Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, G. M. (prestataire), a été congédié pour avoir omis de se présenter au travail ou d’expliquer la raison de son absence. Lorsqu’il a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi, la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), a rejeté sa demande. Elle a conclu que le prestataire avait été congédié pour inconduite et qu’il était donc exclu du bénéfice des prestations. Le prestataire a demandé un réexamen, mais la Commission a maintenu sa décision initiale.

[3] Le prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La date d’une audience par téléconférence a été fixée, mais il ne s’est pas joint à cette audience à la date prévue. Convaincue que le prestataire avait été avisé de la tenue de l’audience, la division générale a pris sa décision sur la foi du dossier. Le 6 août 2018, elle a rejeté l’appel du prestataire. Ce dernier a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. La division d’appel a reçu sa demande le 5 février 2019.

[4] La demande de permission d’en appeler est tardive et il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre que l’appel soit entendu. Le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable justifiant le retard de son appel, ni établi qu’il avait une intention constante de présenter la demande. En outre, il n’a fait valoir aucun argument défendable susceptible d’être retenu en appel.

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler a‑t‑elle été déposée tardivement?

[5] Aux termes du paragraphe 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision de la division générale.

[6] Il n’y a au dossier aucune information confirmant la date exacte à laquelle la décision a effectivement été communiquée au prestataire. Ce dernier a affirmé avoir reçu la « décision de réexamen » en septembre 2018 dans les documents que la division d’appel a acceptés comme étant sa demande de permission d’en appeler, mais il a utilisé le mauvais formulaire. Étant donné qu’il avait déjà interjeté appel de la décision de réexamen du 12 janvier 2018 en mars 2018, je présume que le prestataire voulait dire que c’est la décision de la division générale qu’il a reçue en septembre 2018.

[7] Lorsqu’il n’y a aucune preuve de la date même à laquelle la décision a été communiquée au prestataire, aux termes du paragraphe 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), la décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Étant donné que la décision est datée du 6 août 2018 et qu’elle a été envoyée par courrier ordinaire en même temps qu’une lettre datée du 8 août 2018, j’accepte que la décision a été communiquée le 18 août 2018, conformément au paragraphe 19(1) du Règlement. La simple affirmation du prestataire selon laquelle il a reçu la décision en septembre 2018 est en elle‑même insuffisante pour réfuter la présomption prévue dans le règlement que la décision a été communiquée le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste.

[8] La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler du prestataire que le 5 février 2019. Si l’on tient pour établi que la décision a été communiquée le 18 août 2018, il en découle que la demande de permission d’en appeler est en retard de 171 jours. Même si j’acceptais que la décision n’a été communiquée qu’en septembre 2018 et qu’elle l’a été le dernier jour de ce mois‑là, la demande de permission du prestataire serait encore en retard de 128 jours.

[9] La demande de permission d’en appeler est tardive.

Question en litige

[10] La division d’appel devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation du délai pour déposer la demande de permission d’en appeler?

Analyse

[11] Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. Bien que cette décision relève du pouvoir discrétionnaire de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale a exigé que la division d’appel tienne compte de certains facteurs dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 1. Ces facteurs (appelés les facteurs de Gattellaro) sont les suivants :

  • le demandeur manifeste une intention constante de présenter l’appel;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause aucun préjudice à l'autre partie;
  • l'affaire révèle l’existence d’un argument défendable.

[12] Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les faits de chaque affaire et, dans certains cas, des facteurs différents pourront être pertinents. Selon la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c LarkmanNote de bas de page 2, la considération primordiale est celle de savoir s’il serait dans l’intérêt de la justice de proroger le délai.

La division d’appel devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation du délai pour déposer la demande de permission d’en appeler?

Intention constante

[13] Je conclus que le prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de présenter l’appel. Il a déposé sa demande de permission d’en appeler plus de cinq mois après la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée. Au cours de cette période, il n’a pas tenté de déposer une demande, ni n’a‑t‑il écrit, appelé ou envoyé un courriel pour obtenir des renseignements ou des conseils ou informer le Tribunal de son intention d’interjeter appel. Le Tribunal ne savait pas que le prestataire avait l’intention d’interjeter appel avant de recevoir les documents qu’il a acceptés comme étant sa demande de permission d’en appeler le 5 février 2019.

