Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. J’estime que les actes qui ont entraîné le congédiement de l’appelant ne répondaient pas au critère juridique relatif à l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi).

Aperçu

[2] Après avoir travaillé pendant dix ans comme X, l’appelant (que j’appelle ci‑dessous le prestataire) a été congédié parce qu’il avait bu de l’alcool durant sa pause‑repas. L’intimée (la Commission) l’a exclu du bénéfice des prestations après avoir découvert qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Après réexamen de la décision demandé par l’appelant, la Commission a maintenu cette décision.

[3] Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant du réexamen, faisant valoir que son employeur n’avait pas appliqué la politique sur les mesures disciplinaires progressives applicables à son cas. Il a soutenu que son employeur cherchait un prétexte pour le congédier parce qu’il fallait continuer à lui verser son plein salaire après qu’il eut dû adopter un régime de tâches plus légères et moins bien rémunérées à la suite d’une chirurgie cardiaque.

[4] Je dois d’abord déterminer quels actes ont entraîné son congédiement et s’il les a effectivement commis. Je dois ensuite décider si ces actes répondent au critère relatif à l’inconduite au sens de la Loi.

Questions préliminaires

[5] Après l’audience, le prestataire a présenté d’autres documents, que j’ai acceptés comme étant pertinents à son appel. Je les ai transmis à la Commission, qui a fourni des observations en réponse.

Questions en litige

[6] Le prestataire a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

  1. Pourquoi le prestataire a‑t‑il été congédié? Quel motif a donné l’employeur?
  2. Le prestataire a‑t‑il commis les actes qui ont entraîné son congédiement?
  3. Le cas échéant, les actes du prestataire répondent‑t‑ils au critère juridique relatif à l’inconduite au sens de la Loi?

Analyse

[7] Les prestataires ne peuvent pas recevoir de prestations régulières s’ils perdent leur emploi en raison de leur inconduiteNote de bas de page 1. Comme la loi ne définit pas l’inconduite, je dois tenir compte de toutes les circonstances avant d’en venir à une conclusion.

[8] Il incombe à la Commission de prouver, selon la prépondérance des responsabilités, qu’il y a eu inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2. La Commission ne peut pas se fonder sur l’opinion de l’employeur. Elle doit fournir des éléments de preuve clairs des actes qui ont entraîné le congédiement et déterminer si le prestataire les a bien commisNote de bas de page 3. Il y a inconduite lorsque les actes qui ont mené à la perte d’emploi étaient délibérés et qu’ils manquaient à une obligation envers l’employeur. En outre, le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’inconduite était de nature à entraîner son congédiementNote de bas de page 4.

[9] Il ne m’appartient pas de déterminer si un prestataire a été congédié injustement ou si la cessation d’emploi constituait le bon niveau de mesures disciplinaires. Je peux seulement déterminer si les actes qui ont entraîné l’inconduite répondaient aux critères relatifs à l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 5. Je dois également être convaincue que l’inconduite alléguée était la véritable raison du congédiement et non d’un prétexteNote de bas de page 6.

Question en litige : Le prestataire a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

[10] Non. J’estime que ses actes ne répondaient pas au critère relatif à l’inconduite au sens de la Loi, car bien qu’il ait agi volontairement et qu’il ait manqué à son obligation envers l’employeur, il ne pouvait pas savoir que cela mènerait à son congédiement.

a) Pourquoi le prestataire a‑t‑il été congédié? Quel motif a donné l’employeur?

[11] Je détermine qu’il a été congédié pour avoir bu une bière dans un bar local, durant un dîner tardif, le 11 juillet 2018. L’employeur a dit à la Commission qu’il avait congédié le prestataire parce que celui‑ci avait enfreint sa politique d’aptitude au travail (politique d’aptitude), qui interdit la consommation d’alcool durant les heures de travail, y compris durant une pause‑repas.

