Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse conteste la décision de la division générale de refuser d’antidater sa demande. Elle estime qu’il y avait des explications raisonnables justifiant la présentation de sa demande plus d’un mois après avoir perdu son emploi. La division générale a eu raison de conclure que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande renouvelée pendant toute la période du retard.

Question en litige

[3] L’appelante a-t-elle fait valoir un motif valable de retarder le dépôt de sa demande à la fin d’octobre plutôt que de présenter celle‑ci immédiatement après avoir été congédiée le 7 septembre 2018?

Analyse

[4] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] La demande de permission d’interjeter appel est une étape préliminaire à une audition au fond de l'affaire. Il s’agit d’un premier obstacle pour le prestataire, mais il est moindre que celui qu’il faut surmonter lors de l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’interjeter appel, le prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions; il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur le fondement d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[6] Avant qu’une permission d’interjeter appel ne puisse être accordée, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles susmentionnés et que l’un de ces motifs au moins a une chance raisonnable de succès.

[7] Cela signifie que le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, s’il existe une question de justice naturelle, de compétence, de droit ou de fait dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision de la division générale qui est en cause.

[8] En l’espèce, personne ne conteste que l’appelante avait droit à des prestations au moment de sa mise à pied. Pour obtenir ces prestations, elle devait présenter une demande pour établir sa période de prestations.

[9] L’article 10 de la Loi sur l’assurance‑emploi prévoit le calcul de la période de prestations.

10 (1) La période de prestations débute, selon le cas :

a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération;

b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations.

(2) Sous réserve des paragraphes (10) à (15) et de l’article 24, la durée d’une période de prestations est de cinquante‑deux semaines.

…..

(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

(5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[10] De plus, l’article 26 du Règlement sur l’assurance‑emploi prescrit ce qui suit :

26 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine.

(2) Le prestataire qui n’a pas demandé de prestations durant quatre semaines consécutives ou plus et qui en fait la demande par la suite pour une semaine de chômage présente sa demande dans la semaine qui suit cette dernière.

[11] En l’espèce, l’appelante a été mise à pied le 7 septembre 2018. Elle est allée à l'étranger rendre visite à son père malade en Roumanie et elle n'est revenue que le 17 septembre. À son retour, elle a cherché un emploi et s’est occupée de sa mère malade. Comme elle avait déjà planifié en août des vacances qu’elle ne pouvait annuler, elle est partie en vacances du 6 au 13 octobre.

[12] Ce n’est qu’à son retour qu’elle a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi.

[13] Comme elle n'a manifestement pas présenté sa demande dans le délai de quatre semaines prévu au par. 26(2) du Règlement, elle demande que sa demande soit antidatée et invoque les dispositions relatives au « motif valable » du par. 10(4) de la Loi.

[14] Les motifs d’antidatation des demandes ont été succinctement énoncés dans l’affaire P.G. c Kaler, où la juge Layden‑Stevenson a déclaré ce qui suit :

Il est possible d’antidater une demande en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi dans les cas où le retard à présenter la demande est justifié par un motif valable. La jurisprudence de la Cour exige que, pour établir un motif valable, la prestataire doit réussir à « démontrer qu’[elle] a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » : Canada (P.G.) c Albrecht, [1985] 1 C.F. 710 (C.A.) (Albrecht). Il est également bien établi en droit que la prestataire est tenue de « vérifie[r] assez rapidement » si elle a droit à des prestations et de s’assurer des droits et obligations que lui reconnaît la Loi : Canada (P.G.) c Carry, 2005 CAF 367 (CanLII), et 344 N.R. 142 (Carry). Cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict : Albrecht, par. 13. Le motif valable doit exister pendant toute la période à l’égard de laquelle l’antidatation est demandée : Canada (P.G.) c Chalk, 2010 CAF 243 (CanLII). L’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valable : Canada (P.G.) c Somwaru, 2010 CAF 336 (CanLII); Carry, par. 5.

[15] En l’espèce, la demanderesse a signalé les éléments suivants :

  • la maladie de son père,
  • le fait qu'elle cherchait un autre emploi,
  • le fait qu'elle ne pouvait pas annuler ses vacances, puisqu'elles n'étaient pas remboursables,
  • le fait qu'elle célébrait son cinquantième anniversaire de naissance,
  • le fait qu’elle devait s’occuper de sa mère malade, comme constituant un motif valable de ne pas présenter sa demande dans le délai prescrit et lui donnant droit à une antidatation.

[16] Bien que chacune de ces raisons ait pu provoquer du stress et de l’anxiété chez l’appelante, il ne s’agit pas de facteurs qui auraient empêché une personne raisonnable dans sa situation de présenter une demande. Assurément, tout en se souciant du fait qu’elle devait trouver un nouvel emploi ou tout en prenant des vacances, une personne raisonnable aurait songé à l’assurance‑chômage et se serait informée de la date à laquelle elle devait présenter une demande et de la manière dont elle devait le faire.

[17] L’appelante n’a pas satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 10(4) selon laquelle le prestataire doit avoir, « durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard » (je souligne).

[18] Par conséquent il n’y a aucune question de justice naturelle, de compétence, de droit ou de fait dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision de la division générale en cause.

Conclusion

[19] La demande est rejetée.

Representants :

Demanderesse – se représentant elle-même

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