Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Pendant qu’il travaillait, le demandeur, M. W. (prestataire), a appris qu’il était atteint de tuberculose latente. Il a quitté son emploi en septembre 2017 afin de retourner dans sa collectivité d’origine et a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande, ayant établi qu’il avait quitté son emploi sans justification. Au même moment, la Commission a établi qu’il n’était pas disponible pour travailler du 26 septembre 2017 au 18 décembre 2018, et qu’il n’était par conséquent pas admissible aux prestations pendant cette période.

[3] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, toutefois la Commission a maintenu sa décision. Le prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Lorsque la division générale a rejeté l’appel, le prestataire a demandé la permission d’en appeler devant la division d’appel.

[4] Le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel. Il n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence, et je n’ai pas pu trouver une cause défendable selon laquelle la division générale a tiré une conclusion de fait qui ignorait ou écartait un élément de preuve.

Questions en litige

[5] Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en excédant ou en refusant d’exercer sa compétence?

[6] Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[7] La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si elle peut déterminer que la division générale a commis l’un des types d’erreurs décrits par les « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[8] Les seuls moyens d’appel sont décrits ci-dessous :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour accueillir cette demande de permission d’en appeler et permettre au processus d’appel d’aller de l’avant, je dois établir qu’un ou plusieurs moyens d’appel confèrent à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Peut-on soutenir que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle ou qu’elle a commis une erreur en excédant ou en refusant d’exercer sa compétence?

[10] Le seul moyen d’appel qu’a choisi le prestataire dans sa demande de permission d’en appeler est le moyen d’appel qui concerne la justice naturelle et la compétence.

[11] La justice naturelle fait référence à l’équité du processus et comprend des protections procédurales comme le droit à un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître la preuve à réfuter. Le prestataire n’a pas soulevé de préoccupation quant au caractère adéquat de l’avis d’audience de la division générale, à l’échange ou à la divulgation de documents préparatoires à l’audience, à la manière dont l’audience devant la division générale a été tenue ou à la compréhension du processus par le prestataire, ni à toute autre action ou procédure qui aurait pu avoir une incidence sur son droit d’être entendu ou de défendre sa cause. Il n’a pas non plus laissé entendre que la membre de la division générale était impartiale ou qu’elle avait préjugé la conclusion de l’affaire. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1) de la LMEDS en omettant de respecter un principe de justice naturelle.

[12] En ce qui a trait à la compétence, la division générale était saisie de trois questions. Les deux premières questions étaient celles de savoir si le prestataire a quitté volontairement son emploi et s’il était fondé à le faire. La Commission a omis de confirmer sa décision au sujet de ces questions dans sa lettre de suivi datée du 26 octobre 2018; toutefois, je suis convaincu que la décision a été communiquée dans une conversation téléphonique qui a eu lieu entre la Commission et le prestataire, également le 26 octobre 2018. Lors de cette conversation, la Commission a dit au prestataire qu’elle maintiendrait sa décision initiale à l’égard de sa demande parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 2.

[13] La troisième question dont la division générale était saisie concernait la disponibilité à travailler du prestataire. La Commission a communiqué cette décision lors de la conversation téléphonique du 26 octobre 2018, puis de nouveau dans une deuxième lettre du 26 octobre.

[14] Le prestataire n’a pas laissé entendre que la division générale n’a pas examiné ces questions ou qu’elle a examiné des questions qu’elle n’aurait pas dû examiner, et il n’a pas relevé d’autre erreur de compétence. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1) de la LMEDS en refusant d’exercer sa compétence ou en excédant sa compétence.

Question en litige no 2 : Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[15] Bien que le seul moyen d’appel choisi par le prestataire comprenne son affirmation d’une erreur de justice naturelle, il a par ailleurs fait valoir que la division générale a omis de prendre en compte sa santé ainsi que sa situation familiale, à savoir que sa belle-fille était décédée dans des circonstances tragiques et que son fils et ses petits-enfants avaient besoin de lui.

[16] La Cour fédérale a donné comme directive à la division d’appel de regarder au-delà des moyens d’appel mentionnés. Dans l’arrêt Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 3, la Cour énonce ce qui suit : « [L]e Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la Loi [sur le MEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle‑même. »

[17] Le prestataire n’a invoqué aucune erreur particulière ni aucun élément de preuve précis que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter lorsqu’elle a tiré ses conclusions. Cependant, conformément à la directive dans l’arrêt Kardeolian, j’ai examiné le dossier à la recherche de tout autre élément de preuve important qui aurait pu être ignoré ou écarté et qui pourrait donc soulever une cause défendable.

[18] Je souligne que le prestataire n’a contesté en aucun moment le fait qu’il a quitté son travail volontairement, et qu’aucun argument selon lequel la division générale a commis une erreur en concluant qu’il a quitté volontairement son travail n’a été porté à ma connaissance. Par conséquent, les seules questions sont celles de savoir s’il a quitté son emploi sans justification et s’il était disponible pour travailler du 26 septembre 2017 au 18 décembre 2017.

Santé du prestataire

[19] L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue pour lui la solution raisonnable. D’après l’article 29(c)(iv), l’une des circonstances du prestataire qui doivent être prises en compte est la suivante : des « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité ».

[20] À la lumière de la décision, il est évident que la division générale a tenu compte du diagnostic de tuberculose latente du prestataire. La division générale a aussi examiné la façon dont le prestataire était confus lorsqu’il a appris son diagnostic et qu’il est parti à la fin de sa période de travail sans le dire à personne parce qu’il ne voulait faire peur à quiconqueNote de bas de page 4. La division générale a souligné qu’au moment où le prestataire a appris son diagnostic, on lui a dit que son problème de santé n’était pas contagieux.

