Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’appelante, madame L. S., n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé comme éducatrice au X (X, X ou « l’employeur »), du 6 février 2018 au 15 mai 2018 inclusivement. L’employeur a indiqué avoir congédié l’appelante parce qu’elle a laissé une enfant sans surveillance, dans la cour arrière de la garderie, et pour avoir également laissé sans surveillance, le groupe d’enfants dont elle avait la responsabilité. Après avoir congédié l’appelante, l’employeur a modifié sa décision et lui a plutôt imposé une suspension de 21 semaines. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi. L’appelante a expliqué avoir retiré une enfant de son groupe parce que celle-ci avait des problèmes de comportement, et elle l’a ensuite amenée dans la cour arrière de la garderie pour être en mesure de s’en occuper. L’appelante a indiqué être ensuite retournée avec son groupe d’enfants. Elle a indiqué que quelques minutes plus tard, lorsqu’elle est retournée voir l’enfant qu’elle avait laissée dans la cour arrière, celle-ci n’était plus là. L’appelante a fait valoir que les gestes qui lui ont été reprochés avaient pour but de mettre en pratique un nouveau moyen d’intervention auprès d’une enfant de son groupe, étant donné les problèmes de comportement de cette enfant. Elle a expliqué n’avoir eu aucune mauvaise intention à l’endroit de cette enfant. L’appelante a expliqué qu’il arrivait que d’autres éducatrices puissent laisser leur groupe d’enfants sans surveillance. Elle a dit ne pas comprendre pourquoi l’employeur l’avait mise à la porte. Le 20 novembre 2018, l’appelante a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[4] Pour établir cette conclusion, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  1. Quels sont les gestes reprochés à l’appelante?
  2. L’appelante a-t-elle commis les gestes en question?
  3. Si tel est le cas, les gestes reprochés à l’appelante avaient-ils un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner son congédiement?
  4. La Commission s’est-elle acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelante représentent de l’inconduite?
  5. Est-ce que l’inconduite de l’appelante est la cause de la perte de son emploi?

Analyse

[5] Le paragraphe 29b) de la Loi précise que pour l’application des articles 30 à 33, la suspension est assimilée à la perte d’un emploi.

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi indique que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite.

[7] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[8] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a rappelé qu’il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[9] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[10] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre d’abord, de savoir comment l’employé a agi et ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85).

[11] Une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Locke 2003 CAF 262, Cartier 2001 CAF 274, Gauthier A-6-98, Meunier A-130-96).

[12] Dans l’affaire Locke (2003 CAF 262), où l’appel d’un prestataire qui avait été congédié pour avoir fumé de la marijuana sur les lieux du travail a été accueilli, la Cour a déclaré que compte tenu de l’ensemble de la preuve dont le Conseil avait été saisi, dont le fait que d’autres employés n’avaient pas été congédiés après avoir été pris à fumer de la marijuana, et ce, même si la conduite de ce prestataire était de nature criminelle, sa conduite ne constituait pas une dérogation à ce point fondamentale à la relation employeur-employé qu’il aurait dû savoir, comme tout employé, que s’il se faisait prendre, il serait probablement congédié sans avertissement.

[13] Dans l’affaire Jewell (A-236-94), la Cour a rappelé qu’en l’absence de l’élément psychologique requis, le comportement reproché ne peut être qualifié d’inconduite au sens de la Loi.

[14] Déterminer si la conduite d’un employé ayant entraîné la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[15] Le Tribunal précise que dans le cas présent, même si l’employeur a décidé d’imposer une suspension à l’appelante après l’avoir initialement congédiée, la décision rendue par la Commission porte spécifiquement sur la perte d’emploi de l’appelante en raison de son inconduite.

[16] Sur ce point, la Commission a expliqué qu’à la suite de la tenue d’une séance de médiation avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en date du 15 octobre 2018, l’employeur a changé le motif de cessation d’emploi pour indiquer une suspension, après avoir pris en considération de nouveaux éléments. La Commission a précisé que puisqu’elle ne possédait pas les nouvelles informations de l’employeur, la décision a été rendue avec les faits présents au dossier. Elle a soutenu que la suspension est assimilée à la perte d’emploi et que le critère juridique demeurait le même puisque c’est en raison de la conduite de l’appelante que le lien d’emploi a été rompu. La Commission a souligné que dans un cas de suspension, il ne s’agit pas d’une exclusion, mais d’une inadmissibilité pour une période définie (pièce GD4-12).

[17] Le Tribunal précise qu’il rend une décision en fonction de celle rendue à l’endroit de l’appelante par la Commission soit, une perte d’emploi pour inconduite. Le fait que l’appelante ait été suspendue plutôt que congédiée à la suite de la séance de médiation de la CNESST ne change rien à la décision rendue par la Commission d’exclure l’appelante du bénéfice des prestations en raison de son inconduite.

Quels sont les gestes reprochés à l’appelante?

[18] Dans le cas présent, les gestes reprochés à l’appelante sont d’avoir laissé une enfant dont elle avait la responsabilité, dans la cour arrière de la garderie, sans surveillance, et d’avoir également laissé son groupe sans surveillance lorsqu’elle s’est rendue dans la cour arrière avec cette enfant.

[19] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelante, en date du 15 mai 2018, l’employeur lui a indiqué qu’en décidant de choisir comme méthode d’intervention de retirer un enfant de son groupe pour le conduire volontairement seul, sans surveillance, à l’extérieur, dans la cour arrière de la garderie et lui demander qu’il reste assis devant la porte fermée du bâtiment ou de courir autour du module de jeux, elle avait mis en cause la sécurité, la santé psychologique ainsi que le bien-être de cet enfant, de façon préoccupante. L’employeur a également expliqué à l’appelante qu’elle avait aussi laissé le restant de son groupe, dont elle avait la responsabilité, sans surveillance, à plusieurs reprises, durant son intervention. Il a indiqué que l’appelante avait utilisé une méthode d’intervention excessive, inappropriée et dégradante, incluant des mesures abusives, humiliantes, qui font peur et portent atteinte à la dignité et l’estime de soi d’un enfant. L’employeur a précisé que l’appelante avait contrevenu aux articles 5 et 5.2 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance et à l’article 100 du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance, prévoyant une surveillance constante des enfants et qu’en plus, elle n’avait pas respecté la régie interne du CPE qui précise que l’établissement est soucieux d’offrir un milieu chaleureux, sécuritaire et stimulant et un service de qualité répondant aux valeurs et aux attentes des parents (pièces GD3-24 et GD3-25).

