Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Depuis 2016, l’appelant, monsieur P. L., travaille à titre de directeur du marketing pour X (employeur). Le 17 septembre 2018, il est congédié.

[3] L’appelant présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations d’assurance emploi. Après une enquête, la Commission refuse de verser des prestations d’assurance emploi à l’appelant, parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[4] L’employeur reproche à l’appelant d’avoir eu des comportements inappropriés à l’endroit de membres du personnel. Le 27 octobre 2017, l’appelant reçoit un avertissement écrit concernant son inconduite, son manque de respect et son manque de collaboration avec l’équipe de marketing. S’il devait avoir de nouveau un comportement inapproprié, il pourrait être congédié.

[5] Le 13 septembre 2018, l’employeur est informé qu’une des employées, sous la responsabilité de l’appelant, a démissionné en raison de commentaires sur son habillement et son poids. Après avoir mené une enquête, l’employeur a décidé de congédier l’appelant.

[6] L’appelant ne nie pas les faits reprochés par l’employeur. Cependant, il ne s’agit pas d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance emploi (Loi). En effet, il ne savait qu’il allait être congédié pour ses propos. D’ailleurs, la directrice de la succursale n’a pas été congédiée. Il s’agissait donc d’un prétexte de la part de l’employeur pour le congédier.

Questions en litige

[7] Quel est le geste reproché à l’appelant ?

[8] Est-ce que l’appelant a commis le geste reproché ?

[9] Est-ce que le geste constitue de l’inconduite au sens de la Loi ?

Analyse

[10] Le Tribunal doit décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et s’il doit donc être exclu du bénéfice des prestations aux termes des articles 29 et 30 de Loi.

[11] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le congédiement était justifié ou s’il représentait la mesure appropriéeNote de bas de page 1.

[12] En fait, le Tribunal doit déterminer quel est le geste reproché à l’appelant. Est-ce que l’appelant a commis ce geste ? Et est-ce qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi ?

[13] La Commission à l’obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduiteNote de bas de page 2. L’expression la « prépondérance des probabilités » signifie que la Commission doit démontrer qu’il a plus de chance que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite que le contraire. 

Quel est le geste reproché à l’appelant ?

[14] Le Tribunal est d’avis qu’on reproche à l’appelant d’avoir tenu des propos inappropriés concernant une employée sous sa responsabilité.

[15] Le Tribunal retient que le 6 août 2018, une employée s’est présentée dans une succursale de l’employeur pour rapporter du matériel. Une amie de l’employée a entendu la conversation entre l’appelant et la directrice de la succursale. La directrice a fait une allusion à son habillement. L’appelant a commenté en disant « Ce n’est pas comme si elle avait le corps pour porter ça ».

[16] Le Tribunal retient également que l’appelant admet que c’est le geste qu’on lui reproche.  

Est-ce que l’appelant a commis le geste reproché ?

[17] Le Tribunal retient que dans le cadre de l’enquête de l’employeur, la directrice de la succursale a également été rencontrée. Elle a admis que l’appelant et elle-même avaient tenu des propos concernant l’apparence de l’employée. Elle a été suspendue pour son geste. Il s’agissait de la première fois qu’elle recevait un avertissement.

[18] Le Tribunal retient également que l’appelant a admis lors d’une rencontre avec son employeur avoir tenu des propos concernant l’apparence de l’employée.

[19] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a commis le geste reproché, bien que l’appelant ait tenté de nuancer ses propos lors de l’audience. Il a tout de même admis qu’il ne s’agissait pas de son meilleur commentaire.

Est-ce que le geste reproché constitue de l’inconduite ?

[20] Le Tribunal doit déterminer si les gestes posés par l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi.

[21] La Commission doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant savait qu’il pouvait être congédié en posant son gesteNote de bas de page 3.

[22] Pour conclure que les gestes commis constituent de l’inconduite, il suffit que le geste reproché à l’appelant soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas de page 4.En fait, la notion d’inconduite n’est pas définie par la Loi et s’analyse en fonction des principes tirés de la jurisprudence. La Loi « exige, pour qu’il y ait exclusion [du bénéfice des prestations], la présence d’un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré ».Note de bas de page 5

[23] Le Tribunal tient à rappeler à l’appelant qu’il n’a pas pour rôle de déterminer si le congédiement était justifié ou non. Il doit se demander si le geste reproché à l’appelant constitue de l’inconduiteNote de bas de page 6.

