Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel concernant la rémunération est rejeté parce que je conclus que les sommes en question ont été reçues par l’appelante et qu’elles constituent une rémunération qui doit être répartie.  

[2] L’appel concernant la pénalité n’est pas accueilli parce que je conclus que l’appelante n’a pas fait sciemment une fausse déclaration à la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Aperçu

[3] L’appelante, que j’appellerai la prestataire, a travaillé pour une entreprise de pêche. Elle souscrivait à un régime de paiement appelé Club 55 auprès de l’employeur. Selon ce régime, elle était payée en fonction d’un horaire de 55 heures par semaine, indépendamment du nombre d’heures qu’elle avait réellement travaillées. Toujours selon ce régime, lorsque la fin de la saison de pêche arrivait, soit les employés devaient travailler des heures supplémentaires parce qu’ils avaient été trop payés, soit l’employeur leur devait de l’argent parce qu’ils avaient travaillé un nombre d’heures supérieur au salaire reçu. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a établi que la prestataire a fait sept fausses déclarations dans ses déclarations de quinzaine relatives aux prestations d’assurance‑emploi, parce qu’elle a omis d’y indiquer sa rémunération ou qu’elle a déclaré une rémunération inférieure à celle touchée pour certaines périodes. La Commission lui a aussi remis une lettre d’avertissement en guise de pénalité. À l’issue du réexamen, elle a maintenu ses décisions concernant la rémunération et la pénalité. La prestataire interjette appel des deux décisions auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), arguant qu’elle a déclaré correctement ses heures et que les disparités sont dues au fait que l’employeur a mal calculé ses heures, lesquelles sont déterminées en fonction de l’arrangement énoncé dans le régime Club 55.

Questions préliminaires

[4] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention d’arguer que la pénalité était incorrecte. À ce titre, elle n’a présenté aucun argument relatif à la décision concernant la pénalité, mais cette question subsiste, car la prestataire ne l’a pas retirée lors de l’audience.

[5] À l’audience, la prestataire a demandé à déposer deux lettres qui, selon elle, pourraient être pertinentes en l’espèce. J’ai accepté les documents. La prestataire les a présentés après l’audience et une copie a été transmise à la Commission. Il s’agissait de deux lettres de l’employeur, dont une datée du 25 août 2016 et l’autre du 28 novembre 2016. Je me suis reportée à ces documents pour mon analyse. Je constate que ces documents ne sont d’aucune pertinence pour la présente affaire, puisqu’ils portent sur une période d’emploi autre que celle visée dans l’affaire.

Questions en litige

[6] Question no 1 – La prestataire a-t-elle reçu de l’employeur des sommes qui constituent une rémunération devant être répartie?

[7] Question no 2 – Une pénalité devrait-elle être infligée à la prestataire?

Analyse

Rémunération et répartition

[8] Lorsqu’un prestataire de l’assurance-emploi reçoit un montant d’argent, il faut déterminer si ce montant est une « rémunération » aux termes de la loiNote de bas de page 1. Le cas échéant, la rémunération doit être répartie (c’est-à-dire assignée) sur les semaines correspondantesNote de bas de page 2. La répartition de la rémunération dépend de la raison pour laquelle les sommes ont été payées. Les sommes reçues d’un employeur sont considérées comme une rémunération et doivent être réparties, sauf s’il s’agit de sommes qui font l’objet d’une exception ou si les sommes ne proviennent pas d’un emploiNote de bas de page 3. Il incombe au prestataire de démontrer que les montants reçus ne sont pas une rémunération.

[9] Si la rémunération est répartie sur des semaines faisant partie d’une période au cours de laquelle des prestations d’assurance‑emploi étaient payables au prestataire, la rémunération est déduite de ses prestationsNote de bas de page 4.

[10] La Commission répartit toute rémunération payée en guise de salaire sur la semaine au cours de laquelle un prestataire a travaillé et gagné ce salaireNote de bas de page 5.