[20] Le 19 octobre 2018, dans une lettre adressée à la Commission (objet : Lettre explicative de la modification de raison de fin d’emploi), l’employeur a expliqué que lors de la séance de médiation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en date du 15 octobre 2018, il a été informé d’éléments nouveaux ayant permis de reconsidérer la décision qu’il avait prise, en date du 15 mai 2018, de congédier l’appelante. L’employeur a indiqué qu’à la lumière de ces éléments, mais sans préciser lesquels, une suspension d’une durée de 21 semaines était une conséquence suffisante aux gestes posés par l’appelante et que cette suspension avait pris fin le 15 octobre 2018. Il a spécifié que depuis cette date, l’appelante pouvait être appelée à faire du remplacement au sein de la corporation (pièce GD3-42).

L’appelante a-t-elle commis les gestes en question?

[21] Oui. L’appelante a reconnu avoir posé les gestes qui lui ont été reprochés. Elle a expliqué avoir retiré une enfant du groupe d’enfants dont elle avait la responsabilité pour l’amener dans la cour arrière de la garderie et qu’après avoir laissé cette enfant seule, quelques minutes, le temps de revenir voir son groupe, l’enfant en question ne se trouvait plus dans la cour arrière lorsqu’elle est retournée à cet endroit pour s’en occuper. L’appelante a aussi indiqué qu’elle avait laissé son groupe d’enfants sans surveillance pour effectuer l’intervention auprès de l’enfant qu’elle avait placée en retrait.

[22] Le Tribunal doit maintenant déterminer si ces gestes constituent de l’inconduite.

Les gestes posés par l’appelante avaient-ils un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?

[23] Non. En tenant compte du contexte particulier dans lequel les gestes reprochés à l’appelante se sont produits, le Tribunal considère que ces gestes ne revêtaient pas un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être assimilés à de l’inconduite au sens de la Loi (Mishibinijima, 2007 CAF 36, Tucker, A-381-85, Locke, 2003 CAF 262, Jewell, A-236-94).

[24] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelante au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement aux gestes lui ayant été reprochés et ayant mené à la perte de son emploi. Le témoignage de l’appelante était détaillé et exempt de contradictions. Son témoignage a permis de mettre en contexte les gestes qui lui ont été reprochés.

[25] Tout en reconnaissant qu’elle avait commis une erreur en utilisant un moyen d’intervention visant à retirer de son groupe une enfant présentant un problème de comportement, l’appelante a apporté plusieurs explications quant aux motifs l’ayant amenée à utiliser ce moyen et sur le fait qu’elle n’était pas la seule éducatrice à laisser son groupe d’enfants sans surveillance.

[26] Le Tribunal considère que le témoignage de l’appelante a permis d’apporter des précisions et un éclairage additionnel quant à la nature des gestes qui lui ont été reprochés et la pratique existant chez l’employeur selon laquelle les éducatrices pouvaient laisser leur groupe d’enfants sans surveillance sans que leur emploi ne soit compromis pour une telle raison (Locke, 2003 CAF 262).

Position de l’appelante

[27] L’appelante a expliqué qu’elle admettait avoir commis une erreur lorsque la journée du 8 mai 2018, elle a retiré une enfant de son groupe pour l’amener à l’extérieur, mais que c’était la première fois qu’une telle situation se produisait ou qu’elle mettait en pratique cette solution. Elle a précisé qu’il n’était rien arrivé de grave, qu’elle n’avait eu aucune mauvaise intention en posant les gestes qui lui ont été reprochés et qu’elle avait fait ce qu’elle pensait le mieux pour les enfants (pièces GD3-34 et GD3-35).

[28] L’appelante a fait valoir que ce qui était arrivé le 8 mai 2018 n’avait pas été volontaire de sa part, parce qu’elle était à son affaire avec les enfants et que les parents savaient très bien ce qui se passait avec leur enfant. Elle a expliqué que ce qu’elle avait voulu faire avec l’enfant en la retirant du groupe pour l’amener dans la cour arrière de la garderie n’était pas méchant. L’appelante a précisé qu’elle n’avait pas eu l’intention de nuire à l’enfant, car elle voulait prendre du temps pour jouer dehors avec elle et établir une communication avec cette enfant. Elle a dit qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas laisser seul un enfant, mais qu’elle n’avait jamais eu à signer des directives à cet effet (pièces GD3-34, GD3-35 et GD3-37).

[29] L’appelante a précisé que même si lorsqu’elle quittait son local (ex. : pendant la sieste des enfants), elle devait le dire à une autre éducatrice, elle n’était pas la seule à l’avoir fait sans le dire. Elle a soutenu avoir payé pour tous les employés qui, eux aussi, sortaient de leur local et laissaient souvent leurs enfants sans surveillance. L’appelante a dit ne pas comprendre pourquoi elle avait été mise à la porte (pièce GD2-3).

[30] Elle a souligné qu’il n’y avait pas d’éducatrice de remplacement en raison de coupures (pièce GD3-34).

[31] L’appelante a affirmé avoir souvent demandé de l’aide à l’employeur parce que l’enfant demandait beaucoup de temps, mais qu’elle n’en avait pas. Elle a dit avoir lancé des « SOS », assez souvent. L’appelante a expliqué que la situation à laquelle elle a été confrontée, le 8 mai 2018, s’était produite parce qu’elle en avait assez. Elle a fait valoir que l’employeur aurait pu lui donner plus de ressources parce qu’il y a davantage d’enfants qui présentent des problèmes de comportement (ex. : troubles de l’opposition), (pièces GD3-34 et GD3-35 et GD3-37).

[32] L’appelante a indiqué posséder environ 18 ans d’expérience comme éducatrice, dont 16 ans au X. Elle a expliqué que dans le cadre de son travail chez l’employeur, elle avait la responsabilité de huit enfants de trois et quatre ans. L’appelante a précisé qu’elle effectuait son quart de travail de 7 h 30 à 16 h 15 et qu’elle avait une pause d’une de 30 minutes (une demi-heure) à 13 h 45. Elle a spécifié qu’après l’heure du dîner pour les enfants, vers 12 h 45, elle les préparait pour la sieste (pièces GD3-9 à GD3-11).

