Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division générale peut entendre deux appels conjointement s’ils concernent une question commune de droit ou de fait, mais la division générale ne peut le faire que si cela ne porte préjudice à aucune autre partie visée par l’appel – Les appels du prestataire ont tous les deux trait à une demande de prestations qu’il a présentée en 2013 – La Commission a soutenu que la division générale devrait entendre les deux appels conjointement; elle disait donc implicitement qu’elle ne serait pas lésée – La preuve au dossier a convaincu la division générale qu’il était approprié de traiter les appels du prestataire ensemble parce qu’ils concernaient des questions communes de droit et de fait.

AE – La Commission a refusé de réviser sa décision du 30 mars 2016 parce que le prestataire n’avait pas respecté le délai prévu de 30 jours pour présenter sa demande – La Commission doit prouver la date à laquelle elle a communiqué sa décision. Ce faisant, la Commission doit informer sans ambiguïté un prestataire de la nature et des conséquences de sa décision – Bien que l’article 134(2) de la Loi sur l’assurance-emploi oblige la division générale à accepter le certificat d’attestation comme preuve que l’avis de dette a été livré au prestataire, la division générale n’est pas tenue d’accepter le certificat comme preuve de livraison si le document n’a pas été expédié à la bonne adresse.

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Décision

[1] L’appelant est le prestataire dans cette décision. Le prestataire n’a pas déposé sa demande de révision en retard. Ses appels sont accueillis et sa demande de révision peut aller de l’avant. Les motifs suivants expliquent pourquoi cette décision a été rendue.

Aperçu

[2] Le 5 juin 2013, le prestataire a demandé et a reçu des prestations d’assurance-emploi de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Le 30 mars 2016, la Commission a déterminé que le prestataire avait omis de déclarer un revenu qu’il avait reçu en octobre 2013. La Commission a établi un versement excédentaire, a réparti le revenu sur deux semaines de ses prestations et a imposé une pénalité au prestataire. De plus, la Commission a estimé que le prestataire avait quitté son emploi volontairement le 19 octobre 2013 et elle l’a exclu du bénéfice des prestations.

[3] Le 24 juillet 2017, la Commission a rendu une décision au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) dans laquelle elle refusait de réviser sa décision datée du 30 mars 2016, parce que le prestataire n’avait pas respecté le délai de 30 jours pour présenter sa demande. Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[4] Je peux instruire deux appels en même temps s’ils soulèvent une question de droit ou de fait qui leur est commune, mais je peux seulement le faire si cela ne cause pas de préjudice aux autres parties en causeNote de bas de page 1. La Commission et l’appelant sont les seules parties en cause dans les appels selon les dossiers GE-19-788 et GE-19-879 du Tribunal.

[5] Les appels du prestataire portent tous deux sur une demande de prestations présentée en 2013. L’appel lié au dossier GE-19-788 du Tribunal concerne une décision découlant d’une révision datée du 8 septembre 2018. L’appel lié au dossier GE-19-879 du Tribunal concerne une décision découlant d’une révision datée du 24 juillet 2017. La Commission a soutenu que je devrais instruire ces deux appels; elle a donc convenu implicitement qu’elle ne subirait pas de préjudice si j’examinais ces appels ensemble. La preuve au dossier m’a également convaincu que l’instruction conjointe des appels était appropriée, parce qu’ils portent sur les mêmes questions de droit et de fait.

[6] Ma compétence se limite à instruire les appels des décisions découlant des révisions de la CommissionNote de bas de page 2. La Commission n’a pas rendu de décision découlant de la révisionNote de bas de page 3 à propos du contenu de sa décision datée du 30 mars 2016. C’est pourquoi je ne peux pas traiter ici des questions qui ont été soulevées par le prestataire concernant la décision de la Commission datée du 30 mars 2016.

Questions en litige

[7] Le prestataire interjette appel de la décision de la Commission de rejeter sa demande de proroger la période de 30 jours prescrite pour demander une révision de la décision datée du 30 mars 2016. Je dois trancher les questions suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il présenté sa demande de révision en retard?
  2. Si tel est le cas, la Commission a-t-elle agi judiciairement lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande de révision du prestataire?
  3. Si je juge que la Commission n’a pas agi judiciairement :
    1. le prestataire a-t-il fourni une explication raisonnable pour justifier la présentation tardive de sa demande de révision?
    2. le prestataire a-t-il démontré une intention persistante de poursuivre sa demande de révision?

