Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel de l’employeur est rejeté. La prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi, car elle a démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

Aperçu

[2] La prestataire a quitté son emploi après qu’on lui eut offert un contrat de travail qui comportait des changements importants au chapitre du salaire et des conditions d’emploi. Elle a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification et l’a exclue du bénéfice des prestations. Elle a demandé un réexamen de cette décision au motif que l’employeur l’avait forcée à quitter son rôle en modifiant abruptement son poste. La Commission a infirmé sa décision et a accueilli sa demande sans imposer d’exclusion. L’employeur interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) parce qu’il croit que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

Questions préliminaires

[3] L’audience par téléconférence devait initialement avoir lieu le 26 février 2019. Le 25 février 2019, l’employeur a présenté des documents supplémentaires consistant en une lettre résumant sa position et 28 pages de preuve à prendre en considération dans le cadre de l’appel. L’audience a été ajournée au 15 mars 2019 pour permettre à la prestataire de recevoir les documents avant la date de l’audience.

[4] Lors de l’audience tenue le 15 mars 2019, la prestataire et l’employeur ont tous deux demandé de présenter des preuves supplémentaires à l’appui de leur témoignage. La prestataire a présenté un document de six pages de preuve le 15 mars 2019. Elle a soumis un document additionnel le 19 mars 2019, soit une lettre répondant aux observations de l’employeur et quatre pages additionnelles de preuve. Ces documents ont été envoyés aux parties, qui ont été invitées à y répondre au plus tard le 29 mars 2019.

[5] Le 26 mars 2019, l’employeur a fourni une réponse aux observations de la prestataire et une page de preuve à prendre en considération dans le présent appel.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[7] La prestataire était‑elle fondée à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[8] Le prestataire qui quitte volontairement un emploi sans justification est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi régulièresNote de bas de page 1.

[9] Il incombe à la Commission de prouver que le départ était volontaire; une fois qu’elle l’a fait, il y a renversement du fardeau de la preuve, et c’est au prestataire de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Le terme « fardeau » sert à déterminer la partie qui doit produire une preuve suffisante de sa prétention pour satisfaire au critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve consiste en une prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est probable que les événements se soient produits ainsi qu’ils ont été décrits.

La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[10] Personne ne conteste que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Cette dernière a confirmé à l’audience qu’elle avait démissionné le 6 septembre 2018, après qu’on lui eut offert un nouveau contrat de travail qui modifiait considérablement ses conditions d’emploi. La prestataire a fourni une copie de sa lettre de démission à la Commission.

[11] L’employeur a produit un relevé d’emploi qui indique également que la prestataire a démissionné. Comme les deux parties font valoir la même position sur cette question, j’admets que la prestataire a volontairement quitté son emploi.

La prestataire était‑elle fondée à quitter volontairement son emploi?

[12] Pour établir qu’elle était fondée à quitter un emploi, la prestataire doit démontrer, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2.

[13] La prestataire a travaillé pour l’employeur du 17 octobre 2017 au 5 septembre 2018. Elle soutient qu’elle a quitté son emploi après que l’employeur lui eut offert un nouveau contrat de travail qui comportait des changements importants aux conditions de son emploi et à son taux de rémunération horaire. La prestataire a déclaré qu’elle avait demandé à l’employeur de lui fournir une description de travail et que ce dernier lui avait remis le nouveau contrat de travail la semaine suivante, soit le 5 septembre 2018. Le 6 septembre 2018, elle a présenté une lettre de démission indiquant qu’elle quittait son emploi parce qu’elle ne pouvait accepter la réduction de sa rémunération et de ses heures de travail qui lui avait été offerte le 5 septembre 2018. Elle a ajouté qu’elle se sentait forcée de quitter son poste en raison des changements brusques qui avaient été ainsi apportés à son poste, à son salaire et à son accès administratif.

[14] La prestataire a déclaré dans sa lettre de démission que le retrait de son accès administratif avait contribué à sa décision de démissionner. Les deux parties ont soumis des messages textes qui indiquent que l’accès administratif de la prestataire à ses systèmes informatiques, y compris à son courriel d’entreprise et au logiciel d’établissement des horaires de l’entreprise, a été interrompu le 30 août 2018. Elle soutient également qu’elle n’a pas pu accéder à l’immeuble avec sa carte-clé ce jour‑là et que, le lendemain, on lui a retiré son rôle d’administratrice de la page des médias sociaux de l’employeur.

