Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des responsabilités, que la cessation d’emploi du prestataire chez X était attribuable à son inconduite.

Aperçu

[2] La dernière journée de travail de l’appelant comme chauffeur de camion chez X était le 17 août 2018. Dans sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi (prestations d’assurance‑emploi), l’appelant a indiqué qu’il avait été congédié en raison d’une infraction à la sécurité après avoir commis plusieurs infractions antérieures, mais qu’il ignorait que le comportement, lors de l’incident final, était considéré comme étant une infraction à la sécurité et que, par conséquent, son syndicat contestait son congédiement. L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. L’appelant a soutenu qu’il avait été congédié injustement et visé par un congédiement compte tenu de son ancienneté. La Commission a maintenu l’exclusion initiale, et l’appelant a interjeté appel de la décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

Question préliminaire

[3] L’appelant était accompagné à l’audience par X, qui a dit qu’il était un agent syndical de X et qu’il aiderait l’appelant à présenter ses éléments de preuve et ses observations.

Question en litige

[4] L’appelant a‑t‑il été exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison d’actes qui constituent une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)?

Analyse

[5] L’article 30 de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi s’il perd un emploi en raison de son inconduite.

[6] Il incombe à la Commission de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi chez X en raison de son inconduite (Larivee A‑473-06, Falardeau A-396-85).

[7] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi. Son sens pour l’application de la Loi a plutôt été établi par la jurisprudence des tribunaux judiciaires et des tribunaux administratifs qui se sont penchés sur l’article 30 de la Loi et qui ont énoncé des principes directeurs dont il faut tenir compte lors de l’étude des circonstances de chaque cause.

[8] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’appelant s’est comporté autrement que de la façon dont il aurait dû se comporter et qu’il l’a fait de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle que cela frôlait le caractère délibéré : Eden A-402-96. Pour qu’un acte soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que l’appelant savait ou aurait dû savoir que son comportement était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié : Lassonde A-213-09, Mishibinijima A-85-06, Hastings A-592-06, Lock 2003 CAF 262; et que ce comportement nuirait au rendement professionnel du prestataire ou nuirait aux intérêts de l’employeur ou nuirait de façon irréparable à la relation employeur-employé : CUB 73528.

[9] Comme la Cour d’appel fédérale l’a établi dans l’arrêt Macdonald A-152-96, le Tribunal doit déterminer la véritable cause de la cessation d’emploi du prestataire et si cela constitue une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi.

Question en litige no 1 : Quel comportement est à l’origine de la perte d’emploi de l’appelant chez X?

[10] Pour le Tribunal, la première étape de l’analyse est d’établir la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi chez X après sa dernière journée de travail, le 17 août 2018.

[11] L’employeur n’a fourni aucun élément de preuve au sujet du comportement de l’appelant. Malgré les tentatives répétées de la Commission pour obtenir de l’information auprès de X, l’employeur n’a rien fourni à part le relevé d’emploi, qui indique que l’appelant a été congédié (GD3-23).

[12] Voici les éléments de preuve que l’appelant a présentés à la Commission :

  1. Dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi, l’appelant a fait mention de quatre incidents antérieurs survenus entre le 10 mai 2017 et le 11 juin 2018, pour lesquels il avait reçu des suspensions allant de trois à cinq jours (GD3-11à GD3-13). Il a décrit l’incident ayant provoqué son congédiement comme étant [traduction] « le fait de ne pas porter de ceinture de sécurité dans une entrée pendant que le camion était en mouvement » le 9 août 2018 (GD3-12), mais a précisé que le congédiement était attribuable à la nouvelle politique qui était en vigueur depuis seulement deux mois, et qu’il était difficile de changer après 37 ans et de faire les choses différemment (GD3-14).
  2. Lorsqu’il s’est entretenu avec la Commission à propos de son congédiement (voir les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations aux pièces GD3‑26 à GD3-27), il a dit qu’il ne savait pas que le port de la ceinture de sécurité était obligatoire dans un stationnement – il pensait qu’il devait uniquement la porter lorsque qu’il conduisait. Il est descendu une minute du camion dans le stationnement, puis y est vite remonté, ce qui a enclenché une « caméra de tableau de bord » nouvellement installée, et l’employeur a vu qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité lorsque le camion était en mouvement.
  3. Dans sa demande de réexamen, l’appelant a indiqué que son syndicat contestait son congédiement et a inclus une lettre de son représentant syndical (GD3-32).
  4. Durant l’entrevue de réexamen de l’appelant avec la Commission (voir les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations à la pièce GD3‑37), l’agent a noté que l’appelant a admis qu’il savait que le port de la ceinture de sécurité était obligatoire en tout temps, qu’il était visé par des mesures disciplinaires progressives en raison d’infractions antérieures à la sécurité et que l’employeur l’avait averti qu’il perdrait son emploi.