[33] L’appelante a expliqué que l’enfant qu’elle avait retirée du groupe avait des problèmes de comportement et que le Centre local de services communautaires (CLSC) effectuait un suivi auprès de cette enfant. Elle a précisé que les problèmes de comportement de cette enfant se posaient particulièrement lors de la sieste, car elle était agitée et dérangeait les autres enfants du groupe (ex. : se lever pendant la sieste, aller chercher quelque chose, faire des crises si l’éducatrice lui disait de ne pas faire telle chose, ce qui réveillait les autres enfants), (pièces GD3-34 et GD3-35).

[34] L’appelante a expliqué que le CLSC lui a proposé des trucs pour l’aider à intervenir auprès de l’enfant (ex. : placer l’enfant à l’écart du groupe dans un coin aménagé à cet effet dans le local et lui donner des jouets ou ajouter des livres, pendant que les autres enfants devaient se reposer et faire leur sieste dans l’obscurité). L’appelante a indiqué avoir aménagé un coin pour cette enfant afin que les autres enfants ne puissent pas la voir ni l’entendre. Elle a expliqué qu’elle avait de la difficulté avec cette enfant parce qu’elle en demandait toujours plus.

[35] L’appelante a expliqué que le fait de retirer l’enfant du groupe, comme cela s’est produit la journée du 8 mai 2018, était une situation nouvelle puisqu’elle avait d’abord discuté de ce moyen d’intervention avec la directrice une semaine auparavant. Elle a affirmé avoir alors proposé à la directrice de retirer l’enfant du groupe lorsqu’un problème de comportement se posait lors de la sieste, de l’amener dehors et de lui donner du temps (ex. : courir, aller dans le module de jeux, s’asseoir avec l’enfant, avant de retourner dans le groupe). L’appelante a affirmé que la directrice a approuvé à 100 % la proposition qu’elle lui a faite d’amener l’enfant dehors pour lui donner du temps. Elle a précisé s’être entendue avec la directrice afin qu’une période de temps soit donnée à l’enfant pour que celle-ci puisse jouer dehors pendant la sieste. L’appelante a souligné avoir auparavant essayé les recommandations qui lui avaient été faites par le CLSC pendant une période d’environ deux semaines, avant qu’elle ne fasse l’expérimentation du moyen consistant à amener l’enfant à l’extérieur (pièces GD3-34 et GD3-35).

[36] L’appelante a expliqué que lorsqu’un problème survenait avec l’enfant en question, la directrice était en général toujours présente pour lui apporter de l’aide en cas de besoin. L’appelante a expliqué que la directrice n’était plus aussi présente qu’auparavant au CPE en raison de la fusion de ce CPE (X) avec un autre CPE (X). Elle a indiqué que la directrice était absente du CPE environ 45 % du temps. L’appelante a précisé que dans le passé, la directrice l’avait aidée au moins une fois par semaine à surveiller l’enfant en question lorsque celle-ci était retirée du groupe. L’enfant pouvait alors se retrouver au bureau de la directrice. Elle a précisé qu’au début, la directrice lui disait de placer l’enfant dans le corridor (passage), mais que cette solution faisait en sorte que cette enfant se retrouvait seule et qu’elle dérangeait les autres groupes de l’aile (secteur) de l’établissement. L’appelante a expliqué qu’avant que cette enfant ne soit sous sa responsabilité, la directrice avait parfois dû se déplacer pour se rendre dans le groupe ou cette enfant se trouvait.

[37] L’appelante a expliqué que la journée du 8 mai 2018, après le dîner, au moment de commencer la sieste avec les enfants, l’enfant en question, ne voulait pas faire la sieste et avait commencé à faire du grabuge. Elle a indiqué avoir décidé de retirer cette enfant du groupe et de l’amener à l’extérieur. L’appelante a expliqué avoir laissé son groupe d’enfants en leur disant de se préparer pour la sieste (pièces GD3-9 à GD3-11, GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[38] L’appelante a expliqué qu’après avoir habillé l’enfant, elle s’est ensuite dirigée, avec cette enfant, vers le bureau de la directrice, croyant que celle-ci s’y trouvait et qu’elle allait pouvoir lui apporter de l’aide, comme c’était habituellement le cas, le temps de retourner voir son groupe et de trouver quelqu’un qui allait le surveiller pendant son absence (pièces GD3-9 à GD3-11 et GD3-21).

[39] L’appelante a précisé que lorsqu’elle s’est retrouvée dans le corridor avec l’enfant et après avoir constaté que la directrice était absente, elle voulait effectuer ce qui avait été prévu soit, d’amener l’enfant à l’extérieur. Elle a indiqué qu’elle était concentrée uniquement sur cela. L’appelante a expliqué qu’elle était trop contente de voir qu’elle allait pouvoir réussir à faire quelque chose avec l’enfant, d’autant plus que celle-ci était déjà habillée (pièces GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[40] L’appelante a expliqué que lorsqu’elle a quitté son groupe pour amener l’enfant à l’extérieur, elle n’a pas demandé l’aide de l’autre éducatrice qui se trouvait dans le local adjacent au sien parce qu’elle ne voulait pas la déranger. Elle a indiqué qu’il est possible de communiquer avec l’autre éducatrice de ce local puisque des salles de bain communes aux deux locaux permettent de le faire sans avoir à quitter l’un ou l’autre des locaux adjacents. L’appelante a expliqué que si elle avait communiqué avec l’autre éducatrice se trouvant dans le local adjacent au sien, cela aurait dérangé le groupe d’enfants de cette éducatrice, étant donné que ce groupe s’apprêtait lui aussi à faire la sieste et que l’autre éducatrice était déjà couchée avec les enfants de ce groupe. L’appelante a indiqué qu’il aurait peut-être fallu qu’elle le fasse quand même, mais qu’elle était rendue au point où elle se disait qu’elle allait déranger. Elle a expliqué avoir quitté son local sans demander l’aide d’une autre éducatrice, car dans sa tête, elle se sentait toujours dérangeante, étant donné le problème de comportement de l’enfant qu’elle avait retirée du groupe (ex. : entendre l’enfant crier lorsqu’elle était retirée du local). Selon l’appelante, il fallait qu’elle trouve des solutions par elle-même. Elle a affirmé que des éducatrices s’étaient déjà plaintes, dans le passé, de la situation créée par les problèmes de comportement de l’enfant en question. L’appelante a précisé que les autres collègues n’étaient pas fâchées contre elle, mais qu’elles lui signifiaient de faire quelque chose avec cette situation et d’en discuter avec la directrice.