[14] J’ai écrit au prestataire le 22 mars 2019 pour lui demander d’expliquer davantage pourquoi il avait retardé sa demande de permission d’en appeler. La division d’appel a reçu une réponse du nouveau représentant du prestataire le 2 avril 2019Note de bas de page 3. (Le prestataire avait été représenté par son épouse dans son appel devant la division générale, mais il a retenu les services d’un nouveau représentant devant la division d’appel.) Le représentant a déclaré que le prestataire tente d’obtenir une audience depuis qu’il est lui‑même retourné, en janvier, au centre d’aide communautaire pour les sans‑emploi où il travaillait. Il n’a pas indiqué à quel moment, en janvier, il est retourné au travail, ni à quel moment le prestataire a communiqué avec lui pour la première fois. Il n’a pas précisé non plus quels efforts le prestataire avait faits pour « obtenir une audience » ni indiqué s’il pouvait confirmer ces efforts. Plus précisément, le représentant ne donne pas à entendre que le prestataire a pris des mesures pour communiquer avec le Tribunal ou pour obtenir les services d’un autre représentant au cours de la période de plusieurs mois précédant la date à laquelle il a commencé à agir pour lui.

[15] Le prestataire n’a pas établi qu’il avait l’intention constante de présenter un appel devant la division d’appel. Mes conclusions sur ce facteur militent contre la décision de permettre qu’il soit donné suite à la demande de permission d’en appeler.

Explication raisonnable

[16] Le prestataire n’a pas non plus d’explication raisonnable justifiant le retard. La seule explication donnée par le prestataire est qu’il n’avait pas eu d’aide et qu’il ne comprenait pas le processus. Je comprends qu’il peut être difficile de comprendre le processus, mais je ne suis pas convaincu qu’il aurait fallu cinq mois ne serait‑ce que pour exprimer cette difficulté. Il n’y a aucune preuve que le prestataire a fait des efforts pour obtenir de l’aide ou des conseils pendant plusieurs mois. Ce facteur milite contre la décision de permettre qu’il soit donné suite à la demande de permission d’en appeler.

Préjudice à l’autre partie

[17] Le représentant a laissé entendre que le retard dans la demande de permission d’en appeler n’aurait aucune incidence négative sur la Commission. Je suis d’accord. Bien qu’il soit possible que le retard d’environ cinq mois (après le délai de dépôt de 30 jours) nuise à la capacité de la Commission d’enquêter sur la demande de permission d’en appeler ou d’y répondre d’une autre façon, la Commission n’en a pas fait mention ni n’a‑t‑elle appuyé un tel argument au moyen d’éléments de preuve. Ce facteur joue en faveur de la décision de permettre qu’il soit donné suite à la demande de permission d’en appeler.

Argument défendable

[18] Le dernier facteur de Gattellaro est la question de savoir si le prestataire a un argument défendable. L’argument défendable a été assimilé à l’existence d’une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Il s’agit essentiellement de la même question que je devrais trancher dans le cadre de la demande de permission d’en appeler si j’accordais la prorogation de délai.

[19] Pour que la demande de permission d’en appeler soit accueillie, je devrais conclure qu’il y avait une chance raisonnable de succès, ou un « argument défendable », du fait que la division générale a commis l’un des types d’erreurs décrits dans les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et reproduits ci‑après :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] Le prestataire n’a pas clairement indiqué de quelle façon à son avis la division générale a commis l’une ou l’autre de ces erreurs. Son représentant affirme que le prestataire a fait de nombreuses tentatives pour informer son employeur de son absence, une déclaration qui va à l’encontre du résumé de son témoignage par la division générale :

[traduction] L’appelant a ajouté qu’il ne s’est pas présenté au travail et qu’il n’a pas communiqué avec son employeur pour l’informer qu’il devait s’occuper d’une situation médicale concernant sa femme et qu’il ne serait pas au travail, qu’il avait besoin d’un congé ou qu’il s’est présenté sur place pour informer son superviseur ou un collègue de son absence.Note de bas de page 5

[21] Le fait que l’appelant a pris un congé et qu’il n’est pas retourné au travail le jour où il était censé y retourner se trouve dans la demande de prestations en ligne du prestataireNote de bas de page 6. Le prestataire a fourni une preuve qu’il n’a pas communiqué avec l’employeur pour l’informer que son épouse était malade ni ne s’est rendu sur place pour en informer un collègue ou un superviseur et qu’il n’avait pas l’autorisation de prendre un congéNote de bas de page 7. Il a également dit que son superviseur n’était pas disponible pour lui parlerNote de bas de page 8 et qu’il avait laissé un formulaire de congé à la caissière au terminal de loterie vidéo, qu’il avait obtenu de son épouseNote de bas de page 9. La preuve de l’employeur a essentiellement confirmé que le prestataire s’est absenté sans explicationNote de bas de page 10. Le superviseur travaillant pour l’employeur a également déclaré que ses numéros de téléphone cellulaire, résidentiel et de son bureau étaient affichésNote de bas de page 11. L’employeur a déclaré qu’il ne savait pas que le prestataire éprouvait des problèmes de santé, qu’il n’avait pas reçu de formulaire de demande de congé de ce dernier, et qu’il ne pouvait pas confirmer qu’il avait même de tels formulairesNote de bas de page 12. La division générale a dû soupeser les éléments de preuve produits par le prestataire et l’employeur et, en fin de compte, elle a accordé peu de poids à la déclaration du prestataire selon laquelle il avait obtenu une autorisation parce que le superviseur n’était pas disponible ou qu’il avait présenté une demande de congé.

