Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). Le Tribunal considère que l’exclusion de l’appelant du bénéfice de prestations, à compter du 11 mars 2018, n’est pas justifiée en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme opérateur de pelles mécaniques chez l’employeur X (« l’employeur »), du 4 avril 2016 au 3 novembre 2017 inclusivement, et a cessé de travailler pour celui-ci en raison d’un manque de travail. Il a de nouveau travaillé pour cet employeur la journée du 12 mars 2018 et a cessé de travailler pour celui-ci après avoir effectué un départ volontaire.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a déterminé que l’appelant n’était pas justifié d’avoir quitté volontairement l’emploi qu’il occupait chez l’employeur X.

[4] L’appelant a expliqué qu’il avait quitté son emploi chez cet employeur parce que ses conditions de travail présentaient un risque pour sa sécurité. Il a indiqué avoir accompli des tâches qui ne correspondaient pas au poste d’opérateur de pelles pour lequel il avait été embauché. L’appelant a affirmé avoir parlé de la situation qu’il a vécue dans l’accomplissement de son travail avec son employeur à plusieurs reprises lorsqu’il a été à son emploi dans le passé, mais que cette situation ne s’était pas améliorée. Il a soutenu qu’il n’avait pas d’autre solution que celle de quitter son emploi. Le 7 mars 2019, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après qu’elle ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission. Il s’agit maintenant de la question en appel au Tribunal.

Questions préliminaires

[5] Le Tribunal précise que les appels portant les numéros de dossier GE-19-1194 et GE-19-1195 ont été joints en vertu de l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale puisque ces appels soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes parce qu’ils touchent une même période de prestations pour l’appelant, mais portent sur des questions en litige qui sont différentes soit, un départ volontaire, l’imposition de pénalités et l’émission d’un avis de violation à son endroit.

[6] Au début de l’audience, l’appelant a indiqué au Tribunal qu’il retirait son appel portant sur les déclarations fausses ou trompeuses qui lui ont été reprochées et l’émission d’un avis de violation à son endroit puisque la décision en révision que la Commission a rendue a fait en sorte d’annuler la pénalité qu’elle lui avait imposée et l’avis de violation en question (dossier GE-19-1194).

[7] Le Tribunal précise que pour cette raison, la présente décision ne porte que sur la question du départ volontaire de l’appelant.

Questions en litige

[8] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[9] Pour établir cette conclusion, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  2. Si tel est le cas, est-ce que les conditions de travail de l’appelant, dont celles relatives à sa santé ou sa sécurité, aux tâches qu’il a accomplies et à la rémunération qu’il a reçue, pouvaient justifier son départ volontaire?
  3. Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

Analyse

[10] Le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé de quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, eu égard à toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129).

[11] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel lorsque le prestataire s’est acquitté du fardeau de prouver qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait, le critère de justification en vertu du paragraphe 29c) de la Loi a été rencontré (White, 2011 CAF 190, Taiga Works c Lau, 2008 CAF 275).

[12] Un prestataire est justifié de quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles énumérées au paragraphe 29c) de la Loi, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[13] Oui. Le Tribunal estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelant représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[14] Le Tribunal considère que l’appelant a eu le choix de continuer de travailler pour l’employeur, mais qu’il a choisi de quitter volontairement son emploi (Peace, 2004, CAF 56).

[15] Dans des déclarations faites à la Commission, le 27 novembre 2018, le 9 janvier 2019 (demande de révision) et le 19 février 2019, l’appelant a indiqué avoir quitté son emploi (pièces GD3-44 à GD3-46 du dossier GE-19-1194 et GD3-19, GD3-20 et GD3-30 à GD3-34 du dossier GE-19-1195).

[16] De son côté, dans une déclaration faite à la Commission, en date du 27 novembre 2018, l’employeur a expliqué que l’appelant avait travaillé le 12 mars 2018 et qu’après cette journée, il ne s’était plus présenté au travail (pièce GD3-26 du dossier GE-19-1195).

