Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant était journalier chez X. Il a été congédié parce qu’il était incarcéré du 7 mai 2018 au 21 septembre 2018. L’appelant soutient qu’il a été congédié le 28 septembre 2018 et il affirme qu’il avait une entente avec l’employeur concernant son absence, mais que celui-ci a changé d’idée pendant qu’il était détenu. La Commission a conclu que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[3] L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[4] Si oui, les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

Analyse

L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[5] La directrice des ressources humaines chez l’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a été congédié parce qu’il ne pouvait se présenter au travail en raison de son emprisonnement. C’est également ce que le relevé d’emploi, daté du 3 octobre 2018, démontre (pièce GD3-25).

[6] L’appelant a déclaré qu’il avait commis un acte criminel et qu’il avait obtenu une sentence de quatre mois à purger en prison. Le 7 mai 2018, il a contacté l’employeur du centre de détention pour l’en aviser. Il souhaitait reprendre son travail après son séjour de quatre mois en prison, mais, entre-temps, l’employeur a trouvé un nouvel employé pour le remplacer et il l’a congédié le 28 septembre 2018.

[7] Parce qu’il était incarcéré, l’appelant s’est absenté du travail du 7 mai 2018 au 28 septembre 2018. Le Tribunal conclut que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur.

Les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

[8] Le Tribunal doit déterminer si les gestes posés par l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et le fardeau de démontrer que ces gestes constituent de l’inconduite incombe à la Commission (Procureur général du Canada c. Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

[9] Suite à une plainte pour harcèlement de la part de son ex-conjointe, l’appelant a reçu une sentence de quatre mois à purger en prison. Le 7 mai 2018, le jour de son emprisonnement, il a contacté l’employeur du centre de détention et l’a avisé qu’il ne pourrait pas se présenter au travail pour les quatre prochains mois. L’appelant soutient que l’employeur a accepté son absence pendant son incarcération.

[10] La directrice des ressources humaines chez l’employeur a déclaré à la Commission que le poste de l’appelant a été pourvu par quelqu’un d’autre en raison de son absence. L’employeur a expliqué qu’il avait été avisé le 7 mai 2018 que l’appelant ne pouvait se présenter au travail et qu’une semaine plus tard, l’appelant l’avait recontacté pour obtenir son « 4% », soit sa paie de vacances.

[11] Le représentant de l’appelant a déclaré à la Commission que l’employeur avait été avisé que l’appelant avait déposé un plaidoyer de culpabilité suite à une plainte criminelle déposée contre lui. L’employeur avait été avisé, mais il a décidé de le congédier à son retour. En ce sens, le représentant de l’appelant a fait valoir lors de l’audience que l’appelant a été congédié le 28 septembre 2018 lorsqu’il a contacté l’employeur pour revenir à l’emploi et que s’il a demandé sa paie de vacances en mai 2018, ce n’était pas pour quitter son emploi, mais parce qu’il avait besoin d’argent alors qu’il était en prison. Le représentant de l’appelant soutient que si l’appelant avait été congédié le 7 mai 2018, il n’aurait pas rappelé une semaine plus tard pour obtenir sa paie de vacances puisque celle-ci lui aurait été émise automatiquement. Il affirme que l’employeur n’a d’ailleurs émis le relevé d’emploi que le 3 octobre 2018.

[12] De plus, le représentant de l’appelant fait valoir que l’appelant a des problèmes de santé mentale et que ceux-ci doivent être pris en considération afin de déterminer si une inconduite a été commise. Il soutient que les problèmes de santé mentale de l’appelant ne peuvent être la cause de son inconduite. Il a expliqué que l’employeur était au courant de la condition de santé de l’appelant et que celle-ci était tolérée depuis plusieurs mois. L’employeur aurait même aidé l’appelant à se rendre à l’hôpital à un certain moment.

[13] La Commission soutient que, du fait de son emprisonnement, l’appelant n’a pu respecter son contrat de travail et que cette situation constitue une inconduite. Elle affirme que l’appelant a été reconnu coupable du geste qu’il a commis et que des circonstances atténuantes ne peuvent être évaluées.

[14] Le Tribunal précise que l'incapacité de respecter une condition à l'emploi est le résultat de l’inconduite et c’est cette inconduite qui a pour conséquence la perte de l'emploi (Brissette A-1342-92).

[15] D’abord, il est vrai que parce qu’il était incarcéré, l’appelant ne pouvait se présenter au travail et offrir sa prestation de travail. Si l’appelant avait été congédié le 7 mai 2018, cette absence au travail constituerait une inconduite puisqu’elle est un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail de l’appelant (Procureur général du Canada c Lemire, 2010 CAF 314).

[16] Cependant, dans ce cas particulier, le Tribunal est d’avis que l’employeur avait effectivement permis l’absence de l’appelant et qu’il ne l’a pas congédié le 7 mai 2018. La prépondérance de la preuve démontre que l’employeur a pris le temps de vérifier s’il pouvait remplacer l’appelant convenablement.

