Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, P. M. (prestataire), a touché des prestations d’assurance-emploi. Il a déclaré qu’il n’avait reçu aucune rémunération pendant plusieurs semaines, soit du 3 janvier jusqu’à la semaine du 15 mai 2016. Toutefois, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a par la suite conclu que le prestataire avait effectivement reçu une rémunération durant ces semaines et que, par conséquent, il y avait eu un trop-payé de prestations qu’il devait rembourserNote de bas de page 1.

[3] Le prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen de la Commission auprès de la division générale. Cette dernière a rejeté l’appel. Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de cette décision de la division générale. Il soutient que la membre a fait preuve de partialité, qu’elle a refusé d’exercer sa compétence et qu’elle n’a pas fourni de motifs suffisants.

[4] Tout d’abord, je dois décider si le prestataire a déposé la demande de permission d’en appeler dans les délais et, dans la négative, si je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler. Enfin, si je prorogeais le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler, je devrais alors décider si la permission d’interjeter appel doit être accordée. Pour décider s’il y a lieu d’accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[5] Pour les motifs qui suivent, je refuse à la fois la prorogation de délai et la demande de permission d’en appeler, car je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Première question en litige : Le prestataire a-t-il déposé sa demande de permission d’en appeler à temps?
  2. Deuxième question en litige : Dans la négative, devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler?
  3. Troisième question en litige : Si je prolonge le délai pour le dépôt, peut-on soutenir que la division générale a fait preuve de partialité, excédé ou refusé d’exercer sa compétence, commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Première question en litige : Le prestataire a-t-il déposé sa demande de permission d’en appeler à temps?

[7] Non. Je conclus que le prestataire n’a pas déposé une demande de permission d’en appeler dans les délais prescrits.

[8] Aux termes de l’alinéa 57(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler — dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi — est présentée à la division d’appel dans les trente jours suivant la date à laquelle où l’appelant reçoit communication de la décision.

[9] Le prestataire n’indique pas à quelle date la décision de la division générale lui a été communiquée. Je note toutefois qu’il a communiqué par téléphone avec le Tribunal de la sécurité sociale le 8 avril 2019 et qu’il a admis qu’il était déjà en retard pour ce qui est de déposer sa demande de permission d’en appeler.

Deuxième question en litige : Dans la négative, devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler?

[10] Aux termes du paragraphe 57(2)de la Loi sur le MEDS, je peux proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[11] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prorogation du délai pour déposer une demande de permission d’en appeler, je dois par-dessus tout prendre en considération l’intérêt de la justiceNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a, et dans X (Re) et dans Canada (Procureur général) c Larkman, énoncé les facteurs pertinents à prendre en considération :

  • il y a des questions défendables dans l’appel ou la demande présente un certain mérite potentiel;
  • il existe des circonstances particulières ou une explication raisonnable justifiant le retard;
  • le retard est excessif;
  • la défenderesse subira un préjudice si la prorogation est accordée.

[12] Dans l’affaire Larkman, la Cour d’appel fédérale s’est également penchée sur la question de savoir si la partie avait manifesté une intention constante de poursuivre sa demande.

[13] La division générale a rendu sa décision le 25 février 2019. Le prestataire a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel le 16 avril 2019. Le retard dont il est question en l’espèce est très court et il est peu probable que la Commission subisse un préjudice si j’accorde une prorogation de délai. Lors de son appel téléphonique au Tribunal le 8 avril 2019, le prestataire a indiqué qu’il enverrait un courriel expliquant pourquoi il était en retard, mais, à ma connaissance, il n’a pas encore fourni d’explication pour ce retard.

[14] Le fait que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable justifiant le retard ne ferait pas en soi obstacle à une prorogation. À mon avis, pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour déposer une demande, il faudrait de manière générale accorder plus de poids à la question de savoir s’il y a des questions défendables, en l’absence de toute autre circonstance particulière.

[15] Le prestataire soutient qu’il y a des questions défendables pour les raisons suivantes :

  1. la membre de la division générale a fait preuve de partialité;
  2. la division générale n’a pas fourni de motifs suffisants;
  3. la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne se prononçant pas sur l’existence d’un contrat valide avec la Commission.

