Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, D. F., a demandé et a reçu des prestations d’assurance emploi. Alors qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi et fréquentait l’école à temps plein, il a accepté un emploi à temps partiel. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a autorisé le demandeur à continuer de recevoir des prestations et lui a conseillé de maintenir une recherche d’emploi active et de signaler tout changement dans son statut d’emploi.

[3] Le demandeur a quitté son emploi à temps partiel pour un autre travail, et la Commission a réévalué sa disponibilité. La Commission a conclu que le demandeur ne démontrait plus qu’il était disponible pour travailler.

[4] Le demandeur a demandé la révision de cette décision, et lorsque la Commission a maintenu sa décision en concluant que le demandeur n’était pas disponible pour travailler en raison des limitations liées à ses études à temps plein, il a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

[5] La division générale a conclu que le demandeur avait manifesté son désir de réintégrer le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert et qu’il avait déployé des efforts pour trouver un emploi convenable. Toutefois, la division générale a également conclu que le demandeur avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. De ce fait, le demandeur n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[6] Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel. Il a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en appliquant mal la jurisprudence contraignante et en l’obligeant à postuler pour des emplois qui vont à l’encontre de ses convictions morales, tout en ne tenant pas compte du Guide de la détermination de l’admissibilité. Toutefois, son principal argument est qu’en l’excluant du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison des limitations personnelles liées à sa recherche d’emplois, la Commission et la division générale ont violé ses droits au titre des articles 2 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[7] Les arguments liés à la Charte qu’a invoqués le demandeur ne confèrent aucune chance raisonnable de succès à l’appel parce que le demandeur n’a soulevé aucune question relative à la Charte devant la division générale. Il n’a pas non plus affirmé qu’il devait considérer des emplois qui vont à l’encontre de ses convictions morales.

[8] Les autres moyens d’appel invoqués par le demandeur ne confèrent aucune chance raisonnable de succès à l’appel parce que le demandeur ne fait que répéter les arguments qu’il a présentés à la division générale et il ne fait état d’aucune erreur susceptible de révision.

Questions en litige

[9] Est-il défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle ou ait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ou qu’elle ait commis une erreur de droit en contrevenant aux articles 2 et 7 de la Charte?

[10] Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur de droit en :

  1. mal appliquant le critère juridique sur la disponibilité établi dans la jurisprudence contraignante;
  2. ne tenant pas compte du fait que d’obliger le demandeur à considérer des emplois moins convoités allait à l’encontre de ses convictions morales;
  3. ne tenant pas compte de la Charte?

Analyse

[11] La partie demanderesse doit obtenir la permission d’en appeler pour interjeter appel d’une décision de la division générale. La division d’appel doit accorder ou refuser la permission d’en appeler, et un appel peut être instruit que si la permission est accordéeNote de bas de page 1.

[12] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, existe-t-il un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait être accueilliNote de bas de page 2?

[13] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3 fondée sur une erreur susceptible de révisionNote de bas de page 4. Les seules erreurs susceptibles de révision sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Le demandeur fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de sa situation particulière. Il soutient que le fait de postuler pour un emploi qui était [traduction] « très éloigné de [son] niveau de scolarité et de son expérience connexe » allait à l’encontre de ses convictions morales, et qu’en imposant cette exigence, la Commission et le Tribunal ont violé son droit à la liberté de conscience et à la liberté sous forme d’autonomie personnelle de prendre des décisions importantes.

Questions en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle ou ait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ou qu’elle ait commis une erreur de droit en contrevenant aux articles 2 et 7 de la Charte?

[15] J’estime qu’il n’est pas défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle ou ait refusé d’exercer sa compétence.

[16] La « justice naturelle » fait référence à l’équité du processus et comprend les protections procédurales comme le droit à un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître la preuve contre elle. Il est bien établi en droit que la partie demanderesse a le droit de s’attendre à une audience équitable où elle a pleinement l’occasion de présenter sa cause devant un décideur impartialNote de bas de page 5.

[17] Le demandeur n’a pas exprimé de préoccupations concernant l’équité du processus devant le Tribunal. Il a soutenu que ses droits garantis par la Charte avaient été violés pour la première fois à la division d’appel. Il n’a pas été privé d’une occasion de soulever ces arguments devant la division générale.

[18] Le demandeur n’a présenté aucun argument fondé sur la Charte devant la division générale. Il a confirmé ce fait par écrit après que la division d’appel lui a demandé de le faireNote de bas de page 6.

[19] Généralement, les arguments fondés sur la Charte ne peuvent pas être soulevés pour la première fois en appel. Ils doivent d’abord être invoqués devant la division générale du TribunalNote de bas de page 7, et non devant la division d’appel.

[20] La division d’appel a toujours refusé d’accorder la permission d’en appeler en s’appuyant sur des arguments fondés sur la Charte lorsque la partie demanderesse ne soulève pas la question liée à la Charte devant la division généraleNote de bas de page 8. Même si je ne suis pas liée par les décisions antérieures de la division d’appel, celles-ci peuvent avoir une force persuasive. Je souligne également que, « s’il est vrai qu’une formation du tribunal n’est pas liée par les décisions de formations antérieures, il est également vrai que cette formation ne devrait pas s’écarter sans raison des décisions antérieuresNote de bas de page 9 ».

