Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, R. M. (la prestataire), a été congédiée pour avoir omis de se présenter au travail ou d’expliquer la raison de son absence. Lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi, la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), a rejeté sa demande. Elle a conclu que la prestataire avait été congédiée pour inconduite et qu’elle était donc exclue du bénéfice des prestations. La prestataire a demandé un réexamen, mais la Commission a maintenu sa décision initiale.

[3] La prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La date d’une audience par téléconférence a été fixée, mais la prestataire ne s’est pas jointe à cette audience à la date prévue. Convaincue que la prestataire avait été avisée de la tenue de l’audience, la division générale a pris sa décision en se fondant sur le dossier. Le 25 juillet 2018, elle a rejeté l’appel de la prestataire. La prestataire a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. La division d’appel a reçu sa demande le 5 février 2019.

[4] La demande de permission d’en appeler est tardive et il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre que l’appel soit entendu. La prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour le retard de son appel ni établi qu’elle avait une intention constante de présenter la demande. De plus, elle n’a fait valoir aucun argument défendable susceptible d’être retenu en appel.

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler a‑t‑elle été déposée tardivement?

[5] Aux termes du paragraphe 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée dans les trente jours suivant la date où la partie reçoit communication de la décision de la division générale.

[6] Il n’y a au dossier aucune information confirmant la date exacte à laquelle la décision a effectivement été communiquée à la prestataire. Cette dernière a affirmé avoir reçu la « décision de réexamen » en septembre 2018 (mais elle a également sélectionné l’option « Je ne me souviens pas ») dans les documents que la division d’appel a acceptés comme étant sa demande de permission d’en appeler, mais elle a utilisé le mauvais formulaire. Étant donné qu’elle avait déjà interjeté appel de la décision de réexamen du 12 janvier 2018 en février 2018, je présume que la prestataire voulait dire que c’est la décision de la division générale qu’elle a reçue en septembre 2018.

[7] Lorsqu’il n’y a aucune preuve de la date même à laquelle la décision a été communiquée au prestataire, le paragraphe 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) présume que la décision a été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Étant donné que la décision est datée du 25 juillet 2018 et qu’elle a été envoyée par courrier ordinaire en même temps qu’une lettre datée du 30 juillet 2018, j’accepte que la décision a été communiquée le 9 août 2018, conformément au paragraphe 19(1) du Règlement. La simple affirmation de la prestataire selon laquelle elle a reçu la décision en septembre 2018 est en elle‑même insuffisante pour réfuter la présomption prévue dans le règlement que la décision a été communiquée le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste.

[8] La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler de la prestataire que le 5 février 2019. Si l’on tient pour établi que la décision a été communiquée le 9 août 2018, il en découle que la demande de permission d’en appeler est en retard de 180 jours. Même si j’acceptais que la décision n’a été communiquée qu’en septembre 2018 et qu’elle l’a été le dernier jour de ce mois‑là, la demande de permission de la prestataire serait encore en retard de 137 jours.

[9] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Question en litige

[10] La division d’appel devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation de délai aux fins du dépôt de la demande de permission d’en appeler?

Analyse

[11] Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire d’accorder à un demandeur un délai supplémentaire pour présenter une demande de permission d’en appeler. Bien que cette décision relève du pouvoir discrétionnaire de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale a exigé que la division d’appel tienne compte de certains facteurs dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 1. Ces facteurs (appelés les facteurs de Gattellaro ) sont les suivants :

  • le demandeur manifeste une intention constante de présenter l’appel;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause aucun préjudice à l'autre partie;
  • l'affaire révèle l’existence d’un argument défendable.

[12] Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les faits de chaque affaire et, dans certains cas, des facteurs différents pourront être pertinents. Selon la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c LarkmanNote de bas de page 2, la considération primordiale est celle de savoir s’il serait dans l’intérêt de la justice de proroger le délai.

La division d’appel devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation du délai aux fins du dépôt de la demande de permission d’en appeler?

Intention constante

[13] Je conclus que la prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de présenter l’appel. Elle a déposé sa demande de permission d’en appeler plus de cinq mois après la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée. Au cours de cette période, elle n’a pas tenté de déposer une demande, ni n’a‑t‑elle écrit, appelé ou envoyé un courriel pour obtenir des renseignements ou des conseils ou informer le Tribunal de son intention d’interjeter appel. Le Tribunal ne savait pas que la prestataire avait l’intention d’interjeter appel avant de recevoir les documents qu’il a acceptés comme étant sa demande de permission d’en appeler le 5 février 2019.

