Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler et la demande de permission d’en appeler sont toutes deux rejetées.

Aperçu

[2] Shane Reilly est le prestataire dans cette cause. En mars 2018, il a décidé de ne pas retourner à son emploi de chauffeur d’autobus dans le Nord de l’Alberta. Il a plutôt présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE), toutefois la Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu qu’il n’était pas admissible à ces prestations parce qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE).

[3] En résumé, le prestataire a fait valoir qu’il avait diverses bonnes raisons de ne pas retourner à son emploi, notamment du harcèlement en milieu de travail, des conditions de travail dangereuses, et un motif de croire qu’il avait trouvé un travail plus près de chez lui.

[4] Le prestataire a contesté la décision de la Commission, mais celle-ci a maintenu sa décision après révision. Le prestataire a ensuite contesté la décision découlant de la révision de la Commission devant la division générale du Tribunal, mais la division générale a rejeté son appel.

[5] Le prestataire souhaite maintenant faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Il lui faut cependant surmonter deux obstacles avant que le dossier ne puisse aller de l’avant. Premièrement, étant donné que la demande de permission d’en appeler a été déposée après la fin du délai fixé de 30 jours, il a besoin d’une prorogation du délai. Deuxièmement, comme pour la plupart des appels à la division d’appel du Tribunal, il a aussi besoin d’une autorisation (permission) d’en appeler.

[6] À mon avis, le prestataire n’a su surmonter ni l’un ni l’autre de ces obstacles préliminaires. Les motifs de ma décision sont exposés ci-dessous.

Questions en litige

[7] J’ai mis l’accent sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?
  2. Faut-il accorder au prestataire une prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler?
  3. La permission d’en appeler doit-elle être accordée au prestataire?

Analyse

Question en litige no 1 : La demande de permission d’en appeler du prestataire a-t-elle été présentée en retard?

[8] Oui, le prestataire a présenté sa demande de permission d’en appeler en retard.

[9] Une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 30 jours après qu’un prestataire reçoit la décision de la division générale; la division d’appel peut cependant proroger ce délai, dans la mesure où la demande est présentée avec moins d’un an de retardNote de bas de page 1.

[10] En l’espèce, la lettre d’accompagnement que le Tribunal a envoyée avec la décision de la division générale est datée du 18 septembre 2018. Cette lettre expliquait au prestataire que sa demande de permission d’en appeler, s’il désirait en déposer une, devait être présentée dans un délai de 30 jours.

[11] Bien que la question ait été posée au prestataire, ce dernier n’a pas précisé quand il a reçu la décision de la division généraleNote de bas de page 2. Néanmoins, je suis en mesure de présumer que le prestataire a reçu la décision de la division générale dix jours après sa mise à la poste par le TribunalNote de bas de page 3. Par conséquent, sa demande de permission d’en appeler devait être déposée au plus tard le 29 octobre 2018.

[12] Le prestataire a toutefois plutôt communiqué avec le Tribunal le 4 février 2019 afin de demander le formulaire pour présenter une demande de permission d’en appeler, et le Tribunal a reçu sa demande dûment remplie le lendemainNote de bas de page 4.

[13] Par conséquent, le prestataire a dépassé la date limite pour le dépôt de sa demande de permission d’en appeler, bien qu’une prorogation du délai soit possible en l’espèce.

Question en litige no 2 : Le prestataire devrait-il bénéficier d’une prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler?

[14] Non; le prestataire n’a pas satisfait au critère juridique pour obtenir une prorogation du délai.

[15] Pour trancher cette question, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs suivantsNote de bas de page 5 :

  1. Est-ce que le prestataire a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel?
  2. Le prestataire a-t-il fourni une explication raisonnable pour le retard?
  3. Une prorogation du délai causerait-elle préjudice à une autre partie?
  4. Existe-t-il une cause défendable en appel?

[16] Les quatre facteurs n’ont pas à être satisfaits; la considération primordiale est celle de savoir s’il en est de l’intérêt de la justiceNote de bas de page 6.

[17] Dans une lettre datée du 12 février 2019, le Tribunal a demandé au prestataire d’aborder ces quatre facteurs, mais le prestataire n’a pas répondu à la lettre du Tribunal. En effet, dans le cadre d’une conversation téléphonique avec un membre du personnel du Tribunal le 1er avril 2019, le prestataire a confirmé qu’il n’avait rien de plus à ajouter à ce dossier.

Intention persistante de poursuivre l’appel

[18] Il n’existe aucune preuve selon laquelle le prestataire a démontré une intention d’interjeter appel de la décision de la division générale avant le 4 février 2019, lorsqu’il a communiqué avec le Tribunal afin de demander le formulaire pour présenter une demande de permission d’en appeler. À ce moment, cependant, le délai imparti pour interjeter appel était déjà expiré. À mon avis, ce facteur n’a pas été satisfait.

Explication raisonnable du retard

[19] Le prestataire a expliqué qu’il n’a pas interjeté appel de la décision de la division générale plus tôt parce qu’il avait des amis qui avaient vécu une situation similaire, et qu’il voulait donc réfléchir sérieusement à la possibilité d’interjeter appel. Ce n’est pas, à mon avis, une explication raisonnable du retard en l’espèce.

Préjudice à une autre partie

[20] Eu égard aux ressources de la Commission et à la disponibilité des documents pertinents, il n’y a aucune raison évidente pour laquelle l’agrément d’une prorogation de délai nuirait indûment à la capacité de la Commission de répondre à l’appel.

Cause défendable

[21] Selon moi, le prestataire ne soulève pas une cause défendable en appel.

