Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La demande initiale de prestations de la prestataire devrait être antidatée au 1er novembre 2015, car la prestataire était admissible aux prestations à la date antérieure et a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande.

Aperçu

[2] La prestataire a subi un AVC en novembre 2015 et a dû quitter son emploi pour retourner chez elle et se rétablir. Elle a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada à propos de son admissibilité aux prestations, et on lui a dit qu’elle n’avait pas droit aux prestations parce qu’elle avait été travailleuse indépendante et qu’elle n’avait pas cotisé au programme d’assurance pour travailleurs indépendants. Puisque son ancien employeur lui avait dit qu’elle était considérée comme une travailleuse indépendante, elle n’a pas remis en question les renseignements de la Commission. La prestataire s’est rétablie et a commencé à chercher un autre emploi. Alors qu’elle produisait ses déclarations de revenus plusieurs années plus tard, un ami lui a dit que son ancien emploi n’était peut-être pas considéré comme un travail indépendant et qu’elle avait peut-être droit à des prestations d’assurance-emploi, le cas échéant. La prestataire s’est renseignée auprès de la Commission à propos de cette possibilité, et on lui a dit de présenter une demande initiale de prestations tout en interjetant appel de sa situation d’emploi auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC). La prestataire a suivi ces directives et a demandé que sa demande soit antidatée à la date à laquelle elle s’est retrouvée au chômage en novembre 2015.

[3] La Commission a rejeté sa demande d’antidatation, affirmant que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations et parce qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était admissible aux prestations à la date antérieure. La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision. La prestataire interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[4] La prestataire a déposé son avis d’appel devant le Tribunal le 9 octobre 2018 et a dit qu’elle attendait une décision de l’ARC concernant l’assurabilité de son emploi. Le dossier a été mis en suspens dans l’attente de cette décision, comme l’assurabilité de l’emploi de la prestataire est importante pour la question en litige. Le 27 novembre 2018, la prestataire a fourni la décision de l’ARC au Tribunal qui précisait que son emploi était assurable. Une audience a été fixée au 9 janvier 2019. Le 4 janvier 2019, la représentante de la prestataire a demandé que le dossier demeure en suspens puisque l’ancien employeur avait affirmé son intention d’interjeter appel de la décision de l’ARC. Le dossier a donc été remis en suspens, et l’audience a été ajournée. Le 6 février 2019, la représentante a informé le Tribunal que l’ancien employeur avait abandonné l’appel auprès de l’ARC et elle a demandé que le dossier demeure en suspens jusqu’à ce qu’elle reçoive la confirmation que le relevé d’emploi et le T4 de la prestataire étaient exacts.

[5] Une conférence préalable à l’audience a été tenue le 5 avril 2019 à la demande de la représentante pour confirmer la question en litige et pour s’assurer que tous les documents nécessaires avaient été reçus. À la suite d’une consultation avec la représentante, l’audience a été fixée au 7 mai 2019 pour offrir aux deux parties la possibilité de fournir des observations supplémentaires.

Questions en litige

[6] La prestataire était-elle admissible aux prestations à la date antérieure?

[7] La prestataire a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pour toute la période de retard?

Analyse

[8] L’antidatation d’une demande initiale de prestations peut se faire à une date antérieureNote de bas de page 1. Pour être admissible à une antidatation, la partie prestataire doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande pendant toute la période du retard. Elle doit également démontrer qu’elle aurait eu droit aux prestations à la date antérieure.

[9] Il incombe à la partie prestataire de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, elle a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances pour se renseigner sur ses droits et obligationsNote de bas de page 2. Seules des « circonstances exceptionnelles » peuvent excuser la partie prestataire d’agir comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situationNote de bas de page 3.

La prestataire était-elle admissible aux prestations en date du 1er novembre 2015?

[10] Oui. Selon la preuve fournie par les deux parties, la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi en date du 1er novembre 2015.

[11] Le 27 novembre 2018, la prestataire a déposé une décision rendue par l’ARC qui précisait que son emploi était assurable entre le 8 juillet 2015 et le 31 octobre 2015. Le 7 février 2019, l’ancien employeur de la prestataire a fourni un relevé d’emploi selon lequel la prestataire avait accumulé 744 heures d’emploi assurable pendant cette période.

[12] Le 5 avril 2019, j’ai demandé à la Commission de faire parvenir ses observations sur l’admissibilité de la prestataire aux prestations en date du 1er novembre 2015, en tenant compte de la décision de l’ARC et du relevé d’emploi de la prestataire. Le 9 avril 2019, la Commission a fait valoir que la prestataire avait besoin de 600 heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations de maladie et de 700 heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations régulières, en fonction du taux de chômage régional à la période applicable.