[12] Dans sa lettre de congédiement, datée du 30 juillet 2018, l’employeur a indiqué avoir congédié le prestataire parce qu’il [traduction] « contrevenait directement » à plusieurs politiques et procédures [de l’entreprise] ». La lettre mentionne qu’il a pris un dîner tardif non autorisé, qu’il a consommé de l’alcool et qu’il a demandé à son superviseur de mentir à propos de l’endroit où il se trouvait, qu’il est retourné sur les lieux de travail malgré l’interdiction claire de ne pas le faire et qu’il a écouté une conversation privée.

[13] Toutefois, je suis d’avis que les actes qui ont entraîné le congédiement du prestataire étaient sa violation de la politique d’aptitude le 11 juillet 2018. L’employeur n’a pas fourni son code de conduite ni de preuves qu’il aurait enfreint d’autres politiques et procédures. Les éléments de preuve n’indiquent aucune violation de politiques précédentes de quelque nature que ce soit.

b) Le prestataire a‑t‑il commis les actes qui ont entraîné son congédiement?

[14] Oui. Je détermine qu’il y a assez d’éléments de preuve pour établir que le prestataire a commis ces actes, et celui‑ci l’admet. Il a indiqué qu’il avait bu une bière en regardant un match de la Coupe du monde dans un bar local, durant un dîner tardif. Il a dit que le chef de service l’avait vu, qu’il avait signalé l’incident, puis que son superviseur s’était rendu au bar pour le suspendre de ses fonctions.

c) Les actes du prestataire répondent‑t‑ils au critère juridique relatif à l’inconduite au sens de la Loi?

[15] Non. J’établis qu’il n’a pas commis une inconduite au sens de la Loi lorsqu’il a enfreint la politique d’aptitude le 11 juillet 2018 en fonction des critères suivants :

Les actes du prestataire étaient‑ils délibérés?

[16] Oui. Je ne suis pas convaincue par l’argument du prestataire voulant qu’il n’ait pas agi consciemment parce qu’il s’était laissé gagner par l’excitation de la Coupe du monde. Comme la Commission l’a fait valoir, une conduite comme celle de boire de l’alcool est volontaire parce qu’elle est consciente et délibérée. Je reconnais son observation selon laquelle ses actes n’étaient pas intentionnels; il ne comptait pas contrevenir à la politique de l’entreprise et a tenté de s’excuser immédiatement. Toutefois, les tribunaux ont conclu que le fait qu’un prestataire a agi « sous l’impulsion du moment » et qu’il a regretté immédiatement ses gestes et s’est excusé peu de temps après auprès de son employeur n’est pas pertinent pour savoir s’il y a eu inconduiteNote de bas de page 7.

[17] Par conséquent, j’estime que la conduite du prestataire était délibérée, ce qui constitue un volet du critère relatif à l’inconduite selon la Loi.

Le prestataire a‑t‑il manqué à son obligation envers son employeur du fait de ses actes?

[18] Oui. Les éléments de preuve démontrent qu’il a manqué à son obligation lorsqu’il a bu de l’alcool durant un dîner tardif, le 11 juillet 2018, même s’il n’a bu qu’une demi‑pinte de bière. Manquer à cette obligation constitue un autre volet du critère relatif à l’inconduite selon la Loi.

Le prestataire aurait‑il dû savoir que ses actes entraîneraient son congédiement?

[19] Non. Je juge que les éléments de preuve ne permettent pas d’établir que le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actes entraîneraient son congédiement. En tirant cette conclusion, j’accorde davantage de poids au témoignage sous serment du prestataire qu’aux éléments de preuve incomplets fournis par la Commission étant donné que celle‑ci n’a pas démontré que le prestataire avait été averti qu’il pourrait être congédié pour une première infraction.

[20] La Commission a fait état de la déclaration de l’employeur, selon laquelle tout le monde savait que les employés qui enfreignaient la politique d’aptitude seraient congédiés, mais cette affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve. L’employeur a signalé que le prestataire l’aurait su et qu’il en aurait aussi été informé dans le cadre des communications de l’entreprise sur le dépistage de drogues et d’alcool et sa formation documentée sur ces politiques le 1er avril 2014 et le 1er juin 2015. Toutefois, rien ne prouve que l’employeur l’ait averti qu’une infraction liée à l’alcool entraînerait son congédiement sans qu’il y ait d’abord un dépistage de drogues après l’incident et des mesures disciplinaires progressives.