[14] J’ai écrit à la prestataire le 22 mars 2019 pour lui demander d’expliquer davantage pourquoi elle avait retardé sa demande de permission d’en appeler. La division d’appel a reçu une réponse du nouveau représentant de la prestataire le 2 avril 2019Note de bas de page 3. (La prestataire s’était représentée elle‑même dans le cadre de son appel devant la division générale, mais elle a retenu les services d’un nouveau représentant pour la division d’appel.) Le représentant a déclaré que la prestataire tente d’obtenir une audience depuis qu’il est retourné en janvier au centre d’aide communautaire pour les sans‑emploi où il travaillait. Il n’a pas indiqué à quel moment, en janvier, il est retourné au travail, ni à quel moment la prestataire a communiqué avec lui pour la première fois. Il n’a pas précisé non plus quels efforts la prestataire avait faits pour « obtenir une audience » ni indiqué s’il pouvait confirmer ces efforts. Plus précisément, le représentant ne donne pas à entendre que la prestataire a pris des mesures pour communiquer avec le Tribunal ou pour obtenir les services d’un autre représentant au cours de la période de plusieurs mois précédant la date à laquelle il a commencé à agir pour elle.

[15] La prestataire n’a pas établi qu’elle avait l’intention constante de présenter un appel devant la division d’appel. Mes conclusions sur ce facteur militent contre la décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler.

Explication raisonnable

[16] La prestataire n’a pas non plus d’explication raisonnable pour justifier le retard. La seule explication donnée par la prestataire est qu’elle n’avait pas eu d’aide et qu’elle ne comprenait pas le processus. Je comprends qu’il peut être difficile de comprendre le processus, mais je ne suis pas convaincu qu’il aurait fallu cinq mois ne serait‑ce que pour exprimer cette difficulté. Il n’y a aucune preuve que la prestataire a fait des efforts pour obtenir de l’aide ou des conseils pendant plusieurs mois. Ce facteur milite contre la décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler.

Préjudice à l’autre partie

[17] Le représentant a laissé entendre que le retard dans la demande de permission d’en appeler n’aurait aucune incidence négative sur la Commission. Je suis d’accord. Bien qu’il soit possible que le retard d’environ cinq mois et demi (après le délai de dépôt de 30 jours) nuise à la capacité de la Commission d’enquêter sur la demande de permission d’en appeler ou d’y répondre d’une autre façon, la Commission n’en a pas fait mention ni n’a‑t‑elle appuyé un tel argument au moyen d’éléments de preuve. Ce facteur milite en faveur de la décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler.

Argument défendable

[18] Le dernier facteur de Gattellaro est la question de savoir si la prestataire a un argument défendable. L’argument défendable a été assimilé à l’existence d’une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Il s’agit essentiellement de la même question que je devrais trancher dans le cadre de la demande de permission d’en appeler si j’accordais la prorogation de délai.

[19] Pour que la demande de permission d’en appeler soit accueillie, je devrais conclure qu’il y avait une chance raisonnable de succès, ou un « argument défendable », du fait que la division générale a commis l’un des types d’erreurs décrits dans les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et qui sont énoncés ci‑après :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] La prestataire n’a pas clairement indiqué de quelle façon elle croit que la division générale a commis l’une ou l’autre de ces erreurs. Son représentant affirme que la prestataire a fait de nombreuses tentatives pour informer son employeur de son absence. La division générale a cru comprendre, compte tenu des déclarations mêmes qu’elle avait faites à la Commission, que la prestataire avait pris un congé sans autorisationNote de bas de page 5.

[21] Dans sa demande de prestations, la prestataire a dit qu’elle avait été congédiée parce qu’elle avait pris un congé, mais qu’elle n’était pas revenue le jour où elle avait dit qu’elle le ferait. La prestataire a également dit qu’elle ne pouvait pas trouver de directeur, mais qu’elle avait informé un membre du conseil au bureau de la bande qu’elle ne se présenterait pas au travailNote de bas de page 6. Elle a dit qu’elle avait rempli ou à tout le moins soumis un formulaire de demande de congé qu’elle avait obtenu auprès du caissier du terminal de loterie vidéoNote de bas de page 7. Le directeur de l’employeur a déclaré que ses numéros de téléphone cellulaire, résidentiel et au bureau avaient été affichéeNote de bas de page 8, et il a confirmé que la prestataire ne lui avait pas demandé de congé. L’employeur a déclaré qu’il ne savait pas que la prestataire éprouvait des problèmes de santé, qu’il n’avait pas reçu de formulaire de demande de congé de cette dernière, et qu’il ne pouvait pas confirmer qu’il avait même de tels formulairesNote de bas de page 9. La division générale devait soupeser les éléments de preuve présentés par la prestataire et par l’employeur.

