Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] C. A. est la demanderesse dans la présente affaire. Pendant de nombreuses années, elle a travaillé pour X d’un X. En novembre 2017, elle s’est portée volontaire au travail afin de décorer les lieux pour les Fêtes, et dit être tombée d’une échelle et s’être blessée. Au cours des quelques mois suivants, ses rapports avec son employeur sont devenus tendus, car ce dernier semblait douter du caractère sérieux de ses blessures, et même de la question de savoir si elle avait bel et bien eu un accident. Le médecin de la demanderesse a affirmé qu’elle pouvait retourner au travail le 5 avril 2018, toutefois l’employeur a suspendu la demanderesse pendant un mois car il n’acceptait pas les motifs de son absence.

[3] Le premier jour du retour au travail de la demanderesse ne s’est pas bien déroulé. Elle a eu une autre confrontation avec son employeur, ne s’est pas sentie bien, et est retournée à la maison avant la fin de son quart de travail. L’employeur de la demanderesse a insisté pour qu’elle assiste à une réunion le lendemain. La demanderesse a plutôt démissionné.

[4] La demanderesse a ensuite présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi (AE), mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé qu’elle n’était pas admissible à ces prestations parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification.

[5] La demanderesse a contesté la décision de la Commission, mais celle-ci a maintenu sa décision après révision. La demanderesse a ensuite interjeté appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal, mais son appel a été rejeté. En résumé, la division générale a conclu que, plutôt que de quitter son emploi, il aurait été raisonnable que la demanderesse assiste à la réunion avec son employeur. Autrement, elle aurait pu essayer de trouver un autre emploi avant de démissionner. Par conséquent, la demanderesse n’était pas fondée à quitter son emploi, comme l’exige la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[6] La demanderesse souhaite maintenant interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal, mais elle doit obtenir l’autorisation (ou la permission) d’interjeter appel pour que le dossier puisse aller de l’avant. Malheureusement pour la demanderesse, j’ai conclu que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission d’en appeler doit être refusée.

Questions en litige

[7] J’ai mis l’accent sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. La demanderesse a-t-elle soulevé un motif défendable grâce auquel elle pourrait avoir gain de cause en appel?
  2. Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété des éléments de preuve pertinents ou a omis d’en tenir compte adéquatement?

Analyse

Cadre juridique de la division d’appel

[8] Le Tribunal a deux divisions qui fonctionnent très différemment l’une de l’autre. À la division d’appel, l’accent est mis sur la question de savoir si la division générale aurait commis une ou plusieurs des trois erreurs (ou moyens d’appel) énoncées à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Par conséquent, la division d’appel peut intervenir dans une cause uniquement si la division générale :

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en matière de compétence;
  2. b) a rendu une décision qui contient une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le rôle limité de la division d’appel signifie qu’elle n’examine généralement pas de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 1. Elle s’emploie plutôt à examiner si la division générale a commis une erreur fondée sur les éléments qui ont été portés à sa connaissance. Pour cette raison, je n’ai pas pris en compte les nouveaux éléments de preuve déposés par la demanderesse auprès de la division d’appelNote de bas de page 2.

[10] Il y a également des différences procédurales entre les deux divisions du Tribunal. La plupart des causes devant la division d’appel suivent un processus en deux étapes : la permission d’en appeler et l’examen sur le fond. Le présent appel en est au stade de la permission d’en appeler, ce qui signifie qu’il faut que cette permission soit accordée pour que l’appel puisse aller de l’avant. Il s’agit d’un obstacle préliminaire visant à filtrer les causes qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Le critère juridique auquel les parties demanderesses doivent satisfaire à cette étape est peu rigoureux : est-il possible de soutenir que l’appel a une chance de succèsNote de bas de page 4?

Question en litige no 1 : La demanderesse n’a pas soulevé un motif défendable grâce auquel elle pourrait avoir gain de cause en appel

[11] Au titre de l’article 30 de la Loi sur l’AE, les prestataires qui quittent leur emploi sans justification sont exclus du bénéfice des prestations. Pour établir l’existence de cette justification, les prestataires doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter leur emploiNote de bas de page 5. Dans le cadre de cette évaluation, le Tribunal doit prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énumérées à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[12] En l’espèce, la demande de permission d’en appeler de la demanderesse ne mentionnait pas clairement quelle erreur avait été commise, selon elle, par la division générale. Par conséquent, le Tribunal lui a demandé de fournir plus de détailsNote de bas de page 6. En guise de réponse, la demanderesse a allégué que la décision de la division générale était fondée sur une erreur de fait, bien que le fait précis faisant l’objet du litige demeure quelque peu confus.

[13] Dans sa décision, la division générale a compris qu’il y avait eu perte de confiance entre la demanderesse et son employeur. Elle a accepté le fait que la demanderesse avait rencontré son employeur deux foisNote de bas de page 7 et que la réunion proposée pour le 4 mai 2018 aurait été la troisième réunion concernant son retour au travail. La division générale a aussi reconnu le sentiment de la demanderesse selon lequel il était inutile d’assister à une troisième réunion et son explication des raisons pour lesquelles elle n’a pas demandé un retour au travail progressif ni essayé de trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle détenait.

[14] Néanmoins, la division générale a conclu que la demanderesse disposait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait : elle aurait pu rencontrer son employeur pour essayer de résoudre la situation ou elle aurait pu chercher un autre travail avant de quitter son emploi à l’établissement de soins de longue durée. La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il s’agit de solutions raisonnables dans la plupart des casNote de bas de page 8.

[15] La demanderesse n’a pas contesté les conclusions importantes de la division générale de façon sérieuse. Sa demande de permission d’en appeler et sa réponse à la demande du Tribunal de fournir de plus amples renseignements ne font que répéter de nombreux éléments que la division générale a déjà pris en considérationNote de bas de page 9.

[16] La division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir dans une cause au motif que la division générale aurait dû soupeser certains facteurs différemmentNote de bas de page 10. Le rôle de la division d’appel est limité : ce n’est pas un endroit où la demanderesse peut plaider de nouveau sa cause dans l’espoir d’obtenir un résultat différentNote de bas de page 11. De plus, la division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir simplement parce que la demanderesse est en désaccord avec la façon dont la division générale a appliqué les principes juridiques établis aux faits de sa causeNote de bas de page 12.

[17] Pour toutes ces raisons, j’ai conclu que la demanderesse n’a pas soulevé un motif défendable grâce auquel elle pourrait avoir gain de cause en appel.

Question en litige no 2 : On ne peut soutenir que la division générale a mal interprété des éléments de preuve pertinents ou a omis d’en tenir compte adéquatement

[18] Peu importe la conclusion ci-dessus, je suis conscient des décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la division d’appel a reçu comme directive de ne pas se limiter aux éléments écrits et d’apprécier la question de savoir si la division générale pourrait avoir mal interprété ou avoir omis de tenir compte adéquatement des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 13. Si tel est le cas, la permission d’en appeler devrait être normalement accordée, et ce, peu importe les problèmes techniques dans la demande de permission d’en appeler.

[19] Après avoir examiné le dossier documentaire, écouté l’enregistrement audio de l’audience, et examiné la décision faisant l’objet de l’appel, je suis convaincu que la division générale n’a ni mal interprété ni omis d’examiner adéquatement un élément de preuve pertinent.

Conclusion

[20] Je compatis énormément avec la situation difficile dans laquelle s’est trouvée la demanderesse. Cependant, après avoir conclu que l’appel de la demanderesse n’a aucune chance raisonnable de succès, je n’ai d’autre choix que de rejeter sa demande de permission d’en appeler.

Représentante :

A. E., non représentée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.