Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant (prestataire) est exclu du bénéfice des prestations régulières, étant donné que le geste qui a causé son congédiement satisfaisait au critère juridique relatif à l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Aperçu

[2] Le prestataire a été congédié de son emploi de superviseur de l’entretien dans un hôtel le 12 avril 2018, après qu’il a lancé son téléphone cellulaire et son lunch sur la directrice générale. La Commission (intimée) l’a exclu du bénéfice des prestations après avoir conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Après avoir procédé à une révision demandée par le prestataire, la Commission a maintenu sa décision.

[3] Le prestataire a interjeté appel relativement à la décision découlant de la révision, en soutenant qu’il avait vécu une perte de contrôle momentanée attribuable à son anxiété, à sa dépression et à ses problèmes de gestion de la colère. Il a soutenu qu’il n’avait pas l’intention d’atteindre la directrice générale avec son téléphone cellulaire et son lunch.

[4] Je dois déterminer si son geste satisfait au critère juridique relatif à l’inconduite selon la Loi.

Question en litige

[5] Le prestataire a-t-il perdu son emploi pour cause d’inconduite?

  1. Pourquoi le prestataire a-t-il été congédié? Quel est le motif donné par l’employeur?
  2. La preuve montre-t-elle que le prestataire a posé le geste qui a causé son congédiement?
  3. Si oui, ce geste correspond-il au critère juridique relatif à l’inconduite selon la Loi?

Analyse

[6] Les prestataires sont exclus du bénéfice des prestations régulières s’ils perdent leur emploi pour cause d’inconduiteNote de bas de page 1. La Loi ne définit pas l’inconduite; par conséquent, je dois tenir compte de l’ensemble des circonstances avant de tirer une conclusion. Il incombe à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite au titre de la LoiNote de bas de page 2. Je ne peux pas me fier uniquement à l’opinion de l’employeur, mais je dois fournir une preuve évidente du geste qui a déclenché le congédiement et de la question de savoir si le prestataire l’a commisNote de bas de page 3.

[7] Il y a inconduite si le geste d’une partie prestataire était délibéré et a causé la perte d’emploi parce qu’il constituait un manquement à une obligation envers l’employeur. De plus, le prestataire doit savoir ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait entraîner son congédiementNote de bas de page 4.

[8] Ce n’est pas mon rôle de déterminer si le congédiement correspondait au niveau de mesure disciplinaire approprié pour ce type de conduite. Je peux seulement examiner si le geste qui a mené au congédiement satisfaisait aux critères correspondant à l’inconduite au titre de la LoiNote de bas de page 5.

Le prestataire a-t-il perdu son emploi pour cause d’inconduite?

[9] Oui. J’estime que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, d’après les critères suivants :

a) Pourquoi le prestataire a-t-il été congédié? Quel est le motif donné par l’employeur?

[10] J’estime qu’il a été congédié pour avoir enfreint la politique de l’entreprise sur la violence en milieu de travail. La Commission a présenté les relevés de ses conversations avec l’employeur, qui rapportaient que le prestataire avait lancé son lunch et son téléphone cellulaire sur la directrice générale. Elle a mentionné que son téléphone cellulaire l’avait atteinte et que son lunch s’était répandu dans le couloir. Le prestataire ne conteste pas qu’il a été congédié pour cette raison.

b) La preuve montre-t-elle que le prestataire a posé le geste qui a causé son congédiement?

[11] Oui. J’estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il a posé ce geste. À l’audience, il a contesté avoir lancé des objets sur la directrice générale, et a admis seulement avoir lancé son téléphone cellulaire dans le panier à linge à côté d’elle (il [traduction] « l’a déposé énergiquement »). Il a affirmé qu’il n’avait pas l’intention de l’atteindre. Il a aussi affirmé qu’il avait lancé son lunch par terre dans le couloir, et non pas en sa direction.

[12] Cependant, le prestataire avait admis plus tôt à la Commission qu’il avait lancé ces objets sur elle, ce qui correspond à la version de la directrice générale. J’estime qu’il est probable, selon la prépondérance des probabilités, que cette dernière affirmation était plus exacte puisqu’il l’a faite à une date plus rapprochée de l’incident, lorsque ses souvenirs de ce qui était arrivé étaient plus frais à sa mémoire. Ce n’est que plus tard qu’il a contredit cette déclaration antérieureNote de bas de page 6.

[13] De plus, même s’il n’avait pas l’intention de la frapper avec son téléphone cellulaire et son lunch, et qu’il n’a que lancé ces objets en sa direction, il s’agissait tout de même d’un comportement menaçant au titre de la politique de son employeur interdisant la violence en milieu de travail. Par conséquent, cela montrerait tout de même qu’il a posé le geste qui a causé son congédiement.

c) Si oui, ce geste correspond-il au critère juridique relatif à l’inconduite selon la Loi?

[14] Oui, j’estime que le geste du prestataire satisfait ce critère d’après les trois critères suivants :

Le geste du prestataire était-il délibéré?

