Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division générale a déterminé que les prestations de paternité du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ne sont pas assimilables aux prestations parentales d’assurance-emploi – Elle a conclu que l’article 76.19 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) ne s’appliquait pas et que la Commission n’était pas justifiée de changer la date de la période de prestations du prestataire – La division d’appel a déterminé que le sens ordinaire et grammatical des mots « du même genre » à l’article 76.19 du Règlement, signifie « qui a des traits communs » ou « qui exprime de la ressemblance » – Il n’est donc pas nécessaire que le prestataire soit en droit de recevoir des prestations identiques au provincial et au fédéral. Il suffit que les prestations reçues au provincial aient des traits commun ou une ressemblance avec les prestations sous le régime de l’assurance-emploi – Les prestations de paternité du RQAP sont des prestations du même genre que les prestations d’assurance-emploi au sens de l’article 76.19 du Règlement

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Aperçu

[2] L’intimé, E. O., a pris un congé de paternité à partir du 17 septembre 2017 et a reçu cinq semaines de prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Il est ensuite retourné au travail mais a été mis à pied par ses deux employeurs peu de temps suite à son retour. Il a donc déposé une demande de prestations régulières le 6 décembre 2017 et a commencé à recevoir des prestations à partir du 3 décembre 2017.

[3] Suite à des vérifications, l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi (Commission), a décidé que la période de prestations du prestataire aurait dû être établie au 17 septembre 2017, étant donné que le prestataire a reçu des prestations du RQAP à partir de cette date. Elle a donc modifié la date de début de la période de prestations et au 17 septembre 2017. Ce changement a eu pour conséquence que le prestataire n’avait plus suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être éligible aux prestations et a généré un trop payé.

[4] Le prestataire a demandé la révision de cette décision. La Commission a cependant maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale du Tribunal.

[5] La division générale a déterminé que les prestations de paternité du RQAP ne sont pas assimilables aux prestations parentales d’assurance-emploi. Elle a conclu que l’article 76.19 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) ne s’appliquait pas et que la Commission n’était pas justifiée de changer la date de la période de prestations du prestataire. Elle a également conclu que le prestataire avait accumulé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations.

[6] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. La Commission soutient que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE.

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE.

[8] Le Tribunal accueille l’appel de la Commission.

Questions en litige

[9] Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[12] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Question en litige: Est-ce que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE?

[13] L’appel est accueilli.

[14] La Commission soutient que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE.

[15] La Commission fait valoir que les modifications réglementaires de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE prévoient qu’une période de prestations d’AE est réputée établie au moment où la période de prestations a été établie en vertu de la loi provinciale. Elle est réputée avoir débuté la même semaine que celle établie en vertu de la loi provinciale dans le cas où le travailleur salarié ou le travailleur indépendant aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) pour la même période.

[16] La Commission soutient que la période de prestations du prestataire aurait dû être établie au 17 septembre 2017, puisque le prestataire a reçu des prestations du RQAP à partir de cette date.

[17] Le prestataire de son côté soutient que l’article 76.19 du Règlement sur l’AE ne s’applique pas dans son cas puisque les prestations qu’il a reçues sont des prestations de paternité et que ce type de prestations n’existait pas au régime d’assurance-emploi pendant la période pertinente. Les prestations de paternité ne devraient donc pas être considéré comme des prestations du même genre au sens de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE.

[18] Tel que souligné par la division générale, en matière de prestations dédiées à une famille ayant eu un enfant, le régime fédéral d’assurance-emploi offre deux types de prestations, soient les prestations de maternité pouvant être prises seulement par la mère naturelle de l’enfant né, ainsi que les prestations parentales, disponibles aux deux parents avec flexibilité de les séparer à leur convenance.

[19] Du côté du RQAP, le régime provincial offre également à une famille ayant eu un enfant de se prévaloir de prestations de maternité et de prestations parentales semblables à leur équivalent fédéral. Cependant, le régime provincial offre en plus une troisième catégorie de prestations, soient les prestations de paternité. Ces prestations sont dédiées exclusivement aux pères pour un total de 3 ou 5 semaines, suite à la naissance de l’enfant.