[41] L’appelante a expliqué avoir amené l’enfant vers la cour arrière, avoir ouvert la porte-patio, lui avoir dit de l’attendre sur le balcon, qu’elle allait venir s’amuser avec elle et avoir ensuite refermé la porte. L’appelante a précisé s’être absentée pour une période de deux minutes pour retourner voir son groupe d’enfants. Elle a expliqué qu’elle était certaine que l’enfant était en sécurité parce que tout était barré dans la cour (ex. : présence d’une clôture, d’un cadenas et d’une chaîne), (pièces GD3-9 à GD3-11, GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[42] L’appelante a expliqué que lorsqu’elle est retournée dehors pour aller rejoindre l’enfant, elle a rencontré une éducatrice qui faisait des photocopies dans le bureau de la directrice. L’appelante a indiqué avoir dit à cette éducatrice qu’elle s’en allait jouer dehors avec l’enfant et lui a demandé si elle l’avait vu, après avoir constaté que cette enfant n’était plus dans la cour arrière. L’éducatrice lui a alors répondu qu’elle n’avait vu personne. L’appelante a expliqué avoir ensuite demandé à une autre éducatrice de surveiller son groupe et est retournée dehors afin de retrouver l’enfant (pièces GD3-9 à GD3-11, GD3-21, GD3-34, GD3-35 et GD3-37).

[43] L’appelante a expliqué que l’enfant a été retrouvée après une quinzaine de minutes. Elle a précisé avoir retrouvé l’enfant en avant de l’établissement près des boîtes aux lettres. L’appelante a indiqué s’être ensuite dirigée vers l’enfant et l’avoir pris dans ses bras (pièces GD3-9 à GD3-11, GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[44] L’appelante a expliqué qu’il y avait une chaîne et un cadenas sur la clôture de la cour arrière de la garderie. Elle a précisé que depuis plusieurs mois, les employés demandaient de faire réparer la clôture qui était brisée. L’appelante a indiqué qu’elle était certaine que cette clôture avait été réparée, car il y avait une chaîne et un cadenas, et qu’il n’y avait pas de danger d’amener l’enfant dans la cour arrière. Elle a précisé que la porte était facile à ouvrir, malgré la présence d’un cadenas. L’appelante a souligné que la directrice attendait le dégel pour réparer cette porte, mais qu’une semaine après l’événement du 8 mai 2018, cette porte avait été réparée. Selon l’appelante, il s’agissait d’un manquement de la part de l’employeur d’avoir laissé une clôture brisée dans la cour de la garderie (pièces GD3-9 à GD3-11, GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[45] L’appelante a indiqué qu’à la suite de l’événement survenu le 8 mai 2018, elle immédiatement appelé sa directrice pour lui expliquer ce qui venait de se produire. L’appelante a précisé avoir été en congé avec traitement pendant une semaine avant d’être congédiée, le 15 mai 2018, et que de son côté, la directrice avait été suspendue pendant trois jours (pièces GD3-21, GD3-34 et GD3-35).

[46] L’appelante a indiqué qu’elle était en désaccord avec la déclaration de l’employeur voulant que c’était parce qu’elle « avait besoin de respirer » qu’elle avait volontairement placé une enfant à l’extérieur, dans la cour arrière de la garderie (pièces GD3-22 et GD3-23).

[47] L’appelante a expliqué avoir communiqué avec les parents de l’enfant à la suite de son congédiement. Elle a expliqué que la mère de l’enfant lui a indiqué qu’au début elle était fâchée, mais qu’avec du recul, elle comprenait son geste, car elle savait que son enfant demande beaucoup. L’appelante a précisé que la mère lui a aussi dit qu’elle trouvait que l’employeur avait été très sévère avec elle (pièces GD3-34 et GD3-35).

[48] L’appelante a transmis au Tribunal la copie d’une lettre de la mère de l’enfant qu’elle avait retirée du groupe. Dans cette lettre, en date du 7 août 2018, la mère de l’enfant a, entre autres, indiqué ce qui suit :

[...] Depuis deux ans ma fille fréquente cet établissement et toutes les éducatrices sont d’accords (sic) [d’accord] : c’est une perle, participe bien aux activités, aide tout le monde, etc. Mais elle refuse de faire la sieste. De notre côté, nous n’avions aucune objection à ce qu’elle ne fasse pas de sieste. J’ai tenté de voir avec la directrice une solution permettant à X [l’enfant] de pouvoir faire autre chose tranquille (regarder un livre, colorier...). Mais la réponse a été que ce n’est pas la « politique » du CPE donc elle devra dormir ou restée (sic) [rester] couchée tout le temps de la sieste! En la forçant à faire cela, elle a commencé à faire de grosses crises « dérangeant » tout le monde. Une fois arrivée dans le groupe de L. S. [l’appelante], le « pattern » a recommencé. Celle-ci a, à de nombreuses reprises, levé le drapeau rouge disant ne pas savoir comment faire, comment réagir. Une intervenante de l’extérieur est venue pour « évaluer » la situation et le discours était le même que le nôtre... Laissez-la jouer tranquillement! Mais encore une fois, un « non » de la directrice! J’ai été estomaquée de voir à quelle (sic) [quel] point il y avait de l’entêtement à vouloir la faire dormir. Aucun support pour les éducatrices dans le fond! Environs (sic) [Environ] une semaine avant l’Incident (sic) [l’incident], nous étions, mon mari et moi dans le bureau de X [la directrice] pour discuter de la situation et avons demandé à ce qu’elle puisse (encore une fois) ne pas dormir et faire autre chose pendant la sieste. Nous lui avons donné des informations sur une formation en ligne pour L. S. et pertinente aussi pour les autres éducatrices afin de l’aider, de l’outiller pour interagir convenablement avec notre enfant et les autres. Malheureusement, rien n’avait été fait. Une journée à l’heure de la sieste, L. S. a décidé de s’occuper de X à l’extérieur. Il y a eu effectivement une erreur de jugement en laissant X seule à l’extérieur pendant un certain temps. Moi qui ne quitte jamais mes enfants des yeux! Par contre, c’est une cour de garderie, ça se doit d’être sécuritaire tout de même [...] (pièces GD7-2, GD7-3 ou GD8-1).