[15] Oui. J’estime que ce geste était délibéré, étant donné que le fait de lancer son téléphone et son lunch sur la directrice générale était un acte [traduction] « conscient, voulu ou intentionnel »Note de bas de page 7. Le prestataire conteste le fait que ce geste était conscient et voulu, compte tenu des antécédents d’anxiété et de dépression, ainsi que de ses problèmes de gestion de la colère. Il a affirmé dans son témoignage qu’il avait mal réagi lorsque la directrice générale lui a posé une question, parce qu’il croyait que son opinion technique avait été mise de côté pour des raisons budgétaires. Il a soutenu que sa violence était une impulsion qui échappait à son contrôle, plutôt qu’un acte délibéré fondé sur une pensée rationnelle.

[16] Son épouse, en tant que témoin, a affirmé qu’il vivait une crise médicale à cette époque et que sa médication devait être rajustée. Elle a décrit ses longs antécédents de problèmes de santé mentale. Elle a aussi déclaré que le fait de devoir faire des rénovations urgentes pour son fils après avoir travaillé à l’hôtel toute la journée avait ajouté à son stress.

[17] J’admets l’argument du prestataire selon lequel ses problèmes de santé mentale lui occasionnaient de la difficulté à fonctionner au quotidien, surtout lorsqu’il se sentait stressé. La preuve médicale qu’il a présentée a confirmé ses antécédents de problèmes de santé mentale, y compris ses problèmes de gestion de la colère. La preuve montre qu’il était au courant de ses problèmes et que son médecin avait recommandé une formation en gestion de la colère. Cependant, il a affirmé qu’il lui aurait fallu prendre congé de son travail pour suivre cette formation, ce qu’il ne voulait pas faire.

[18] Après avoir pris en compte tous les facteurs ci-dessus, j’estime que le fait de lancer son téléphone cellulaire et son lunch sur la directrice générale était un geste conscient et voulu, puisqu’il ne s’agissait pas d’un acte accidentel. Il avait une explication rationnelle : il était frustré parce qu’elle accordait plus d’importance aux préoccupations budgétaires qu’à son opinion. J’accepte qu’il n’avait peut-être pas l’intention de la frapper. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’une intention négative soit sous-jacente aux gestes inadéquats, y compris la violence en milieu de travail, pour qu’une conduite soit considérée comme délibérée et inconsidérée au titre de la LoiNote de bas de page 8.

Le geste du prestataire a-t-il constitué un manquement à une obligation envers son employeur?

[19] Oui. J’estime que le prestataire n’a pas respecté son obligation envers son employeur en enfreignant sa politique sur la violence en milieu de travail. La Commission a présenté la politique de l’employeur, qui mentionne que l’entreprise applique [traduction] « une politique de tolérance zéro concernant la violence en milieu de travail ». La politique mentionne également que la conséquence est une mesure disciplinaire [traduction] « pouvant aller jusqu’au congédiement ». Par sa conduite, j’estime que le prestataire n’a pas respecté l’obligation de tout employé de se conformer à la politique de l’entreprise et d’assurer un milieu de travail exempt de violence et de menaces de violence.

Le prestataire aurait-il dû savoir que son geste entraînerait son congédiement?

[20] Oui. J’estime que le prestataire aurait dû savoir que son geste entraînerait son congédiement compte tenu du fait qu’il a admis qu’il était au courant de la politique de son employeur. Je considère que le libellé mentionnait clairement que toute violence en milieu de travail entraînerait des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement immédiat. Conformément à cette politique, il revenait à l’employeur de décider quand le congédierNote de bas de page 9.

[21] De plus, le prestataire avait déjà enfreint cette politique le 6 juin 2017 en lançant un pistolet à calfeutrer sur un employé qu’il supervisait. Son employeur l’avait soutenu à l’époque et lui avait offert des mesures d’adaptation en milieu de travail. Cependant, sa lettre de mesure disciplinaire comportait aussi un avertissement selon lequel toute nouvelle violation pourrait entraîner son congédiement.

[22] Pour résumer, je conclus que le geste du prestataire satisfaisait au critère relatif à l’inconduite au titre de la Loi. Avec la preuve qu’elle a présentée, la Commission s’est acquittée de son fardeau de la preuve de démontrer que c’était un geste de violence qui avait entraîné le congédiement du prestataire, et qu’il avait posé ce geste. Je suis d’accord avec les observations de la Commission selon lesquelles ce geste était délibéré et constituait un manquement à son obligation envers son employeur. De plus, j’estime qu’il aurait dû savoir qu’il serait congédié pour avoir omis de se conformer à la politique de tolérance zéro de son employeur puisqu’il avait été averti explicitement de cette conséquence.

[23] Je suis sensible aux problèmes de santé mentale que le prestataire a rapportés. Cependant, je n’ai pas le pouvoir d’interpréter la loi d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 10.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 25 mars 2019

Téléconférence

M. B., appelant

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.