[22] La prestataire semble demander la possibilité de présenter des éléments de preuve supplémentaires concernant ses [traduction] « nombreuses tentatives d’informer l’employeur de son absence »Note de bas de page 10. Toutefois, même si j’accordais une prorogation de délai et que j’acceptais que la demande de permission soit entendue, je ne serais pas en mesure d’examiner de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale, ni de soupeser ou d’évaluer à nouveau la preuve. Là n’est pas le rôle de la division d’appelNote de bas de page 11.

[23] Je ne crois pas que la division générale ait ignoré ou mal compris l’un ou l’autre des éléments de preuve qui lui ont été présentés lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait pris un congé non autorisé et avait omis de se présenter au travail pendant trois jours consécutifs sans informer l’employeur qu’elle ne se présentait pas au travail. Par conséquent, il n’y a aucun motif de soutenir que la division générale a conclu à tort que la prestataire a adopté la conduite que l’employeur a invoquée comme motif de son congédiement.

[24] J’ai suivi l’exemple de la Cour fédérale dans des affaires comme  Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 12, dans laquelle elle a déclaré que « le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la [Loi sur le MEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle‑même. » Par conséquent, j’ai examiné le dossier pour voir s’il y avait des éléments de preuve importants que la division générale a négligés ou mal compris, et s’il en ressortait une autre erreur évidente.

[25] Je n’ai pu relever quelque motif que ce soit de soutenir que la division générale a commis une erreur aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[26] Le représentant a également noté que la prestataire [traduction] « demande simplement une occasion d’expliquer sa version des faits ». La division générale a rendu sa décision sur la foi du dossier sans entendre la prestataire, de sorte qu’il est possible que le représentant fasse valoir en vertu de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS que la division générale a porté atteinte au droit de justice naturelle de la prestataire d’être entendue.

[27] Toutefois, le paragraphe 12(1) du Règlement permet à la division générale de procéder en l’absence d’une partie si elle est convaincue que cette partie a été avisée de la tenue de l’audience. La division générale a déclaré qu’elle était convaincue que la prestataire avait reçu l’avisNote de bas de page 13, et le représentant de la prestataire a confirmé que cette dernière avait reçu l’avis d’audience et la trousse d’informationNote de bas de page 14. Le représentant n’a pas donné à entendre que la division d’appel a donné à la prestataire des renseignements erronés sur l’heure et la date de l’audience ou sur la façon de se connecter aux fins de la tenue de l’audience. La trousse d’information fournit des instructions normalisées sur les audiences par téléconférence, qui expliquent comment les parties doivent appeler au moment prévu pour se connecter à l’audience par téléconférence.

[28] Selon le représentant, la prestataire a attendu l’appel téléphonique pour l’audience du 14 juin 2018. En revanche, il n’y a aucune preuve qu’elle a tenté d’appeler la division d’appel lorsqu’elle n’a pas reçu l’appel prévu de la division générale, ou à quelque moment que ce soit au cours des six semaines qui se sont écoulées entre la date d’audience prévue et la date de la décision de la division générale. En fait, la prestataire n’a fait d’effort pour communiquer avec le Tribunal que près de huit mois après la date de l’audience. Si elle n’a pas participé à l’audience parce qu’elle a mal compris les instructions relatives à la téléconférence, la prestataire n’a pas expliqué pourquoi elle ne s’était pas demandée pour quelle raison l’audience n’avait pas eu lieu ni n’avait demandé qu’une nouvelle date d’audience soit fixée. Je ne vois aucun motif de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en procédant sur la foi du dossier.

[29] Par conséquent, je conclus que l’affaire ne révèle aucun argument défendable. Ce facteur milite contre la décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler.

[30] Trois des quatre facteurs de Gattellaro jouent contre la décision de permettre la prorogation du délai, et l’incapacité de la prestataire de faire valoir des arguments défendables en fait partie. À mon avis, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation du délai.

Conclusion

[31] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Representants :

Doug Simpson, pour la demanderesse

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