[16] Il s’agit d’un critère assez peu élevé. Les prestataires n’ont pas à établir le bien-fondé de leurs prétentions; ils doivent simplement établir que l’appel a une chance raisonnable de succès.

(a) Peut-on soutenir que la membre de la division générale a fait preuve de partialité?

[17] Le prestataire affirme que la membre de la division générale a nécessairement fait preuve de partialité pour les motifs suivants :

Elle a été [traduction] « embauchée et payée par le gouvernement canadien ou une société du Canada, cette dernière étant cotée sur le NYSE, et je crois donc qu’ils font NÉCESSAIREMENT preuve de partialité et que ces tribunaux sont en fait des « Chambres étoiles », et qu’ils ne peuvent pas être impartiaux, puisqu’ils ont expressément pour but de recouvrer des fonds distribués par l’assurance-emploi, ainsi que par d’autres organismes du gouvernement canadien ou une société du Canada.

[18] La Cour suprême du Canada a énoncé le critère de partialité dans les termes suivants :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] [Ce] critère consiste à se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 3.

[19] Dans Arthur c Canada (Procureur général)Note de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a statué que les allégations de partialité mettent en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée et que, pour cette raison, elles ne peuvent être faites à la légère. Elles ne peuvent reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions du demandeur. Elles doivent être étayées par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.

[20] Le prestataire a formulé deux allégations qui vont directement au cœur de la question de savoir s’il pourrait y avoir une crainte raisonnable de partialité : (1) le Tribunal de la sécurité sociale sert de « chambre étoile », et (2) le Tribunal a expressément pour but de recouvrer des fonds distribués par le programme d’assurance-emploi.

[21] Le prestataire allègue que le Tribunal a agi comme une « chambre étoile », c’est-à-dire qu’il a tenu des audiences dans le secret et qu’il a produit un résultat arbitraire. Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence au cours de laquelle le prestataire a été en mesure de présenter pleinement et équitablement sa preuve. Je n’ai pas l’impression que la membre a pris sa décision de façon arbitraire, sans tenir compte de la preuve ou du droit. La membre de la division générale a tenu compte des arguments du prestataire pour en arriver à sa décision, et elle n’a pris en considération que les facteurs importants.

[22] Aux termes du paragraphe 64(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la LMEDS. Aucune disposition de la LMEDS ou de la Loi sur l’assurance-emploi ne prescrit ni ne pourrait être interprétée comme laissant entendre que le Tribunal doit recouvrer des fonds pour le compte du programme d’assurance-emploi ou du « gouvernement canadien ou une société du Canada ».

[23] Le prestataire ne m’a pas renvoyée à une déclaration ou à une action en particulier de la membre de la division générale qui pourrait l’amener ou qui l’amènerait à conclure ou à percevoir qu’elle était partiale. J’ai examiné le dossier audio et je n’ai trouvé aucune preuve d’un commentaire ou d’une directive de la part de la membre qui pourrait amener une personne raisonnable, examinant la question de façon réaliste et pratique et ayant étudié la question en profondeur, à conclure que la membre a fait preuve de partialité ou a agi dans l’intérêt du gouvernement, ou à éprouver une crainte dans ce sens. Je ne vois aucune preuve démontrant un comportement dérogatoire à la norme. Pour cette raison, je ne suis pas convaincue qu'il existe une cause défendable sur ce point.

(b) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas fourni de motifs suffisants?

[24] Le prestataire soutient que la membre de la division générale n’a pas expliqué sa décision parce qu’il ne sait toujours pas quelles commissions il aurait pu toucher ni quel paiement il lui reste à recevoir de son emploi. Le prestataire reconnaît que, bien que son employeur ait pu fournir à la Commission une copie de son feuillet T4, il ne lui a jamais fourni la ventilation des commissions qu’il a gagnées.

[25] L’employeur aurait dû fournir au prestataire une ventilation des commissions qu’il aurait pu toucher, mais cette question n’était pas pertinente aux fins des questions dont la division générale était saisie. La division générale devait déterminer si un revenu tiré de l’emploi du prestataire constituait une rémunération pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et, dans l’affirmative, elle devait ensuite effectuer la répartition de cette rémunération. Au cours de l’audience, la division générale a également conclu que le prestataire avait demandé une radiation ou une réduction de tout trop-payé. Elle a traité de ces questions.