[15] La prestataire affirme qu’elle croit que son accès a été intentionnellement révoqué par l’employeur en représailles pour un incident survenu le 29 août 2018. Ce jour‑là, l’employeur lui avait demandé de communiquer avec un employé pour discuter de l’horaire de travail après que ce dernier eut déjà refusé le quart. La prestataire a déclaré qu’elle avait refusé de le faire et que l’employeur était contrarié.

[16] L’employeur a nié que l’accès administratif avait été intentionnellement retiré à la prestataire et a affirmé qu’au contraire, les problèmes survenus le 30 août 2018 étaient des problèmes techniques, puis il a souligné que son accès par carte-clé à l’immeuble était indépendant de sa volonté. Il a déclaré à l’audience qu’il ne pouvait faire aucun commentaire sur le fait qu’on avait retiré à la prestataire son rôle d’administratrice de la page de médias sociaux de l’entreprise le 31 août 2018, mais il a affirmé que la gestion du site de médias sociaux ne relevait pas de ses fonctions normales et qu’elle n’y avait eu accès qu’à titre temporaire. L’employeur affirme que les problèmes techniques ont été réglés le lendemain, ce que la prestataire n’a pas contesté.

[17] Il est évident que c’est l’employeur qui a retiré à la prestataire son rôle d’administratrice de la page des médias sociaux de l’entreprise, mais je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer l’affirmation de la prestataire selon laquelle l’employeur a intentionnellement révoqué son accès aux systèmes informatiques de l’entreprise et son accès physique à l’immeuble de bureaux. Compte tenu de la preuve, il est fort probable, selon la prépondérance des probabilités, que cette interruption de son accès ait été attribuable à un problème technique, puisque l’employeur lui a accordé immédiatement l’accès à l’immeuble et que les autres problèmes ont été réglés le lendemain.

[18] Les faits suivants ne sont pas contestés. Le 5 septembre 2018, l’employeur a présenté à la prestataire un nouveau contrat de travail qui indiquait que son taux de rémunération était de 17 $ l’heure, et suivant lequel son emploi était à temps partiel. Au moment où le contrat lui a été présenté, la prestataire touchait 17,50 $ l’heure.

[19] L’employeur soutient que la prestataire a quitté son emploi inutilement, car il a dit à l’audience que la diminution du taux de rémunération était une erreur et qu’il aurait révisé le contrat pour le corriger. À l’appui de sa position, l’employeur a présenté une lettre envoyée à la prestataire le 6 septembre 2018, dans laquelle il confirme que le taux de rémunération de la prestataire est de 17,50 $ l’heure et affirme qu’il corrigerait plusieurs autres erreurs contenues dans le contrat, qui ne sont pas pertinentes en l’espèce. Je note que le courriel ne traite pas de la description de la prestataire comme étant une employée à temps partiel. L’employeur a également déclaré à la Commission et au Tribunal que la description de l’emploi de la prestataire comme étant à temps partiel était correcte et qu’il ne l’aurait pas rayée du contrat.

[20] La prestataire soutient qu’elle a été embauchée pour travailler à temps plein, ce que confirme l’offre d’emploi de l’employeur et une lettre de ce dernier datée de juillet 2018. Elle a fourni l’offre d’emploi au Tribunal, et je note que celle‑ci décrit son poste et qualifie celui‑ci d’emploi à temps plein. Elle a également fourni une lettre de l’employeur datée du 31 juillet 2018, intitulée [traduction] « vérification de l’emploi »; cette lettre indique que la prestataire travaille à temps plein au taux horaire de 17,50 $.

[21] À l’audience, l’employeur a demandé à la prestataire si elle avait accepté des conditions d’emploi différentes au moment de son embauche, ce à quoi elle a répondu par la négative. Il a ensuite déclaré que différentes options de conditions d’emploi avaient été discutées avec la prestataire au moment de son embauche et que l’offre d’emploi ne représentait pas les conditions en vertu desquelles elle avait été embauchée.

[22] Je conclus que l’employeur n’a pas fourni de preuve convaincante que la prestataire a accepté des conditions d’emploi différentes de celles qui étaient énoncées dans l’offre d’emploi liée à son poste. De plus, sa prétention selon laquelle ils se sont entendus sur des modalités différentes est contredite par la lettre confirmant les modalités d’emploi de la prestataire en juillet 2018. Par conséquent, je préfère le témoignage de la prestataire selon lequel elle a été embauchée pour occuper un poste à temps plein et j’accepte qu’il s’agissait des conditions de son emploi jusqu’à ce qu’on lui présente le nouveau contrat le 5 septembre 2018.

