Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le Tribunal conclut que, du paiement forfaitaire de 97 607 $ versé à l’appelant par son employeur afin de régler une réclamation en dommages‑intérêts pour mauvais traitements dans un environnement de travail hostile et malsain, la somme de 14 831 $ constitue un revenu d’emploi et a été adéquatement déduite de ses prestations d’assurance-emploi (AE). Le reste du paiement forfaitaire ne constitue pas un revenu d’emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a dû quitter son emploi parce qu’il était malade et il réclame des prestations de maladie de l’AE.

[4] Il a quitté son emploi sur recommandation de son médecin en raison d’un environnement de travail malsain qui lui a causé des problèmes de santé. Il est parvenu à un règlement avec son employeur concernant les dommages-intérêts réclamés. Il affirme que les montants versés par l’employeur dans le cadre de ce règlement constituent un dédommagement  pour les divers dommages subis, mais qu’ils ne doivent pas être déduits de ses prestations d’AE parce qu’ils ne constituent pas des revenus d’emploi, à l’exception du montant de 14 831 $.

[5] L’appelant et son employeur ont signé une décharge générale confirmant le règlement de sa réclamation de 97 607 $. Cette décharge n’explique pas comment le paiement forfaitaire a été calculé, mais l’employeur affirme que la totalité du paiement constitue un revenu d’emploi, comme l’indique l’entente contractuelle exécutive de l’appelant.

[6] L’intimée a jugé que la totalité du paiement forfaitaire versé à l’appelant constitue un revenu d’emploi et doit être déduite de ses prestations d’AE.

Question

[7] Question no 1 : Le montant de 97 607 $ versé à l’appelant par son employeur constitue-t-il un revenu d’emploi?

[8] Question no 2 : Le cas échéant, l’intimée a-t-elle déduit adéquatement les revenus de l’appelant de ses prestations d’AE?

Analyse

[9]  Le montant qu’un employeur doit à un prestataire à titre de salaire est pris en compte pour vérifier s’il y a eu arrêt de rémunération et si le demandeur est admissible à des prestations d’AE (alinéa 35(2)a) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE)).

[10] Toute rémunération qu’un employeur verse à un prestataire en raison de la cessation de son emploi est présumée constituer un revenu d’emploi et doit être déduite des prestations d’AE (paragraphe 36(9) du Règlement sur l’AE).

[11] Le revenu intégral d’un prestataire, s’il découle d’un emploi, doit être pris en compte pour la répartition (paragraphe 35(2) du Règlement sur l’AE). Le Règlement sur l’AE définit le revenu de manière très générale comme étant tout revenu en espèces ou non que reçoit le prestataire (paragraphe 35(1) du Règlement sur l’AE). Il y a également lieu de se référer à la jurisprudence à cet égard.

[12] Il incombe au prestataire de démontrer que le paiement qu’il a reçu de son employeur ne constitue pas un revenu (Mayor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1989), 97 N.R. 353 (C.A.F.)).

[13] Si un prestataire affirme que les montants reçus de son employeur lui ont été versés pour d’autres raisons que la perte d’un revenu d’emploi, dans le cas d’un règlement ou d’une entente découlant d’une poursuite, d’une plainte ou d’une réclamation pour cause de congédiement, il incombe au prestataire de démontrer qu’en raison de « circonstances particulières », une partie de ces montants devrait être considérée comme un dédommagement pour une dépense ou une perte (Canada (Procureur général) c Radigan, A-567-99; Bourgeois c Canada (Procureur général), 2004 CAF 117).

Question no 1: Le montant de 97 607 $ versé à l’appelant par son employeur constitue-t-il un revenu d’emploi?

[14] Le Tribunal conclut que le paiement de 97 607 $ versé à l’appelant par son employeur en guise de règlement ne constitue pas un revenu d’emploi à déduire de ses prestations d’AE, à l’exception d’un montant de 14 831 $.

[15] Le Tribunal conclut que l’appelant a démontré l’existence de « circonstances particulières » établissant que la majeure partie du montant versé par son employeur constitue un dédommagement pour les divers dommages subis et non un revenu d’emploi.

[16] L’appelant a quitté son emploi sur recommandation de son médecin parce qu’il avait des problèmes de santé causés par son environnement de travail, où il était victime d’intimidation et de harcèlement de la part de son employeur. Il a réclamé des dommages-intérêts à ce dernier.

[17] L’appelant a déclaré que son environnement de travail était [traduction] « très hostile et malsain ».

[18] En guise de règlement des divers dommages-intérêts réclamés pour les mauvais traitements de son employeur, l’appelant a signé une entente de décharge générale. Cette décharge n’expliquait pas comment le paiement forfaitaire de 97 607 $ avait été calculé.

[19] Le Tribunal souscrit au témoignage de l’appelant selon lequel le paiement forfaitaire versé par l’employeur constituait un dédommagement en guise de règlement des dommages-intérêts réclamés par l’appelant en vue d’éviter une plainte en matière de santé et sécurité au travail, une poursuite ou l’escalade de la plainte déposée contre son employeur en vertu de la Human Rights Act de l’Alberta. Ce paiement a également été versé à titre de dédommagement pour qu’il abandonne ses droits de réintégration (GD2‑20 et GD2A-16).

[20] Le Tribunal conclut que du paiement forfaitaire total de 97 607 $, seule la somme de 14 831 $ constitue un revenu de commissions perdu, une paie de vacances et une indemnité de départ d’une semaine; le reste du paiement forfaitaire constitue un dédommagement. L’appelant a reconnu dans son témoignage que la somme de 14 831 $ a adéquatement été déduite de ses prestations d’AE à titre de revenu d’emploi, comme il l’a indiqué dans les documents déposés (GD2‑21).