[49] L’appelante a également transmis au Tribunal une copie de lettres de remerciement et d’appui de la part d’un autre parent et de collègues de travail (pièces GD7-4 à GD7-7 ou GD8-1 à GD8-3).

[50] L’appelante a expliqué qu’à la suite de son congédiement, une séance de médiation a été tenue avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en date du 15 octobre 2018. Elle a expliqué que lors de cette séance, elle a fait comprendre à l’employeur que les gestes qui lui avaient été reprochés n’avaient pas été volontaires de sa part. L’appelante a expliqué que lors de cette rencontre, l’employeur et l’avocate qui le représentait lui ont dit qu’ils voyaient qu’elle était honnête dans son travail. Elle a souligné que la représentante de l’employeur lui a indiqué qu’elle savait qu’elle n’était pas la seule éducatrice qui quittait son local sans le dire. L’appelante a affirmé que lors de cette séance, l’employeur lui a aussi indiqué qu’il avait peut-être été trop sévère dans la sanction qui lui a été appliquée et lui a précisé qu’il était prêt à la reprendre à certaines conditions. L’appelante a expliqué être retournée travailler pour l’employeur, mais avoir dû signer un contrat, au préalable, qui faisait en sorte qu’elle recommençait à zéro, car elle ne pouvait faire que du remplacement et qu’elle ne pouvait pas remplacer plus de deux jours consécutifs dans un local. Elle a précisé avoir signé son contrat le 15 octobre 2018 et qu’à la fin du mois d’octobre 2018, elle n’avait fait que deux jours de remplacement. L’appelante a indiqué avoir fait trois jours de remplacement en novembre 2018. Elle a déclaré avoir quitté le CPE parce qu’elle ne se sentait pas bien et avoir commencé à travailler comme éducatrice dans une commission scolaire (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-40 et GD3-41).

[51] L’appelante a expliqué qu’à la suite de la séance de médiation effectuée à la CNESST, son employeur avait émis un nouveau relevé d’emploi dans lequel il a apporté une modification de la raison ayant mené à la fin de son emploi et a adressé une lettre (objet : Lettre explicative de la modification de raison de fin d’emploi) à la Commission (Service Canada) à cet effet, en date du 19 octobre 2018 (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-40 et GD3-41).

Preuve recueillie auprès de l’employeur

[52] De son côté, dans une déclaration faite à la Commission, en date du 19 juin 2018, l’employeur a expliqué avoir congédié l’appelante en raison de la mauvaise décision qu’elle a prise, le 8 mai 2018, en amenant une enfant à l’extérieur, dans la cour arrière de la garderie. Il a indiqué que l’appelante avait posé ce geste parce qu’elle avait besoin de respirer. Selon l’employeur, il s’agit d’une erreur de jugement grave qui aurait pu mener à de conséquences désastreuses pour cette enfant. Il a expliqué que l’appelante avait de la difficulté avec cette enfant et n’était pas allée chercher de l’aide auprès d’autres éducatrices. L’employeur a expliqué que les problèmes de comportement de cette enfant étaient connus et qu’elle est suivie par une équipe de spécialiste du CLSC travaillant en collaboration avec les parents de celle-ci. Il a expliqué que l’enfant s’était enfuie de la cour par la porte de la clôture défectueuse et qu’elle s’était retrouvée dans la rue. L’employeur a précisé qu’il attendait le dégel pour faire réparer la clôture et que tout le personnel était au courant de ce fait, incluant l’appelante. Il a indiqué qu’il y a une procédure à suivre selon la loi provinciale des Centres de la petite enfance (manuel de l’employé) pour statuer dans ce genre de situation. L’employeur a expliqué avoir rencontré l’appelante, en date du 15 mai 2018, et lui avoir remis une lettre de congédiement. Il a mentionné que l’appelante avait effectué une démarche auprès de la CNESST (normes du travail). L’employeur a indiqué que l’appelante avait régulièrement eu des avertissements, mais rien de majeur.  Il a souligné que l’appelante a une voix qui porte et qu’elle avait tendance à parler fort et qu’il a eu à intervenir à quelques reprises pour remédier à la situation (pièces GD3-22 et GD3-23).

[53] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 22 août 2018, l’employeur a expliqué que l’appelante a été congédiée pour avoir appliqué une pratique inadéquate. En réponse à une question de la Commission lui demandant si l’appelante s’était entendue avec la directrice pour qu’elle donne du temps à l’enfant en question afin que celle-ci puisse jouer dehors pendant la période de sieste, l’employeur a indiqué qu’il n’était pas au courant de l’existence d’une telle entente, mais que si tel était le cas, il s’agissait d’une pratique inadéquate, car si l’éducatrice se trouve à l’extérieure avec l’enfant, il n’y aurait alors personne pour s’occuper des autres enfants de son groupe qui font la sieste à l’intérieur. Il a expliqué que le jour de l’incident, la directrice était absente de la garderie, mais que si l’appelante avait besoin d’aide avec l’enfant, elle aurait dû en demander à une autre éducatrice. L’employeur a indiqué que l’enquête qu’il a effectuée a démontré que l’appelante n’avait pas informé l’éducatrice du local d’à côté (les deux locaux communiquent) qu’elle sortait quelques minutes et ne lui a pas demandé de surveiller les enfants dans son local, ce qu’elle aurait dû faire. Il a souligné que c’était la directive en place d’informer sa collègue lorsqu’une éducatrice avait à quitter son local temporairement. L’employeur a expliqué que lorsque l’appelante a sorti l’enfant à l’extérieur, elle a rencontré une autre éducatrice qui lui a dit qu’elle ne pouvait pas laisser l’enfant seule, dehors. Il a indiqué que l’appelante n’a pas tenu compte de l’intervention de sa collègue et a quand même laissé l’enfant dans la cour arrière, sans surveillance. L’employeur a précisé que l’appelante connaissait très bien la directive au sujet de la surveillance des enfants, car il s’agit d’une information qui est donnée dans la formation d’éducatrice et qui est aussi disponible sur Internet. Il a indiqué ne pas savoir si l’appelante avait signé un document contenant cette directive lors de son embauche, car cela remonte à une quinzaine d’années (pièce GD3-36).