[13] Dans son avis d’appel (GD2), l’appelant a déclaré qu’il avait appris que d’autres employés avaient fait la même chose que lui, mais que l’employeur n’avait rien fait. Il croit qu’il a été ciblé par l’employeur parce qu’il était un employé ayant de l’ancienneté, et qu’on voulait qu’il parte. Il n’a eu aucune formation ni soutien lorsque l’employeur a installé des caméras dans les camions et commençait tout juste à s’habituer à une nouvelle façon de faire les choses après 32 ans. Il a également expliqué qu’il contestait une des infractions antérieures. Dans une lettre annexée, le représentant syndical de l’appelant a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

« Nous estimons que A. R. a été congédié injustement par X. A. R. a été congédié au titre d’un programme assez nouveau mis en œuvre se rapportant à l’utilisation de “caméras de conduite”. Ce programme, bien que relativement nouveau, n’avait pas été mis à l’essai très souvent.

Plutôt que de laisser un arbitre déterminer d’abord si la politique est juste et équitable, nous croyons que l’entreprise se sert d’un gentleman tel que A. R. comme bouc émissaire pour faire peur aux autres employés.

Un autre incident mentionné dans sa lettre de congédiement témoigne d’un acte dangereux relevé par l’entreprise et le syndicat et selon lequel il y avait eu utilisation de matériel non sécuritaire. L’entreprise n’avait pas de bâches suffisamment grandes pour couvrir le chargement, et le chauffeur a été cité pour un chargement non sécurisé.

Pour ces motifs, nous estimons qu’A. R. devrait être admissible au bénéfice des prestations, car nous renvoyons son cas à l’arbitrage et avons une grande confiance dans notre cas. » (GD2-7)

[14] L’appelant et X ont déclaré ce qui suit à l’audience :