[21] La preuve sur la question de savoir s’il serait tenu de prendre la médication dans sa collectivité d’origine était contradictoire. Une lettre de son médecin disait que ce n’était pas une obligation, mais le prestataire a mentionné qu’on lui avait dit, à l’infirmerie de sa collectivité d’origine, qu’il ne pourrait pas prendre la médication à l’extérieur de sa collectivité. Cependant, le prestataire n’a pas contesté le fait que la médication n’est pas arrivée dans sa collectivité d’origine avant la fin décembre et qu’il avait quitté son emploi afin de retourner dans sa collectivité le 25 septembre 2017. Le prestataire a confirmé qu’il n’est pas retourné au travail pendant qu’il attendait d’être traité.

[22] La division générale a fait référence à la lettre du médecin datée du 23 janvier 2018, qui a confirmé qu’il n’était pas contagieux et que son état ne le rendait pas maladeNote de bas de page 5. La division générale a établi que le problème de santé du prestataire ne l’obligeait pas à quitter son emploi au moment où il l’a fait, et que son médecin ne l’a pas avisé de quitter son emploNote de bas de page 6. Elle a aussi établi que l’appelant aurait pu aviser son employeur de son état de santé et discuter de la question de savoir si le fait de rester dans le camp poserait problème. La division générale a conclu qu’une solution raisonnable aurait été que le prestataire demande congé ou tente de trouver un autre emploi convenable avant de partir.

[23] Je n’ai pas été en mesure de trouver une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré ou mal interprété un élément de preuve pour tirer ses conclusions.

Situation familiale

[24] D’après l’article 29(c)(v) de la Loi sur l’AE, lorsqu’il y a nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent, cette circonstance doit aussi être prise en considération pour déterminer s’il existe d’autres solutions raisonnables que le départ.

[25] La décision de la division générale révèle que la membre était au courant du décès de la belle-fille du prestataire et que cette dernière avait laissé dans le deuil deux jeunes enfants et son mari, c’est-à-dire le fils du prestataireNote de bas de page 7. La division générale a aussi fait référence à une lettre datée du 14 novembre 2018 rédigée par un thérapeute en santé mentaleNote de bas de page 8 qui laissait entendre que la présence du prestataire dans la collectivité serait bénéfique pour soutenir sa familleNote de bas de page 9.

[26] La division générale a noté que la lettre du thérapeute n’appuyait pas la nécessité pour le prestataire de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait en septembre 2017. Le prestataire est retourné au travail à l’été 2018 pendant un moment, puis il est retourné à la maison une deuxième fois, bien avant que le thérapeute ne donne son avis.

[27] Une fois de plus, la division générale a déterminé qu’une solution raisonnable autre que de partir en septembre aurait été de demeurer employé jusqu’à ce qu’il trouve un emploi plus près de la maison. Je n’ai pas trouvé d’élément de preuve que la division générale aurait ignoré ou mal interprété pour tirer cette conclusion.

Disponibilité à travailler

[28] L’article 18(1) de la Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable. La période d’inadmissibilité considérée en l’espèce s’étend du 26 septembre 2017 au 18 décembre 2017.

[29] La division générale a examiné le témoignage du prestataire selon lequel il était disponible seulement pour des emplois dans sa collectivité d’origine et que, lorsqu’il a quitté son emploi et a pris la décision de retourner dans sa collectivité, il savait qu’il n’y avait pas d’emploi disponible pour des XNote de bas de page 10. La division générale a aussi souligné le témoignage du prestataire selon lequel travailler à l’extérieur de la collectivité était très difficile pour sa famille et qu’il n’avait pas l’intention de laisser de nouveau ses petits-enfantsNote de bas de page 11.

[30] La division générale n’a pas accepté que la preuve médicale confirmait que le prestataire était tenu de demeurer dans sa collectivité afin d’y être traité pour sa tuberculose latente dans la période s’échelonnant du 26 septembre 2017 au 18 décembre 12017. Elle a aussi déterminé que la lettre du thérapeute ne constituait pas un élément de preuve selon lequel sa présence était requise d’urgence à la maison pendant cette même périodeNote de bas de page 12. La division générale a noté que la collectivité d’origine du prestataire est une collectivité isolée, accessible seulement par avionNote de bas de page 13, et elle a conclu qu’en limitant sa recherche d’emploi dans cette collectivité, le prestataire a établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Toujours en lien avec l’étendue limitée de sa recherche d’emploi, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait déployé des efforts sérieux pour trouver du travail au cours de cette période ni démontré un désir de retourner travailler dès qu’il pourrait trouver un emploi convenable.

[1] Je n’ai pas trouvé d’élément de preuve important ou pertinent que la division générale aurait ignoré en tirant sa conclusion.

[2] On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, qui correspondrait à l’un des moyens d’appel prévus par l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[3] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la division générale et qu’il estime que la décision est injuste et manque de compassion. Dans sa demande de permission d’en appeler, il m’a demandé de rendre une décision raisonnable et de ne pas laisser la bureaucratie me faire obstacle.

[4] Malheureusement, je suis tenu de respecter la loi et je suis autorisé seulement à intervenir dans une décision de la division générale si j’estime qu’elle a commis une erreur au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. Même si le résultat de la décision est sévère ou si je suis en désaccord avec la décision, je ne peux pas soupeser de nouveau ni réévaluer la preuve afin de parvenir à une conclusion différenteNote de bas de page 14.

[5] L’appel du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

M. W., non représenté

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