[22] Le prestataire semble demander la possibilité de présenter d’autres éléments de preuve liés à ses [traduction] « nombreuses tentatives d’informer l’employeur de son absence »Note de bas de page 13. Toutefois, même si j’accordais une prorogation de délai et que j’acceptais que la demande de permission soit entendue, je ne serais pas en mesure d’examiner de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale, ni de soupeser ou d’évaluer à nouveau la preuve. Là n’est pas le rôle de la division d’appelNote de bas de page 14.

[23] Je ne crois pas la division générale ait négligé ou mal compris l’un ou l’autre des éléments de preuve qui lui ont été présentés lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait, sans autorisation, pris un congé ou omis de se présenter à son employeur comme il devait le faire, ou qu’il n’avait pas informé l’employeur de ses motifs à ce moment‑là. Par conséquent, il n’y a aucun motif de soutenir que la division générale a conclu à tort que le prestataire s’est conduit ainsi que l’employeur l’a expliqué pour justifier son congédiement.

[24] J’ai suivi l’exemple de la Cour fédérale dans des affaires comme  Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 15, dans laquelle elle a déclaré que « le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la [Loi sur le MEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle‑même. » Par conséquent, j’ai examiné le dossier pour voir s’il y avait des éléments de preuve importants que la division générale a négligés ou mal compris, et s’il en ressortait une autre erreur évidente.

[25] Je n’ai pu relever aucun motif que ce soit de soutenir que la division générale a commis une erreur aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[26] Le représentant a également signalé que le prestataire [traduction] « demande simplement une occasion de donner sa version des faits ». La division générale a rendu sa décision sur la foi du dossier, sans entendre le prestataire, de sorte qu’il est possible que le représentant fasse valoir en vertu de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS que la division générale a porté atteinte au droit de justice naturelle du prestataire d’être entendu.

[27] Toutefois, le paragraphe 12(1) du Règlement permet à la division générale de procéder en l’absence d’une partie si elle est convaincue que cette partie a été avisée de la tenue de l’audience. La division générale a déclaré qu’elle était convaincue que le prestataire avait reçu l’avisNote de bas de page 16, et le représentant du prestataire a confirmé que ce dernier avait reçu l’avis d’audience et les documents d’informationNote de bas de page 17. Le représentant n’a pas donné à entendre que la division d’appel a donné au prestataire des renseignements erronés sur l’heure et la date de l’audience ou sur la façon de se connecter aux fins de la tenue de l’audience. Les documents d’information contiennent des instructions normalisées sur les audiences par téléconférence, et expliquent comment les parties doivent appeler au moment prévu pour se connecter à l’audience par téléconférence.

[28] Selon le représentant, le prestataire a attendu l’appel téléphonique pour l’audience du 26 juin 2018. En revanche, il n’y a aucune preuve qu’il a tenté d’appeler le Tribunal lorsqu’il n’a pas reçu l’appel prévu de la division générale, ou à quelque moment que ce soit au cours des sept semaines qui se sont écoulées entre la date d’audience prévue et la date de la décision de la division générale. En fait, le prestataire n’a fait d’effort pour communiquer avec le Tribunal que plus de sept mois après la date de l’audience. S’il n’a pas participé à l’audience parce qu’il a mal compris les instructions relatives à la téléconférence, le prestataire n’a pas expliqué pourquoi il ne s’était pas demandé pour quelle raison l’audience n’avait pas eu lieu ni n’avait demandé qu’une nouvelle date d’audience soit fixée. Je ne vois aucun motif de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en procédant sur la foi du dossier.

[29] Par conséquent, je conclus que l’affaire ne révèle l’existence d’aucun argument défendable. Ce facteur milite contre la décision de permettre que la demande de permission d’en appeler aille de l’avant.

[30] Trois des quatre facteurs de Gattellaro jouent contre la décision d’accorder la prorogation du délai, et l’incapacité du prestataire de présenter un argument défendable en fait partie. À mon avis, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation du délai.

Conclusion

[31] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Representants :

Doug Simpson, pour le demandeur

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