Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi. D’autres solutions raisonnables s’offraient à lui.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme cuisinier dans une chaîne de restauration rapide pendant environ 15 ans. Il a quitté son emploi en raison de conditions de travail dangereuses parce que l’huile chaude lui brûlait les mains. La démission de l’appelant s’expliquait aussi par des raisons de santé et d’âge. L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi régulières. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (l’intimée) a exclu l’appelant du bénéfice des prestations du fait que celui-ci n’était pas fondé à quitter son emploi puisque d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui telles que trouver un autre emploi ou obtenir une directive de son médecin lui conseillant de quitter son emploi. Un appel a été interjeté devant le Tribunal de la sécurité sociale et l’appelant a souligné qu’il avait quitté son emploi en raison de conditions de travail dangereuses, de raisons de santé, de harcèlement de la part d’une collègue et parce que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de son âge.

Questions préliminaires

[3] Ni l’appelant, ni l’intimée n’ont participé à l’audience par téléconférence du 6 mars 2019. Le Tribunal a attendu 25 minutes après l’heure prévue de l’audience et a procédé à l’audience.

[4] L’appelant a déposé son avis d’appel auprès du Tribunal le 24 janvier 2019 et a autorisé le Tribunal à communiquer avec lui par courriel en lui fournissant une adresse de courriel (GD2‑2). Le Tribunal a transmis par courriel un avis d’audience et d’autres éléments de preuve documentaire à l’appelant, le 20 février 2019. Le 27 février 2019, le Tribunal a communiqué avec l’appelant par téléphone pour confirmer qu’il avait bien reçu le courriel envoyé. L’appelant a indiqué qu’il n’avait pas reçu le courriel précédent qui avait été envoyé à l’adresse courriel de sa fille. Il a demandé au Tribunal qu’on lui envoie à son adresse courriel. Le Tribunal a donc envoyé l’avis d’audience et les éléments de preuve documentaire à l’adresse courriel de l’appelant le 27 février 2019.

[5] Si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience (par.12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale). Rien au dossier n’indique que le courriel a été retourné au Tribunal avec une mention qu’il n’aurait pas été remis, et il n’y a eu aucune autre communication avec l’appelant. Par conséquent, je suis convaincue que l’appelant a reçu l’avis d’audience, et j’ai procédé en son absence.

Questions en litige

[6] Question 1 : Quelle était la raison de la cessation d’emploi?

[7] Question 2 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison de harcèlement au travail? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

[8] Question 3 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison de discrimination fondée sur l’âge? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

[9] Question 4 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi pour des raisons de santé ou en raison de conditions de travail dangereuses? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

Analyse

[10] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification (par. 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi). Le prestataire doit prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi et que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (art. 29 de la Loi).

[11] L’intimée doit prouver que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Une fois qu’elle s’en est acquittée, c’est à l’appelant qu’il incombe de prouver qu’il était fondé à le faire (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190).

[12] L’objectif de la Loi est d’indemniser des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail (Gagnon c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada), [1988] 2 R.C.S. 29).

[13] La question ne consiste pas à déterminer s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à déterminer si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129).

Question 1 : Quelle était la raison de la cessation d’emploi?

[14] J’estime que l’appelant a quitté son emploi le 30 octobre 2018. Cela n’est pas contesté par les parties et est conforme à la demande de prestations de l’appelant et au relevé d’emploi qui indiquent tous deux qu’il a démissionné (GD3-7; GD3-24).

Question 2 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison de harcèlement au travail? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

[15] Non, j’estime que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi en raison de harcèlement au travail parce que la preuve était insuffisante pour appuyer cette conclusion. Il existait également d’autres solutions de rechange raisonnables, comme celle de signaler ses préoccupations en matière de harcèlement à son employeur ou à une tierce partie.

[16] J’ai examiné l’alinéa 29(c)(i) de la Loi : harcèlement de nature sexuelle ou autre.

