Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant travaillait comme chauffeur à temps partiel pour une compagnie de meubles. Au fil du temps, ses heures de travail n’ont cessé de diminuer. À l’été 2018, il s’est trouvé un deuxième emploi, dans le domaine de la construction cette fois. Cela lui a permis d’obtenir sa carte de compétence de manœuvre de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Il s’est éventuellement trouvé un emploi de manœuvre en septembre 2018, ce qui lui offrait un salaire beaucoup plus intéressant. Suite à ce nouvel emploi, il a quitté son travail pour la compagnie de meubles.

[3] La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a déterminé que l’appelant n’était pas fondé de quitter son emploi au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi). Elle soutient que l’appelant a quitté un emploi permanent pour s’engager dans un poste saisonnier, ce qui rend son départ injustifié.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’appelant avait-il l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat?
  2. Le départ volontaire de l’appelant constituait-il la seule solution raisonnable dans ses circonstances?

Analyse

[5] La question globale qui doit être analysée par le Tribunal est si l’appelant était fondé à quitter son emploi selon la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi). L’appelant a admis en preuve qu’il a bel et bien quitté son emploi. En règle générale, une personne qui quitte son emploi de façon volontaire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (article 30 de la Loi). Le Tribunal reconnait cependant que parfois une personne peut être fondée à quitter volontairement son emploi et être éligible aux prestations d’assurance-emploi. C’est à elle de faire cette démonstration.

[6] Le paragraphe 29 c) de la Loi énonce une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent justifier le fait qu’une personne quitte volontairement son emploi. Je me suis penchée sur les motifs de départ de l’appelante dans mon analyse en répondant aux questions suivantes :

Question en litige no 1 : L’appelant avait-il l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat?

[7] Parmi les circonstances pouvant rendre une personne justifiée de quitter son emploi, on retrouve au sous-paragraphe 29 c) vi) de la Loi la situation où une personne quitte son emploi lorsqu’elle a l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[8] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’appelant rempli les conditions du sous-paragraphe 29 c) vi) et avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. J’estime par conséquent que son départ était justifié.

[9] L’appelant travaillait depuis octobre 2015 comme chauffeur pour l’entreprise X. Il faisait au départ une trentaine d’heures d’ouvrage par semaine. Après environ un an à l’emploi, les heures de travail offertes ont malheureusement diminué significativement. L’appelant a indiqué qu’il aimait beaucoup son travail, qu’il s’entendait très bien avec son employeur qui a tenté à plusieurs reprises de trouver des solutions pour l’aider, tel que de lui offrir d’autres tâches pour compenser et même de lui verser des avances en salaire. Cependant, il se retrouvait parfois avec moins de vingt heures de travail par semaine, ce qui le mettait dans une position très difficile financièrement.

[10] L’appelant a indiqué qu’à l’été 2018, il rencontré X, entrepreneur général en construction qui l’a embauché à temps partiel afin de lui permettre d’accumuler les heures nécessaires pour obtenir ses cartes de manœuvre dans le domaine de la construction. L’appelant s’est dit reconnaissant de cette occasion offerte par X dans l’espoir d’éventuellement se trouver un emploi dans le domaine de la construction avec de meilleurs salaires et conditions. Il a donc travaillé pour X à raison de deux jours par semaine, tout en continuant son emploi pour X. Il a travaillé 152 heures pour X, accumulé le nombre d’heures nécessaire pour obtenir sa carte de compétence de manœuvre de la Commission de la construction du Québec (CCQ). La preuve documentaire révèle qu’il l’a d’ailleurs obtenu le 15 septembre 2018.

[11] Peu de temps après, X a mis l’appelant à pied car il n’avait plus d’ouvrage pour lui et il préparait sa retraite. L’appelant a continué à travailler pour X tout en poursuivant ses démarches de recherche d’emploi dans le domaine de la construction maintenant qu’il détenait la carte de compétence nécessaire. Il s’est trouvé un emploi de manœuvre pour X pour lequel il a débuté le 24 septembre 2018. Peu de temps après, l’appelant quittait son autre emploi chez X.

[12] L’appelant soutient avoir quitté son emploi chez X en raison de son nouvel emploi pour X. La Commission soutient que l’appelant n’était pas fondé de quitter son emploi à temps partiel pour un autre emploi également à temps partiel, mais saisonnier. Elle est d’avis que l’appelant s’est lui-même placé dans une situation de chômage puisque la saison de son nouvel emploi tirait à sa fin et qu’il savait qu’il n’avait aucune heure de garantie.

