Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler ainsi que la demande de permission d’en appeler sont toutes deux rejetées.

Aperçu

[2] R. P. (prestataire) touchait des prestations d’assurance-emploi (AE) lorsqu’il a commencé à travailler pour une entreprise qui fournissait des services de main-d’œuvre temporaire à sa clientèle. En février 2015, cette entreprise a produit un relevé d’emploi selon lequel elle avait versé un salaire au prestataire pendant certaines des mêmes semaines pendant lesquelles il avait touché des prestations d’AE et selon lequel il avait quitté son emploi le 5 janvier 2015. Lorsque la Commission de l’assurance-emploi du Canada a ét mis au courant de cela, elle a demandé que le prestataire rembourse une partie des prestations d’AE qu’il avait touchées, elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’AE après qu’il a quitté son emploi, elle a imposé une pénalité de 564 $ et elle a émis un avis de violation contre le prestataire pour avoir sciemment fait de fausses déclarations à la Commission.

[3] Le prestataire a contesté la décision de la Commission. Dans le cadre du processus de révision, la Commission a réduit la somme de la pénalité et elle a annulé l’avis de violation. Elle a toutefois maintenant la décision relative à l’exclusion. Le prestataire a ensuite contesté la décision découlant de la révision de la Commission devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté son appel. En résumé, la division générale a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi malgré le fait qu’il avait d’autres solutions raisonnables. Par conséquent, il n’était pas fondé à quitter son emploi et il a été exclu du bénéfice de prestations d’AE, comme il est prévu aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1 (Loi sur l’AE).

[4] Le prestataire veut maintenant appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal; mais il a deux obstacles à surmonter avant que le dossier puisse aller de l’avant. Tout d’abord, étant donné que la demande de permission d’en appeler du prestataire a été présentée après l’expiration du délai de 30 jours, il doit obtenir une prorogation du délai. Ensuite, comme dans la plupart des appels devant la division d’appel du Tribunal, il doit également obtenir la permission d’en appeler.

[5] Malheureusement pour le prestataire, j’ai conclu qu’il n’a su surmonter ni l’un ni l’autre de ces obstacles préliminaires.

Questions en litige

[6] J’ai mis l’accent sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?
  2. Doit-on accorder au prestataire une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler?
  3. Doit-on accorder au prestataire la permission d’en appeler?

Analyse

Question en litige no 1 : La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?

[7] Oui, la demande de permission d’en appeler a été présentée en retard.

[8] Une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 30 jours après qu’un requérant reçoit sa décision de la division générale; la division d’appel peut cependant proroger ce délai, dans la mesure où la demande est présentée avec moins d’un an de retardNote de bas de page 2.

[9] En l’espèce, la décision de la division générale est datée du 26 novembre 2018, et le prestataire admet l’air reçu au début de décembreNote de bas de page 3. La demande de permission d’en appeler du prestataire devait donc être présentée au début de janvier, mais le Tribunal l’a seulement reçue le 1er février 2019. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler a été présentée plus d’une année en retard.

Question en litige no 2 : Doit-on accorder au prestataire une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler?

[10] Le prestataire n’a pas satisfait au critère juridique lui permettant d’obtenir une prorogation du délai.

[11] Pour trancher cette question, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs suivantsNote de bas de page 4 :

  1. Est-ce que le prestataire a démontré une intention constante de poursuivre l’appel?
  2. Le prestataire a-t-il fourni une explication raisonnable pour le retard?
  3. Une prorogation du délai causerait-elle préjudice à une autre partie?
  4. Existe-t-il une cause défendable en appel?

[12] Il n’est pas obligatoire de respecter l’ensemble des quatre facteurs; la considération primordiale est celle de savoir si une prorogation du délai est dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 5.

Intention constante de poursuivre l’appel

[13] Le prestataire déclare avoir formé l’intention d’interjeter appel de la décision de la division générale peu après avoir reçu la décision. Toutefois, rien ne prouve qu’il a déjà communiqué cette intention au Tribunal ou à la Commission. Par conséquent, j’estime que ce facteur n’est pas respecté.

