Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] I. C. (prestataire) a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi (AE), mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada l’a exclu du bénéfice de ces prestations parce qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification, comme il est défini dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[3] En résumé, le prestataire a fait valoir qu’il avait besoin d’acheter sa première maison de toute urgence. Il était préoccupé par son âge et le coût de l’immobilier qui monte en flèche en Colombie-Britannique. Il a commencé à chercher des maisons près de son travail, mais il a été incapable d’en trouver une dans sa fourchette de prix. Il a finalement trouvé une maison sur l’île de Vancouver et il a décidé de saisir l’occasion au moment où le prix des maisons était encore abordable. Cependant, le prestataire a ensuite décidé de quitter son emploi dans la vallée du Fraser étant donné qu’il était impossible pour lui de faire l’aller-retour depuis l’île de Vancouver.

[4] Le prestataire a contesté la décision de la Commission de lui refuser le versement de prestations d’AE devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel. Le prestataire souhaite maintenant interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal, mais il doit obtenir la permission d’interjeter appel pour que le dossier puisse aller de l’avant. Malheureusement pour le prestataire, j’ai conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès et que la permission d’en appeler doit donc être refusée.

Questions en litige

[5]  J’ai mis l’accent sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?
  2. Doit-on accorder au prestataire la permission d’en appeler?

Analyse

Question en litige no 1 : La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?

[6]  Dans sa lettre datée du 28 janvier 2019, le Tribunal a informé le prestataire que sa demande de permission d’en appeler semblait avoir été présentée en retard. Cependant, après un examen approfondi, j’ai conclu que le prestataire a présenté sa demande de permission d’en appeler dans les délais.

[7]  Les demandes de permission d’en appeler doivent être présentées dans les 30 jours suivant la date où les parties prestataires reçoivent communication de la décision de la division généraleNote de bas de page 1. En l’espèce, la décision de la division générale est datée du 17 octobre 2019, mais le prestataire affirme avoir reçu communication de la décision pour la première fois le 28 décembre 2018, par courrielNote de bas de page 2. Le Tribunal a originalement envoyé la décision de la division générale au prestataire par courrier, mais il a déclaré que l’envoi par la poste à son adresse a été retardé en raison d’une grève chez Postes Canada.

[8]  En effet, le Tribunal a bel et bien envoyé au prestataire une copie de la décision de la division générale par courriel le 28 décembre 2018, et je conviens que cette date est donc celle où il a reçu communication de la décision pour la première fois. Par conséquent, sa demande de permission d’en appeler, que le Tribunal a reçu le 25 janvier 2019, a été présentée dans les délais.

Question en litige no 2 : Doit-on accorder au prestataire la permission d’en appeler?

[9]  Non, le prestataire n’a pas satisfait au critère juridique lui permettant d’obtenir la permission d’en appeler.

[10] Au sein de la division d’appel, l’accent est mis sur la question de savoir si la division générale a pu commettre une ou plusieurs des erreurs (ou moyens d’appel) énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Par conséquent, la division d’appel peut intervenir dans une affaire seulement si la division générale :

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en matière de compétence;
  2. b) a rendu une décision qui contient une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] La plupart des affaires dont la division d’appel est saisie suivent un processus en deux étapes : l’étape de la permission d’interjeter appel et l’étape de l’appel sur le fond. L’appel relève de l’étape de la permission d’interjeter appel, ce qui signifie qu’il faut que cette permission soit accordée pour que l’appel puisse aller de l’avant. Il s’agit d’un obstacle préliminaire visant à filtrer les causes qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Le critère juridique auquel les prestataires doivent satisfaire à ce stade est peu exigeant : peut-on soutenir qu’il existe une cause défendable qui pourrait permettre l’accueil de l’appelNote de bas de page 4?

[12] En l’espèce, la division générale a mis l’accent sur les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE, qui prévoit l’exclusion du bénéfice des prestations de l’AE pour les parties prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans justification. Pour établir l’existence de cette justification, elles doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles n’avaient d’autre choix que de quitter leur emploiNote de bas de page 5. Dans le cadre de l’appréciation qu’elle fait dans des affaires comme celle en l’espèce, le Tribunal doit tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris celles prévues dans l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[13] Parmi les circonstances pertinentes en l’espèce, le prestataire soutient que la division générale aurait dû tenir compte du droit au logement et des réalités du marché immobilier de la Colombie-Britannique. Cependant, la division générale a plutôt conclu que les motifs personnels et financiers du prestataire pour l’achat d’une maison ne pouvaient pas être considérés comme une justification au sens de la Loi sur l’AE.