[21] La décharge générale prévoit que le paiement forfaitaire de 97 607 $ constitue un dédommagement pour, entre autres, les dommages-intérêts réclamés pour perte ou blessure, préjudices moraux ou troubles émotionnels, ainsi que pour toute réclamation en matière de droits de la personne, de normes d’emploi et de santé et sécurité au travail. Ce paiement ne peut donc pas être caractérisé de revenu d’emploi.

[22] Le Tribunal ne retient pas l’argument de l’intimée ou de l’employeur selon lequel la totalité du paiement forfaitaire constitue un revenu d’emploi, même si la décharge indique que le règlement inclut le salaire et l’indemnité de départ.

[23] Le Tribunal conclut que le règlement auquel l’appelant et son employeur sont parvenus n’est pas un simple leurre pour contourner le régime de l’AE en camouflant une indemnité pour perte de salaire en autre chose (Canada c Plasse, 2000, A-693-99).

[24] L’employeur a fourni à l’intimée une ventilation du paiement forfaitaire versé à titre d’indemnité de départ, de perte de revenu de commissions et de paie de vacances, mais n’a pas fourni de renseignements pour appuyer cette ventilation, mentionnant seulement que selon sa propre interprétation, le montant est payable en application de l’entente contractuelle exécutive. Il n’a pas fourni d’information donnant à penser que l’appelant souscrit au calcul de cette ventilation ou à la caractérisation des réclamations.

[25] L’appelant a déclaré que l’article 6 n’a été utilisé que comme fondement pour tenter d’en arriver à un montant de règlement et qu’il ne souscrivait pas à la caractérisation de l’employeur selon laquelle l’intégralité du montant constitue un revenu d’emploi. Il a indiqué que sur le montant total de 97 607 $, la somme de 14 831 $ constitue un revenu de commissions non payé, une paie de vacances et une semaine de salaire (GD2-20).

[26] Le Tribunal conclut que l’article 6 de l’entente contractuelle exécutive prévoit que le calcul des réclamations constitue un revenu d’emploi si l’employeur congédie l’employé. Il est soutenu que ce calcul donne 97 607 $ et qu’il s’agit du montant versé à titre de paiement forfaitaire. Cependant, le Tribunal conclut que la clause ne s’applique pas aux dommages-intérêts réclamés par l’appelant puisqu’il n’a pas été congédié par l’employeur et que ses réclamations visent plusieurs dommages subis découlant de mauvais traitement de la part de l’employeur.

[27] L’appelant a payé des frais juridiques de 1 875 $ pour obtenir un règlement avec l’employeur, et le Tribunal juge que l’on ne peut caractériser cette somme de revenu d’emploi. La décharge prévoit que le paiement forfaitaire sert à couvrir les [traduction] « dépens » de l’appelant, mais l’employeur n’a pas intégré ces coûts dans sa ventilation du paiement forfaitaire, ce qui va à l’encontre de sa caractérisation de la ventilation du paiement.

[28] Le Tribunal souscrit au témoignage de l’appelant selon lequel le règlement de 87 607 $, moins la somme de 14 831 $, constitue un dédommagement pour divers dommages causés par un mauvais traitement de la part de son employeur.

Question no 2: Le cas échéant, l’intimée a-t-elle déduit adéquatement les revenus de l’appelant de ses prestations d’AE?

[29] Le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas déduit adéquatement le paiement forfaitaire de 97 607 $ versé à l’appelant par l’employeur de prestations d’AE puisqu’il ne s’agissait pas d’un revenu d’emploi, sauf pour la somme de 14 831 $.

[30] L’intimée a jugé que le paiement forfaitaire que l’appelant a reçu de son employeur constituait un revenu d’emploi et l’a déduit de ses prestations d’AE parce que ce paiement avait été versé à titre de dédommagement pour la cessation de son emploi. Toutefois, l’intimée se fonde sur la caractérisation que l’employeur a faite du paiement forfaitaire ainsi que sur son calcul de la ventilation, mais le Tribunal conclut que ceux-ci ne sont pas étayés par les renseignements au dossier et le témoignage de l’appelant.

[31] Les « revenus » sont définis comme étant une contrepartie pour un travail présent ou passé (Canada (Procureur général) c Vernon (1995), 189 N.R. 308 (CAF)).

[32] Le Tribunal conclut que la décharge prévoit que la contrepartie pour le paiement forfaitaire comprend des chefs de réclamation qui ne sont pas des revenus d’emploi, notamment des dépenses, des dommages-intérêts pour congédiement injuste, une renonciation aux droits de réintégration, des dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne et d’autres questions découlant de son emploi, y compris les mauvais traitements subis dans le cadre de celui-ci.

[33] Le Tribunal souscrit au témoignage de l’appelant selon lequel la somme de 14 831 $ constitue un revenu d’emploi et le reste du paiement forfaitaire de 97 607 $ reçu de la part de l’employeur n’en est pas un et ne doit pas être déduit des prestations d’AE de l’appelant.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli. Le montant à déduire à titre de revenu d’emploi durant la période de prestations d’AE de l’appelant s’élève à 14 831 $ et non à 97 607 $ comme l’avait établi l’intimée.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Parties présentes :

Le 27 mars 2019

Téléconférence

R. C., appelant
Juliette Fontaine, représentante de l’appelant

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