été adoptée, dans laquelle le montant forfaitaire (moins toutes les déductions incluant la déduction pour le remboursement de l’AE) convenu précédemment serait plutôt versé à l’appelante sous forme d’un montant forfaitaire de 10 000 $, et le reste du montant forfaitaire serait versé sous forme de paiements de continuation du salaire. Ces paiements devaient commencer immédiatement après le paiement du dernier paiement de continuation de salaire, établi séparément dans l’entente le 19 mars 2018.

[5] L’appelante a seulement reçu des paiements de continuation du salaire du 15 mai 2017 au 30 avril 2018. À ce moment, seulement une fraction du paiement forfaitaire avait été versée étant donné que les paiements auraient dû commencer le 19 mars 2018. L’employeur a cessé les paiements de continuation de salaire en raison de difficultés financières. La dette due à l’intimée n’a toujours pas été entièrement remboursée par l’employeur et elle demeure au nom de l’appelante. En date du 22 décembre 2018, il restait encore à verser 4 647 $ du remboursement d’AE.

[6] L’appelante a essayé à plusieurs reprises de faire retirer son nom de la dette par l’ARC, étant donné que le montant devant être remboursé avait déjà été retenu par l’employeur et que celui-ci avait convenu de rembourser l’intimée directement. Elle a finalement été redirigée vers l’intimée et, le 18 septembre 2018, l’appelante a présenté une demande de révision de la lettre de décision du 28 juin 2017. Le 10 décembre 2018, l’intimée a rendu une décision dans laquelle elle refusait de réviser la décision étant donné que le motif de l’appelante pour le retard ne respectait pas les exigences du Règlement sur les demandes de révision. L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal.

Questions en litige

[7] Question en litige no 1 : La demande de révision de l’appelante a-t-elle été présentée en retard?

[8] Question en litige no 2 : L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé à l’appelante une prorogation du délai pour présenter une demande de révision?

[9] Question en litige no 3 : Sinon, la demande de révision tardive de l’appelante devrait-elle être autorisée à aller de l’avant?

Analyse

[10] Une partie prestataire peut, dans les 30 jours suivant la date où elle reçoit communication d’une décision, présenter une demande de révision de cette décision à la Commission. La Commission peut accorder un délai plus long pour présenter une demande de révision (article 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)).

[11] Pour ce faire, la Commission doit être convaincue qu’il existe une explication raisonnable au délai écoulé pour présenter une demande de révision et que la personne a manifesté l’intention persistante de demander une révision (article 1(1) du Règlement).

[12] Dans certains cas, comme il est énoncé à l’article 1(2) du Règlement, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et qu’une prorogation du délai ne causerait aucun préjudice. Cela est le cas lorsque la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant la date à laquelle la décision a été communiquée à la personne; lorsqu’elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée; ou lorsqu’elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision.

[13] La décision de la Commission d’accorder une prorogation du délai pour la demande de révision est discrétionnaire (Daley c Procureur général du Canada, 2017 CF 297). Par conséquent, le Tribunal peut seulement intervenir si la Commission n’a pas agi de manière judiciaire en exerçant son pouvoir discrétionnaire.

[14] Agir de façon judiciaire signifie agir de bonne foi, avoir un but et un motif appropriés, tenir compte des facteurs pertinents, ignorer les facteurs qui ne sont pas pertinents et agir de manière non discriminatoire (Procureur général du Canada c Dunham (1996), A-708-95 (CAF); Procureur général du Canada c Purcell (1995), A-694-94 (CAF)).

[15] Il incombe à l’intimée de démontrer qu’elle a agi de manière judiciaire (Canada (Procureur général) c Gagnon, 2004 CAF 351). Si le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, il doit décider si la partie appelante devrait se voir accorder une prorogation du délai pour présenter une demande de révision. Il incombe donc à l’appelante de démontrer qu’elle répondait aux exigences du Règlement pour une prorogation.

Question en litige no 1 : La demande de révision de l’appelante a-t-elle été présentée en retard?

[16] Oui. La demande de révision de l’appelante a été remise en retard.

[17] L’appelante précise dans sa demande de révision qu’elle a reçu la lettre de décision datée du 28 juin 2017 le 1er juillet 2017. Elle a affirmé qu’elle l’avait reçue vers cette date.