Retard raisonnablement expliqué

[14] La page de présentation que le Tribunal a envoyée pour accompagner la décision de la division générale mentionnait clairement que la demande de permission d’en appeler du prestataire devait être présentée dans les 30 jours suivants. Cependant, le prestataire souhaitait obtenir l’aide d’une avocate ou d’un avocat pour interjeter appelNote de bas de page 6. Selon le prestataire, il a rencontré un avocat de Neighbourhood Legal Services [services juridiques du quartier] en janvier, mais celle-ci avait besoin de temps pour examiner le dossier, faire une recherche sur les questions pertinentes et préparer les documents administratifs nécessaires.

[15] À mon avis, il était raisonnable que le prestataire essaie de trouver une avocate ou un avocat pour l’aider à plaider sa cause, et je reconnais la mesure dans laquelle cela aurait pu prendre plus de temps au cours des fêtes. Toutefois, la raison pour laquelle les Neighbourhood Legal Services ont pris trois ou quatre semaines pour présenter la demande de permission d’en appeler demeure un peu difficile à expliquer.

[16] J’ai conclu que ce facteur est neutre.

Préjudice à une autre partie

[17] Eu égard aux ressources de la Commission et à la disponibilité des documents pertinents, il n’y a aucune raison évidente pour laquelle l’agrément d’une prorogation de délai nuirait indûment à la capacité de la Commission de répondre à l’appel.

Cause défendable

[18] Selon moi, l’appel du prestataire ne soulève pas une cause défendable.

[19] Dans sa décision, la division générale a posé deux questions principales avant d’y répondre : le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi et, le cas échéant, était-il fondé à le faire? La division générale a répondu par l’affirmative à la première question et par la négative à la seconde question.

[20] Pour la première question, la division générale a mis l’accent sur le critère juridique pertinent en demandant si le prestataire avait le choix de conserver ou de quitter son emploiNote de bas de page 7. La division générale a soutenu que, selon la politique de l’employeur, le personnel devait se présenter aux bureaux chaque jour pour voir si du travail leur était offert. Si un membre du personnel ne venait pas à leurs bureaux pendant 30 jours, l’employeur estimait qu’il avait démissionné et produisait un relevé d’emploi, ce qui s’est produit dans le cas du prestataireNote de bas de page 8.

[21] Le prestataire semble faire valoir que la décision de la division générale est fondée sur une erreur de fait parce que le prestataire n’avait jamais eu l’intention de démissionner. Il a plutôt été réputé avoir démissionné selon les politiques de l’employeur, ce qui déforme les intentions du prestataire.

[22] Je reconnais que les conclusions de fait erronées sont l’un des trois moyens justifiant l’intervention de la division d’appel dans une affaire. Toutefois, une conclusion erronée doit être tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 9. À mon avis, le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la décision de la division générale contient une erreur qui pourrait répondre à cette définition.

[23] En effet, le prestataire n’a pas sérieusement contesté l’une des principales conclusions de droit ou de fait sur lesquelles la division générale a fondé sa conclusion. Plus particulièrement, le critère juridique pertinent, les conditions de la politique de l’employeur ou le fait que le prestataire ne s’est pas présenté aux bureaux de l’employeur pendant 30 jours avant que celui-ci produise le relevé d’emploi du prestataire ne sont pas contestés. Au mieux, le prestataire est donc en désaccord avec l’application des principes établis aux faits de l’espèce par la division générale, mais un tel argument ne correspond pas aux trois moyens d’appel qui autorisent l’intervention de la division d’appel dans une affaire particulièreNote de bas de page 10.

[24] Pour la seconde question, à savoir celle de savoir si le prestataire était fondé à quitter son emploi, la division générale a renvoyé au critère juridique pertinent en demander si, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploiNote de bas de page 11. Même si la division générale a reconnu que le prestataire avait de bons motifs pour essayer de trouver un autre emploi, celle-ci a conclu que le prestataire pourrait raisonnablement avoir conservé un emploi alors qu’il en cherchait un autre. À cet égard, la conclusion de la division générale était appuyée par des décisions exécutoires de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 12.