[17] L’appelant a noté dans son formulaire d’appel qu’il était harcelé par sa collègue et que cela affectait sa capacité mentale (GD2-5). Il a écrit ce qui suit : [traduction] « J’ai aussi omis de mentionner ce qui suit dans ma première demande par crainte d’être jugé. Il y a une employée chez [nom de l’employeur enlevé] qui cherchait constamment la querelle. Elle me faisait toujours passer un mauvais quart d’heure, me harcelait et se moquait de moi. À de nombreuses reprises, j’ai parlé d’elle à un superviseur et à un gestionnaire qui ont reconnu son inconduite, mais qui ont refusé de régler la situation ».

[18] L’intimée fait valoir que l’appelant n’a fourni aucun détail à propos du harcèlement dans ses formulaires de demande initiale et de demande de révision (GD4-3). L’intimée a ajouté que, pour répondre aux critères de la justification, il devait démontrer qu’il avait pris les mesures nécessaires pour régler la situation. L’employeur a aussi dit à l’intimée que l’appelant ne lui avait fait part d’aucune préoccupation à cet égard (GD3-27).

[19] Je ne suis pas convaincue que l’appelant a fait l’objet de harcèlement de la part d’une collègue parce qu’il n’a fourni aucun détail ou contexte ni aucune date à laquelle le harcèlement se serait produit. De plus, il n’existait aucun élément de preuve démontrant qu’il avait signalé ses préoccupations en matière de harcèlement à son employeur ou à une tierce partie, lorsqu’il a soulevé ses préoccupations et en a fait part.

[20] J’ai également donné préséance aux déclarations initiales de l’appelant plutôt qu’à sa déclaration subséquente parce qu’il a parlé à l’intimée à trois reprises et qu’il a omis de mentionner toute préoccupation de harcèlement au travail (GD3-28; GD3-29; GD3-35). Je n’accepte pas son argument selon lequel il n’a pas soulevé ses préoccupations par crainte d’être jugé parce qu’il a ouvertement discuté de ses préoccupations concernant les conditions de travail prétendument dangereuses. Le tribunal a également conclu que lorsqu’un prestataire a omis de mentionner le harcèlement dans sa déclaration initiale, le fait de retenir cette déclaration initiale plutôt que ses déclarations subséquentes ne constitue pas une erreur (Cundle c Canada (Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2007 CAF 364).

[21] Dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi, ce qui aurait été raisonnable dans les circonstances (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190). De plus, une autre solution de rechange raisonnable aurait été de parler à son médecin pour discuter de ses options si sa santé mentale était affectée en raison du harcèlement allégué. Par conséquent, je conclus que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi en raison du harcèlement, en vertu du sous-alinéa 29c)(i) de la Loi.

Question 3 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison de discrimination fondée sur l’âge? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

[22] Non, j’estime que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi en raison de discrimination parce que la preuve était insuffisante pour appuyer cette conclusion. Il existait également d’autres solutions de rechange raisonnables, comme celle de signaler ses préoccupations à son employeur ou à une tierce partie.

[23] J’ai examiné le sous-alinéa 29(c)(iii) de la Loi : discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[24] L’appelant a noté dans ses formulaires d’appel que son employeur faisait preuve de discrimination fondée sur l’âge à son égard (GD2-5). L’appelant a écrit qu’on lui avait promis un emploi de caissier, mais que son employeur l’avait rejeté par la suite en raison de son âge et de son apparence, lui préférant une jeune femme.

[25] L’employeur a dit à l’intimée que l’appelant avait quitté son emploi parce qu’il était trop vieux pour l’emploi et parce qu’il n’avait pas obtenu la promotion qu’il souhaitait comme gestionnaire de quart (GD3-27). L’employeur a ajouté qu’il n’y avait aucun poste disponible et que l’appelant ne maîtrisait pas l’anglais, ce qui était une exigence.

[26] Je ne suis pas convaincue que l’appelant a subi de la discrimination fondée sur l’âge parce qu’on ne lui a pas offert un emploi différent ou une promotion. L’appelant n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il satisfaisait aux exigences ou qu’il était qualifié pour d’autres postes. En outre, l’employeur a souligné que l’appelant avait reconnu qu’il était trop vieux pour l’emploi, ce qui, je le note, était également conforme à la déclaration faite par l’appelant à l’intimée selon laquelle il était trop fatigué pour faire ce genre de travail (GD3‑28). Cela donne à penser que l’appelant estimait qu’il était trop âgé et fatigué pour son emploi, et non que c’était la conduite ou les actions de l’employeur qui étaient discriminatoires à son égard en raison de son âge.