[18] Je conclus que la décision initiale de l’intimée a été communiquée à l’appelante le 1er juillet 2017. La demande de révision devait être présentée dans les 30 jours suivant cette date (article 112(1) de la Loi sur l’AE). Par conséquent, elle devait être présentée le 31 juillet 2017. L’appelante n’a pas présenté sa demande de révision avant le 18 septembre 2018. Elle a donc été présentée en retard.

Question en litige no 2 : L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé d’accorder à l’appelante un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision?

[19] Non. J’estime que la confusion de l’appelante par rapport au processus à suivre pour contester la création du trop-payé en son nom était une circonstance pertinente dont l’intimée n’a pas tenu compte lorsqu’elle a décidé de rejeter la demande de prorogation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision de l’appelante. Je conclus également que l’intimée a mal appliqué le critère prévu à l’article 1(1) du Règlement.

[20] Afin de déterminer si l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, le Tribunal doit déterminer si l’intimée a agi de bonne foi et dans un but ou pour des motifs appropriés, si elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, si elle a fait abstraction des facteurs non pertinents et si elle a agi de manière non discriminatoire (Procureur général du Canada c Dunham (1996), A-708-95 (CAF); Procureur général du Canada c Purcell (1995), A-694-94 (CAF)).

[21] L’appelante a affirmé qu’elle avait été congédiée par son employeur, un organisme à but non lucratif, le 18 mars 2016 et qu’elle a eu droit à huit semaines de salaire en remplacement du préavis prévu par la loi. Elle a ensuite consulté une avocate ou un avocat, et a entamé des négociations avec son employeur. L’appelante a présenté une demande de prestations d’AE et elle a commencé à recevoir des prestations à partir de la fin de la période de préavis de huit semaines, le 15 mai 2016. L’appelante a raconté que lorsqu’elle est enfin arrivée à une entente avec son employeur le 27 mars 2017, celui-ci n’a pas voulu signer l’entente de règlement avant qu’elle obtienne un « avis de dette » permettant à l’employeur de rembourser l’intimée directement pour l’AE versée à l’appelante. À cet égard, l’entente mentionne : [traduction] « Mme Newrick accepte de fournir l’avis de dette au conseiller juridique de l’employeur afin que le remboursement d’AE puisse être fait directement par l’employeur au moyen d’une réduction du paiement forfaitaire décrit au paragraphe 2 » (GD3-12).

[22] L’appelante a cherché à obtenir un avis de dette de l’intimée. L’appelante a expliqué que cela a poussé l’intimée à envoyer la lettre de décision initiale du 28 juin 2017 selon laquelle elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations à partir du 15 mai 2016 étant donné qu’elle recevait une continuation de salaire. Un avis de dette daté du 1er juillet 2017 montrant qu’elle devait 6 337 $ a aussi été émis. L’appelante a remis cela à son avocate ou avocat, qui l’a ensuite remis à l’employeur.

[23] L’appelante a affirmé que peu de temps après l’envoi de l’avis de dette du 1er juillet 2017, elle a obtenu un relevé mensuel montrant que la dette était encore à son nom et que l’employeur la remboursait à raison de 130 $ par mois. Elle a continué de recevoir des relevés mensuels de l’ARC montrant les paiements de 130 $ et le solde à payer. L’appelante a affirmé que l’employeur avait pris un arrangement avec l’ARC pour rembourser la dette à raison de 130 $ par mois, plutôt que de rembourser la dette au complet avec le montant forfaitaire qu’il avait retenu à cette fin du montant forfaitaire qu’elle devait recevoir. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas été informée par l’ARC ou l’employeur de ce changement à l’entente et qu’elle n’y avait pas consenti.

[24] L’appelante a expliqué qu’aussitôt qu’elle a constaté que les paiements de 130 $ étaient faits par l’employeur, elle a communiqué directement avec l’ARC pour obtenir des réponses. Toutefois, l’ARC l’a informée que l’employeur avait le droit de faire cela. L’appelante a affirmé qu’elle n’a pas communiqué avec l’intimée à ce moment pour contester la décision du 28 juin 2017 étant donné qu’elle recevait des avis de dette de l’ARC chaque mois et qu’elle croyait que c’était avec elle qu’elle devait faire affaire. L’appelante a expliqué que lorsqu’elle a essayé de résoudre l’affaire avec son avocate ou avocat, celle-ci ou celui-ci a eu beaucoup d’échanges avec l’employeur, mais il prenait toujours beaucoup de temps à répondre à l’avocate ou l’avocat. L’appelante a dit qu’il y avait eu un retard, car elle avait dû déterminer comment gérer cette situation. L’appelante a expliqué qu’elle avait appelé de multiples services de l’ARC pour essayer de faire retirer son nom de l’avis de dette et elle a finalement été redirigée vers l’intimée, qui lui a dit qu’elle devait soumettre un formulaire de révision, ce qu’elle a fait.