[20] La division générale a déterminé que les prestations de paternité du RQAP ne sont pas assimilables aux prestations parentales d’assurance-emploi. Par conséquent, l’article 76.19 du Règlement sur l’AE ne s’applique pas et la Commission n’était pas justifiée de changer la date de la période de prestations du prestataire. Il avait donc accumulé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations.

[21] La division générale a souligné à juste titre qu’aucune Cour fédérale ne s’est prononcée précisément sur ce type de litige à ce jour et que la Loi sur l’AE n’offrait aucune définition de la notion de prestations de même genre. Il n’y a donc aucune référence juridique sur laquelle s’appuyer pour répondre à la question si les prestations de paternité reçues par le prestataire constituent des prestations du même genre que les prestations prévues en assurance-emploi.

[22] Puisqu’une question d’interprétation législative est au centre du présent litige, il faut lire les termes de la Loi sur l’AE dans son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi et l’intention du législateur.Note de bas de page 2

[23] Bien que la division générale ait examiné attentivement les deux régimes, le Tribunal considère, avec respect, que le contexte des mots en cause n’a pas été considéré adéquatement par la division générale et que celle-ci n’a pas accordé suffisamment d’importance à l’esprit et l’objet de la Loi sur l’AE, ni à l’intention du législateur. 

[24] L’article 76.19 (1) du Règlement sur l’AE se lit comme suit :

  1. « 76.19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les prestations provinciales versées au prestataire pour une semaine au cours d’une période de prestations sont considérées comme des prestations versées pour une semaine sous le régime de la Loi dans le cas où celui-ci aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi, et toute semaine pour laquelle il reçoit des prestations provinciales est prise en compte dans le calcul :
    1. a) du nombre maximal total de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestations en vertu des alinéas 12(3) a) et b) de la Loi;
    2. b) du nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées pour l’application du paragraphe 12(4) de la Loi.
  2. (1.1) Une période de prestations est réputée établie au moment où la période de prestations a été établie en vertu de la loi provinciale et elle est réputée avoir débuté la même semaine que celle établie en vertu de la loi provinciale dans le cas où le prestataire aurait été en droit de recevoir des prestations du même genre en vertu de la Loi pour la même période. »

[25] Le sens ordinaire et grammatical des mots « du même genre » que l’on retrouve à l’article 76.19 du Règlement sur l’AE, signifie « qui a des traits communs » ou « qui exprime de la ressemblance ».Note de bas de page 3

[26] Il n’est donc pas nécessaire, pour l’application de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE, que le prestataire soit en droit de recevoir des prestations identiques au provincial et au fédéral. Il suffit que les prestations reçues au provincial aient des traits commun ou une ressemblance avec les prestations sous le régime de l’assurance-emploi.

[27] Les prestations de maternité et parentales de l'assurance-emploi sont versées aux parents qui s'occupent d'un nouveau-né ou d'un enfant nouvellement adopté. Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), qui prévoit le versement de prestations à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs – salariés et autonomes – admissibles qui prennent un congé de maternité, un congé de paternité, un congé parental ou un congé d’adoption, vise également à soutenir financièrement les nouveaux parents qui désirent consacrer plus de temps à leurs enfants dans les premiers mois de leur vie.

[28] Le Tribunal est d’avis que l’examen des termes « du même genre » replacés dans leur contexte global, et en tenant compte de l’esprit et l’objet de la Loi sur l’AE, supporte la conclusion que les prestations de paternité de la RQAP sont des prestations du même genre que les prestations d’assurance-emploi au sens de l’article 76.19 du Règlement sur l’AE.

[29] Il est manifeste que le législateur désirait éviter que les prestataires reçoivent des prestations d’assurance-emploi pour la même période et les mêmes fins que celles qui sont prévues au régime provincial.

[30] Le Tribunal est donc d’avis que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 76.19 de la Loi sur l’AE. La période de prestations du prestataire doit être établie au 17 septembre 2017, puisque le prestataire a reçu des prestations du RQAP à partir de cette date.

[31] Pour les motifs précédemment énoncés, le Tribunal accueille l’appel.

Conclusion

[32] Le Tribunal accueille l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 26 mars 2019

Téléconférence

Julie Meilleur, représentante de l’appelante

Denis Poudrier, représentant de l’intimé

Roxanne Bisson, représentante de l’intimé

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