Analyse

[8] Un prestataire doit demander à la Commission de réviser une décision concernant sa demande dans les 30 jours suivant la date où la Commission lui a communiqué sa décisionNote de bas de page 4. La Commission peut permettre au prestataire de déposer sa demande de révision après l’expiration du délai de 30 jours s’il a démontré qu’il avait une explication raisonnable de retarder sa demande et qu’il avait une intention persistante de demander la révision pendant toute la période du retardNote de bas de page 5.

Le prestataire a-t-il présenté sa demande de révision en retard?

[9] Afin d’établir le début de la période de 30 jours allouée pour que le prestataire fasse appel, la Commission doit prouver la date à laquelle elle lui a communiqué sa décisionNote de bas de page 6. Pour ce faire, la Commission doit informer clairement le prestataire de la nature et de l’incidence de sa décisionNote de bas de page 7.

[10] L’enjeu de ces appels est la décision de la Commission datée du 30 mars 2016 mentionnée dans la demande du prestataire. Cette décision contient les cinq éléments suivants :

  1. la détermination selon laquelle le prestataire a quitté volontairement l’emploi qu’il occupait au X le 13 octobre 2013;
  2. l’ajustement de la répartition de la rémunération du prestataire pour les semaines commençant le 6 octobre 2013 et le 13 octobre 2013;
  3. la détermination selon laquelle le prestataire a sciemment fait de fausses assertions dans deux déclarations afin d’obtenir des prestations;
  4. la détermination selon laquelle elle imposerait une pénalité au prestataire en raison de ses assertions;
  5. l’allégation d’un versement excédentaire, qui serait expliqué au prestataire dans un avis de dette envoyé de façon subséquente.

[11] La Commission affirme qu’elle a envoyé un avis de décision au prestataire le 30 mars 2016 et elle soutient qu’il était au courant avant le 20 décembre 2016. La Commission soutient que la demande de révision du prestataire était en retard, parce qu’il ne l’a pas présentée avant le 17 juin 2017.

[12] Dans ses demandes de révision datées du 12 juin 2017 et du 29 août 2018, le prestataire a affirmé que la Commission lui avait communiqué sa décision du 30 mars 2016 oralement le 25 novembre 2016 et par écrit le 20 décembre 2016.

[13] Ainsi, l’élément de preuve des deux parties démontre que la Commission a communiqué sa décision du 30 mars 2016 au prestataire oralement le 25 novembre 2016 et par écrit le 20 décembre 2016. Cet élément de preuve ne démontre pas à quel moment les conditions de l’avis de dette ont été communiquées au prestataire, car ces dernières n’étaient pas énoncées dans la décision du 30 mars 2016.

[14] La Commission a déposé un [traduction] « certificat d’attestation » devant le Tribunal daté du 6 février 2019 qui énonce les détails de l’ [traduction] « avis de dette » qu’elle a envoyé au prestataire le 2 avril 2016. Elle a fourni ce document comme élément de preuve selon lequel le prestataire avait reçu l’avis de detteNote de bas de page 8. La Commission n’a pas indiqué sur le certificat l’adresse à laquelle l’avis de dette avait été envoyé.

[15] Le prestataire a déclaré qu’il vivait à X, en Colombie-Britannique, lorsqu’il a demandé des prestations en 2013 et qu’il a déménagé à Calgary, en Alberta, en 2015. Il a aussi affirmé qu’il avait déclaré ce changement d’adresse à la Commission. Malgré tout, la Commission a envoyé sa décision du 30 mars 2016 à son ancienne adresse de X.

[16] Le 24 juillet 2017, la Commission a noté dans son dossier que le prestataire n’avait pas répondu à sa demande du 13 juillet 2017. Elle a alors envoyé sa lettre datée du 24 juillet 2017 refusant d’examiner la demande de révision présentée par le prestataire le 12 juin 2017. Même si le prestataire a fourni son adresse de Calgary à la Commission dans sa demande de révision, la Commission a également envoyé sa décision du 24 juillet 2017 à l’ancienne adresse du prestataire de X.

[17] Le prestataire a déposé une deuxième demande de révision le 29 août 2018 à partir de son adresse de Calgary. Il a affirmé dans cette demande qu’il avait reçu oralement la décision qu’il voulait que la Commission révise le 25 novembre 2016. Il a aussi mentionné qu’il avait reçu la décision par écrit le 20 décembre 2016. La Commission a répondu à la deuxième demande de révision du prestataire le 12 septembre 2018 dans une lettre adressée au prestataire à son adresse de Calgary.