[25] L’appelante a expliqué que son avocate ou avocat n’avait jamais entendu parler d’une situation où un employeur perçoit une remise d’AE et ne la rembourse pas. L’appelante a affirmé que l’employeur avait commencé à avoir des difficultés financières et qu’ils avaient dû renégocier l’entente initiale qu’ils avaient conclue. Elle n’a jamais reçu le montant forfaitaire qu’elle devait recevoir. Le 8 août 2017, l’employeur a proposé (et elle a accepté) qu’au lieu d’obtenir le montant forfaitaire convenu, moins les autres montants précisés et le montant retenu pour le remboursement d’AE, elle recevrait un montant forfaitaire de 10 000 $ et le reste serait payé par continuation du salaire une fois qu’elle aurait reçu les autres paiements de continuation du salaire qu’elle devait recevoir conformément à l’entente initiale. L’appelante a affirmé que l’employeur ne lui avait pas non plus versé le 10 000 $. Elle a reçu une continuation du salaire du 15 mai 2017 au 30 avril 2018 et ensuite ces paiements ont cessé parce que l’employeur était incapable de continuer à payer en raison de ses problèmes financiers.

[26] L’appelante a expliqué qu’il s’agit d’une situation extrêmement complexe et qu’il a fallu un certain temps pour déterminer quelles étapes elle devait suivre. Personne ne comprenait sa situation. Étant donné que l’employeur avait conclu une autre entente avec l’ARC et qu’elle continuait de recevoir des avis de l’ARC, elle ne savait pas comment procéder pour contester le fait que la dette était encore à son nom.

[27] L’appelante a déclaré que cette situation lui cause de grandes difficultés financières. Étant donné que la dette est encore à son nom, elle est incapable de produire ses déclarations de revenus puisque tout remboursement potentiel sera retenu par l’ARC pour rembourser la dette existante. Elle souligne qu’elle n’a même pas reçu les paiements de salaire qui ont entraîné le trop-payé étant donné que l’employeur ne lui a jamais remis le montant forfaitaire dont ils avaient convenu et qu’il lui a seulement versé une partie des paiements de continuation du salaire.

[28] L’intimée explique les raisons pour lesquelles elle a refusé d’accorder à l’appelante une prorogation du délai pour présenter une demande de révision dans son rapport de décision daté du 10 décembre 2018 (GD3-39).

[29] Je constate que l’intimée a bel et bien défini le critère juridique approprié énoncé aux articles 1(1) et 1(2) du Règlement. Il a fallu tenir compte des deux articles étant donné que le délai de présentation de la demande de révision a dépassé 365 jours. L’intimée a noté qu’elle devait être convaincue que l’appelante avait une explication raisonnable pour la présentation tardive de sa demande ainsi que l’intention persistante de demander une révision. L’intimée a noté qu’elle devait aussi être convaincue que la demande de révision avait des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porterait pas préjudice à la Commission ni à aucune autre partie.

[30] Toutefois, j’estime que l’intimée a appliqué incorrectement le critère à l’article 1(1) quant à savoir si l’appelante avait une explication raisonnable pour le retard. L’intimée note que l’appelante était au courant de la décision de l’intimée datée du 28 juin 2017 et qu’elle a attendu jusqu’au 18 septembre 2018 pour présenter une demande de révision, ce qui représente un retard de 417 jours.