[11] Lorsqu’un employeur paye une rémunération aux termes d’un contrat d’emploi, mais sans qu’il y ait échange de services, la Commission répartit la rémunération sur la période au cours de laquelle celle‑ci était payableNote de bas de page 6. Autrement dit, si un employé reçoit des sommes d’un employeur sans avoir travaillé pour gagner cet argent, la Commission répartit alors la rémunération sur la période au cours de laquelle les sommes étaient payables.

Question 1 : La prestataire a-t-elle reçu de l’employeur des sommes qui constituent une rémunération devant être répartie?

[12] Si la prestataire a reçu les sommes en guise de salaire, celles-ci constitueraient habituellement une rémunération, car elles ont été payées pour compenser les heures travailléesNote de bas de page 7.

[13] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi le 21 juillet 2014, et la demande a pris effet le 20 juillet 2014. La prestataire travaillait pour une entreprise de pêche. Elle a déclaré que la période d’emploi s’étalait du 18 avril au 18 juillet 2014.

[14] Le premier relevé d’emploi, daté du 6 août 2015, indique que la prestataire a travaillé du 3 août 2014 au 1er août 2015 et qu’elle a quitté cet emploi en raison d’un manque de travail.

[15] Le 3 mars 2016, la Commission a envoyé une lettre à la prestataire pour l’informer qu’elle avait relevé plusieurs écarts entre la rémunération déclarée par la prestataire dans ses déclarations de quinzaine et celle fournie par son employeur pendant la période du 3 août 2014 au 5 juillet 2015. Voici le tableau contenant les raisons fournies par la prestataire pour expliquer les écarts :

Semaine codée Dates de la semaine jj/mm/aa Heures travaillées Relevé d’emploi de l’employeur
1937 03/08/14 65 heures 828,00
1939 17/08/14 65 heures 828,00
1945 28/09/14 71,5 heures 911,00
1974 19/04/15 55 heures 718,00
1975 26/04/15 55 heures 718,00
1979 24/05/15 55 heures 718,00
1982 14/06/15 55 heures 718,00
1984 28/06/15 55 heures 718,00
1985 05/07/15 45 heures 587,00

[16] La prestataire a présenté un relevé de son compte bancaire (document d’une page), sur lequel figuraient les transactions pour la période du 1er août au 22 août 2014, afin de démontrer qu’elle n’avait reçu aucune rémunération d’emploi durant les semaines codées 1937 et 1939. Je suis d’avis que le relevé bancaire d’une page ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire ne touchait pas une rémunération d’emploi durant la période en question parce qu’il se peut que ce document ne rende pas entièrement compte de la situation financière de la prestataire, que la rémunération aurait pu avoir été déposée dans un autre compte ou qu’il se peut que la rémunération n’apparaisse pas sur la page fournie au Tribunal.

[17] Le 14 novembre 2018, la Commission a rendu une décision dans laquelle elle déclare que la rémunération de la prestataire avait été révisée afin de tenir compte de l’information contenue dans le tableau ci-dessus, c’est-à-dire qu’il a établi que les montants déclarés par l’employeur ont été payés à la prestataire, ce qui a donné lieu à un trop-payé. La Commission a également conclu que la prestataire avait fait sciemment de fausses déclarations, mais elle ne lui a remis qu’une lettre d’avertissement et ne lui a pas infligé de pénalité pécuniaire.

[18] La prestataire a demandé un réexamen de la décision rendue par la Commission le 14 novembre 2018 en soutenant qu’il y avait une erreur dans les registres de l’employeur. Elle a affirmé qu’elle avait déclaré toute sa rémunération, mais que certaines dates étaient peut‑être inexactes. La prestataire a soutenu que les conclusions de la Commission étaient erronées, car elle n’a jamais omis de déclarer ses revenus.