[54] La preuve au dossier indique que l’employeur a d’abord émis un relevé d’emploi, en date du 30 mai 2018, indiquant que l’appelante avait cessé de travailler en raison d’un congédiement (code M – congédiement), (pièces GD3-19 et GD3-20)

[55] L’employeur a ensuite émis un relevé d’emploi modifié ou remplacé, en date du 18 octobre 2018, indiquant que l’appelante avait cessé de travailler pour une raison « autre » (code K – autre) et que la date prévue de son rappel était le 15 octobre 2018. Le commentaire suivant apparaît à la case 18 (observations) de ce relevé : « voir lettre ci-joint (sic) [ci-jointe] – motif suspension » (pièces GD3-40 et GD3-41).

Position de la Commission

[56] Pour sa part, la Commission a déterminé que les gestes posés par l’appelante de laisser son groupe d’enfants seul, alors qu’elle en avait la garde, puis de laisser une enfant seule à l’extérieur constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi. La Commission a soutenu que cela constitue un manquement professionnel qui brise le lien de confiance employeur-employé. Elle a expliqué que l’appelante a volontairement laissé son groupe d’enfants seul dans le local, ainsi qu’une enfant seule dans la cour extérieure, alors qu’elle en avait la garde et qu’elle devait assurer une surveillance constante selon les règles établies. Selon la Commission, les gestes étaient conscients et délibérés (pièce GD4-11).

[57] La Commission a expliqué que même si l’appelante a fait valoir qu’elle avait laissé son groupe seul, pendant seulement deux minutes, la durée de son absence auprès des enfants n’est pas un facteur déterminant pouvant justifier ses gestes puisque selon la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance et le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance, elle ne devait jamais laisser un enfant seul, sous aucune condition (pièce GD4-9).

[58] Concernant l’argument de l’appelante selon lequel elle n’était pas la seule éducatrice à laisser son groupe seul et qu’elle avait payé pour les employés qui, eux aussi, sortaient de leur local en laissant souvent leurs enfants sans surveillance, la Commission a fait valoir qu’elle devait rendre une décision selon les faits qui lui sont présentés et non pas selon le dossier des autres employés. Elle a expliqué qu’elle ne connaissait pas le détail du dossier des autres employés et n’avait pas à déterminer si le geste des autres employés constituait de l’inconduite ou non. La Commission a souligné qu’il s’agissait seulement du dossier de l’appelante et non pas d’un regroupement de dossiers (pièces GD4-9 et GD4-10).

[59] La Commission a fait valoir que le fait que d’autres employés ne respectent pas les directives, ne donne pas l’autorisation à l’appelante de les enfreindre et d’aller à l’encontre des valeurs de l’employeur. Elle a indiqué que cette situation ne peut pas servir à justifier les gestes de l’appelante. La Commission a soutenu que rien n’indique que l’appelante avait reçu l’autorisation de la part de l’employeur de laisser un enfant seul. Elle a souligné que l’employeur a mentionné que cette attitude et ces méthodes n’étaient pas du tout acceptées au CPE (pièce GD4-10).

[60] La Commission a expliqué qu’à la suite de la médiation du 15 octobre 2018 avec l’employeur, le motif de cessation d’emploi a été changé pour indiquer une suspension et que l’employeur avait précisé avoir reconsidéré cette décision à la lumière de nouveaux éléments (pièce GD3-42). Sur ce point, la Commission a indiqué qu’elle ne possédait pas les nouvelles informations de l’employeur et qu’elle avait rendu sa décision avec les faits présents au dossier (pièce GD4-12).

Décision du Tribunal

[61] Le Tribunal considère que bien que les gestes posés par l’appelante des laisser une enfant seule à l’extérieur et de laisser également son groupe d’enfants sans surveillance soient répréhensibles, ces gestes ne constituaient pas une dérogation à ce point fondamentale à la relation employeur-employé qu’elle aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée, étant donné que d’autres employés n’ont pas été congédiés pour avoir eu une conduite semblable à la sienne (Locke, 2003 CAF 262, Tucker, A-381-85).

[62] Le Tribunal est d’avis que les actes reprochés à l’appelante doivent être examinés en fonction du contexte de travail dans lequel elle a exercé son emploi et des explications qu’elle a données à cet effet.

[63] Le Tribunal considère que dans le cas présent, le fait que l’appelante ait laissé une enfant sans surveillance à l’extérieur pendant quelques minutes et qu’elle ait du même coup, laissé son groupe d’enfants, également sans surveillance, réfère au même principe ou à la même règle voulant que les enfants soient sous constante surveillance (ex. : article 100 du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance). Le Tribunal souligne que l’employeur a également fait référence au fait que l’appelante n’avait pas respecté la régie interne du CPE, mais n’a pas indiqué en quoi l’appelante pouvait avoir contrevenu à la régie interne de l’établissement où elle travaillait (pièces GD3-24 et GD3-25).

[64] Le témoignage de l’appelante, lequel n’a pas été contredit, indique qu’elle n’était pas la seule éducatrice à laisser son groupe d’enfants sans surveillance, et que d’autres éducatrices pouvaient également sortir de leur local en laissant leurs enfants sans surveillance sans qu’une telle situation ne puissent entraîner un congédiement (Locke, 2003 CAF 262).

[65] Sur ce point, le Tribunal souligne que dans son argumentation, la Commission a indiqué que le fait que d’autres employés ne respectent pas les directives ne donnait pas l’autorisation à l’appelante de les enfreindre de son côté et ne pouvait pas servir de justification aux gestes qu’elle avait posés, mais n’a pas remis en cause l’affirmation de l’appelante selon laquelle d’autres éducatrices pouvaient quitter leurs groupes d'enfants et les laisser sans surveillance (pièce GD4-10).

[66] Le Tribunal est d’avis qu’en fonction de la déclaration de l’appelante, tout porte à croire qu’il y avait une pratique chez l’employeur faisant en sorte que la règle selon laquelle un enfant ou un groupe d’enfants devait être sous surveillance constante n’était pas toujours respectée ou suivie par les employés du CPE.