[24] Le Tribunal retient que l’appelant travaille à titre de directeur de marketing chez l’employeur.

[25] L’appelant a déjà été rencontré par le vice-président concernant des propos inappropriés qu’il a eus à l’endroit de collègues de travail. Le 27 octobre 2017, il a reçu un avertissement écrit concernant son inconduite, son manque de respect et son manque de collaboration avec l’équipe de marketing. Il a signé l’avis le 7 novembre 2017.

[26] Ainsi, au mois de décembre 2016, lors d’une rencontre devant plusieurs personnes, l’appelant a fait une blague à un employé de confession musulmane sur le porc.

[27] Au mois d’août 2017, l’employeur a refusé de signer une carte d’anniversaire présenté par l’appelant pour souligner l’anniversaire d’une secrétaire. Il s’agissait d’un montage photo avec la tête de la secrétaire sur un corps « sexy », préparé par une employée. Tous les employés ont signé dont l’appelant qui a présenté la carte à l’employeur. Ce dernier a refusé de la signer et il a mentionné qu’il s’agissait d’un manque de jugement de la part de l’appelant d’avoir signé la carte d’anniversaire.

[28] Un collègue de travail a exprimé qu’il préférait qu’on l’appelle Frank plutôt que « X », l’appelant l’a appelé par le prénom « X » à plusieurs reprises. Il a été rencontré par son supérieur à ce sujet.

[29] L’appelant a mentionné à ses employées qu’elles étaient ses « pitounes » du marketing ou encore qu’une employée avait de « belles fesses ».

[30] L’appelant a écrit des courriels d’un goût douteux à sa chef de marketing. Il a également crié après cette dernière pour finalement demander son congédiement.

[31] C’est dans ce contexte que l’appelant reçoit le 27 octobre 2017 un avis écrit de l’employeur. Ce dernier lui demande d’avoir un comportement approprié et lui rappelle qu’il est l’image de l’entreprise. Si de nouveaux incidents se produisent, il pourrait être congédié.

[32] Le 6 août 2017, l’appelant discute avec la directrice d’une succursale et une employée est présente. La discussion est engagée par la directrice concernant la tenue vestimentaire d’une des employées de l’appelant qui s’est présentée la veille à la succursale pour rapporter des biens empruntés à l’entreprise.

[33] L’appelant répond à un commentaire de la directrice : « c’est pas comme si elle avait un corps pour porter ça » (sic). Une employée a entendu la conversation et a répété les propos tenus par l’appelant et la directrice à l’employée visée par le commentaire. Cette dernière s’est sentie humiliée et elle ne pouvait plus avoir confiance en son supérieur. Elle a confronté son supérieur concernant les propos qu’il a tenus. Il a nié avoir tenu ses propos et il a rejeté la responsabilité sur la directrice de la succursale. Peu de temps après, l’employée a décidé de quitter son emploi.

[34] L’employeur a été informé de la situation, lorsqu’il a rencontré l’employée pour connaitre les raisons de son départ. L’employeur a donc décidé de questionner les deux directeurs à ce sujet.

[35] Lorsque l’appelant est rencontré par son employeur, dans un premier temps, il a nié les faits, par la suite il a admis avoir tenu ces propos. L’employeur a congédié l’appelant, parce qu’il n’avait plus confiance en ce dernier.

[36] Selon la Commission, le commentaire de l’appelant concernant l’apparence d’une employée est humiliant. Il s’agit d’une inconduite parce que le geste est irrespectueux de la part d’un cadre qui représente la haute direction de l’entreprise.

[37] La Commission soumet que l’appelant a reçu une lettre d’avertissement pour un manque de jugement à titre de cadre de l’entreprise. L’employeur ne peut pas tolérer l’excuse de l’appelant à l’effet qu’il s’agit d’une blague à chaque occasion.

[38] La Commission soumet que l’appelant savait ou devait savoir qu’il serait congédié en commettant de geste. Il s’agit d’un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail.