[19] Le 19 février 2019, la prestataire a présenté une note manuscrite dans laquelle elle déclare que l’employeur n’avait pas indiqué correctement les heures qu’elle a travaillées pendant les semaines du 14 et du 28 juin 2015. La prestataire a déclaré qu’elle avait cessé de recevoir des prestations d’assurance-emploi à compter de la semaine du 5 juillet 2015. Elle a expliqué qu’elle savait que la Commission s’attend d’un prestataire à ce qu’il déclare son revenu brut. Or, la prestataire a déclaré ses heures en retard, car elle ne recevait son talon de paye que la semaine suivante étant donné que sa paye était versée par dépôt direct. La prestataire a admis que certaines des sommes indiquées étaient des estimations, car elle n’avait pas les talons de paye. Elle a déclaré que les écarts peuvent aussi être attribuables au fait qu’il y avait fréquemment de nouveaux commis à la paye.

[20] Le 15 janvier 2019, la Commission s’est entretenue avec l’employeur, qui a confirmé que la prestataire avait été payée les montants figurant au tableau aux dates correspondantes. À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle avait travaillé le nombre d’heures indiqué par l’employeur. Elle a cependant précisé qu’elle avait présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en juillet et qu’elle n’avait pas pu commencer à travailler avant septembre 2014. Puisqu’elle ne recevait pas de prestations d’assurance-emploi, elle a soutenu qu’elle ne savait pas qu’elle devait déclarer toutes ses heures. Voici le tableau des heures travaillées que la prestataire admet avoir travaillées :

Semaine codée Dates de la semaine jj/mm/aa Heures travaillées Relevé d’emploi de l’employeur
1937 03/08/14 65 heures 828,00
1939 17/08/14 65 heures 828,00
1945 28/09/14 71,5 heures 911,00
1974 19/04/15 55 heures 718,00
1975 26/04/15 55 heures 718,00
1979 24/05/15 55 heures 718,00
1982 14/06/15 55 heures 718,00
1984 28/06/15 55 heures 718,00
1985 05/07/15 45 heures 587,00

[21] La prestataire a expliqué à la Commission que, certaines semaines, elle ne travaillait que 24 heures, mais que l’employeur en consignait 55. Elle a déclaré que, ce dont elle « se souvient », elle pense qu’elle ne recevait pas de prestations d’assurance-emploi. On a présenté à la prestataire les copies versées au dossier des déclarations de quinzaine qu’elle a remplies durant la période en question. La prestataire a répondu qu’elle ne se rappelait pas avoir rempli ces déclarations. Elle a ensuite affirmé qu’elle n’était pas certaine d’avoir travaillé les heures indiquées par l’employeur, un témoignage qui ne concorde pas avec sa déclaration antérieure selon laquelle elle les avait travaillées. La prestataire a aussi indiqué qu’elle croyait avoir commencé à travailler à la mi‑août 2014 parce qu’elle pensait qu’elle avait plus de deux semaines de congé avant d’être rappelée au travail. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait pas confirmer avec certitude les dates et les heures précises parce que cela fait si longtemps et qu’elle n’a plus les documents à l’appui.

[22] Je suis d’avis, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a rempli les déclarations de quinzaine et qu’elle a travaillé les heures indiquées dans le deuxième tableau. La prestataire a affirmé avoir travaillé ces heures, puis elle a changé son témoignage. En outre, pour remplir les déclarations de quinzaine, il faut saisir un code personnel précis et celui de la prestataire a été saisi à chaque fois. La preuve tend davantage à démontrer que la prestataire a rempli les déclarations et qu’elle a travaillé les heures indiquées par l’employeur.

[23] La Commission a communiqué avec la prestataire le 17 janvier 2019. Cette dernière a répété qu’elle a toujours déclaré sa rémunération et que, par conséquent, les registres de l’employeur doivent être inexacts. La prestataire a indiqué qu’il y avait eu des semaines où elle n’avait travaillé que 24 heures, mais que l’employeur avait déclaré qu’elle en avait travaillé 55. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas tenu de registres détaillés et qu’elle se fondait uniquement sur ce qu’elle avait consigné. Le 17 janvier 2019, la Commission a informé la prestataire verbalement qu’elle maintenait sa décision précédente. Une lettre confirmant que la Commission maintenait sa décision du 14 novembre 2018 concernant la rémunération et la pénalité a été transmise le même jour.

