Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante a volontairement pris deux périodes de congé sans justification.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé comme chef d’équipe des services alimentaires dans un collège. Pendant un certain nombre d’années, elle a exercé son droit en vertu de la convention collective d’être mise à pied en fonction de son ancienneté chez l’employeur. Après avoir mené une enquête, l’intimée a déterminé que l’appelante avait volontairement pris deux périodes de congé de son emploi en 2017 et en 2018 sans justification, et a refusé sa demande de prestations d’assurance-emploi. L’appelante a fait valoir qu’elle n’avait fait que ce que sa convention collective permettait, comme d’autres l’ont fait, mais qu’elle était la seule à avoir fait l’objet d’une enquête par l’intimée.

Questions en litige

[3] L’appelante a-t-elle pris volontairement deux périodes de congé lorsqu’elle a été mise à pied de manière anticipée?

[4] Dans l’affirmative, l’appelante était-elle fondée à prendre volontairement des périodes de congé?

Analyse

[5] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations (paragraphe 32(1) Loi sur l’assurance-emploi). Il incombe à l’intimée de prouver que l’appelante a pris volontairement une période de congé. Ensuite, l’appelante doit établir qu’elle était fondée à prendre volontairement le congé en démontrant, dans les circonstances, que son congé constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Green c Canada (Procureur général), 2012 CAF 313; Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190).

Question 1: L’appelante a-t-elle pris volontairement deux périodes de congé lorsqu’elle a été mise à pied de manière anticipée?

[6] J’estime que l’appelante a volontairement pris deux périodes de congé lorsqu’elle a été mise à pied de manière anticipée.

[7] Pour déterminer si la prestataire a volontairement quitté son emploi, je dois déterminer si l’employée avait le choix de rester ou de partir (Canada (PG) c Peace, 2004 CAF 56).

[8] Au cours de l’enquête menée par l’intimée, l’employeur de l’appelante a dit à l’intimée que l’appelante avait demandé une mise en disponibilité anticipée en 2017 et en 2018. L’employeur a transmis à l’intimée un article de la convention collective concernant les mises en disponibilité et les rappels, la liste d’ancienneté de l’entreprise, et la demande de congé pour mise en disponibilité anticipée de l’appelante datée du 3 avril 2018. L’employeur a confirmé que la convention collective autorise les employés à prendre congé, et que les employés remplissent un formulaire normalisé indiquant à quel moment ils reviendraient au travail, puis les mises en disponibilité commencent et les employés sont rappelés plus tard. L’employeur a expliqué à l’intimée que le processus était le même en 2017 et en 2018.

[9] L’intimée a permis à l’appelante de donner des renseignements sur la raison de sa cessation d’emploi. L’appelante a expliqué qu’elle exerçait son droit, en vertu de la convention collective, de choisir d’être mise en disponibilité par ordre d’ancienneté. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait été mise à pied, l’appelante a répondu que la direction avait demandé aux employés de remplir un formulaire et de déclarer leurs intentions en vertu de la convention collective concernant les mises en disponibilité pour l’été, de sorte qu’elle avait exercé son droit d’accepter une mise à pied anticipée. L’appelante a dit à l’intimée qu’elle avait choisi d’être mise en disponibilité pour permettre aux employés subalternes qui ne seraient pas en mesure de toucher des prestations d’assurance-emploi de gagner l’argent nécessaire à leur subsistance.

[10] L’employeur de l’appelante a produit des relevés d’emploi en 2017 et en 2018 indiquant que la raison pour laquelle ils avaient été émis était un manque de travail/une fin de contrat ou de saison. L’intimée a déterminé que l’appelante a volontairement pris deux périodes de congé : la première, du 17 avril au 4 juillet 2017, et la seconde, du 27 avril au 6 juillet 2018.

[11] À l’audience, l’appelante a répété que ce qu’elle faisait était conforme à sa convention collective, et ce, depuis 27 ans. Elle a confirmé qu’elle avait rempli le formulaire de demande de congé que l’employeur avait transmis à l’intimée, et a ajouté qu’elle avait demandé au représentant syndical si elle devait remplir les formulaires et le représentant syndical lui avait répondu qu’il n’y voyait aucun inconvénient et de ne pas s’inquiéter.

[12] L’article 12.07 de la convention collective de l’appelante prévoit que [traduction] « lorsqu’une mise en disponibilité n’excédant pas cinq (5) mois doit se produire, les employés peuvent choisir d’être mis en disponibilité par ordre d’ancienneté et, à défaut d’un nombre suffisant, les employés doivent être mis à pied dans l’ordre inverse de leur ancienneté. » J’accepte les déclarations de l’appelante concernant l’article 12.07 de sa convention collective, et j’estime qu’elle a exercé ses droits de choisir d’être mise en disponibilité en avril 2017 et en avril 2018. Dans son témoignage, l’appelante a déclaré qu’une partie de l’écriture qui figurait sur le formulaire de demande de congé était celle de son employeur. Toutefois, d’après la déclaration de l’appelante indiquant qu’elle a choisi que l’employeur la mette à pied pour permettre aux employés subalternes de continuer à travailler, je suis convaincue qu’elle a volontairement choisi d’être mise à pied et qu’elle pouvait le faire parce qu’elle était la deuxième employée inscrite sur la liste d’ancienneté à son lieu de travail.

