Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le 13 février 2012, 23 novembre 2012, 19 décembre 2012 et 30 janvier 2013, la Commission a rendu plusieurs décisions dans les dossiers de l’appelant relativement à un départ volontaire (GE-18-3522; GE-19-1408), de la rémunération non déclarée (GE-19-1405; GE-19-1407; GE-19-1409), une période de prestations non établie (GE-19-1406), un avertissement (GE-19-1407), des pénalités et avis de violation (GE-18-3522; GE-19-1405; GE-19-1409).

[3] L’appelant disposait alors d’un délai de 30 jours pour demander la révision de ces décisions. Le 11 septembre 2018, l’appelant a demandé une révision de ces décisions.

[4] Le 11 octobre 2018, la Commission avise l’appelant qu’elle a étudié les raisons qu’il a fournies pour justifier son retard à demander la révision de ses décisions, mais détermine que ces raisons ne satisfont pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision. Par conséquent, la Commission avise l’appelant qu’elle ne révisera pas les décisions.

[5] Le Tribunal doit déterminer si le refus de la Commission de prolonger la période de 30 jours prévue pour présenter une demande de révision est justifié. Cependant, le Tribunal n’est compétent pour modifier une telle décision que si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

Questions préliminaires

[6] Le Tribunal a joint les appels (dossiers GE-18-3522, GE-19-1405, GE-19-1406, GE-19-1407, GE-19-1408, GE-19-1409) en conformité avec l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale comme les appels soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communs et qu’une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties.

[7] De plus, le Tribunal précise que son rôle se limite à déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire, en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (« LAE ») et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision, lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelant de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision (Sirois, A-600-95, Chartier, A-42-90). Le Tribunal n’a pas à se pencher sur les questions liées au départ volontaire, à la rémunération non déclarée, à l’avertissement, aux pénalités et à l’avis de violation.

Questions en litige

[8] Est-ce que la demande de révision de l’appelant a été présentée au-delà du délai de 30 jours prévu par la Loi ?

[9] Est-ce que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant de prolonger au-delà de 30 jours le délai de révision ?

Analyse

Question en litige no 1 : Est-ce que la demande de révision a été présentée au-delà du délai de 30 jours prévu par la Loi ?

[10] Le Tribunal est d’avis que la demande de révision a été présentée dans un délai de plus de 365 jours, soit au-delà du délai de 30 jours prévu par la Loi sur l’assurance-emploi.

[11] Un prestataire peut demander la révision d’une décision dans les 30 jours suivant la date où la décision lui a été communiquée ( AE, art. 112) ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder selon les modalités du Règlement sur les demandes de révision.

[12] La Commission a rendu des décisions relatives à un départ volontaire (GE-18-3522; GE-19-1408), de la rémunération non déclarée (GE-19-1405; GE-19-1407; GE-19-1409), une période de prestations non établie (GE-19-1406), un avertissement (GE-19-1407), des pénalités et avis de violation (GE-18-3522; GE-19-1405; GE-19-1409), les 13 février 2012, 23 novembre 2012, 19 décembre 2012 et 30 janvier 2013. La demande de révision a été reçue par Service Canada le 11 septembre 2018.

[13] À l’audience, l’appelant indique ne pas avoir reçu les avis de décision de la part de la Commission. Il explique qu’il est déménagé à plusieurs reprises et a fait face à différentes situations difficiles. Il indique que son ex-conjointe l’a fraudé dans ce dossier et qu’il n’a pas reçu les prestations réclamées. De plus, il a eu une période de consommation et indique être sobre depuis 2 ans, avoir repris sa vie en mains et faire tout le nécessaire pour s’en sortir. Néanmoins, il indique qu’il travaille pour un employeur depuis près de 6 ans et que c’est de cette façon qu’il s’est aperçu qu’il avait une dette à rembourser au Gouvernement du Canada. En effet, son employeur a saisi des sommes directement sur sa paie afin d’effectuer le remboursement de cette dette. Il a alors communiqué avec l’Agence du revenu du Canada afin de prendre une entente de remboursement.

[14] Pour sa part, la Commission indique que l’appelant connaissait l’existence d’une dette. La Commission a conclu que le prestataire ne donne pas d’explication raisonnable pour avoir présenté sa demande de révision en retard. Il mentionne n’avoir eu aucun empêchement médical, familiale ou autre (GD3-22) justifiant le fait de faire sa demande de révision tardivement. La Commission prend en considération que le prestataire a déménagé et a été victime d’un incendie. Par contre, il reconnaît avoir discuté de cette dette avec l’Agence du revenu du Canada (GD3-22) et n’avoir entrepris aucune démarche, malgré les saisies de salaire. Il ne démontre pas une intention constante à s’occuper de son dossier avec la Commission de l’assurance-emploi.

[15] Le Tribunal constate que l’appelant confirme avoir eu connaissance de la dette depuis environ 6 ans par l’entremise de son employeur qui a effectué une saisie de salaire. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant avait connaissance d’une dette dès le début de son emploi qu’il occupe depuis près de 6 ans.

[16] Le Tribunal est donc d’avis que l’appelant a déposé sa demande de révision dans un délai de plus de 365 jours, soit après le délai de 30 jours prévu par la Loi. L’appelant a demandé la révision des décisions dans un délai de plus de 5 ans.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire ?

[17] Le Tribunal est d’avis que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire puisqu’elle a agi de bonne foi, a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes au dossier, tout en ne tenant pas compte des éléments non pertinents lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour demander une révision d’une décision.