[26] Comme la question des commissions du prestataire n’était pas pertinente aux fins des questions soumises à la division générale, cette dernière ne devait pas traiter du fait que le prestataire n’avait pas encore reçu la ventilation des commissions qu’il pourrait avoir tirées de son emploi. Comme la division générale l’a conseillé durant l’audience, tout recours que le prestataire pourrait avoir pour obtenir cette information de son ancien employeur se trouve ailleurs.

(c) Peut-on soutenir que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne se prononçant pas sur l’existence d’un contrat valide avec la Commission?

[27] Le prestataire fait valoir que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne se prononçant pas sur l’existence d’un contrat valide avec la Commission. Il soutient que les facteurs suivants sont pertinents relativement à la question de savoir s’il existe un contrat valide avec la Commission :

  • le fait qu’il n’a pas été pleinement informé sur le financement du programme d’assurance-emploi;
  • il n’a pas signé de contrat avec la Commission;
  • il n’y a pas eu de contrepartie égale entre les parties;
  • il n'y avait aucune preuve de réclamation.

[28] Je ne peux que supposer que le prestataire tente de contester la validité du trop-payé en faisant valoir que, sans un contrat valide, la Commission ne peut le poursuivre en vue d’un remboursement.

[29] La division générale a expliqué comment le trop-payé avait été créé : tout simplement, le prestataire a demandé et reçu des prestations d’assurance-emploi auxquelles il n’avait pas droit. En fait, au cours de l’instance tenue devant la division générale, le prestataire a reconnu qu’il y avait eu un trop-payé parce qu’il a reçu des prestations d’assurance-emploi sans déclarer qu’il recevait également des sommes de son employeur en même tempsNote de bas de page 5.

[30] Il ressort implicitement de sa décision que la membre de la division générale a effectivement tenu compte de la question de la validité du trop-payé. Elle a conclu que le trop-payé était valide du fait que le prestataire avait présenté une demande de prestations et avait déclaré dire la vérité dans sa demande de prestations, et qu’il avait ensuite déclaré qu’il ne travaillait pas alors qu’en fait il travaillait. Le fait que le prestataire n’était pas au courant de la source de financement du programme d’assurance-emploi ou qu’il n’y avait pas eu de « contrepartie égale » ni de « preuve de perte » n’était pas pertinent pour la question de la validité du trop-payé.

[31] Le prestataire a soulevé d’autres questions, notamment ce qu’il a décrit comme étant un « avis de droit d’auteur en common law » et l’utilisation du terme « l’homme de paille ou P. M. ». La membre de la division générale a abordé la conclusion du prestataire selon laquelle l’« avis de droit d’auteur en common law » excédait sa compétence. Franchement, outre toute question de compétence, je conclus que ces deux questions en particulier ne sont absolument pas pertinentes en ce qui concerne l’appel.

[32] Enfin, le prestataire soutient qu’il doit y avoir une « partie lésée », à défaut de quoi la présente instance et toute décision en découlant sont nulles. Je ne sais pas ce que le prestataire entend lorsqu’il dit qu’il doit y avoir une « partie lésée », mais en supposant que cela soit vrai et qu’il doive y avoir une « partie lésée » dans l’instance, il est clair que le prestataire est nécessairement la « partie lésée » dans la présente affaire, car dans le cas contraire, il ne chercherait pas à interjeter appel de la décision de la division générale, ni ne demanderait la radiation ou une réduction du trop-payé.

(d) Résumé

[33] Je ne suis pas convaincue que l’affaire révèle une cause défendable ou que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation du délai pour déposer la demande de permission d’en appeler.

Troisième question en litige : Si je prolonge le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler, y a-t-il une cause défendable?

[34] J’ai abordé cette question dans la section précédente. Si j’avais accordé une prorogation du délai pour déposer la demande de permission d’en appeler, pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, j’aurais conclu que l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès et, pour ce motif, j’aurais rejeté la demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[35] La demande de prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée.

 

Demandeur :

P. M., se représentant lui-même

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