[22] À la division d’appel, l’accent est mis sur la question de savoir si la division générale a pu commettre une ou plusieurs des erreurs reconnues (moyens d’appel) énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Par conséquent, la division d’appel peut intervenir dans une cause uniquement si la division générale :

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en matière de compétence;
  2. b) a rendu une décision qui contient une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[23] Dans cette cause en particulier, la division générale a concentré essentiellement son attention sur les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE, qui excluent les prestataires du bénéfice des prestations d’AE s’ils quittent volontairement leur emploi sans justification. Dans sa décision, la division générale a donc posé deux questions principales et y a répondu : le prestataire a-t-il volontairement son emploi et, dans l’affirmative, était-il fondé à le faire? La division générale a répondu oui à la première question, et non à la deuxième.

[24] Pour la première question, le fait que le prestataire a quitté son emploi en mars 2018 et qu’il aurait pu retourner à son emploi s’il l’avait voulu ne semble pas contestéNote de bas de page 7.

[25] Pour ce qui est de la deuxième question, le prestataire fait valoir qu’il ne pouvait pas retourner à son emploi en raison d’une confrontation qu’il a eue avec un autre chauffeur et parce qu’il croyait qu’il serait vraisemblablement embauché par une autre compagnie. Il s’agit toutefois d’arguments qui ont déjà été examinés par la division généraleNote de bas de page 8. La division générale a conclu qu’aucune de ces explications ne constituait une justification au sens de la Loi sur l’AE.

[26] De plus, le prestataire semble maintenant soutenir qu’il existait des raisons médicales pour lesquelles il ne pouvait pas retourner travailler en mars 2018, toutefois il n’a fourni aucune preuve à l’appui de cet argument que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter et il est trop tard à présent pour ajouter de nouveaux éléments de preuve au dossier. Je ne peux pas blâmer la division générale pour avoir omis de tenir compte d’arguments que le prestataire ne lui a jamais présentés.

[27] Dans l’ensemble, j’estime que les arguments du prestataire reprennent en grande partie des éléments qui ont déjà été examinés par la division générale. La division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir dans une cause simplement parce que le prestataire aimerait que certains facteurs soient appréciés différemmentNote de bas de page 9. Le rôle de la division d’appel est limité : ce n’est pas un endroit où le prestataire peut plaider sa cause à nouveau dans l’espoir d’obtenir un résultat différentNote de bas de page 10. De plus, la division d’appel n’a pas le pouvoir d’intervenir simplement parce que le prestataire est en désaccord avec la façon dont la division générale a appliqué les principes juridiques établis aux faits en l’espèceNote de bas de page 11.

[28] Bien que les arguments formulés par le prestataire dans sa demande de permission d’en appeler ne s’inscrivent pas bien dans le cadre juridique de la division d’appel, je suis conscient des décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la division d’appel a été mise en garde contre l’examen trop strict des demandes de permission d’en appeler. La division d’appel devrait plutôt examiner le dossier sous-jacent afin de déterminer si la division générale a mal interprété ou a omis d’examiner un élément de preuveNote de bas de page 12.

[29] Après avoir examiné le dossier documentaire et la décision portée en appel, je suis convaincu que la division générale n’a ni mal interprété ni omis d’examiner un élément de preuve pertinent.

[30] Pour l’ensemble de ces raisons, j’estime que le prestataire ne soulève aucune cause défendable en appel.

Conclusion relative à la prorogation du délai

[31] Quoique les facteurs ci-dessus penchent vers un rejet de la demande de prorogation du délai du prestataire, j’ai également évalué ce que pourrait nécessiter l’intérêt de la justice dans l’ensemble. À cet égard, je reconnais que le refus de proroger le délai signifie que l’appel du prestataire prend ainsi fin, mais je dois également considérer dans quelle mesure il serait dans l’intérêt de la justice de permettre l’instruction d’un appel qui n’a aucune chance raisonnable de succès.

[32] Je connais des causes où la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont accordé un poids particulier au facteur de la cause défendable, et j’estime qu’un poids considérable doit également être accordé à ce facteur en l’espèceNote de bas de page 13.

[33] Après avoir tenu compte des quatre facteurs susmentionnés et de l’intérêt de la justice, je conclus que la prorogation du délai aux fins de la présentation d’une demande de permission d’en appeler doit être refusée.

Question en litige no 3 : Doit-on accorder au prestataire la permission d’en appeler?

[34] Non, la permission d’en appeler devrait être refusée en l’espèce.

[35] Une permission d’en appeler est accordée, sauf si l’appel n’a [traduction] « aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 14 ».

[36] Bien que ce critère juridique soit différent de celui dont il a été question plus haut, à savoir si [traduction] « l’appel [du prestataire] soulève une cause défendable », les tribunaux interprètent les deux critères comme étant essentiellement le mêmeNote de bas de page 15. Dans les deux cas, le critère est peu rigoureux : existe-t-il un motif défendable susceptible de conférer à l’appel une chance de succès?

[37] Par conséquent, étant donné que j’ai déjà conclu que l’appel ne soulève aucune cause défendable, je peux également conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, et que la permission d’en appeler doit être refusée.

Conclusion

[38] Le prestataire a besoin d’une prorogation du délai et de la permission d’en appeler relativement à cette affaire pour pouvoir aller de l’avant. Même si je suis sensible à la situation du prestataire, j’ai conclu que je dois rejeter sa demande de prorogation du délai et sa demande de permission d’en appeler.

Représentant :

S. R., non représenté

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.