[17] Un relevé d’emploi, en date du 27 novembre 2018, indique que l’appelant a travaillé pour l’employeur la journée du 12 mars 2018 et qu’il a cessé de travailler pour celui-ci après avoir effectué un départ volontaire (code E – départ volontaire), (pièces GD3-24 et GD3-25 du dossier GE-19-1194, pièces GD3-17 et GD3-18 du dossier GE-19-1195).

[18] Le Tribunal considère que l’appelant avait la possibilité de poursuivre l’emploi qu’il avait, mais il a pris l’initiative de mettre fin à son lien d’emploi en indiquant à l’employeur qu’il n’allait pas continuer de l’occuper (Peace, 2004, CAF 56).

Est-ce que les conditions de travail de l’appelant, dont celles relatives à sa santé ou sa sécurité, aux tâches qu’il a accomplies et à la rémunération qu’il a reçue, pouvaient justifier son départ volontaire ?

[19] Oui. Le Tribunal estime que globalement, les conditions de travail de l’appelant, dont celles relatives à sa santé ou sa sécurité, aux tâches qu’il devait accomplir et à la rémunération qu’il a reçue, représentent des circonstances justifiant son départ volontaire.

[20] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié quant aux raisons ayant mené à son départ volontaire. Le témoignage de l’appelant était détaillé, exempt de contradictions et appuyé d’exemples concrets. Son témoignage était également soutenu par des éléments de preuve pertinents et convaincants (ex. : certificat de compétence de compagnon délivré à l’appelant par la Commission de la construction du Québec (CCQ) et attestation de cours suivi par l’appelant sur la santé et la sécurité au travail du secteur de la construction), (pièce GD8-2).

[21] L’appelant a apporté plusieurs précisions concernant les conditions dans lesquelles il a accompli son travail d’opérateur de pelles, plus particulièrement au sujet de l’existence de problèmes de sécurité sur le chantier où il a été affecté, des tâches qu’il a exécutées et de la rémunération qu’il était en droit de recevoir. Le témoignage de l’appelant a ainsi permis de mettre en contexte les événements ayant mené à son départ volontaire.

[22] L’appelant a fait valoir que lorsqu’il a repris le travail chez l’employeur, le 12 mars 2018, il y a eu un problème de sécurité sur le chantier où il a été affecté. Il a aussi expliqué qu’il avait dû accomplir au cours de cette journée d’autres tâches qui ne correspondaient pas à celles du poste d’opérateur de pelles pour lequel il avait été embauché. L’appelant a également soutenu qu’il n’avait pas été rémunéré selon sa qualification et le certificat de compétence de compagnon qu’il détient.

[23] L’appelant a expliqué avoir été à l’emploi d’X pendant environ quatre ans. Il a affirmé qu’à la suite de discussions qu’il avait eues avec l’employeur, en 2017, relativement à sa période d’emploi du 4 avril 2016 au 3 novembre 2017, celui-ci lui avait promis qu’il allait apporter beaucoup de changements dans l’entreprise et qu’il allait apporter des améliorations concernant ses conditions d’emploi (ex. : sécurité sur les chantiers de construction, rémunération des heures de travail et du temps supplémentaire effectué (« overtime »), relations difficiles avec le superviseur), (pièces GD3-44 à GD3-46 du dossier GE-19-1194 et pièces GD3-30 à GD3-32 du dossier GE-19-1195).

[24] Le Tribunal tient pour avérées les affirmations de l’appelant selon lesquelles il a discuté à plusieurs reprises avec l’employeur des problèmes auxquels il a été confronté dans l’accomplissement de son travail, dont ceux se rapportant au fait qu’il devait travailler seul sur les chantiers où il était affecté et ceux touchant sa rémunération.

Problèmes de sécurité au travail

[25] Le Tribunal est d’avis qu’à la suite de sa journée de travail du 12 mars 2018, le départ volontaire de l’appelant était justifié par l’existence de « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité », tel que l’indique l’alinéa 29c)(iv) de la Loi.

[26] Dans son avis d’appel, l’appelant a fait valoir que l’employeur utilisait des méthodes de travail dangereuses et qu’il faisait preuve d’un manque d’organisation (pièces GD2-9 et GD2-10 des dossiers GE-19-1194 et GE-19-1195).