[13] La prestataire a présenté sa demande initiale de prestations de maladie le 20 juin 2018 et a demandé que sa demande soit antidatée au 1er novembre 2015. Par conséquent, la question que je dois trancher est celle de savoir si la prestataire était admissible aux prestations de maladie en date du 1er novembre 2015. La prestataire avait accumulé 744 heures d’emploi assurable entre le 8 juillet 2015 et le 31 octobre 2015 et elle en avait besoin de 600 pour avoir droit aux prestations de maladie. J’estime donc qu’elle était admissible aux prestations de maladie en date du 1er novembre 2015.

La prestataire a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pour toute la période de retard?

[14] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations de maladie de l’assurance‑emploi le 20 juin 2018. Elle a demandé que sa demande soit antidatée au 1er novembre 2015, lorsqu’elle a quitté son emploi pour la première fois pour cause de maladie. Par conséquent, la période du retard s’étend du 1er novembre 2015 au 20 juin 2018.

[15] La prestataire fait valoir que la présentation tardive de sa demande initiale de prestations était attribuable au fait qu’elle croyait qu’elle était considérée comme une [traduction] « travailleuse indépendante » dans son dernier emploi et, par conséquent, qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle a également soutenu que sa capacité à corriger ce raisonnement erroné avait été entravée par ses problèmes de santé mentale et physique à la suite de son AVC en novembre 2015.

[16] La prestataire occupait un poste de représentante des ventes dans une entreprise de peinture. Elle affirme que l’employeur lui avait dit qu’elle travaillait en tant que consultante indépendante et qu’il la payait au même titre qu’une travailleuse indépendante. Par exemple, elle a déclaré qu’aucune retenue obligatoire n’avait été faite sur son compte et qu’elle ne bénéficiait d’aucun avantage médical de la part de l’employeur. On lui avait également fourni un véhicule de l’entreprise qu’elle conduisait pour effectuer une estimation du travail pour l’employeur.

[17] La prestataire a déclaré à la Commission et au Tribunal qu’elle avait subi un AVC le 1er novembre 2015 et qu’elle était incapable de continuer de travailler. Elle est restée à l’hôpital pendant une semaine, puis elle est retournée vivre dans sa province natale pour sa convalescence.

[18] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré avoir communiqué avec la Commission en novembre 2015 pour se renseigner sur son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Elle a dit qu’elle avait décrit sa situation d’emploi au représentant de la Commission et qu’on lui avait dit qu’elle n’était pas admissible aux prestations parce que son emploi était considéré comme un [traduction] « travail indépendant ». Le représentant lui avait expliqué que pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi à titre de travailleuse indépendante, la prestataire aurait dû s’inscrire à un programme d’assurance pour travailleurs indépendants et y cotiser pendant un an avant de présenter sa demande de prestations. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas adhéré à ce programme et pensait donc qu’elle n’était pas admissible aux prestations. De plus, elle a dit qu’elle n’avait pas remis en question le fait que la Commission ait qualifié son emploi de travail indépendant, car son ancien employeur lui avait également dit qu’elle était une travailleuse indépendante.

[19] La prestataire a déclaré avoir suivi un programme de réadaptation et avoir fait des efforts pour réintégrer le marché du travail après avoir été autorisée à retourner travailler. Elle a dit à la Commission qu’elle avait reçu une offre d’emploi en octobre 2016, mais qu’elle n’était pas en mesure d’accepter ce poste en raison de complications liées à sa grossesse. Elle a déclaré qu’elle devait demeurer alitée à ce moment-là et que son état de santé physique et mentale s’était considérablement détérioré par la suite. La prestataire a fait valoir à la Commission et au Tribunal qu’elle était atteinte de dépression grave et qu’elle avait reçu un diagnostic de syndrome visuel post-traumatique, ce qui avait provoqué d’importants symptômes qui l’empêchaient d’accomplir ses tâches quotidiennes, dont des maux de tête, une vision trouble, une incapacité de lire et une sensibilité à la lumière et au bruit. La prestataire a déclaré qu’elle était réputée invalide en décembre 2016 et qu’elle touche maintenant des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

[20] La prestataire a déclaré qu’en mai 2018, elle avait demandé à un ami, un ancien comptable, de l’aider à produire ses déclarations de revenus des dernières années. La prestataire a dit qu’elle avait décrit son ancienne situation d’emploi à son ami et que celui-ci lui avait dit que sa situation ne semblait pas correspondre à un [traduction] « travail indépendant ». La prestataire a déclaré qu’elle s’était alors rendu compte qu’elle n’était peut-être pas travailleuse indépendante à ce moment-là. Elle avait donc communiqué avec la Commission pour clarifier la question de son admissibilité aux prestations dans cette affaire. Elle a déclaré que la Commission lui avait dit de présenter une demande de prestations tout en interjetant appel de l’assurabilité de son emploi auprès de l’ARC.