[24] Dans l’avis d’appel déposé le 14 février 2019, la prestataire a déclaré que la Commission n’avait pas tenu compte du fait que son employeur pourrait avoir été en partie responsable du trop‑payé en fournissant des renseignements erronés à la Commission. La prestataire a soutenu que l’employeur n’avait pas agi avec cohérence et transparence dans sa façon de verser les paiements, et qu’il ne remettait pas toujours les talons de paye au moment où elle en avait besoin pour remplir ses déclarations. La prestataire a expliqué qu’elle était payée en fonction d’un nombre d’heures supérieur à celui qu’elle avait travaillé, c’est-à-dire selon un régime d’accumulation des heures qui faisait en sorte qu’elle devait travailler jusqu’à une date ultérieure à cause de la paye qu’elle avait déjà touchée. La prestataire a indiqué qu’elle avait aussi une lettre de l’employeur dans laquelle il l’informe qu’il la congédie le même jour qu’elle apprend qu’elle est licenciée. Lors de l’audience, elle a également expliqué que l’employeur s’attendait à ce qu’elle continue à travailler après avoir été licenciée pour accumuler des heures en vue de sa prochaine demande de prestations d’assurance‑emploi.

[25] Lors de l’audience, la prestataire a versé au dossier deux lettres de l’employeur. Dans la première lettre, datée du 25 août 2016, il est indiqué que la prestataire ne travaillait plus depuis le 14 août 2016, même si son superviseur l’avait informée qu’elle devait se présenter au travail le 15 août 2016. Il y est également mentionné que, si la prestataire ne communique pas avec son superviseur d’ici le 5 septembre 2016, l’employeur conclura qu’elle a démissionné. La deuxième lettre, datée du 28 novembre 2016, atteste que la prestataire a quitté son poste et qu’elle a été congédiée. La prestataire a déclaré qu’elle avait reçu une note l’informant de son licenciement à la fin d’un quart de nuit, le 13 août 2016, et que c’était la raison pour laquelle elle ne s’était pas présentée au travail le 14 août 2016. Je constate que cette observation se rapporte à une période autre que celle dont il est question à l’audience et je conclus donc que ces documents additionnels ne sont d’aucune pertinence pour la présente affaire.

[26] La prestataire a joint une lettre manuscrite à son avis d’appel. Elle y soutient que, durant la saison de 2014‑2015, elle a souscrit au régime « Club 55 » de l’employeur, selon lequel les employés touchent une paye calculée en fonction d’une semaine 55 heures, et ce, peu importe le nombre réel d’heures travaillées. Elle soutient que l’employeur retenait un montant correspondant à deux semaines de travail au début de la saison et qu’il payait les employés selon une semaine de 55 heures pour le reste de la saison. À la fin de la saison, soit les employés devaient travailler les heures que l’employeur leur avait payées, soit l’employeur leur devait de l’argent pour les heures travaillées au-delà des 55 premières heures. La prestataire a expliqué qu’il se pouvait, qu’à la fin de la saison, un employé travaille 50 heures par semaine, mais qu’il soit payé seulement en fonction d’un horaire de 20 heures parce que les 30 autres heures lui ont été payées plus tôt dans la saison. Pour cette raison, la prestataire soutient qu’il était difficile de savoir ce qu’elle devait indiquer dans les déclarations de quinzaine d’assurance‑emploi, car ce qui était indiqué sur papier ne correspondait pas toujours aux heures travaillées. La prestataire a déclaré que, lorsqu’elle a commencé à travailler, l’employeur a accumulé les heures des deux premières semaines d’emploi, soit 100 heures, pour couvrir les paiements anticipés au régime Club 55.

