Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] En date du 11 juillet 2017, le demandeur, M. C. (prestataire), a présenté une demande d’antidate à la Commission de l’assurance-emploi du Canada afin que sa demande de prestations puisse débuter le 7 juillet 2016. La Commission l’a informé qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 26 juin 2016 parce qu’il n’avait pas démontré, pour la période du 26 juin 2016 au 10 juillet 2017, un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[3] Le prestataire a demandé la révision de cette décision au motif que la lettre du 5 août 2016 qu’il avait reçu de la Commission ne lui avait pas donné une information suffisamment complète concernant l’établissement de sa demande de prestations et parce qu’il croyait qu’il n’allait pas recevoir de prestations malgré le nombre d’heures qu’il avait accumulées.

[4] La division générale a conclu qu'une personne raisonnable aurait communiqué, sans tarder, avec la Commission afin d'obtenir des précisions sur la démarche à suivre. La division générale a conclu qu’il n’y avait aucune circonstance exceptionnelle qui empêchait le prestataire de se renseigner sur ses droits et obligations pendant sa période de retard.

[5] La permission d’en appeler a été accordée au prestataire. Il soutient que la division générale a erré en ne tenant pas compte du contexte particulier du dossier. Le prestataire fait valoir qu’il a reçu au départ de l’information de la part d’un agent de la Commission à l’effet qu’il n’était pas admissible, qu’un délai de 14 mois s’est écoulé avant qu’il ne reçoive son relevé d’emploi par un employeur et qu’un changement législatif non-médiatisé est survenu pendant cette période. Il fait valoir que la division générale a erré car il a fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans sa situation.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en ignorant les éléments portés à sa connaissance et dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[7] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a erré en ignorant les éléments portés à sa connaissance et dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Question en litige : Est-ce que la division générale a erré en ignorant les éléments portés à sa connaissance et dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE?

[12] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[13] Après avoir travaillé auprès de deux employeurs, le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en date du 21 juin 2016. Dans cette demande, il a indiqué avoir travaillé pour X du 9 septembre 2015 au 20 juin 2016, et pour X du 21 mai 2016 au 11 juin 2016. Le 5 août 2016, la Commission l’a informé qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour avoir droit à des prestations. Elle lui a aussi précisé que s’il avait accumulé d’autres heures d’emploi assurable entre le 28 juin 2015 et le 25 juin 2016 et qu’il fournissait un autre relevé d’emploi, il pourrait être admissible au bénéfice des prestations

[14] Le 28 juin 2017, le prestataire a présenté une autre demande de prestations en indiquant qu’il avait travaillé pour X, du 5 septembre 2016 au 16 juin 2017 et pour X du 20 mai 2016 au 8 juillet 2016. Le 11 juillet 2017, il a présenté une demande d’antidate à la Commission afin que sa demande de prestations puisse débuter le 7 juillet 2016. La Commission l’a informé qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 26 juin 2016 parce qu’il n’avait pas démontré, pour la période du 26 juin 2016 au 10 juillet 2017, un motif valable justifiait son retard à présenter sa demande de prestations.

[15] Le prestataire fait valoir qu’il a présenté une demande d’antidate afin que sa demande de prestations puisse débuter le 7 juillet 2016 et que la Commission a établi erronément que celui-ci n’avait pas fourni un motif valable pour la période du 26 juin 2016 au 11 juillet 2017. Il soutient que la demande d’antidate au 7 juillet 2016 concerne sa demande de prestations du mois de juillet 2017 et non celle du 21 juin 2016 qui, dit-il, a été à juste titre refusée.

[16] Le prestataire soutient également que la division générale a erré en ne tenant pas compte du contexte particulier du dossier. Il fait valoir qu’il a reçu au départ de l’information de la part d’un agent de la Commission à l’effet qu’il était inadmissible, qu’un délai de 14 mois s’est écoulé avant qu’il ne reçoive son relevé d’emploi par un employeur et qu’un changement législatif non-médiatisé est survenu pendant cette période. Il fait valoir que la division générale a erré car il a fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans sa situation.

[17] Dans une lettre adressée au prestataire en date du 5 août 2016, la Commission l’a informé qu’il avait accumulé 652 heures d’emploi assurables entre le 28 juin 2015 et le 25 juin 2016, mais qu’il lui fallait 665 heures d’emploi assurables pour avoir droit à des prestations. La Commission l’a également informé que s’il avait accumulé d’autres heures d’emploi assurable entre le 28 juin 2015 et le 25 juin 2016, il devait fournir un relevé d’emploi afin de possiblement devenir admissible aux prestations.