  • L’employeur a introduit sa « politique sur les caméras de conduite » au printemps/à l’été 2017. Il y avait quelques « nouveaux » éléments dans le cadre de cette politique, y compris le port obligatoire de la ceinture de sécurité dans les stationnements et l’interdiction des appareils portatifs — y compris du dispositif « Blue Tooth ».
  • La politique n’avait pas été contestée par le syndicat à ce moment‑là. Toutefois, l’appelant a déposé un grief le jour de son congédiement et porté l’affaire en arbitrage 30 jours plus tard. Il sera le premier à contester la politique sur les caméras de conduite de l’employeur.
  • Des quatre suspensions antérieures de l’appelant pour infractions en matière de santé et de sécurité commises entre mai 2017 et juin 2018, trois (3) étaient liées aux caméras de conduite, c’est‑à‑dire qu’elles concernaient des infractions filmées par la caméra que l’employeur avait installée dans le camion.
  • La seule infraction qui n’était pas en lien avec l’incident de la caméra de conduite était la contravention qu’il avait reçue de la police en juin 2018 pour un chargement non sécurisé. Dans ce cas, l’employeur a retenu les services d’un avocat pour faire annuler la contravention de l’appelant parce qu’il ne lui avait pas fourni la bonne dimension de bâche pour couvrir le chargement.
  • Les infractions en matière de santé et de sécurité ne sont pas assujetties à des mesures disciplinaires progressives. Dans tous les cas, l’employeur a le pouvoir discrétionnaire d’émettre une suspension ou de procéder directement au congédiement.
  • L’appelant n’a signé aucun des quatre avis disciplinaires qu’il a reçus, bien qu’il ait été averti à chaque fois qu’une autre conduite du genre entraînerait son congédiement.
  • L’appelant est le premier et le seul employé à avoir été congédié pour une infraction relative à une caméra de conduite depuis la mise en place de la politique au printemps/à l’été 2017.
  • Et ce, malgré les nombreuses infractions identiques ayant trait au port de la ceinture de sécurité commises par d’autres employés de X, tant avant qu’après le congédiement de l’appelant.
  • Dans le cadre des anciennes règles, les chauffeurs devaient « respecter la loi », ce qui voulait dire qu’ils devaient porter leur ceinture de sécurité lorsqu’ils conduisaient sur des routes publiques.
  • Toutefois, selon les nouvelles règles de l’employeur, les chauffeurs doivent porter leur ceinture de sécurité « lorsque les roues du véhicule tournent » — quel que soit le lieu où ils se trouvent, que ce soit un stationnement, une entrée privée ou une route publique.
  • · Il s’agissait d’un changement très difficile auquel tous les chauffeurs de X devaient s’habituer étant donné qu’ils sautent à bord ou hors de leur camion de nombreuses fois par quart durant les livraisons de conteneurs.
  • Il y a eu un grand nombre d’infractions liées au port de la ceinture de sécurité commises par des chauffeurs de X depuis la mise en œuvre de la nouvelle politique, et elles ont toujours mené à un avertissement.
  • Après le congédiement de l’appelant pour une infraction relative au port de la ceinture de sécurité en août 2018, l’employeur est revenu à l’émission d’avertissements et continue à le faire même maintenant, huit mois plus tard, en avril 2019.
  • Ils se servent de l’appelant comme d’un cas type et pour voir si leur politique sur les caméras de conduite sera maintenue.
  • L’appelant a travaillé pour X pendant 39 ans et n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir porté une ceinture de sécurité avant l’incident capté par la caméra de tableau de bord.
  • Il n’y a eu aucune infraction liée au port de la ceinture de sécurité pendant près de 40 ans, mais l’employeur n’a offert aucun recyclage ni soutien lorsqu’il a institué cette nouvelle politique. On a simplement installé les caméras et tenu une réunion.
  • En choisissant de faire de l’appelant un exemple, l’employeur en a profité pour ne lui verser aucune indemnité de départ après 39 ans de service.
  • En tout, 78 chauffeurs travaillent pour X. Bon nombre d’entre eux avaient reçu plus d’une suspension pour exactement la même chose pour laquelle l’appelant a été congédié. Il n’était pas rare que les chauffeurs reçoivent deux ou trois suspensions de trois à cinq jours chacun pour des infractions relatives au port de la ceinture de sécurité dans le cadre de la politique sur les caméras de conduite.
  • Lors du dernier incident, en août 2018, l’appelant a appris que d’autres chauffeurs avaient été suspendus pour des infractions liées au port de la ceinture de sécurité.
  • À ce moment‑là, la politique était en vigueur depuis à peine un peu plus d’un an, et l’utilisation du cellulaire et le port de la ceinture de sécurité étaient des « questions de nature délicate » pour l’employeur. Celui‑ci voulait envoyer un message « de choc et de stupeur », indiquant qu’il y avait trop de suspensions, alors il a congédié un seul employé — l’appelant. Le message était que les employés devaient se conformer aux nouvelles règles de sécurité.
  • Toutefois, le nombre de suspensions pour des infractions associées au port de la ceinture de sécurité demeure très élevé, et aucune personne n’a été congédiée pour une infraction se rapportant aux caméras de conduite — même les récidivistes.
  • En ce qui concerne le dernier incident, l’appelant manœuvrait un conteneur dans une entrée privée lorsqu’il a « heurté le conteneur » avec son camion. Dans ces cas, la caméra du tableau de bord se met automatiquement en marche et commence à enregistrer au moment où le camion se heurte à quelque chose. De petits heurts contre les contenants sont fréquents durant le processus de livraison, car les chauffeurs doivent souvent travailler dans des espaces restreints. Les chauffeurs montent dans leur camion et en sortent toujours durant le dépôt et la récupération des conteneurs. Il n’a même pas été signalé à l’appelant qu’il y avait eu un heurt ni que la caméra s’était mise en marche. L’appelant ne savait même pas qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité à ce moment‑là.
  • Puis, deux ou trois jours plus tard, des membres de la direction lui ont dit que la caméra s’était mise en marche, qu’ils avaient examiné l’enregistrement et vu qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité à ce moment‑là. Il s’est fait dire que l’employeur envisageait les mesures à prendre. Il croyait qu’il pourrait être suspendu parce qu’il s’agissait alors de la pratique habituelle de l’employeur.
  • Il n’a jamais pensé qu’il pourrait être congédié pour ne pas avoir porté sa ceinture de sécurité alors qu’il se trouvait dans une entrée privée.
  • Avant les incidents relatifs aux caméras de conduite, l’appelant avait un bon dossier disciplinaire et aucune condamnation pour conduite dangereuse.
  • Si l’employeur s’inquiétait vraiment de savoir si l’appelant conduisait de façon sécuritaire, pourquoi l’a‑t-il autorisé à continuer à travailler ainsi qu’à livrer et à récupérer des conteneurs pendant qu’il envisageait les mesures à prendre?
  • Le dernier incident s’est produit le jeudi 9 août 2018, c’est‑à‑dire la semaine précédant le congédiement de l’appelant.
  • L’appelant a été convoqué pour parler à l’employeur le jeudi suivant. Lors de cette réunion, il a été avisé de l’infraction. Il s’est excusé et a dit qu’il s’agissait d’une « erreur de bonne foi ». L’employeur a indiqué qu’il l’informerait de la suite des choses. Il n’a pas été question de congédiement. L’appelant s’attendait à une autre suspension.
  • Deux jours plus tard, le jeudi, le délégué syndical et l’agent syndical ont été avisés que l’appelant allait être congédié ce jour‑là.
  • Cependant, l’appelant a fini son quart de travail le jeudi et est parti à la fin de la journée comme d’habitude, et personne ne lui a rien dit.
  • Si X comptait congédier l’appelant, l’entreprise aurait dû le faire au début de son prochain quart, le vendredi.
  • Toutefois, l’appelant s’est présenté pour son quart à 6 h et s’est fait dire qu’il travaillerait toute la journée. Il a été congédié à la fin de son quart, à 15 h 30.
  • L’appelant a découvert plus tard qu’un autre chauffeur avait téléphoné pour dire qu’il était malade et que l’employeur se trouvait dans une impasse ce jour‑là.
  • L’employeur ne s’inquiétait pas de savoir si l’appelant enfreignait sa politique de sécurité. L’appelant a été congédié parce que l’employeur voulait envoyer le message à tous les employés de prendre les nouvelles règles au sérieux.