[31] L’intimée a déterminé que l’appelante n’avait pas fourni une explication raisonnable pour la présentation tardive de sa demande de révision étant donné qu’à compter d’octobre 2017, elle était au courant que l’employeur remboursait la dette établie au moyen de paiements mensuels et que la dette était à son nom. L’intimée affirme que l’appelante, toutefois, n’a pris aucune mesure pour réexaminer ce point avec l’intimée avant mai 2018. L’intimée a noté que l’appelante avait en fait déposé une plainte auprès de l’ARC le 10 octobre 2017 et elle a été informée que la dette avait été créée à son nom étant donné qu’elle était celle qui avait reçu l’argent de Service Canada; donc, du point de vue légal, elle était celle qui devait rembourser la dette. L’intimée a précisé que l’appelante avait été informée de la même chose par la Commission en juin 2018 également. L’intimée a ensuite noté que le fait que l’appelante a fait la même requête dans une demande de révision ne change pas la réponse qu’elle a obtenue plusieurs fois ni sa responsabilité de rembourser la dette. Au départ, l’employeur est responsable de faire les déductions appropriées et de les remettre à l’AE. Toutefois, si cela ne se produit pas, l’appelante devient responsable de rembourser la dette à l’AE.

[32] L’intimée semble avoir conclu que la position de l’appelante n’était pas fondée et que par conséquent, elle n’a pas d’explication raisonnable pour son retard. Respectueusement, il s’agit d’une erreur d’application de l’article 1(1) du Règlement. Le fondement de la demande n’a rien à voir avec l’explication du retard. Le fondement de la demande est seulement une question à examiner en vertu de l’article 1(2) du Règlement pour déterminer s’il y a une chance raisonnable de succès.

[33] L’intimée a aussi déterminé que l’appelante n’a pas démontré une intention persistante de demander une révision, car elle n’a pris aucune mesure pour ce faire pendant une période de six mois, entre octobre 2017 et mai 2018, même si elle était au courant que l’employeur n’avait pas remis la somme totale à l’intimée. L’intimée a noté que les faits au dossier démontrent que l’employeur fait des paiements réguliers pour rembourser la dette depuis octobre 2017. D’ailleurs, lorsqu’on a demandé à l’appelante de fournir des documents supplémentaires indiquant les sommes d’argent reçues à titre d’indemnité, elle ne l’a pas fait pendant la longue période qui lui avait été accordée, soit du 22 octobre 2018 au début de décembre 2018.

[34] J’estime toutefois que l’intimée n’a pas tenu compte du facteur pertinent selon lequel l’appelante ne comprenait pas le processus pour s’opposer à la décision du 28 juin 2017, compte tenu de la confusion découlant du fait que les avis qu’elle recevait continuellement provenaient de l’ARC plutôt que de l’intimée. L’appelante a affirmé qu’elle essayait de gérer la situation, mais qu’elle ne comprenait pas le processus ou la démarche pour s’opposer à la décision. Elle a dû entreprendre toute une démarche pour arriver à comprendre comment s’opposer à cette situation. Elle croyait devoir faire affaire avec l’ARC étant donné que c’était celle-ci qui lui envoyait des avis de dette mensuels. L’appelante a bel et bien informé l’intimée qu’elle avait eu des échanges avec l’ARC et son avocate ou avocat. Toutefois, les notes de l’intimée indiquent qu’elle n’a pas dit clairement à l’intimée, comme elle l’a fait dans son témoignage, qu’elle ne comprenait pas comment procéder pour s’opposer à la création du trop-payé. Par conséquent, l’intimée ne disposait pas de cette preuve pertinente lorsqu’elle a rendu sa décision, alors elle n’a pas pu en tenir compte.

[35] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de rejeter la demande de prorogation du délai de 30 jours, présentée par l’appelante, afin de présenter une demande de révision. Elle ne disposait pas de l’information pertinente que l’appelante avait présentée concernant sa confusion par rapport au processus pour s’opposer à la décision. De plus, elle a commis une erreur dans son application de l’article 1(1) du Règlement lorsqu’elle a déterminé que l’appelante avait une explication raisonnable pour le retard en considérant le bien-fondé de sa demande de révision plutôt que de mettre l’accent sur l’explication pour le retard.

[36] Puisque j’ai déterminé que l’intimée n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je dois maintenant déterminer si l’appelante devrait se voir accorder plus de temps pour présenter une demande de révision.

Question en litige no 3 : La demande de révision tardive de l’appelante devrait-elle être autorisée à aller de l’avant?

[37] Oui. Le Tribunal juge que la demande de révision tardive de l’appelante peut aller de l’avant.