[17] Comme le représentant de l’appelant l’a fait valoir, l’appelant a déposé une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et une entente est intervenue entre l’appelant et l’employeur. Bien que le Tribunal ne soit pas lié par une telle entente, il est d’avis que, selon la prépondérance de la preuve, l’employeur n’a pas congédié l’appelant le 7 mai 2018 en raison de son absence causée par son incarcération. Lorsque l’appelant a contacté l’employeur le 28 septembre 2018, l’employeur avait embauché quelqu’un pour pourvoir son poste et il l’a alors congédié. L’employeur a attendu d’avoir la certitude d’avoir comblé le poste de l’appelant pour le congédier et il a émis le relevé de cessation d’emploi le 3 octobre 2018.

[18] L’inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Dans ce cas, l’employeur avait toléré l’absence de l’appelant et ne l’a congédié qu’une fois qu’il a trouvé une personne pouvant le remplacer. Certes, l’appelant était incarcéré et l’employeur n’avait aucun moyen de le joindre, mais s’il l’avait congédié le 7 mai 2018 comme il l’a allégué au départ et comme la Commission le soutient, il apparait évident que l’employeur aurait transmis le relevé de cessation d’emploi à l’appelant par la poste à sa résidence habituelle, d’autant plus que l’employeur avait déjà émis l’indemnité de vacances suite à sa demande de l’appelant.

[19] Bien que la Commission soutienne que l’employeur a mis fin à l’emploi de l’appelant le 4 mai 2018, la preuve démontre que l’employeur n’a pas émis un relevé d’emploi immédiatement. En effet, le Tribunal donne une prépondérance à la version de l’appelant qui indique avoir été avisé par l’employeur le 28 septembre 2018 qu’il ne pouvait réintégrer son poste. La prépondérance de la preuve démontre que l’employeur n’a pas congédié l’appelant au moment de son absence le 7 mai 2018, mais qu’il a attendu d’avoir embauché quelqu’un et qu’il s’est assuré que cette personne convenait pour l’emploi avant d’aviser l’appelant de son congédiement le 28 septembre 2018. L’employeur n’a pas émis le relevé de cessation d’emploi de l’appelant avant le 28 septembre 2018. En ce sens, l’appelant pensait continuer à travailler pour l’employeur puisqu’il n’a pas été avisé ni verbalement ni par écrit que son emploi prenait fin et que l’employeur avait toléré son absence.

[20] Certes, un appelant dont l’emploi a pris fin à la suite d’une incarcération ou d’une autre ordonnance judiciaire qui le rend incapable de se présenter au travail est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi que la cessation d’emploi soit le résultat d’un départ volontaire sans justification ou d’un congédiement pour inconduite. Cependant, dans ce cas-ci, la prépondérance de la preuve démontre que ce n’est pas pour cette raison que l’employeur a congédié l’appelant puisqu’il n’a émis le relevé d’emploi que le 3 octobre 2018. Le Tribunal partage l’avis de l’appelant lorsqu’il fait valoir que s’il avait été congédié le 7 mai 2018, il n’aurait pas rappelé une semaine plus tard pour obtenir sa paie de vacances puisque celle-ci lui aurait été émise automatiquement. L’employeur a d’ailleurs déclaré à la Commission qu’il a émis une paie de vacances parce que l’appelant lui en a fait la demande une semaine après le début de son absence (Borden 2004 FCA 176, Lavallée A-720-01, Easson A-1598-92, Brissette A-1342-92).

[21] Le Tribunal tient à préciser qu’il a évalué la preuve présentée concernant la condition de santé mentale de l’appelant. En ce sens, le Tribunal comprend des arguments présentés par l’appelant que l’employeur l’a congédié parce qu’il voulait se débarrasser de lui. Cependant, si l’employeur avait voulu se « débarrasser » de l’appelant, il l’aurait congédié le 7 mai 2018 puisque l’appelant ne pouvait effectuer sa prestation de travail. L’employeur s’est assuré de remplacer l’appelant avant de le congédier. Le Tribunal ne peut conclure que l’appelant a été congédié parce qu’il était incarcéré à compter du 7 mai 2018. C’est en ce sens que le Tribunal ne considère pas que l’inconduite alléguée était la véritable cause du congédiement de l’appelant (Macdonald A-152-96).

[22] Comme la Commission le précise dans son argumentation écrite supplémentaire, le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi à cause d'un geste qu'il a posé et si ce geste constitue de l'inconduite et, suivant la prépondérance de la preuve présentée, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas cessé d’occuper son emploi le 7 mai 2018 parce qu’il était absent du travail en raison de son incarcération.

[23] Le Tribunal est d’avis que l’emploi de l’appelant n’a pas pris fin parce qu’il ne s’était pas présenté au travail à compter du 7 mai 2018 puisque l’employeur a toléré cette situation jusqu’au remplacement de l’appelant par un autre employé, ne l’a avisé de son congédiement que le 28 septembre 2018 et a émis le relevé de cessation d’emploi le 3 octobre 2018. L’appelant a été avisé qu’il était congédié parce qu’une autre personne occupait son poste et que l’employeur n’avait pas un autre poste à lui offrir.

[24] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

7 mars 2019

Téléconférence

Yvan Bousquet, représentant de l’appelant

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