[13] Je ne suis pas d’accord avec le raisonnement de la Commission. Premièrement, l’appelant a attendu avant de quitter son emploi chez X d’être officiellement à l’emploi de X. J’estime qu’il a donc agi avec diligence. De plus, ni ses heures pour X, ni celles de X. n’étaient garantie. On ne peut donc pas dire que l’appelant s’est placé dans une situation plus précaire avec un employeur qu’avec l’autre. Je suis en fait d’avis qu’il s’agit du contraire. L’appelant avait parfois des semaines réduites à moins de 20 heures chez X, alors qu’il en a fait environ le même nombre pour X à un salaire beaucoup plus élevé.

[14] Je retiens de la preuve que bien qu’il ne lui avait offert aucune garantie, l’employeur chez X avait dit à l’appelant qu’il aurait de l’ouvrage pour lui jusqu’en début de l’année suivante et peut-être même à l’année. J’estime que la conception à l’effet que l’industrie de la construction est saisonnière devient de plus en plus désuète. Il s’avère que de plus en plus de travailleurs de cette industrie travaillent à l’année sans interruption saisonnière. L’appelant s’est permis tous les espoirs de travailler à plus long terme pour X, tout en se continuant à se chercher un autre emploi avec sa nouvelle carte de compétence.

[15] Malheureusement l’emploi pour X s’est terminé pour l’appelant juste avant la période des fêtes (décembre 2018), mais il y a tout de même travaillé environ 3 mois.

[16] J’accorde un poids significatif au témoignage de l’appelant qui a expliqué sa situation en détails avec cohérence et logique. J’accorde aussi un poids significatif au fait que l’appelant se trouvait dans une situation déjà précaire avec son emploi chez X. De lui exiger de rester à cet emploi et de se priver de l’occasion beaucoup plus intéressante qui s’offrait à lui ne constituait certainement pas une solution raisonnable dans son cas.

[17] Je retiens de la preuve que l’appelant avait bel et bien l’assurance d’un autre emploi, qu’il a exercé durant plusieurs semaines. Les perspectives de ce nouvel emploi étaient intéressantes et prometteuses. S’il n’était pas un emploi permanent, il n’y avait pas non plus de certitude qu’il se retrouverait en période de chômage durant l’hiver. J’estime que ce point est important. Je suis d’avis qu’il est de la responsabilité de tout assuré d’assurance-emploi de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque de chômage. En l’espèce, j’estime que ce n’est pas du tout le cas pour l’appelant. Il a été diligent en ne quittant pas son emploi chez X avant d’avoir formellement un emploi avec X Je retiens de la preuve qu’il n’aurait jamais quitté son emploi chez X sans avoir un autre emploi. Il a donc respecté ses obligations d’assuré.

[18] J’accorde un poids important également au fait que les heures d’emploi chez X étaient en constante diminution. J’en conclue que malgré le statut permanent de l’emploi en théorie, l’appelant n’avait aucune garantie de continuer à avoir un emploi bien longtemps. En d’autres mots, le risque de chômage était bien présent chez X, au même titre que chez X L’appelant ne peut donc être pénalisé pour avoir quitté un emploi qui ne lui offrait pas plus de garantie que son nouveau poste beaucoup plus lucratif.

[19] Sur la balance des probabilités, je conclus que l’appelant rencontre les exigences du sous-paragraphe 29 c) vi) de la Loi et que son départ volontaire était justifié.

Question en litige no 2 : Le départ volontaire de l’appelant constituait-il la seule solution raisonnable dans ses circonstances?

[20] En général, afin de déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi, cette dernière ne doit pas seulement démontrer qu’elle a quitté en raison d’exceptions indiquées à l’alinéa 29 (c) de la Loi. Elle doit de plus démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c Patel, 2010 CAF 95 (Patel), Bell, A-450-95, Landry, A-1210-92). En effet, le juge Létourneau dans la décision Hernandez rappelle qu’en conjonction avec les exceptions citées à l’article 29 de la Loi, il est impératif de considérer si le fait de quitter volontairement son emploi constituait la seule solution raisonnable et que de ne pas le faire constituerait une erreur de droit (Hernandez, 2007 FCA 320).

[21] Cependant, j’estime que la notion de seule solution raisonnable ne s’applique pas à une personne qui quitte son emploi ayant eu l’assurance raisonnable d’un autre emploi. La raison à cette exception est simplement que de fait, il est difficile, voire impossible, de soutenir ou de conclure qu’une personne qui quitte volontairement son emploi pour en occuper un autre l’a fait nécessairement parce que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas, ce qui a été reconnu par la Cour d’appel fédérale (Marier, 2013 FCA 39; Langlois, 2008 FCA 18; Campeau, 2006 FCA 376).

[22] Comme j’ai conclu que l’appelant avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, je ne traiterai pas d’avantage de la notion de seule solution raisonnable.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

9 avril 2019

Téléconférence

V. C., appelant

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