[18] En effet, la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, « si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai » et, d’autre part, que l’intéressé a « manifesté l’intention constante de demander la révision » (Règlement sur l’assurance-emploi (« RAE »), paragr. 1 (1)).

[19] De plus, étant donné que l’appelant a présenté sa demande de révision plus de 365 jours en retard, la Commission doit également être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et qu’elle ne causera pas préjudice à aucune partie (RAE, paragr. 1 (2)).

[20] La jurisprudence a confirmé que la décision de la Commission d’accorder une prorogation du délai pour la demande de réexamen est discrétionnaire (Daley c Procureur général du Canada, 2017 CF 297).

[21] La Cour d’appel fédérale a conclu que les décisions discrétionnaires de la Commission ne devraient pas être infirmées sauf s’il peut être démontré qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, c’est‑à‑dire, agir de bonne foi, prendre en compte tous les facteurs pertinents et ne pas tenir compte des facteurs non pertinents (Chartier c Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, 1990 CAF A-42-90 ; Canada (Procureur général) c Uppal, 2008 CAF 388).

[22] Autrement dit, le Tribunal ne peut substituer son opinion à celle de la Commission. Il doit plutôt déterminer si, au moment de prendre sa décision, la Commission a agi de bonne foi, a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes au dossier, tout en ne tenant pas compte des éléments non pertinents et si elle a agi pour un motif régulier et de manière non discriminatoire. (Canada (Procureur général) c Purcell (1996) 1 C.F. 644).

[23] Ainsi, le Tribunal doit déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de proroger le délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision de sa décision initiale. Si le Tribunal est d’avis que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, il n’accordera pas la prolongation de délai pour présenter une demande de révision à l’appelante. Toutefois, si le Tribunal est d’avis que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, il pourra accorder à l’appelante la prolongation de délai pour présenter une demande de révision et la Commission révisera alors la décision initialement rendue.

[24] Le Tribunal constate que l’appelant a présenté sa demande de révision plus de 365 jours après que la décision relative à sa demande d’assurance-emploi ait été rendue.

[25] L’appelant indique ne jamais avoir reçu les avis de décision de la part de la Commission. Néanmoins, il mentionne connaître l’existence de la dette en raison des retenues effectuées par son employeur sur sa paie. Il travaille pour cet employeur depuis environ 6 ans. Il explique avoir été victime de fraude de la part de son ex-conjointe qui a effectué les déclarations à sa place. Il ajoute ne pas avoir touché aux prestations d’assurance-emploi. Puis, il explique avoir vécu une situation particulièrement difficile. Son appartement a été incendié et il a eu une période de consommation. Il ajoute qu’il est sobre depuis deux ans et souhaite un nouveau départ. Il est d’avis qu’il n’a pas à rembourser une dette pour une somme qu’il n’a pas reçue et qu’il ne mérite pas ça.

[26] Le Tribunal constate que la Commission a considéré les facteurs indiqués au paragraphe 1 (1) et 1 (2) du Règlement sur les demandes de révision. La Commission indique que le prestataire ne donne pas d’explication raisonnable pour avoir présenté sa demande de révision en retard. Il mentionne n’avoir eu aucun empêchement médical, familiale ou autre justifiant le fait de faire sa demande de révision tardivement. La Commission prend en considération que le prestataire a déménagé et a été victime d’un incendie. Par contre, il reconnaît avoir discuté de cette dette avec l’Agence du revenu du Canada et n’avoir entrepris aucune démarche, malgré les saisies de salaire. Il ne démontre pas une intention constante à s’occuper de son dossier avec la Commission de l’assurance-emploi.

[27] De plus, la Commission indique ne pas être convaincue que la demande de révision du prestataire a des chances raisonnables de succès. Il s’agit de départs volontaires non déclarés, de gains non déclarés et d’un refus d’accorder des prestations en raison de violation antérieure. La Commission a aussi conclu que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande cause un préjudice à la Commission parce que le prestataire reconnaît avoir été avisé de l’existence de sa dette il y a plus de 30 jours et ne pas avoir pris action dans les délais prescrits par la loi et sans explication raisonnable.

[28] Le Tribunal constate qu’à l’audience, l’appelant n’a pas soulevé de circonstances qui n’avaient pas été présentées à la Commission lorsqu’elle a pris la décision de ne pas proroger le délai pour présenter une demande de révision. La Commission a considéré le fait que l’appelant a indiqué ne pas avoir reçu la décision, avoir déménagé à plusieurs reprises et avoir été victime d’un incendie et de fraude de la part de son ex-conjointe.

[29] De plus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que l’appelant connaissait l’existence de cette dette puisqu’il savait qu’une saisie était faite sur son salaire. Ainsi, le Tribunal est d’avis que les motifs soulevés par l’appelant ont été pris en considération par la Commission.

[30] Malgré la compréhension des difficultés de l’appelant, des événements vécus et de sa volonté de s’en sortir, des difficultés que représente le remboursement de cette dette pour l’appelant et sa famille, le Tribunal ne peut aller à l’encontre de la Loi.

[31] Le Tribunal n’a pas compétence pour refuser d’appliquer la loi et la Cour ne peut pas refuser d’appliquer la loi, même pour des motifs d’équité (Wegener c Canada (Procureur général), 2011 CF 137).

[32] Le Tribunal est d’avis que la Commission a agi de bonne foi, a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes au dossier, tout en ne tenant pas compte des éléments non pertinents lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour demander une révision d’une décision. Le Tribunal est d’avis que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai pour demander une révision de la décision. Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut donc intervenir.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

9 avril 2019

Téléconférence

P. V., appelant

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