[39] Selon l’appelant, l’employeur cherchait un prétexte pour le congédier. Il a engagé un plus jeune cadre pour le remplacer.

[40] Toujours selon l’appelant, le geste commis par l’appelant ne constitue pas de l’inconduite, mais un commentaire anodin. D’ailleurs, la directrice de la succursale n’a pas été congédiée. L’appelant est victime du contexte social : la dénonciation concernant des comportements inappropriés qui font l’actualité depuis un moment et l’acharnement de l’employeur.

[41] L’employeur a tout de même réglé la plainte pour congédiement par une entente devant la Commission des normes de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Ainsi, l’employeur lui a versé la somme de 15 000 $ en contrepartie de la renonciation de son droit à la réintégration.

[42] L’appelant soumet également de ne pas tenir compte de la plainte de harcèlement psychologique déposée par la chef du département de marketing, parce qu’elle est postérieure à son congédiement.

[43] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. En effet, l’appelant a été avisé au mois d’octobre 2017 de changer son comportement, sinon il pourrait être congédié. Or, le 5 août 2018, il a de nouveau tenu des propos inappropriés.

[44] Le Tribunal constate que l’appelant tend à minimiser ou banaliser ses propos. À chaque fois, il a admis avoir tenu ces propos et il s’excuse en disant qu’il s’agissait d’une blague. Il se dit également victime du contexte social.

[45] Le Tribunal est plutôt d’avis qu’à partir du moment où l’appelant est informé que ses propos ne sont pas appropriés en raison notamment de son rôle au sein de l’organisation, il fait preuve d’insouciance en persistant à tenir des propos inappropriés. Le 6 août 2018, il tient de nouveau des propos inappropriés qui ont blessé une de ses employées. Il a agi avec une telle insouciance qu’il pouvait ou devait s’attendre à être congédié.

[46] D’ailleurs, l’appelant a proposé de démissionner lors de la rencontre avec son supérieur. Le Tribunal retient de son témoignage que lors de cette rencontre, l’employeur lui a rappelé qu’il avait reçu un avertissement en 2017 en raison de ses comportements inappropriés. Finalement, il a été congédié.

[47] Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis qu’il savait ou devait savoir qu’il serait congédié pour avoir tenu ces propos.

[48] Concernant la plainte déposée par X, le Tribunal constate qu’effectivement elle est postérieure au congédiement de l’appelant. Les déclarations de l’employeur concernant cette plainte ne sont donc pas retenues par le Tribunal. Cela dit, l’appelant a tout de même été avisé le 27 octobre 2017 qu’il ne pouvait pas faire de commentaires inappropriés et qu’il ne pouvait pas crier auprès des membres de son personnel, dont X. Il a admis qu’il avait peut-être haussé le ton à une ou deux reprises.

[49] Selon l’appelant, la politique de l’employeur contre la violence et le harcèlement n’est pas réaliste et elle est abusive. Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré que la politique concernant le harcèlement et la violence au travail n’est pas réaliste. De plus, le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si l’employeur a agi correctement, mais si le geste commis par l’appelant constitue de l’inconduiteNote de bas de page 7.

[50] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a commis un geste d’inconduite et qu’il a été congédié pour cette raison. Ainsi, il a tenu des propos inappropriés à l’endroit d’une employée et il a nié les faits devant son employeur pour se raviser par la suite. L’employeur avait déjà avisé l’appelant. Il a perdu confiance en l’appelant. C’est pour cette raison que l’appelant a été congédié.

[51] Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que le règlement intervenu entre l’appelant et l’employeur ne permet pas de réfuter les affirmations de l’employeur concernant l’inconduite. En effet, il n’y a pas d’admission de la part de l’employeur que l’appelant n’a pas commis de l’inconduite, et ce bien que l’employeur a versé la somme de 15 000 $ en contrepartie de sa renonciation au droit à la réintégrationNote de bas de page 8.  

[52] Dans ce contexte, le Tribunal conclut que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[53] Le Tribunal conclut que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations, car il a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[54] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 27 mars 2019

En personne

P. L., appelant

Me Jacques Audette, représentant de l’appelant

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