[38] L’appelante a présenté sa demande de révision plus de 365 jours après la date à laquelle la décision initiale lui a été communiquée. Par conséquent, elle doit démontrer qu’elle satisfait aux quatre facteurs énoncés aux articles 1(1) et 1(2) du Règlement. Elle doit donc démontrer qu’elle a une explication raisonnable pour le retard et qu’elle avait l’intention persistante de demander une révision. Elle doit aussi démontrer que sa demande de révision a une chance raisonnable de succès et que l’autorisation d’un délai supplémentaire ne causerait aucun préjudice à l’intimée ou à une autre partie.

L’appelante avait-elle une explication raisonnable pour avoir demandé une prolongation de délai pour présenter une demande de révision et avait-elle l’intention persistante d’interjeter appel?

[39] Oui. J’estime que cela est le cas.

[40] L’on s’attend à ce qu’une partie prestataire poursuive l’appel avec la diligence qui peut raisonnablement être exigée d’elle (Grewal c Canada (Procureur général), 85-A-55).

[41] L’appelante a fourni un témoignage détaillé de ses efforts pour déterminer comment contester la décision initiale. Elle a commencé par communiquer avec l’ARC peu de temps après avoir reçu le relevé initial montrant que l’employeur payait seulement 130 $ par mois pour rembourser la dette, et on lui a dit que cette entente conclue par l’employeur était permise par l’ARC. Elle a obtenu de l’aide d’une avocate ou d’un avocat et ensuite, elle a communiqué de nouveau avec l’ARC. Ce n’est que lorsqu’elle a enfin été redirigée par l’ARC vers l’intimée qu’on lui a expliqué comment procéder pour présenter une demande de révision. L’appelante a affirmé qu’avant de présenter cette demande, elle n’avait jamais demandé ou reçu de prestations d’AE. Il s’agissait d’une question complexe et la démarche à suivre pour tenter de résoudre le problème n’était pas claire.

[42] Je juge que l’appelante a raisonnablement expliqué son retard. Il s’agit d’une question très inhabituelle et complexe et il est raisonnable que l’appelante n’ait pas su comment procéder pour s’opposer au fait que la dette était encore à son nom, surtout étant donné qu’il s’agissait de sa première demande de prestations d’AE. Il est aussi raisonnable qu’elle ait cru que l’ARC était l’organisme avec lequel elle devait faire affaire, puisque les avis mensuels provenaient de l’ARC.

[43] J’estime que l’appelante a également démontré qu’elle avait l’intention persistante de présenter une demande de révision. L’intimée soutient que l’appelante savait que la dette était à son nom depuis le 1er juillet 2017 et qu’elle savait aussi que l’employeur remboursait la dette au moyen de paiements mensuels. C’est seulement lorsque l’employeur a cessé de faire des paiements qu’elle a commencé à en appeler de la décision. L’intimée affirme qu’elle n’a pas contesté la décision auprès d’elle avant mai 2018 et qu’elle n’a donc pas démontré qu’elle avait l’intention persistante de demander une révision.

[44] L’appelante a expliqué dans son témoignage combien il avait été difficile pour elle de déterminer comment s’opposer à la décision du 28 juin 2017, compte tenu de la complexité de la question et du fait qu’elle croyait devoir faire affaire avec l’ARC. J’accepte son témoignage crédible selon lequel lorsqu’elle a initialement communiqué avec l’ARC, on lui a dit que l’employeur avait le droit de négocier le remboursement de la dette qui était à son nom. J’accepte qu’elle a ensuite obtenu de l’aide de son avocate ou avocat, qui a eu des échanges avec l’employeur, ce qui a pris du temps. J’accepte aussi le témoignage de l’appelante selon lequel elle a communiqué avec de multiples services de l’ARC pour essayer de faire en sorte que son nom ne soit plus associé à la dette et qu’elle a finalement été redirigée vers l’intimée et informée qu’elle devait obtenir et présenter un formulaire de demande de révision, ce qu’elle a fait. Je note qu’il y a une lettre au dossier datée du 18 mai 2018 dans laquelle l’appelante s’oppose de nouveau à ce que le trop-payé soit à son nom. Le 12 juin 2018, l’appelante a été informée par l’intimée qu’elle devait régler cette affaire avec son avocate ou avocat ainsi que son ancien employeur. J’estime que l’appelante ne savait pas quel processus suivre pour s’opposer à la décision du 28 juin 2017, et que par les diverses étapes qu’elle a suivies pour déterminer comment procéder, elle a démontré qu’elle avait l’intention persistante de demander une révision.

La demande de révision a-t-elle une chance raisonnable de succès?