[27] Sur cet aspect, le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que les problèmes qu’il avait rencontrés au cours de sa période d’emploi précédente (avril 2016 à novembre 2017) avaient commencé à se reproduire lors de sa journée de travail du 12 mars 2018 (pièce GD2-11 des dossiers GE-19-1194 et GE-19-1195).

[28] L’appelant a relaté que lors de cette journée, l’employeur l’avait affecté seul pour travailler sur le chantier de construction et conduire en alternance deux machines (« loader » sur roues (chargeuse) et pelle mécanique munie d’un marteau). Il a expliqué que le fait de s’être retrouvé seul sur un chantier de construction pour effectuer ces tâches était inacceptable pour des questions de sécurité.

[29] L’appelant a précisé que lorsqu’il a suivi son cours pour obtenir sa carte de construction (certificat de compétence de compagnon), il a appris qu’il devait y avoir un minimum de deux employés sur un chantier de construction pour des raisons de sécurité et que cette exigence faisait partie des normes établies par la CCQ. Il a spécifié qu’un contremaître ou un chargé de projets doit être présent sur un chantier de construction, mais qu’il n’y en avait jamais eu lorsqu’il a travaillé pour l’employeur et que celui-ci l’envoyait seul pour réaliser de gros contrats. L’appelant a fait valoir que s’il travaillait seul sur un chantier et qu’un accident survenait avec la machinerie utilisée (ex. : une machine chavire), il pouvait « mourir là ».

[30] L’appelant a expliqué que lorsqu’il a effectué sa journée de travail, le 12 mars 2018, il a constaté que les problèmes qu’il avait évoqués avec l’employeur au cours de sa période d’emploi d’avril 2016 à novembre 2017 n’avaient pas été réglés.

[31] Le Tribunal souligne que rien dans les déclarations de l’employeur n’indique dans quelle mesure il avait respecté les règles en matière de sécurité au travail en ayant fait travailler l’appelant, seul sur le chantier de construction où celui-ci avait été affecté, le 12 mars 2018.

[32] Le Tribunal considère qu’en fonction de la situation décrite par l’appelant lorsqu’il a effectué sa journée de travail, le 12 mars 2018, et des discussions qu’il a précédemment eues avec l’employeur pour trouver des solutions aux problèmes de sécurité, l’appelant n’était pas tenu de continuer de travailler chez l’employeur et risquer de compromettre sa sécurité, en travaillant seul sur un chantier de construction.

Autres fonctions dévolues à l’appelant

[33] Le Tribunal considère aussi que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi en raison d’une « modification importante » de ses fonctions », comme l’indique l’alinéa 29c)(ix) de la Loi.

[34] Le Tribunal considère comme véridiques les affirmations de l’appelant voulant que bien qu’il ait été embauché comme opérateur de pelles, l’employeur a décidé de lui attribuer des tâches qui ne correspondaient pas à celles normalement dévolues à un opérateur de pelles et que celui-ci lui a dit qu’il allait devoir s’y faire et que ça allait être « comme ça ». Le Tribunal considère que cette situation démontre que l’employeur a décidé d’apporter une modification importante aux fonctions de l’appelant alors qu’il a été embauché comme opérateur de pelles.

[35] L’appelant a expliqué qu’il travaille dans le domaine de l’excavation et que son métier est d’être un opérateur de pelles. Il a précisé que son emploi consiste à conduire une pelle et qu’il possède sa carte de compagnon comme opérateur de pelles (certificat de compétence de compagnon), (pièce GD8- du dossier GE-19-1195). L’appelant a fait valoir qu’il n’avait pas été engagé pour décoffrer des blocs de béton et que l’employeur savait très bien que ce genre de tâches ne correspondaient à son métier.

[36] L’appelant a affirmé que l’employeur n’avait pas de travail à lui offrir à titre d’opérateur de pelles après la journée du 12 mars 2018, malgré la déclaration qu’il a faite en ce sens à la Commission (pièces GD3-36 à GD3-38 du dossier GE-19-1195).