[27] La prestataire ne conteste pas le fait que les sommes qu’elle a reçues de son employeur constituent une rémunération qui doit être répartie, mais elle soutient que le régime de paiement Club 55 fait en sorte qu’elle n’a pas reçu la rémunération déclarée par l’employeur.

[28] La Commission a soutenu que l’entente décrite par la prestataire, selon laquelle elle devait être payée en fonction d’un nombre d’heures déterminé quel que soit le nombre d’heures travaillées, montre que la prestataire savait que les paiements de l’employeur seraient supérieurs à ceux déclarés. La Commission a également soutenu que, bien que la prestataire ait déclaré avoir estimé certains de ses gains en attendant de recevoir ses talons de paye, elle n’a pas communiqué avec la Commission pour faire corriger l’information une fois les talons reçus.

[29] La prestataire a indiqué que, dans ses déclarations de quinzaine, elle a déclaré le nombre d’heures qu’elle avait réellement travaillées chaque semaine, nombre qui différait souvent du nombre d’heures pour lesquelles elle était payée. La prestataire a de nouveau expliqué en quoi consistait le régime Club 55; elle a ajouté qu’elle déclarait le nombre réel d’heures travaillées et qu’elle inscrivait les heures supplémentaires dès qu’elle recevait le talon de paye. Elle a précisé qu’il se pouvait qu’elle se soit trompée de semaine en déclarant les sommes.

[30] Lors de l’audience, j’ai examiné chacune des semaines pour lesquelles la Commission a relevé des erreurs dans les déclarations. La prestataire a indiqué qu’elle a tenté de communiquer avec l’employeur à trois reprises pour obtenir des précisions concernant son revenu et qu’elle a communiqué avec son ancien superviseur par les médias sociaux, mais qu’elle n’a obtenu aucune réponse. La prestataire a déclaré qu’elle a été licenciée le 23 juillet 2014 et qu’elle a été rappelée au travail deux ou trois semaines plus tard. La prestataire ajoute qu’elle ne comprend pas pourquoi la Commission a indiqué dans sa décision du 14 novembre 2018 qu’elle avait reçu une rémunération durant la semaine du 3 août 2014, puisqu’elle ne travaillait pas à ce moment‑là. Je note que le relevé d’emploi indique que la prestataire a commencé à travailler le 3 août 2014 et qu’elle a reçu une rémunération durant la période de paye en question. Le samedi 9 août 2014, la prestataire a également rempli une déclaration de quinzaine de prestations d’assurance-emploi pour la semaine du 3 au 9 août 2014. Dans la déclaration, la prestataire a indiqué qu’elle n’avait ni travaillé ni touché un salaire pendant cette période. Elle a soutenu qu’elle ne pouvait malheureusement pas présenter ses talons de paye pour montrer le revenu qu’elle touchait, puisqu’ils n’étaient pas disponibles.

[31] La prestataire a affirmé qu’elle a recommencé à travailler entre le 10 et le 13 août 2014. Elle n’a pas contesté le fait d’avoir touché une rémunération durant la semaine du 17 août 2014. Elle a toutefois affirmé qu’elle ne pensait pas avoir reçu de prestations d’assurance-emploi pour les autres dates qui figurent sur la liste présentée dans la décision rendue par la Commission le 14 novembre 2018, outre la date du 3 août 2014. La prestataire a déclaré qu’on lui avait dit que sa demande était en suspens, et qu’elle ne recevait pas de prestations. La prestataire a indiqué que, durant une journée de congé en septembre 2014, elle s’était rendue dans un Centre Service Canada pour se renseigner sur sa demande. Elle a ajouté qu’on lui avait expliqué que son ancien employeur n’avait pas émis de relevé d’emploi, ce qui retardait le traitement de sa demande.