[23] Je suis convaincue, compte tenu de la preuve présentée par la prestataire et l’employeur, que le nouveau contrat de travail représentait une modification importante du salaire de la prestataire, puisqu’il indiquait que son taux de rémunération horaire était de 17 $ plutôt que de 17,50 $, et une modification importante des modalités de son emploi, puisqu’il indiquait que son emploi était à temps partiel plutôt qu’à temps plein.

[24] Le taux de rémunération indiqué dans le contrat témoignait d’une réduction du salaire établi de la prestataire, mais je tiens compte des déclarations de l’employeur selon lesquelles il a dit à la prestataire qu’il corrigerait le taux de rémunération et plusieurs autres erreurs relevées dans le nouveau contrat en réponse à sa démission. Bien que je considère que l’employeur était disposé à traiter de plusieurs des modifications apportées aux conditions d’emploi de la prestataire représentées dans le nouveau contrat, je conclus que ses déclarations à la Commission et au Tribunal indiquent qu’il n’était pas disposé à modifier la description du poste de la prestataire selon laquelle ce poste était à temps partiel.

[25] Comme la prestataire a été embauchée pour occuper un poste à temps plein, il est logique de penser que la modification de son rôle par un poste à temps partiel représente une réduction de ses heures de travail habituelles. Je suis d’avis qu’en raison de cette modification importante de ses conditions d’emploi, la prestataire n’avait d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi.

[26] L’employeur a fait valoir, entre autres choses, que la prestataire était motivée à quitter son emploi parce qu’elle souhaitait aider son conjoint dans sa nouvelle entreprise. À l’appui de son argument, il a fourni plusieurs captures d’écran de pages de médias sociaux dans lesquelles la prestataire figure comme une employée de la nouvelle entreprise à compter de janvier 2019, ainsi qu’un message d’un membre de la famille de la prestataire. Dans son message, le membre de la famille en question fait la promotion de l’entreprise et indique que la prestataire et son conjoint en sont les propriétaires.

[27] La prestataire a nié l’affirmation de l’employeur selon laquelle elle était motivée à quitter son emploi parce qu’elle souhaitait se joindre à l’entreprise de son conjoint. Elle a déclaré dans ses observations postérieures à l’audience qu’elle avait accepté un poste au sein de l’entreprise de son conjoint le 2 janvier 2019. À l’appui de sa position, elle a fourni un message publié dans les médias sociaux par l’ancienne propriétaire de l’entreprise annonçant qu’elle avait vendu l’entreprise au conjoint de la prestataire et à ses deux partenaires commerciaux. Elle souligne qu'elle n'est pas inscrite comme étant l'une des propriétaires et qu'elle n'a pas participé à la nouvelle entreprise.

[28] Je conclus que la preuve indique, selon la prépondérance des probabilités, que le conjoint de la prestataire est propriétaire d’une entreprise et que la prestataire a commencé à y travailler en janvier 2019. L’employeur n’a présenté aucune preuve convaincante selon laquelle la prestataire était motivée à quitter son emploi pour se joindre à l’entreprise de son conjoint à la date à laquelle il lui a offert un contrat de travail modifié qui a changé ses conditions d’emploi. Par conséquent, j’estime qu’il est probable que la prestataire ait démissionné en raison de la modification importante de ses conditions d’emploi.

[29] À l’audience et dans ses observations postérieures à l’audience, l’employeur a fait valoir que la prestataire aurait pu raisonnablement discuter de ses préoccupations avec sa conjointe, qui elle aussi était une employée de l’entreprise. La prestataire a répondu à l’audience qu’on ne lui avait jamais demandé de faire part de ses préoccupations à la conjointe de l’employeur pendant son emploi et qu’elle ne considérait pas cette dernière comme étant sa superviseure. L’employeur a souligné que sa conjointe gère les sites de médias sociaux de l’entreprise et que la prestataire a participé temporairement à des tâches liées à ces sites. Je suis d’avis que la prestataire a agi raisonnablement en faisant part de ses préoccupations à son superviseur immédiat, l’employeur lui‑même.

[30] Je suis convaincue que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas après que l’employeur lui eut présenté un nouveau contrat de travail qui modifiait considérablement les modalités de son emploi. Par conséquent, je conclus que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 15 mars 2019

Téléconférence

J. M., appelant (employeur)
A. J., partie mise en cause (prestataire)

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