[21] Dans l’arrêt Papouchine c Canada (Procureur général)Note de bas de page 10, la Cour fédérale a récemment examiné un dossier dans lequel la partie prestataire a présenté une contestation fondée sur la Charte devant la division d’appel du Tribunal sans d’abord étudier cette question devant la division générale. La partie prestataire avait soulevé un argument fondé sur la Charte devant la division générale, mais elle n’avait pas déposé les avis requis selon le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Il n’y avait aucun document de preuve ou conclusion de fait portant sur la question liée à la Charte, et la division générale a traité ces arguments comme étant abandonnés. La division d’appel a refusé de tenir compte des arguments fondés sur la Charte en appel. La Cour fédérale a maintenu la décision de la division d’appel.

[22] En l’espèce, le demandeur n’a pas soulevé d’arguments fondés sur la Charte par écrit ou oralement lors de l’audience devant la division générale. Par conséquent, aucun document de preuve ou conclusion de fait ne traite de ses arguments fondés sur la Charte. Bien qu’il puisse y avoir des cas exceptionnels où les tribunaux ont permis de soulever un argument fondé sur la Charte pour la première fois en appel, aucune de ces exceptions ne s’applique en l’espèceNote de bas de page 11. De plus, je ne vois aucune raison de déroger des décisions antérieures de la division d’appel dans lesquelles elle avait refusé d’accorder la permission d’en appeler en s’appuyant sur des arguments fondés sur la Charte lorsque la partie demanderesse n’a pas soulevé la question liée à la Charte devant la division générale. En outre, le fait de permettre de soulever des arguments fondés sur la Charte pour la première fois dans cette affaire devant la division d’appel priverait la Commission d’une occasion d’interjeter appelNote de bas de page 12.

[23] La division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle ou n’a pas autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ou elle n’a pas commis d’erreur de droit relativement aux articles 2 et 7 de la Charte. Le demandeur n’a pas soulevé d’arguments fondés sur la Charte devant la division générale.

[24] Ce motif ne confère aucune chance raisonnable de succès à l’appel.

Question en litige no 2 : Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur de droit?

[25] J’estime qu’il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de droit concernant l’un des arguments invoqués par le demandeur.

Mal appliquer le critère juridique sur la disponibilité établi dans la jurisprudence contraignante

[26] Cet appel se joue sur la question de savoir si le demandeur a réussi à démontrer qu’il était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[27] La division générale a correctement énoncé la jurisprudence contraignante et les critères juridiques applicablesNote de bas de page 13, et, par conséquent, elle n’a pas commis d’erreur de droit.

[28] Le demandeur soutient que la division générale a mal appliqué le critère juridique énoncé dans Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 14 en accordant plus de poids au troisième critère qu’aux deux premiers.

[29] J’estime que la division générale a tenu compte de chacun des trois facteurs établis dans Faucher. Elle a déterminé que le demandeur a respecté les deux premiers facteurs, mais pas le troisième. Les trois facteurs doivent être respectés afin de prouver la disponibilité. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

[30] La division générale a conclu que le demandeur avait établi deux conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. Premièrement, le demandeur a confirmé qu’il limitait sa recherche d’emploi au domaine juridique, et deuxièmement, qu’il était seulement disponible pour travailler pendant les heures qui n’entraient pas en conflit avec son horaire de cours.

[31] La division générale s’est reportée à la jurisprudence applicable et a tenu compte de la preuve dans le dossier d’appel pour en arriver à ces conclusions.

[32] Ce motif ne confère aucune chance raisonnable de succès à l’appel.

Ne pas tenir compte du fait que d’obliger le demandeur à considérer des emplois moins convoités allait à l’encontre de ses convictions morales

[33] Le demandeur n’a pas soulevé cet argument précis devant la division générale. Il a précisé devant la division générale qu’il était à la recherche d’un emploi comme adjoint juridique, légiste ou adjoint parajuridique parce qu’il s’agit de postes dans son domaine d’études et que ceux-ci pourraient lui permettre de travailler en tant que parajuriste à temps plein, une carrière qu’il aimerait entreprendre.

[34] Le demandeur soutient maintenant que [traduction] « [le] pousser à trouver un emploi éloigné de [son] niveau de scolarité et de son expérience connexe irait à l’encontre de [ses] convictions morales personnellesNote de bas de page 15 ». Il s’agit de reformuler la déclaration qu’il a présentée à la division générale et à la Commission selon laquelle il ne devrait pas postuler pour un emploi en deçà de ses compétences.

[35] La division générale n’a pas présenté la question comme une affaire de convictions morales parce que le demandeur n’a pas fait valoir ses arguments en utilisant ces termes. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte du fait qu’un emploi moins convoité allait à l’encontre des convictions morales du demandeur.

[36] Ce motif ne confère aucune chance raisonnable de succès à l’appel.

Ne pas tenir compte de la Charte

[37] Le demandeur formule de nombreux arguments selon lesquels la division générale n’a pas tenu compte de certaines dispositions de la Charte.

[38] En effet, la division générale n’a aucunement mentionné la Charte. Elle a plutôt fait référence aux dispositions législatives applicables et à la jurisprudence contraignante, et elle les a appliquées correctement. Les dispositions législatives et la jurisprudence sont les autorités que la division générale doit interpréter et appliquer. Cependant, ce n’est pas le cas pour la Charte. Le fait de ne pas mentionner un document qui ne fait pas autorité pour rendre une décision au Tribunal ne constitue pas une erreur de droit.

[39] Ce motif ne confère aucune chance raisonnable de succès à l’appel.

Conclusion

[40] Je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La demande de permission d’en appeler est donc rejetée.

 

Représentants :

D. F., non représenté

Christian Malciw, représentant de la défenderesse

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