Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La façon dont la division générale a instruit l’affaire (par questions et réponses) a nui au droit de l’appelant d’être entendu – Si elle choisit de fonder sa décision sur une déduction découlant de sa propre interprétation plutôt que sur une déclaration directe du prestataire, la division générale doit donner au prestataire une pleine possibilité d’expliquer et d’étayer sa déclaration – La division générale n’a pas formulé ses questions à l’intention du prestataire de façon à obtenir une explication détaillée de sa part ni à mettre à l’épreuve sa crédibilité ou la plausibilité de son explication.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que l’appelant, R. M. (prestataire) avait quitté volontairement un emploi sans justification. Elle a également conclu que le prestataire a omis de révéler qu’il avait quitté un autre emploi après avoir quitté l’emploi qu’il a déclaré dans sa demande de prestations. Dans une décision datée du 26 octobre 2015, la Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations dès la date de début de sa demande et l’a obligé à rembourser toutes les prestations qu’il avait reçues. La Commission lui a également imposé un avis de violation ainsi qu’une pénalité pour fausse déclaration.

[3] La Commission a envoyé ces décisions au prestataire par courrier ordinaire. Le 20 février 2018, le prestataire a déposé une demande de révision dans laquelle il prétendait ne jamais avoir reçu la décision initiale, mais la Commission a refusé de réviser sa décision au motif que la demande a été présentée en retard.

[4] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté l’appel après avoir conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé d’effectuer la révision. Le prestataire interjette appel devant la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli. La façon dont la division générale a instruit la cause a effectivement privé le prestataire de son droit d’être entendu.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en instruisant la cause au moyen de questions et de réponses?

Analyse

[7] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[8] Les moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en privant le prestataire de son droit d’être entendu?

[9] La division générale n’a pas entendu directement le témoignage du prestataire parce qu’elle a choisi de procéder au moyen de questions et de réponses.

[10] Il ressort clairement des questions de la division générale que celle-ci s’intéressait uniquement aux motifs du prestataire visant à justifier sa demande tardive, ayant supposé que la décision avait été communiquée dans les 10 jours suivant sa date de mise à la poste.

[11] Le délai pour présenter une demande de révision est de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision a été communiquée, et non de la date de la décision ou de sa date de mise à la poste. Bien que la division d’appel présume que les décisions de la division générale sont communiquées 10 jours après la date d’envoi de celles-ci par courrier ordinaire, la Loi sur l’assurance-emploi ne prévoit pas une présomption parallèle pour la communication des décisions initiales. La date à laquelle la décision a été communiquée au prestataire doit être établie par la preuve.

[12] Le prestataire a soumis une déclaration dans laquelle il nie avoir reçu la décision initiale. Toutefois, la division générale a affirmé que la déclaration du prestataire n’était pas crédible parce qu’il avait déjà reçu du courrier à l’adresse à laquelle la Commission a envoyé la lettre de décision. La division générale s’est référée à la date de la lettre de décision et aurait admis d’office que le courrier au Canada est généralement livré dans un délai de 10 jours. Elle a donc conclu que le prestataire avait reçu la lettre au plus tard le 5 novembre 2015. Rien ne prouve que la Commission a envoyé la lettre de décision à la même date que celle qui figure sur la lettre. De plus, il n’y avait aucun élément de preuve direct de la date de livraison exacte de Postes Canada ni aucun élément de preuve du délai prévu par Postes Canada pour la livraison de la lettre à l’adresse du prestataire.

[13] À l’appui de l’appel du prestataire, la Commission soutient maintenant que la décision de la division générale de procéder au moyen de questions et de réponses [traduction] « a empêché le prestataire de présenter pleinement sa cause et d’être entendu sur la question de la demande de révision tardive ». La Commission a fait valoir que les réponses du prestataire [traduction] « démontrent qu’il ne comprenait pas tout à fait les questions de la division générale et, par conséquent, il était incapable de fournir des réponses claires et intelligibles ».

[14] Je suis d’accord. J’estime que la façon dont la division générale a instruit la cause a porté atteinte au droit du prestataire d’être entendu. Pour que ce soit clair, je ne dis pas qu’une audience orale est toujours nécessaire pour satisfaire aux exigences en matière de justice naturelle, ou même nécessaire dans des circonstances où la crédibilité est en cause, et je reconnais que la division générale est maîtresse de sa propre procédure. Toutefois, j’estime qu’une audience orale était nécessaire dans cette situation particulière pour les motifs qui suivent.

[15] La division générale a fondé sa décision sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité, qui repose sur sa propre opinion concernant la plausibilité du déni du prestataire. Toutefois, la division générale n’a fourni que très peu de motifs pour justifier sa conclusion quant à la plausibilité et à la crédibilité. Si la division générale doit rendre sa décision d’après une conclusion fondée sur sa propre compréhension des délais de livraison habituels de Postes Canada et sur sa présomption que la lettre de décision a été envoyée à la même date que celle qui figure sur la lettre, de préférence à la déclaration directe du prestataire, il incombe alors à la division générale d’offrir au prestataire toutes les occasions possibles d’expliquer et d’appuyer sa déclaration.

[16] De plus, la division générale n’a pas posé ses questions au prestataire de manière à obtenir une explication complète ou à vérifier la crédibilité de ce dernier ou la plausibilité de son explication. Dans ses réponses aux questions de la division générale, le prestataire a mis l’accent sur sa compréhension limitée, l’absence d’aide juridique et le fait qu’il espérait toujours obtenir de l’aide.

[17] J’estime que le choix de procéder au moyen de questions et de réponses n’a pas permis au prestataire d’être entendu et que la division générale a ainsi manqué à un principe de justice naturelle, une erreur prévue à l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[18] L’appel est accueilli.

Réparation

[19] J’ordonne que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour réexamen conformément au pouvoir qui m’est conféré en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS. Je demande également à la division générale de procéder au moyen d’une audience orale dans la mesure du possible.

 

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

R. M., appelant

S. Prud’homme, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.