[27] Une solution de rechange raisonnable aurait été de discuter de ses préoccupations avec son employeur ou une tierce partie. Par conséquent, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé que son employeur avait fait preuve de discrimination fondée sur l’âge à son égard et qu’il ne s’agit pas d’une justification pour quitter son emploi en vertu du sous-alinéa 29(c)(iii) de la Loi.

Question 4 : L’appelant était-il fondé à quitter son emploi pour des raisons de santé ou en raison de conditions de travail dangereuses? Avait-il d’autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui?

[28] Non, j’estime que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi pour des raisons de santé ou en raison de conditions de travail dangereuses parce que la nature de son emploi l’exposait à certains éléments et qu’il avait accepté ces conditions pendant plusieurs années. D’autres solutions raisonnables s’offraient à l’appelant comme celle de discuter de ses préoccupations et d’obtenir des mesures d’adaptation auprès de son employeur ou de toute autre tierce partie, y compris son médecin.

[29] J’ai examiné le sous-alinéa 29(c)(iv) de la Loi : conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité.

[30] L’appelant a fait état de problèmes de sécurité à son lieu de travail dans son appel (GD2‑5). Il a noté que son travail de cuisiner affecté à la friture était dangereux parce qu’il était exposé à l’huile chaude et à une chaleur excessive avec une protection minimale. Il a dit qu’il avait subi de multiples brûlures, des bouffées de chaleur, des blessures et qu’il n’est plus capable de supporter de telles blessures parce qu’il vieillit.

[31] L’employeur a dit à l’intimée que les éclaboussures d’huile étaient fréquentes pour les personnes qui travaillent avec la friteuse (GD3-27). L’employeur a indiqué que tous les employés reçoivent à l’occasion une goutte d’huile sur les mains, mais qu’ils portent des gants pour se protéger. L’employeur a déclaré que l’appelant ne s’était jamais plaint de problèmes de sécurité et qu’il n’avait jamais signalé de blessures liées au travail.

[32] Je ne suis pas convaincue qu’il y avait des problèmes de sécurité ou des conditions de travail dangereuses parce que l’appelant a travaillé comme cuisinier pendant plusieurs années et qu’il avait accepté ces conditions de travail dès le départ. Rien n’indique que les conditions de travail ont changé ou empiré. L’appelant a également reçu de l’équipement de sécurité, notamment des gants pour protéger ses mains de l’huile chaude et de la chaleur. Il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir qu’il avait déjà fait part de ses préoccupations ou de ses blessures à son employeur ou à son médecin, lorsqu’il les a signalées et qu’il en a fait état.

[33] Le tribunal a conclu que le prestataire qui quitte son emploi parce qu’il craignait qu’il y ait des conditions de travail dangereuses sans discuter avec son employeur de la possibilité d’instituer des mesures pour réduire ses craintes n’est pas fondé à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Hernandez, 2007 CAF 320).

[34] Le tribunal a aussi conclu que le fait de conserver son emploi jusqu’à ce qu’un nouvel emploi soit obtenu constitue généralement une solution de rechange raisonnable à la décision unilatérale de quitter un emploi (Canada (Procureur général) c Graham, 2011 CAF 311).

[35] J’estime que l’appelant aurait pu faire part de ses préoccupations à son employeur ou à un tiers, ou encore obtenir un autre emploi ailleurs, qu’il aurait pu discuter de ses préoccupations avec son médecin parce qu’il s’agissait là de solutions de rechange raisonnables. Par conséquent, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi parce que ses conditions de travail constituaient un danger pour la santé ou la sécurité, en vertu du sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi.

Conclusion

[36] Après avoir examiné toutes les circonstances, de façon individuelle et cumulative, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi pour l’une ou l’autre des raisons mentionnées ci-dessus parce que plusieurs autres solutions de rechange raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi.

[37] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Comparutions :

Le 6 mars 2019

Téléconférence

Aucune

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.