[21] Je suis d’avis que le prestataire ne pouvait pas savoir qu’il serait congédié pour une première infraction en raison de divergences entre la section de la politique d’inaptitude que la Commission a transmise et la politique complète de dépistage aléatoire de drogues et d’alcool (politique sur la consommation d’alcool) que le prestataire a soumise après l’audience. Les tribunaux ont statué que lorsque la Commission se fonde sur les rapports de tolérance zéro de l’employeur, mais que la politique écrite de l’entreprise semble en contradiction avec cette approche, il est déraisonnable de conclure qu’un prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[22] J’estime que la Commission s’est fondée sur une partie de la politique sur l’alcool, laquelle réitère l’interdiction figurant dans la politique d’aptitude sur la consommation d’alcool durant les heures de travail. Toutefois, la politique sur l’alcool applicable à tous les employés indique que différents taux d’alcoolémie entraînent différentes sanctions. Les employés qui affichent des taux entre 0,02 et 0,039 [traduction] sont « assujettis à des mesures disciplinaires progressives », tandis que ceux qui affichent des taux de plus de 0,04 [traduction] sont « assujettis à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ». Une autre situation qui mène au congédiement plutôt qu’à des mesures disciplinaires progressives est la consommation d’alcool dans les locaux ou sur les lieux de travail ou lorsque l’on porte l’uniforme de l’entreprise.

[23] J’établis que le prestataire n’aurait pas pu prévoir son congédiement d’après ces politiques puisque, comme il l’a fait valoir, il était plus probable que le contraire que son taux d’alcoolémie aurait été minimal. De plus, il ne se trouvait pas dans les locaux de l’entreprise ni sur un lieu de travail et ne portait pas non plus l’uniforme.

[24] Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’aurait pas pu savoir que ses actes entraîneraient son congédiement. Cette connaissance est requise pour démontrer qu’il y a eu inconduite selon la Loi.

[25] Je suis également d’avis que les éléments de preuve étayent l’argument du prestataire, selon lequel le fait de boire une bière, dans un bar, le 11 juillet 2018 constituait un prétexte pour le congédier plutôt que la véritable raison. Les éléments de preuve démontrent que son employeur a décidé de passer directement au congédiement, bien que ses politiques indiquent que d’autres employés dans des circonstances semblables auraient subi des tests d’alcoolémie dans le cadre d’une enquête complète et auraient fait l’objet de mesures disciplinaires progressives avant d’être congédiés.

[26] J’accorde un grand poids au témoignage sous serment du prestataire selon lequel, une fois qu’il est retourné au travail après une chirurgie cardiaque subie l’année précédente, il a dû adopter un régime de tâches différentes et moins bien rémunérées, mais son employeur devait toujours lui verser son salaire habituel. Il a soutenu que le chef de service ne l’aimait pas et qu’il voulait se débarrasser de lui. Je juge son témoignage crédible parce que ses déclarations ont été cohérentes tout au long de l’audience et qu’il a répondu à mes questions de façon franche et ouverte.

[27] Dans ce contexte, j’estime que les actes de l’employeur étayent l’argument du prestataire voulant que l’entreprise ait utilisé sa première infraction en dix ans de service pour le congédier.

[28] En résumé, je conclus que la Commission s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombe de déterminer les actes qui ont mené au congédiement du prestataire. Elle a vérifié auprès du prestataire qu’il avait bien commis ces gestes. Il a aussi été démontré qu’il avait agi volontairement et qu’il avait manqué à son obligation envers l’employeur. Toutefois, il n’a pas été démontré qu’il savait ou aurait dû savoir que le fait de boire une bière le 11 juillet 2018 entraînerait son congédiement. Par conséquent, ces actes ne répondent pas au critère relatif à l’inconduite selon la Loi.

[29] Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus également que le prestataire a exprimé un doute valide quant à la question de savoir si son inconduite était la véritable raison de son congédiement. Je conclus qu’il est plus probable, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agissait d’un prétexte.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 11 mars 2019

Téléconférence

B. V., appelant

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