[32] J’ai demandé à la prestataire pourquoi elle remplissait les déclarations de quinzaine, alors qu’elle ne touchait pas de prestations. La prestataire a répondu qu’on lui avait dit de continuer à les remplir, même si sa demande n’avait pas encore été traitée. La prestataire a maintenu qu’elle avait déclaré toute la rémunération qu’elle avait touchée pendant les périodes en question, mais qu’il se peut qu’elle se soit trompée en n’affectant pas les montants déclarés aux dates appropriées.

[33] La prestataire a affirmé que, outre la semaine du 3 août 2014 au cours de laquelle elle ne croit pas avoir travaillé, les déclarations concernant les autres semaines en question contiennent des erreurs parce qu’elle a déclaré les heures travaillées et que ces heures ne correspondaient pas toujours avec les sommes qui lui étaient payées. Dans le même ordre d’idée, la prestataire a précisé que, pour certaines semaines, il lui était déjà arrivé de déclarer des heures pour une date antérieure et de travailler sans être payée.

[34] La prestataire a indiqué que, la plupart du temps, elle travaillait moins de 55 heures par semaine et qu’elle déclarait les heures travaillées au lieu de celles payées. Elle a expliqué qu’au bout du compte, c’était du pareil au même, puisqu’elle indiquait les heures travaillées dans une déclaration ultérieure pour une période au cours de laquelle l’employeur ne la payait pas. Ainsi, elle rattrapait les heures pour lesquelles elle avait déjà été payée. La prestataire a essentiellement fait valoir qu’elle déclarait toujours le reste des heures qu’elle avait accumulées.

[35] J’ai examiné les éléments de preuve et je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a reçu les paiements de l’employeur mentionnés dans la lettre traitant de la décision rendue par la Commission le 14 novembre 2018. En ce qui concerne les éléments de preuve de la prestataire qui ne concordent pas avec ceux de l’employeur, je préfère ceux présentés par ce dernier, car ils sont plus cohérents et qu’il est plus probable qu’ils aient été consignés avec exactitude que ceux exposés dans les déclarations de la prestataire, lesquels reposaient presque entièrement sur ses souvenirs d’événements survenus il y a quatre à cinq ans. La prestataire conteste les dates de son retour au travail et soutient qu’elle a déclaré les heures qu’elle a réellement travaillées et que l’employeur lui a payé des montants en trop. Or, les éléments de preuve démontrent plutôt que la prestataire a été payée les montants mentionnés par l’employeur. La prestataire a affirmé ne pas se souvenir des détails précis concernant son retour au travail ni des montants touchés pendant chaque période et que la seule façon de vérifier cette information était d’examiner le dossier et de prendre une décision.

[36] Ayant conclu que la prestataire a reçu les sommes mentionnées dans la lettre traitant de la décision du 14 novembre 2018, je dois aussi déterminer si ces sommes constituent une rémunération qui doit être répartie sur la demande. Je conclus qu’elles le sont. Ces sommes ont été payées à la prestataire en guise de salaire, qu’elle ait travaillé ou non, et, puisqu’il s’agissait d’un salaire, elles doivent être réparties sur les semaines au cours desquelles la prestataire a travaillé et touché le salaire.

[37] Je conclus que la prestataire a reçu les sommes en question et que celles-ci constituent une rémunération qui doit être répartie.

Analyse

Pénalité

[38] La Commission peut infliger une pénalité à la prestataire, si cette dernière fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas de page 8.

[39] Il ne suffit pas que la déclaration ou l’omission ait été fausse ou trompeuse; la prestataire doit faire sciemment une déclaration ou une observation fausse ou trompeuse. Le terme « sciemment » signifie que la prestataire savait que l’information fournie était inexacte lorsqu’elle a fait la déclaration et ne dénote aucune intention de tromperNote de bas de page 9.

[40] Il incombe à la Commission de démontrer que la déclaration ou l’observation est fausse ou trompeuse et que la prestataire a fait une fausse déclaration tout en sachant que celle-ci était fausse ou trompeuseNote de bas de page 10. Si elle en fait la démonstration, il revient alors à la prestataire de démontrer que les déclarations n’ont pas été faites sciemment.