[21] La Commission soutient que la prestataire n’avait pas un motif valable pendant toute la période du retard. La Commission reconnaît que le temps que la prestataire a passé à l’hôpital et que le programme de réadaptation qu’elle a suivi devraient être considérés avec indulgence pour savoir si elle avait un motif valable pendant cette période, mais que sa capacité de trouver un emploi en octobre 2016 montre bien qu’elle était suffisamment en forme pour demander des prestations à ce moment-là.

[22] La Commission affirme également que la prestataire avait reçu les bons renseignements lorsqu’on lui avait dit qu’elle n’était pas admissible aux prestations à moins qu’elle ne cotise au programme d’assurance pour travailleurs indépendants, puisque ces renseignements étaient fondés sur le fait qu’on avait dit à la prestataire qu’elle était une travailleuse indépendante et qu’aucune retenue n’avait été faite sur sa paie.

[23] La prestataire a fourni un certificat médical de sa médecin daté du 1er octobre 2018, qui précisait qu’elle [traduction] « était incapable de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi et du RPC entre le 31 octobre 2015 et aujourd’hui » en raison de complications liées à son AVC. À mon avis, les problèmes de santé physique et mentale de la prestataire sont un facteur d’une grande importance lorsqu’il est question d’examiner si des circonstances exceptionnelles existent en l’espèce. Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Somwaru, des circonstances exceptionnelles peuvent excuser le fait de ne pas se renseigner rapidement sur l’admissibilité à l’assurance-emploiNote de bas de page 4. Toutefois, j’estime que la preuve appuie le fait que la prestataire a agi rapidement lorsqu’elle s’est renseignée auprès de la Commission en novembre 2015. Bien que l’état de santé de la prestataire ait pu constituer une limitation réelle et grave à sa vie quotidienne et à sa recherche d’emploi, j’estime que ses problèmes de santé mentale et physique n’étaient pas la cause de la présentation tardive de sa demande de prestations.

[24] La représentante de la prestataire a affirmé que celle-ci avait fait un raisonnement de fait erroné après cette discussion et qu’elle avait agi de manière raisonnable en s’appuyant sur les renseignements que la Commission lui avait fournis, puisqu’elle n’avait aucune raison de douter de la qualification de son emploi comme étant un travail indépendant. Je suis d’accord avec cette observation. Selon le dossier et le témoignage de la prestataire, il est évident que la prestataire n’a présenté sa demande de prestations que lorsqu’elle a eu raison de douter que son ancien emploi était en réalité un travail indépendant. J’accepte l’observation de la Commission selon laquelle la prestataire n’avait pas reçu de renseignements incorrects en novembre 2015. Toutefois, que ces renseignements aient été incorrects ou non, il est évident que la prestataire s’est appuyée sur l’avis de la Commission selon lequel elle n’était pas admissible aux prestations lorsqu’elle n’a choisi de présenter sa demande de prestations qu’en juin 2018.

[25] Selon les observations et le témoignage de la prestataire, j’estime que la prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. La prestataire s’est directement renseignée auprès de la Commission à propos de son admissibilité aux prestations en novembre 2015, et on lui a dit qu’elle n’avait pas droit aux prestations. Il était raisonnable qu’elle s’appuie sur ces renseignements et qu’elle n’approfondisse pas la question de son admissibilité aux prestations à ce moment-là. Lorsqu’une source fiable et digne de confiance a dit à la prestataire que les renseignements de la Commission avaient pu être erronés, la prestataire a immédiatement envisagé cette possibilité en communiquant avec la Commission et en interjetant appel de sa situation d’emploi auprès de l’ARC. Il s’agissait également d’un acte raisonnable qui démontrait que la prestataire approfondissait diligemment la question de son admissibilité aux prestations.

[26] Pour ces raisons, j’estime que les actes de la prestataire répondent au critère juridique relatif au motif valable pendant toute la période de retard, car elle a démontré avoir agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblables.

Conclusion

[27] La prestataire s’est acquittée de son fardeau de prouver qu’elle était admissible aux prestations et qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations pendant toute la période du retard. Par conséquent, la demande d’antidatation de la prestataire concernant sa demande de prestations de maladie au 1er novembre 2015 est accueillie.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 7 mai 2019

Téléconférence

V. D., appelante (prestataire)
Tammy Wohler, représentante de l’appelante

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