[37] Selon l’appelant, l’employeur a fait cette déclaration pour se défendre. Il a souligné que l’employeur l’avait rappelé au travail, le 11 mars 2018, parce qu’il avait eu une urgence la journée du 12 mars 2018. L’appelant a soutenu que l’employeur a ensuite essayé de se justifier en affirmant qu’il avait du travail à lui offrir, alors que normalement, il n’y a pas de travail pour un opérateur de pelles à cette période de l’année. L’appelant a souligné qu’habituellement il était rappelé vers la fin du mois d’avril ou au début de mai pour effectuer ce genre de travail et non en mars. Il a expliqué qu’à la fin de sa journée, le 12 mars 2018, le superviseur (monsieur X) lui a dit que s’il voulait faire des commissions, il allait pouvoir venir travailler et lui a ensuite fait cette offre au téléphone. L’appelant a souligné que l’employeur lui a offert des tâches qui ne correspondaient pas à son champ de compétences.

[38] Le Tribunal considère que la situation décrite par l’appelant démontre qu’il n’avait pas à accomplir, contre son gré, des tâches qui n’étaient pas en lien avec le poste d’opérateur de pelles pour lequel il a été embauché.

[39] Le Tribunal souligne que les relevés d’emploi émis par l’employeur pour la période d’avril 2016 à novembre 2017 et pour la journée du 12 mars 2018 précisent que l’appelant a été embauché comme opérateur de pelles (pièces GD3-24 et GD3-25 du dossier GE-19-1194) (pièces GD3-15 à GD3-18 du dossier GE-19-1195).

Rémunération inadéquate

[40] Le Tribunal est également d’avis que le départ volontaire de l’appelant était également justifié parce que l’employeur ne lui a pas versé la rémunération qu’il était en droit de recevoir comme opérateur de pelles détenant un certificat de compétence de compagnon délivré par la Commission de la construction du Québec (CCQ).

[41] Sur cet aspect, l’appelant a déclaré que contrairement à l’affirmation faite par l’employeur selon laquelle il ne possédait pas sa carte d’opérateur de pelles de la CCQ, il détient un certificat de compétence de compagnon délivré par cette instance, en date du 30 janvier 2018. Il a fourni une preuve écrite à cet effet (pièce GD8-2 du dossier GE-19-1195).

[42] Le Tribunal considère que ce faisant, l’appelant a ainsi réfuté les déclarations que l’employeur a faites à plusieurs reprises les 19 et 21 février 2019, selon lesquelles l’appelant ne détenait pas de carte de la CCQ (carte de construction) et qu’il travaillait toujours « hors décret » tout en soulignant qu’il suivait les règles et qu’il ne « niaise pas avec les normes de la construction du Québec » (pièces GD3-35 à GD3-38 du dossier GE-19-1195). Le Tribunal trouve que les affirmations faites par l’employeur à cet égard nuisent à la crédibilité des déclarations qu’il a faites à la Commission, étant donné la preuve présentée par l’appelant (pièce GD8-2 du dossier GE-19-1195).

[43] L’appelant a affirmé que l’employeur savait qu’il détenait sa carte de construction (certificat de compétence compagnon de la CCQ). Il a expliqué que lorsque le superviseur (X) l’a rappelé, le 11 mars 2018, celui-ci lui a indiqué qu’il avait un travail de construction à faire et lui a demandé d’apporter les documents afin qu’il soit « payé construction », c’est-à-dire selon la réglementation régissant l’industrie de la construction. L’appelant a précisé avoir fourni tous les documents à cet effet à l’employeur, le 12 mars 2018, afin qu’il soit payé selon le décret de la construction. Il a souligné que l’employeur avait d’ailleurs pris les renseignements nécessaires.

[44] L’appelant a indiqué que lorsqu’il a vu son relevé de salaire pour sa journée de travail du 12 mars 2018 et qu’il a constaté qu’il n’était pas « payé construction », cela lui a donné une raison de plus de ne pas rappeler l’employeur.

[45] Le Tribunal considère que même si l’appelant ne pouvait prévoir qu’il n’allait pas recevoir le salaire attendu lorsqu’il a travaillé le 12 mars 2018 et qu’il n’a su que plusieurs jours plus tard qu’il n’avait pas été payé selon le taux de salaire prévu dans l’industrie de la construction, cette situation démontre néanmoins qu’il était justifié de quitter volontairement son emploi et de ne pas accepter de retourner travailler pour l’employeur.