[13] L’appelante a cité un paragraphe de la politique de l’intimée, Assurance-emploi – Guide de la détermination de l’admissibilité, chapitre 6.3.7 – Non- exercice de droits d’ancienneté, pour appuyer sa position selon laquelle elle pouvait exercer son droit à une mise en disponibilité anticipée. Bien qu’il semble manquer un mot dans la citation telle qu’énoncée par l’appelante, j’estime que le paragraphe s’applique à la situation de l’appelante en ce sens que sa convention collective comporte une clause concernant l’ancienneté par ordre inverse, en vertu de laquelle les employés ayant plus d’ancienneté peuvent être mis à pied les premiers. Le paragraphe poursuit en disant que la cessation d’emploi est volontaire pour les employés qui auraient pu rester employés s’ils l’avaient demandé ou s’ils avaient exercé leurs droits.

[14] Je conclus, d’après la déclaration faite par l’employeur à l’intimée, non contestée par l’appelante, que cette dernière aurait pu demeurer à son emploi au lieu de choisir d’être mise en disponibilité. Pour cette raison, je conclus qu’elle a volontairement pris deux périodes de congé, soit du 17 avril au 4 juillet 2017 et du 27 avril au 6 juillet 2018.

Question 2 : L’appelante était-elle fondée à prendre volontairement les périodes de congé?

[15] J’estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à prendre les périodes de congé lorsqu’elle l’a fait.

[16] Le prestataire est fondé à quitter volontairement un emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ est la seule solution raisonnable qui s’offre à lui (alinéa 29(c), Loi sur l’assurance-emploi).

[17] L’article 12.01 de la convention collective de l’appelante prévoit que, [traduction] « en cas de mise en disponibilité, les employés sont mis à pied dans l’ordre inverse de leur ancienneté. Un employé sur le point d’être mis à pied peut supplanter un employé ayant moins d’ancienneté dans sa classification ou une classification inférieure, à condition que l’employé qui exerce le droit, possède les compétences, les aptitudes et les qualifications nécessaires pour effectuer le travail. … Les employés mis à pied doivent exercer leur droit de supplantation dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la réception de l’avis de mise en disponibilité. »

[18] Le principal argument de l’appelante est que, depuis de nombreuses années, elle ne fait que ce que sa convention collective lui permet de faire, comme d’autres collègues de travail. Bien que l’appelante se soit demandé pourquoi elle voudrait exercer ses droits de supplantation alors que la convention collective lui permettait de s’absenter, elle a confirmé à l’audience la déclaration faite par l’employeur à l’intimée selon laquelle elle avait le droit de supplantation et aurait pu continuer à occuper son poste. L’employeur a dit à l’intimée que des employés subalternes avaient continué à travailler pendant que l’appelante était en congé.

[19] D’après la confirmation par l’appelante de la déclaration de l’employeur, je conclus que, plutôt que de prendre une période de congé, l’appelante aurait pu, comme solution de rechange raisonnable, continuer à travailler au lieu de choisir d’être mise à pied. En effet, comme l’intimée l’a fait valoir, rien n’indique que l’appelante a été avisée qu’elle serait mise à pied avant de choisir de l’être. Je conclus donc que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à prendre les deux périodes de congé lorsqu’elle l’a fait.

[20] L’appelante n’accepte pas que l’intimée ait choisi au hasard de faire enquête sur elle, et elle a déclaré que quelqu’un devait l’avoir signalée à l’intimée. Dans son témoignage, elle a déclaré que l’un des agents de l’intimée à qui elle avait parlé lui a dit qu’il ne savait pas pourquoi c’était un problème. Le mari de l’appelante a soutenu que l’intimée semblait cibler les syndicats en s’en prenant à leurs membres ayant beaucoup d’ancienneté plutôt que de traiter directement avec les bureaux chefs des syndicats. Il s’est demandé pourquoi l’appelante, qui est membre d’un syndicat qui respecte une convention collective légale et exécutoire, et qui croit n’avoir rien fait de répréhensible, est injustement punie.

[21] Je comprends que l’appelante et son mari sont frustrés par la situation dans laquelle l’appelante se trouve, notamment le fait d’avoir à rembourser un trop-payé d’environ 8 200 $ en raison d’un choix qu’elle a fait pendant plusieurs années sans connaître les répercussions que cela aurait sur son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Toutefois, je souscris à l’argument de l’intimée et j’estime que la convention collective de l’appelante n’est pas en conflit avec la Loi sur l’assurance-emploi. Je conclus plutôt que le choix de l’appelante d’exercer légalement son droit de choisir d’être mise en disponibilité, au lieu de continuer à travailler jusqu’à ce que l’employeur la mette à pied selon l’ordre inverse de l’ancienneté, signifie qu’elle a pris la décision personnelle de prendre volontairement un congé de son emploi. C’est cette décision personnelle qui a amené l’intimée à rejeter sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[22] Pour en arriver à cette décision, je me fonde sur la décision de la Cour suprême du Canada qui a statué que l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi involontairement et qui se retrouvent sans emploi. La perte de l’emploi doit être involontaire (Caron c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1991] 1 RCS 48).

[23] Je conclus que, parce que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à prendre les deux périodes de congé lorsqu’elle l’a fait sous la forme d’une mise en disponibilité anticipée, elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Comparutions :

Le 2 avril 2019

Vidéoconférence

L. M., appelante

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