[41] La Commission dispose du pouvoir discrétionnaire d’infliger une pénalité pécuniaire et de décider du montant de la pénalitéNote de bas de page 11. En l’espèce, la Commission a donné un avertissement dans une lettre.

[42] Si la Commission a agi de mauvaise foi ou pour un motif illégitime, qu’elle a pris en considération des facteurs non pertinents ou qu’elle a omis de prendre en compte des facteurs pertinents, ou bien si elle a agi de manière discriminatoire, alors elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 12. Si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire, je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

[43] Dans les affaires de ce genre, je respecte habituellement le pouvoir discrétionnaire de la Commission d’évaluer une pénalité. Je reconnais aussi qu’il est établi dans la jurisprudence que, dans les circonstances susmentionnées, je peux modifier une pénalité, mais je ne peux pas l’annuler si je conclus que la décision de la Commission d’infliger la pénalité reposait sur un fondement juridiqueNote de bas de page 13.

Question 2 : Une pénalité devrait-elle être imposée à la prestataire?

La prestataire a-t-elle fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses à la Commission?

[44] La Commission a établi que la prestataire avait fait sept fausses déclarations lorsqu’elle a déclaré incorrectement son revenu pour la période visée dans une déclaration, alors qu’elle savait qu’elle avait travaillé du 4 août 2014 au 1er août 2015. La Commission a fait valoir que, bien que la prestataire ait argué que les registres de l’employeur étaient inexacts, ce dernier a fourni des renseignements détaillés concernant les dossiers de paye de la prestataire, alors que la prestataire n’a présenté aucun document à l’appui.

[45] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas fait intentionnellement une fausse déclaration concernant sa rémunération. Elle a indiqué qu’elle avait déclaré le nombre d’heures qu’elle avait réellement travaillées chaque semaine dans les déclarations de quinzaine, mais il arrivait souvent qu’elle était payée pour des heures qu’elle n’avait pas travaillées, ce qui explique pourquoi, sur papier, certains gains ne semblent pas avoir été déclarés. Le témoignage de la prestataire sur ce point était incohérent. En effet, elle a affirmé qu’elle ne se souvenait pas avoir rempli les déclarations de quinzaine, et qu’il se pouvait que certaines heures déclarées ne concordent pas avec les semaines indiquées.

[46] La Cour d’appel fédérale a conclu que, dans ce genre d’affaires, la Commission a la charge de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’un prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse et que, pour s’acquitter de ce fardeau, la Commission doit produire la preuve des questions effectivement posées, ainsi que la preuve des réponses donnéesNote de bas de page 14.

[47] La Commission a fourni l’explication du raisonnement qu’elle a suivi pour infliger la pénalité, ainsi que des copies de ses conversations avec la prestataire. Je ne relève aucune erreur quant à la production de la preuve.

[48] Je conclus cependant que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, car elle n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations à la Commission. Je conclus que la prestataire pensait qu’elle était censée déclarer les heures travaillées et que, en raison du régime Club 55 selon lequel elle pouvait accumuler des heures, elle était souvent payée en fonction d’un nombre d’heures supérieur à celui qu’elle déclarait. Je conclus que la prestataire n’a pas sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses lorsqu’elle a omis de déclarer toute sa rémunération dans les déclarations de quinzaine. Compte tenu du manque de connaissance subjective de la prestataire, les dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi n’ont pas été respectées et une pénalité ne peut être infligéeNote de bas de page 15.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a calculé le montant de la pénalité?

[49] Puisque j’ai conclu que la prestataire n’avait pas fait sciemment de fausses déclarations, il n’est pas nécessaire de prendre en considération cet aspect. En outre, la pénalité en question est une lettre d’avertissement.

Conclusion

[50] En ce qui concerne la répartition de la rémunération, l’appel est rejeté.

[51] En ce qui concerne l’imposition d’une pénalité, l’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Comparutions :

Le 11 mars 2019

Téléconférence

T. R., appelante

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