[18] Le prestataire a expliqué devant la division générale qu’après avoir reçu cette lettre, il n’a pas communiqué avec la Commission, car il savait que ce n’était pas 665 heures qu’il lui fallait, mais plutôt 910 heures, conformément à ce qu’un agent de la Commission lui avait dit en juin 2016 avant qu’il ne reçoive cette lettre. Il a souligné que la règle des 910 heures était toujours en vigueur au moment où il présenté sa demande de prestations le 21 juin 2016.

[19] De plus, le prestataire fait valoir que l’information qui lui a été donnée dans la lettre du 5 août 2016 que la Commission lui a envoyée n’était pas complète, car elle ne faisait pas mention du changement à la Loi sur l’AE, en date du 3 juillet 2016, qui faisait en sorte qu’il n’avait plus besoin d’avoir accumulé 910 heures pour établir sa période de prestations. Selon lui, la Commission aurait dû l’informer, dans cette lettre, que la règle indiquant qu’il devait avoir accumulé 910 heures n’existait plus pour établir sa période de prestations, d’autant plus que ce changement s’est effectué peu de temps après la présentation de sa demande de prestations le 21 juin 2016.

[20] L’article 10(4) de la Loi sur l’AE prévoit que lorsque le prestataire présente une demande de prestations après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[21] Pour établir l’existence d’un motif valable aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE, un prestataire doit réussir à démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi sur L’AE.

[22] Tel que mentionné par la jurisprudence récente de la Cour d’appel fédérale, un prestataire est tenu de vérifier « assez rapidement » s’il a droit à des prestations d’assurance‑emploi et de s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi sur l’AE. Il doit également prendre des mesures raisonnables auprès de la Commission pour vérifier ses croyances personnelles ou les renseignements obtenus par l'intermédiaire de tiers. Cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict.Note de bas de page 2

[23] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a réaffirmé qu’un motif valable doit s’appliquer à la période entière du retard.Note de bas de page 3

[24] Le prestataire soutient que, compte tenu de l’information reçue de l’agent de la Commission en juin 2016, il avait un motif valable durant toute la période du retard, du 7 juillet 2016 au 10 juillet 2017, et qu’en conséquence, il pouvait antidater sa demande au 7 juillet 2016 en vertu de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE.

[25] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas erré en déterminant que la lettre de la Commission en date du 5 août 2016 aurait dû amener le prestataire à se questionner sur la situation de sa demande de prestations. Tel que l’a conclu la division générale, même si le prestataire avait été auparavant informé par un agent de la Commission qu’il lui fallait 910 heures pour qu’une période de prestations soit établie à son profit, cette lettre lui indique les conditions à partir desquelles il pourrait recevoir des prestations.

[26] Le prestataire fait valoir qu’il était raisonnable de ne pas porter attention à la lettre du 5 août 2016, car celle-ci contenait de l’information erronée. Il fait valoir que la règle des 910 heures était toujours en vigueur au moment où il présenté sa demande de prestations le 21 juin 2016.

[27] La lettre du 5 août 2016, qui a été reçue par le prestataire pendant la période de retard pertinente, donne plusieurs indications que l’information reçue par téléphone le 21 juin 2016 était, à tout le moins, questionnable. Il n’était donc plus raisonnable pour le prestataire de se fier à cette conversation. Il aurait dû prendre des mesures concrètes pour se faire expliquer le contenu de la lettre et pour s’assurer de la teneur de ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’AE.

[28] La Cour d'appel fédérale a également établi que les prestataires qui tardent à présenter une demande de prestations parce que leur employeur a omis de leur remettre un relevé d’emploi ou leur a remis un relevé d’emploi en retard ne présentent pas un motif valable.Note de bas de page 4

[29] Le Tribunal est d’avis que le prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’AE. Il n’a pas démontré que pour la période entière du 7 juillet 2016 au 10 juillet 2017, il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[30] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la division générale a tenu compte des arguments du prestataire et que sa décision repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[31] Pour les motifs précédemment énoncés, il y a lieu de rejeter l’appel.

Conclusion

[32] Le Tribunal rejette l'appel.

Date de l’audience :

Mode d’instruction:

Comparutions:

26 février 2019

Téléconférence

M. C., appelant
D. P., représentant de l’appelant
Manon Richardson, représentante de l’intimée

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