[14] De plus, la division générale a constaté une autre solution raisonnable que le prestataire aurait pu choisir au lieu de quitter son emploi : il aurait pu conserver son emploi dans la vallée du Fraser jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi sur l’île de Vancouver, et ce, même si cela signifiait qu’il devrait trouver un logement temporaire dans la vallée du Fraser. En effet, au cours de l’audience, le prestataire a dit au membre de la division générale qu’il pourrait retourner occuper son ancien emploi dans la vallée du Fraser s’il fallait trop de temps pour trouver un emploi sur l’île de VancouverNote de bas de page 6.

[15] Entre parenthèses, je souligne à cet égard que la décision de la division générale n’est pas compatible avec les décisions de la Cour d’appel fédérale dans lesquelles il a été conclu que les parties demandant des prestations d’AE devaient normalement déployer des efforts pour trouver un nouvel emploi avant de quitter leur emploi actuelNote de bas de page 7.

[16] Même si le prestataire conteste les conclusions de fait de la division générale, il n’a pas souligné un élément de preuve précis que la division générale a mal interprété ou omis de bien prendre en considération. Je reconnais que les conclusions de fait erronées sont un des trois moyens pouvant justifier l’intervention de la division d’appel dans une affaire. Toutefois, les conclusions de fait doivent être tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division d’appelNote de bas de page 8. À mon avis, le prestataire n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle la décision de la division générale comprend une erreur qui pourrait être décrite ainsi.

[17] Dans sa décision, la division générale a également reconnu que le prestataire avait plusieurs motifs bons et valides pour vouloir acheter une maison, mais elle a conclu que, selon le droit, ces motifs ne pouvaient pas être considérés comme étant une justification au sens de la Loi sur l’AE. À cet égard, la division générale s’est fondée sur l’arrêt Canada (Procureur général) c ImranNote de bas de page 9, décision exécutoire de la Cour d’appel fédérale, mais il y a eu beaucoup d’autres décisions que la division générale aurait pu citer également à l’appui de sa conclusionNote de bas de page 10. Le prestataire pourrait ne pas aimer la conclusion tirée dans ces affaires, mais le Tribunal n’a d’autre choix que de les suivre.

[18] Finalement, le prestataire prétend que le membre de la division générale n’était pas au fait de la crise du logement en Colombie-Britannique et que sa décision était une conclusion inévitable. Bien que le prestataire puisse avoir cette opinion, il n’a renvoyé à aucun élément de preuve appuyant ces sérieuses allégations et il n’a pas été en mesure d’étayer ses préoccupations en se fondant sur le dossier du Tribunal. En effet, l’audience devant la division générale s’est conclue de manière amicale et professionnelle, et, à la fin de l’audience, le prestataire a remercié le membre de la division générale pour sa conversation détaillée et amicale. Bien que je reconnaisse que cet argument soulève des préoccupations en matière de justice naturelle, j’ai conclu que la preuve est insuffisante pour conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[19] Par conséquent, j’estime que, dans l’ensemble, les arguments du prestataire répètent grandement les points que la division générale a déjà examinés. La division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir dans une cause au motif que certains facteurs auraient dû être soupesés d’une manière différenteNote de bas de page 11. Le rôle de la division d’appel est limité : il ne s’agit pas d’une instance où la partie prestataire peut plaider de nouveau sa cause en espérant obtenir un différent résultatNote de bas de page 12. De plus, la division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir tout simplement parce que la partie prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a appliqué les principes juridiques aux faits de l’espèceNote de bas de page 13.

[20] En raison de tous ces motifs, j’ai conclu que le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable en appel.

[21] Peu importe cette conclusion, je suis conscient des décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la division d’appel a reçu comme directive de ne pas se limiter à la demande de permission d’en appeler de la partie prestataire et d’apprécier la question de savoir si la division générale pourrait avoir mal interprété ou avoir omis de tenir compte adéquatement de la preuve pertinenteNote de bas de page 14. Après avoir examiné le dossier documentaire, écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale, et examiné la décision faisant l’objet de l’appel, je suis convaincu que la division générale a ni mal interprété ni ignoré un élément de preuve pertinent.

Conclusion

[22] J’éprouve de la compassion à l’égard des circonstances du prestataire et je comprends sa déception. Il fait valoir que la Loi sur l’AE devrait être modifiée afin d’offrir des mesures d’adaptation dans des situations comme la sienne. Cela est peut-être vrai, mais seul le Parlement peut faire cela. Entretemps, la vérité demeure que le prestataire avait un logement et un emploi dans la vallée du Fraser et qu’il a quitté ceux-ci afin de pouvoir acheter sa première maison. Son désir de devenir propriétaire est peut-être légitime et justifié, mais le coût associé ne peut pas être partagé avec les autres cotisants au régime d’AE.

[23] Après avoir conclu que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès, je n’ai d’autre choix que de rejeter sa demande de permission d’en appeler.

Représentant :

I. C., non représenté

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