[46] Le Tribunal est d’avis qu’à la suite des discussions que l’appelant a eues avec l’employeur, en 2017, et des engagements qu’il avait obtenus de sa part concernant sa rémunération (ex. : taux horaire prévu et paiement du temps supplémentaire) et après avoir constaté que les problèmes de cette nature se sont poursuivis à la suite de sa journée de travail du 12 mars 2018, son départ volontaire était justifié au sens de la Loi.

Est-ce que le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant?

[47] Oui. Le Tribunal considère que la décision prise par l’appelant de quitter volontairement l’emploi qu’il occupait chez l’employeur doit être considérée, compte tenu de toutes les circonstances, comme la seule solution raisonnable dans cette situation (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129, Taiga Works c Lau, 2008 CAF 275).

[48] Le Tribunal considère qu’au cours de sa période d’emploi d’avril 2016 à novembre 2017, soit plusieurs mois avant d’effectuer sa journée de travail le 12 mars 2018 et de quitter son emploi à la suite de cette journée, l’appelant a fait des démarches auprès de l’employeur, dans le but de trouver une solution face aux problèmes de sécurité auxquels il a été confronté dans l’accomplissement de son travail et quant aux tâches qu’il devait faire, de même qu’à la rémunération qu’il devait recevoir.

[49] Le témoignage de l’appelant démontre qu’à la suite des discussions qu’il a eues avec l’employeur concernant ces problèmes, celui-ci lui a indiqué qu’il allait apporter des améliorations pour la saison d’emploi de 2018.

[50] Son témoignage indique également que les nombreuses démarches qu’il a faites auprès de l’employeur se sont avérées infructueuses, puisque les problèmes qu’il a évoqués se sont poursuivis lorsqu’il a accompli sa journée de travail, le 12 mars 2018.

[51] L’appelant a expliqué que lors de cette journée, il a constaté que les problèmes qu’il avait rencontrés au cours de sa période d’emploi d’avril 2016 à novembre 2017 avaient commencé à se reproduire malgré les discussions qu’il avait eues avec l’employeur et les engagements que celui-ci avait pris que les choses allaient s’améliorer.

[52] Il a expliqué qu’après avoir fait cette constatation, il s’est dit que la seule chose qui lui restait à faire avait été de s’en aller et de se trouver un autre emploi.

[53] Le Tribunal considère que l’appelant a tenté de résoudre les problèmes qu’il avait avec l’employeur avant de prendre la décision de quitter volontairement son emploi (White, 2011 CAF 190).

[54] Même si la Commission a souligné dans son argumentation que l’appelant n’avait jamais fait de plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ou auprès de la Commission de la construction du Québec (CCQ), le Tribunal est d’avis qu’on ne peut lui tenir rigueur de ne pas avoir exercer un recours auprès de l’une ou l’autre de ces instances afin de signaler des problèmes dont l’employeur était déjà au fait et pour lesquels il n’a pas apporté de solution.

[55] Le Tribunal estime que l’appelant a démontré qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17, Peace, 2004 CAF 56, Astronomo, A-141-97, Landry, A-1210-92, Laughland, 2003 CAF 129, Taiga Works c Lau, 2008 CAF 275).

Conclusion

[56] En résumé, le Tribunal considère qu’il existait plusieurs circonstances justifiant le départ volontaire de l’appelant. Lors de sa journée de travail du 12 mars 2018, l’appelant a été amené à travailler dans des conditions dangereuses pour sa santé ou sa sécurité en ayant dû effectuer seul un travail sur le chantier de construction où il avait été affecté. L’employeur a également apporté une « modification importante des fonctions » dévolues à l’appelant, en lui attribuant des tâches qui ne faisaient pas partie de celles prévues au poste d’opérateur de pelles pour lequel il avait été embauché. Enfin, l’appelant n’a pas reçu la rémunération qu’il était en droit de recevoir comme opérateur de pelles détenant un certificat de compétence de compagnon délivré par la CCQ.

[57] Le Tribunal conclut que compte tenu de toutes les circonstances, l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[58] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

9 avril 2019

Téléconférence

Monsieur K. M., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.