[25] Néanmoins, le représentant du prestataire fait valoir que la décision de la division générale est fondée sur une seconde erreur de fait décrite de la façon suivanteNote de bas de page 13 :

[traduction]

La combinaison des conditions météorologiques hivernales, des fêtes, de la rareté du travail et de l’état de santé physique du prestataire explique raisonnablement que [le prestataire] ne soit pas prêt à se présenter au bureau, même si cela a été interprété à tort comme une démission. Ces facteurs contextuels n’ont pas été dûment examinés dans la décision du Tribunal et représentent une conclusion de fait erronée qui justifie l’accord de la permission d’en appeler.

[26] À mon avis, cet argument répète des points qui ont déjà fait l’objet d’un examen par la division générale. La division d’appel n’est pas autorisée à intervenir dans une affaire parce que certains facteurs auraient dû être soupesés de façon différenteNote de bas de page 14. Le rôle de la division d’appel est limité : il ne s’agit pas d’une instance dans le cadre de laquelle le prestataire peut plaider sa cause de nouveau en espérant un résultat différentNote de bas de page 15. De plus, comme il a été mentionné précédemment, la division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir tout simplement parce que le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a appliqué les principes juridiques établis aux faits de l’espèce.

[27] Pour tous ces motifs, je ne suis pas en mesure de conclure que le prestataire a soulevé une cause défendable en appel.

[28] Peu importe cette conclusion, je suis conscient des décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la division d’appel a reçu comme directive de ne pas se limiter à la demande de permission d’en appeler du prestataire pour interjeter appel et apprécier la question de savoir si la division générale pourrait avoir mal interprété ou avoir omis de tenir compte adéquatement de la preuve pertinenteNote de bas de page 16. Après avoir examiné le dossier documentaire, écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale, et examiné la décision faisant l’objet de l’appel, je suis convaincu que la division générale a ni mal interprété ni ignoré la preuve pertinente.

Conclusion relative à la prorogation du délai

[29] Même si les facteurs susmentionnés semblent pencher vers le refus de la demande de prorogation de délai du prestataire, j’ai également effectué une appréciation globale de ce que pourrait nécessiter l’intérêt de la justice. À cet égard, je reconnais que le refus de proroger le délai signifie que la cause du prestataire est ainsi close, mais je dois également considérer dans quelle mesure il serait dans l’intérêt de la justice que de permettre l’instruction d’un appel même s’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[30] Je connais des causes où la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont accordé un poids particulier au facteur de la cause défendable, et j’estime qu’un poids important doit également être accordé à ce facteur en l’espèceNote de bas de page 17.

[31] Après avoir tenu compte des facteurs susmentionnés et de l’intérêt de la justice, je conclus qu’il faut refuser de proroger le délai aux fins de la présentation d’une demande de permission d’en appeler.

Question en litige no 3 : Doit-on accorder au prestataire la permission d’en appeler?

[32] Non, la permission d’en appeler doit être refusée en l’espèce.

[33] La permission d’en appeler doit être rejetée si le motif ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 18.

[34] Bien que ce critère juridique soit différent de celui mentionné ci-dessus, à savoir la question de savoir si le prestataire a une cause défendable en appel, les cours ont interprété les deux critères comme étant essentiellement les mêmesNote de bas de page 19. Dans les deux cas, le critère est peu rigoureux : existe-t-il un motif défendable qui pourrait permettre l’accueil de l’appel?

[35] Par conséquent, étant donné que j’ai déjà conclu qu’il n’existe aucun motif défendable pouvant permettre l’accueil de l’appel, je peux également conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès et que cette permission d’en appeler doit être refusée.

Conclusion

[36] Le prestataire a besoin d’une prorogation du délai et d’une permission d’en appeler afin que l’affaire puisse aller de l’avant. J’ai refusé les deux, même si j’éprouve de la compassion à l’égard des circonstances du prestataire.

Représentant :

Lawrence Burns, représentant du demandeur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.