[67] Rien dans la preuve au dossier ne vient démontrer que l’emploi de l’appelante pouvait être compromis, étant donné l’existence d’une telle pratique, et ce, même si l’employeur a référé dans la lettre de congédiement qu’il lui a adressée que celle-ci avait contrevenu aux dispositions de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance et du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance qui prévoient que les enfants doivent être sous constante surveillance (pièces GD3-24 et GD3-25) et que l’appelante connaissait très bien la directive à cet égard (pièce GD3-36), (Locke, 2003 CAF 262).

[68] Dans ce contexte, le Tribunal considère que l’appelante ne pouvait prévoir qu’elle allait perdre son emploi si elle enfreignait la règle selon laquelle les enfants dont elle avait la responsabilité devaient être sous surveillance constante, étant donné la pratique qui avait cours chez l’employeur et que d’autres employés n’avaient pas été congédiés pour avoir eu une conduite semblable à la sienne (Locke, 2003 CAF 262, Tucker, A-381-85).

[69] Le Tribunal est également d’avis que les gestes reprochés à l’appelante ne possèdent pas la dimension psychologique requise permettant de les associer à de l’inconduite au sens de la Loi (Jewell, A-236-94).

[70] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas posé de gestes conscients, délibérés ou intentionnels dans le but de se soustraire de sa charge de travail, mais plutôt pour répondre à un besoin spécifique d’une enfant de son groupe qui présentait un problème de comportement.

[71] L’appelante a reconnu avoir commis une erreur en laissant une enfant de son groupe sans surveillance dans la cour arrière de la garderie.

[72] Le Tribunal considère que cette erreur n’est pas le résultat de gestes délibérés ou intentionnels de la part de l’appelante pouvant refléter son insouciance ou sa négligence, en décidant volontairement de ne pas tenir compte des répercussions que ces gestes auraient sur son rendement au travail (Tucker, A-381-85).

[73] Le Tribunal estime que les gestes reprochés à l’appelante s’inscrivent dans la démarche pédagogique dans laquelle elle s’était engagée pour trouver une solution au problème de comportement récurrent d’une enfant de son groupe.

[74] Le Tribunal souligne que dans l’arrêt Tucker (A-381-85), la Cour a indiqué que les tribunaux semblent être prêts à admettre que les employés sont humains et qu’ils peuvent faire des erreurs sous l’influence du stress ou de l’inexpérience.

[75] Malgré le fait que l’appelante a erronément mis en pratique un nouveau moyen d’intervention en laissant une enfant dont elle avait la responsabilité sans surveillance adéquate, et en laissant aussi son groupe sans surveillance, elle ne pouvait prévoir que les gestes qui lui ont été reprochés à ces égards risquaient d’entraîner son congédiement, étant donné l’objectif pédagogique qu’elle poursuivait avec l’expérimentation de ce moyen d’intervention (Mishibinijima, 2007 CAF 36, Tucker, A-381-85).

[76] Même si le moyen utilisé par l’appelante lorsqu’elle a décidé de retirer l’enfant du groupe et de l’amener à l’extérieur était tout à fait inadéquat parce que cette enfant s’est retrouvée sans surveillance à l’extérieur, et qu’elle également laissé son groupe sans surveillance, ce moyen visait en tout premier lieu à répondre à l’un des besoins de cette enfant, à trouver une solution au problème de comportement récurrent qu’elle manifestait et à répondre aussi à une demande spécifique exprimée par les parents de cette enfant.

[77] En ce sens, le Tribunal est d’avis qu’à la base, l’intention de l’appelante avait un caractère pédagogique et visait le bien de l’enfant dont les problèmes de comportement étaient connus et nécessitaient un suivi particulier (ex. : équipe de spécialistes du CLSC).

[78] Le Tribunal ne peut faire abstraction du fait qu’après avoir essayé plusieurs moyens d’intervention auprès de cette enfant, lors des périodes de sieste (ex. : aménagement d’un coin dans le local pour permettre à l’enfant de s’amuser avec des jouets, de regarder des livres ou de faire du coloriage), l’appelante voulait essayer une autre méthode d’intervention afin de trouver une solution efficace pour cette enfant.

[79] Le Tribunal tient également pour avéré le témoignage de l’appelante selon lequel elle s’était entendue avec la directrice du CPE, environ une semaine avant l’événement du 8 mai 2018, pour mettre en pratique le moyen d’intervention consistant à retirer l’enfant en question de son groupe et l’amener à l’extérieur. Le Tribunal souligne que bien que l’employeur ait indiqué qu’il considérait que ce moyen était inadéquat, il a affirmé qu’il n’était pas au courant de l’existence d’une entente entre la directrice du CPE et l’appelante concernant l’expérimentation de ce moyen.

[80] Le Tribunal prend également en considération le fait qu’il s’agissait de la première fois que l’appelante mettait en pratique ce moyen d’intervention, qu’elle croyait qu’elle allait pouvoir bénéficier de l’aide de la directrice à cet effet.

[81] Le Tribunal souligne que lorsque le problème de comportement de l’enfant s’est manifesté, la journée du 8 mai 2018, l’appelante a précisé qu’elle avait été concentrée uniquement sur cette situation parce qu’elle voulait trouver un moyen d’intervention efficace en regard de ce problème de comportement.

[82] Étant donné le contexte dans lequel les gestes reprochés à l’appelante se sont produits, le Tribunal considère que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne démontre pas que cette dernière « a utilisé une méthode d’intervention excessive, inappropriée et dégradante, incluant des mesures abusives, humiliantes qui font peur et portent atteinte à la dignité et l’estime de soi d’un enfant », comme l’indique la lettre de congédiement qui lui a été adressée, en s’appuyant sur des éléments de l’article 5.2 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (pièce GD3-25).

[83] Le Tribunal considère également qu’en plus de n’avoir eu aucune intention malveillante à l’endroit de l’enfant qu’elle avait retirée de son groupe pour l’amener à l’extérieur ni à l’endroit du groupe dont elle avait la responsabilité, l’appelante a été confrontée au fait qu’elle n’a pas été en mesure de compter sur une ressource qui lui venait habituellement en aide, en l’occurrence la directrice du CPE, lorsque l’enfant en question manifestait un problème de comportement important.