[45] Oui. J’estime que la demande de révision a une chance raisonnable de succès.

[46] L’intimée soutient que les prestations d’AE ont été versées à l’appelante et que la dette a été créée à son nom. L’intimée affirme qu’elle a l’obligation légale de rembourser la dette, conformément aux articles 44 et 45 de la Loi sur l’AE. L’intimée soutient également que le remboursement de la dette ne relève pas de sa compétence et que la défalcation du trop-payé ne peut pas faire l’objet d’une révision.

[47] L’appelante soutient que le montant du trop-payé n’est pas exact étant donné qu’elle n’a pas reçu le montant forfaitaire et seulement certains des paiements de continuation du salaire qui représentaient le paiement du montant forfaitaire. De plus, elle soutient que le trop-payé n’aurait pas dû être créé à son nom, mais plutôt à celui de l’employeur étant donné que l’employeur a retenu le montant dû à l’intimée du paiement du montant forfaitaire qui devait lui être versé et qu’il est ainsi dans l’obligation de rembourser ce montant.

[48] Je suis d’accord avec l’intimée que le remboursement de la dette ne relève pas de sa compétence et que le trop-payé ne peut pas faire l’objet d’une révision. Toutefois, j’estime que la demande de révision de l’appelante a une chance raisonnable de succès pour ce qui est de déterminer si le montant du trop-payé est correct et si le trop-payé avait dû même être créé à son nom.

[49] Compte tenu du fait que l’entente initiale a été modifiée afin de refléter la nouvelle façon dont le montant forfaitaire serait payé, et du témoignage crédible de l’appelante selon lequel elle n’a pas reçu le montant forfaitaire, mais seulement certains des paiements de continuation du salaire qui devaient représenter ce montant forfaitaire, il est possible que le montant du trop-payé (6 337 $) ne reflète pas exactement les paiements réels versés en rémunération à l’appelante. Par conséquent, la demande de révision de l’appelante a une chance raisonnable de succès pour ce qui est de déterminer si le montant du trop-payé a bien été calculé.

[50] De plus, je note que l’article 45 prévoit qu’une personne qui a reçu un versement excédentaire de prestations par rapport au montant auquel elle est admissible doit immédiatement le rembourser. Toutefois, l’article 46 de la Loi sur l’AE prévoit que lorsqu’une partie prestataire a reçu des prestations au titre d’une période et que, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, la totalité ou une partie de ces prestations est ou a été retenue sur la rémunération, notamment les dommages-intérêts pour congédiement abusif, qu’un employeur de cette personne est tenu de lui verser au titre de la même période, cet employeur est tenu de verser la totalité ou cette partie des prestations au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations.

[51] La Cour d’appel fédérale a conclu que l’article 38(3) (maintenant devenu l’article 46) a préséance sur l’imposition d’une responsabilité conjointe à la partie prestataire et l’employeur prévue aux articles 45 et 47. L’article 45 s’applique seulement si l’employeur omet de respecter son obligation en application de l’article 46 de vérifier si un montant serait dû et déduire le montant des prestations (Lauzon c CEIC, 231 N.R. 111 (CAF)).

[52] La demande de révision de l’appelante a une chance raisonnable de succès en ce qui concerne le fait que l’appelante n’est pas responsable du trop-payé. L’article 46 de la Loi sur l’AE porte à croire que ce serait l’employeur qui serait responsable du trop-payé et non l’appelante, étant donné qu’il a déduit une retenue du montant forfaitaire qui devait être remboursé pour les prestations d’AE que l’appelante avait reçues.

[53] J’estime que pour les raisons susmentionnées, la demande de révision de l’appelante a une chance raisonnable de succès.

Est-ce qu’un préjudice serait causé en accordant une prorogation de délai pour présenter la demande?

[54] L’intimée n’a pas soutenu qu’un préjudice serait causé à la Commission ou à d’autres parties si une prorogation du délai pour demander une révision était accordée à l’appelante. Rien ne prouve qu’un préjudice serait causé si l’on accordait à l’appelante une prorogation du délai. Par conséquent, je juge qu’aucun préjudice ne serait causé à la Commission ou à d’autres parties si l’on accordait à l’appelante une prorogation du délai pour demander une révision.

Conclusion

[55] L’appel est accueilli. L’intimée devra procéder à une révision de la décision du 28 juin 2017.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 15 février 2019

Téléconférence

M. N., appelante

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