[18] Le dossier de la Commission ne montre aucune communication orale ou écrite entre cette dernière et le prestataire entre le 24 juillet 2017 et le 29 août 2018. De même, les renseignements fournis par le prestataire ne font état d’aucune communication entre eux durant cette période.

[19] Cet élément de preuve démontre que toute la correspondance que la Commission a adressée au prestataire a été envoyée à son ancienne adresse de X à partir du 30 mars 2016 jusqu’à ce qu’elle lui envoie sa lettre du 12 septembre 2018.

[20] Bien que la Loi sur l’AE exige que j’admette le certificat d’attestation en preuve que l’avis de dette a été transmis au prestataire, je ne suis pas obligé de l’admettre en preuve si le document n’a pas été envoyé à la bonne adresseNote de bas de page 9. Étant donné la preuve concernant l’adresse postale utilisée (et celle qui n’a pas été utilisée) par la Commission lors de ses communications avec le prestataire à partir du 30 mars 2016 jusqu’à la rédaction de la lettre du 12 septembre 2018, j’estime qu’il est autrement plus probable que la Commission ait envoyé son avis de dette à l’ancienne adresse de X du prestataire le 2 avril 2016. J’estime donc que l’avis de dette n’a pas été transmis au prestataire dans les délais normaux de livraison du courrier en 2016.

[21] Le prestataire a affirmé que son salaire avait fait l’objet d’une saisie-arrêt en 2016 et qu’on lui avait d’abord dit que cela était lié à une déduction fiscale non permise. Il a déclaré que son employeur avait fait une dernière déduction de son salaire au titre de la saisie-arrêt le 7 juillet 2017. Il a aussi dit qu’il avait appris environ un mois avant la fin de la saisie-arrêt que celle-ci était en fait liée à un versement excédentaire établi par la Commission dans le cadre de sa décision du 30 mars 2016. Le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas compris les conséquences financières de la décision de la Commission du 30 mars 2016 avant d’apprendre que la saisie‑arrêt de son salaire en 2016 était liée à sa demande de prestations d’assurance-emploi de 2013.

[22] Le prestataire n’a pas pu établir la date exacte à laquelle il a appris la véritable raison de la saisie-arrêt de son salaire; il a seulement été en mesure d’affirmer que cela s’était produit en juin 2017.

[23] La Commission doit prouver qu’elle a communiqué clairement au prestataire la nature et l’incidence de sa décision. Dans sa lettre de décision du 30 mars 2016, la Commission ne donnait pas de renseignements au prestataire sur le montant du versement excédentaire réclamé ou les modalités de paiement prévues. Le témoignage du prestataire démontre que son salaire a été saisi durant l’été de 2016 pour rembourser le versement excédentaire établi par la Commission, mais que le prestataire n’a appris qu’au début de juin 2017 la raison de cette saisie-arrêt.

[24] Les parties ont convenu que le prestataire avait déposé sa demande de révision de la décision de la Commission du 30 mars 2016 (soit la décision que la Commission a refusé d’examiner) le 12 juin 2017. Je suis d’avis que la preuve démontre que le prestataire a pris conscience de la nature exacte et de l’incidence de la décision de la Commission du 30 mars 2016 seulement au moment où il a appris que la saisie-arrêt de son salaire était liée à sa demande de prestations d’assurance-emploi de 2013. J’estime que le prestataire a appris la véritable raison de la saisie-arrêt de son salaire au plus tôt le 1er juin 2017 et au plus tard le 11 juin 2017.

[25] Comme le prestataire a déposé sa demande de révision le 12 juin 2017, j’estime qu’il a présenté sa demande de révision dans les 30 jours suivant la date où il a appris la nature exacte et l’incidence de la décision de la Commission du 30 mars 2016. J’estime donc que la demande de révision du prestataire n’a pas été déposée en retard.

La Commission a-t-elle agi judiciairement lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande de révision du prestataire?

[26] Comme j’ai déterminé que le prestataire n’avait pas déposé sa demande de révision en retard, je n’ai pas à me pencher sur la question de savoir si la Commission a agi judiciairement lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande de révision du prestataire.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 25 mars 2019

Téléconférence

B. W., appelant

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