[84] En effet, la journée du 8 mai 2018, la directrice était absente et l’appelante n’a pu compter sur le soutien de cette dernière, comme cela était le cas lorsqu’une telle situation se présentait.

[85] Le Tribunal considère véridique l’affirmation de l’appelante selon laquelle dans le passé, la directrice était davantage présente pour aider les éducatrices à gérer des problèmes de comportement pouvant se poser avec les enfants du CPE, mais que celle-ci était absente près de la moitié du temps (45 % du temps), pour des raisons administratives (fusion de deux CPE). L’appelante a également souligné qu’il n’y avait pas d’éducatrice de remplacement en raison de coupures (pièce GD3-34).

[86] Il ressort du témoignage et des déclarations de l’appelante que celle-ci a souvent demandé l’aide de l’employeur et lui a lancé des « SOS » afin qu’il lui donne davantage de ressources pour faire face aux difficultés auxquelles elle était confrontée en raison des comportements de l’enfant, mais qu’en dépit de ces demandes, elle n’a pas eu l’aide escomptée.

[87] Sur ce point, le Tribunal souligne que dans sa déclaration écrite, la mère de l’enfant a expliqué qu’en raison du comportement de sa fille, l’appelante avait, à de nombreuses reprises, « levé le drapeau rouge » en indiquant qu’elle ne savait pas comment faire ou comment réagir avec cette enfant (pièces GD7-2, GD7-3 et GD8-1).

[88] Le Tribunal trouve que le fait qu’il n’y avait pas d’autres ressources disponibles que celle de faire appel à des éducatrices ayant déjà des groupes d’enfants sous leur responsabilité, permet également de comprendre que les gestes posés par l’appelante n’avaient pas un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant représenter de l’insouciance ou de la négligence pouvant démontrer qu’elle a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail (Tucker, A-381-85).

[89] Le Tribunal souligne que l’affirmation de l’employeur selon laquelle l’appelante aurait dû demander de l’aide auprès d’une autre éducatrice n’indique pas comment cette autre éducatrice aurait pu, tout en continuant d’assurer la surveillance de son propre groupe d’enfants, venir en aide à l’appelante.

[90] Le Tribunal considère que le fait que l’employeur ait révisé sa position en imposant à l’appelante une suspension d’une durée de 21 semaines, après l’avoir congédiée, parce qu’il avait pris en considération de nouveaux faits, mais sans préciser lesquels, vient soutenir le fait que les actes commis par l’appelante n’étaient pas voulus, délibérés ou intentionnels, à la suite des explications que celle-ci a déclaré lui avoir données lors de la séance de médiation tenue avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en date du 15 octobre 2018. Le Tribunal croit que lors de cette séance, et ce, même s’il n’a pas donné de précisions sur les nouveaux faits qu’il a pris en considération, l’employeur a pris en compte la version des faits donnée par l’appelante relativement aux gestes qui lui ont été reprochés.

[91] Sur ce point, Le Tribunal considère également véridique l’affirmation de l’appelante indiquant qu’au cours de cette séance de médiation, l’employeur lui a dit qu’il considérait qu’elle était une personne honnête et qu’il savait qu’elle n’était pas la seule éducatrice à laisser son groupe d’enfants sans surveillance. L’appelante a aussi indiqué que lors de cette rencontre, elle avait fait comprendre à l’employeur que les gestes qui lui ont été reprochés n’étaient pas volontaires de sa part, en raison de l’objectif qu’elle poursuivait avec l’enfant qu’elle avait retirée de son groupe.

[92] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit en raison de l’intention pédagogique qu’elle poursuivait en posant les gestes qui lui ont été reprochés (Tucker, A-381-85).

[93] Le Tribunal est d’avis que les gestes reprochés à l’appelante n’étaient pas d’une portée telle que celle-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. Même si l’appelante a posé des gestes répréhensibles en laissant une enfant sans surveillance dans la cour arrière de la garderie et en laissant également son groupe sans surveillance, elle ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée, étant donné que d’autres employés ayant eu une conduite semblable à la sienne n’ont pas reçu une telle sanction (Locke, 2003 CAF 262, Mishibinijima, 2007 CAF 36, Jewell, A-236-94, Tucker, A-381-85).

La Commission s’est-elle acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelante représentent de l’inconduite?

[94] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il appartient à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Bartone, A-369-88, Davlut, A-241-82, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85, Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[95] Le Tribunal est d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe à cet égard (Bartone, A-369-88, Davlut, A-241-82, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85, Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[96] Le Tribunal considère que dans la décision qu’elle a rendue à l’endroit de l’appelante, la Commission n’a pas tenu compte de la pratique qui existait chez l’employeur selon laquelle les éducatrices pouvaient laisser leurs enfants sans surveillance, sans que cette situation fasse en sorte qu’elles pouvaient être congédiées pour cette raison. La Commission n’a pas pris en considération que dans ce contexte, l’appelante ne pouvait s’attendre à être congédiée malgré les gestes qu’elle a posés (Locke, 2003 CAF 262, Mishibinijima, 2007 CAF 36, Tucker, A-381-85).

[97] Le Tribunal considère que dans son analyse, la Commission n’a pas non plus tenu compte de l’intention pédagogique qui sous-tendait les gestes posés par l’appelante et du contexte dans lequel ces gestes ont été commis, de même que du fait que ces gestes ne possédaient pas la dimension psychologique requise permettant de les associer à de l’inconduite (Jewell, A-236-94).

[98] Le Tribunal est d’également d’avis que la Commission n’a pas été en mesure de prendre en considération les conclusions de l’employeur, telles que l’appelante les a rapportées dans son témoignage, à la suite de la séance de séance de médiation tenue avec la CNESST.

[99] Le Tribunal considère que malgré les gestes posés par l’appelante, la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et que cette preuve n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485, Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85).

Est-ce que l’inconduite de l’appelante est la cause de la perte de son emploi?

[100] Non. La cause de la cause de la perte d’emploi de l’appelante ne représente pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[101] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[102] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison d’actes posés de manière volontaire, délibérée ou intentionnelle (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[103] L’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00, Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[104] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelante du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi n’est pas justifiée dans les circonstances.

Conclusion

[105] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparution :

31 janvier 2019

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Madame L. S., appelante

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