[15] Le témoignage de l’appelant et celui de X cadrent avec les déclarations faites par l’appelant dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi et celles soumises à la Commission quant au fait qu’il s’agit d’un congédiement injustifié et d’une action ciblée de la part de l’employeur. Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si un congédiement est justifié ou si cela constitue une sanction appropriée ni de déterminer si le congédiement est une peine trop sévère dans cette situation (voir Caul 2006 CAF 251, Secours A-352-94, Namaro A-834-82). Le Tribunal est néanmoins préoccupé par le témoignage détaillé concernant l’autre motivation de l’employeur pour congédier l’appelant. Le témoignage de X — qui est un agent syndical pour les employés syndiqués de X et qui a fourni des détails sur l’historique et la mise en œuvre de la politique sur les caméras de conduite et l’approche disciplinaire de l’employeur au titre de cette politique — était particulièrement convaincant.

[16] Le Tribunal accorde un poids important au témoignage présenté à l’audience portant sur le contexte de la politique sur les caméras de conduite de X, l’imposition relativement récente de la politique et le manque de formation fournie aux employés, les changements auxquels les anciens chauffeurs allaient devoir s’habituer au titre de cette politique, et la pratique disciplinaire uniforme de l’employeur dans le cadre de la nouvelle politique qui permettaient aux employés d’accumuler de multiples suspensions pour les infractions liées aux caméras de conduite. L’appelant aurait pris tout cela en considération quant aux conséquences de ses actes — s’il avait même été conscient qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment du dernier incident. Cela est particulièrement vrai puisque l’appelant avait reçu trois suspensions pour différentes infractions associées aux caméras de conduite et qu’il avait appris que des collègues avaient reçu de multiples suspensions pour des infractions liées au port de la ceinture de sécurité.

[17] Le Tribunal accepte également le témoignage de l’appelant, selon lequel il ignorait qu’il avait enfreint la politique lorsqu’il avait enclenché la caméra de conduite le 9 août 2018 et qu’il était filmé en train de faire fonctionner le camion dans l’entrée privée sans porter de ceinture de sécurité. L’appelant ne savait même pas qu’il avait commis une infraction et encore moins qu’il pourrait perdre son emploi à cause de cela. En revanche, l’employeur avait mis en place sa politique depuis un an et était insatisfait du nombre élevé de suspensions touchant les infractions liées aux caméras de conduite. L’employeur était motivé à agir en réponse à ce qu’il considérait comme étant un manque de conformité de la part des employés et voulait faire un exemple d’un contrevenant. Le Tribunal fonde son analyse sur deux facteurs : l’appelant a été autorisé à continuer à conduire durant un certain temps pendant que l’employeur réfléchissait à ce qu’il voulait faire, puis l’employeur est immédiatement revenu à sa pratique initiale des suspensions multiples pour des infractions relatives aux caméras de conduite. Il semble fort probable que le véritable objectif de l’employeur pour congédier l’appelant était d’envoyer un message aux chauffeurs dans leur ensemble, puis d’attendre l’issue du seul grief/de l’arbitrage afin de tester son droit de congédiement pour des infractions liées aux caméras de conduite.

[18] Le Tribunal n’est pas convaincu que la violation de la politique sur le port de la ceinture de sécurité de l’employeur, que l’appelant a commise le 9 août 2018, était la cause véritable de sa cessation d’emploi en l’espèce. Le Tribunal estime qu’il est tout aussi probable, sinon plus probable, que cette infraction n’était qu’un prétexte pour congédier l’appelant et que la cause réelle de sa cessation d’emploi était la décision de l’employeur d’envoyer un message fort à tous ses chauffeurs au sujet de la nécessité de prendre au sérieux la politique sur les caméras de conduite.

Question en litige no 2 : Ce comportement constitue-t-il une « inconduite » au sens de la Loi?

[19] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si les mesures prises par l’employeur étaient justifiées ou représentaient une sanction appropriée (Caul 2006 CAF 251), mais plutôt de déterminer si la conduite en question équivalait à une inconduite au sens de la Loi (Marion 2002 CAF 185).

[20] La Cour d’appel fédérale a soutenu que, pour conclure à une inconduite, avec les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. En outre, c’est à la Commission de prouver l’existence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeur : Crichlow A-562-97. Ce n’est pas le prétexte utilisé par l’employeur pour congédier un prestataire, mais la véritable raison du congédiement qui constitue le facteur pertinent pour conduire à une inconduite : Davlut A-241-82.

[21] Comme le démontre l’analyse figurant dans la question en litige no 1, le Tribunal exprime un doute important quant à la question de savoir si l’appelant a été congédié parce qu’il avait enfreint la politique sur les caméras de conduite de l’employeur ou parce que l’employeur en avait assez du taux élevé de violations au titre de sa nouvelle politique et souhaitait envoyer un message aux travailleurs. Cela est d’autant plus vrai que l’appelant est le seul chauffeur qui a été congédié pour une infraction liée aux caméras de conduite, et ce, même si de nombreuses infractions similaires avaient été commises avant son congédiement et que les infractions se sont poursuivies après son congédiement. L’appelant a soulevé des questions véritables et préoccupantes à propos de la véritable motivation de l’employeur pour le congédier et, par conséquent, le Tribunal doit s’inspirer de l’arrêt de la Cour d’appel fédéral dans Bartone A‑369‑88 et donner le bénéfice du doute à l’appelant.

[22] Pour ces motifs, le Tribunal estime qu’aucun élément de preuve ne permet d’établir de façon concluante qu’il s’agissait d’un comportement délibéré ou insouciant de la part de l’appelant et que celui‑ci savait ou aurait dû savoir que sa conduite aurait pu entraîner son congédiement de chez X. Par conséquent, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée ne suffisent pas à prouver l’inconduite dans le cas présent.

Conclusion

[23] La Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[24] Le Tribunal conclut donc que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi en vertu de l’article 30 de la Loi.

[25] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 8 avril 2019

En personne

A. R., appelant
X, agent syndical, X, représentant de l’appelant

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