Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, H. E. (prestataire), a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, et une période de prestations a pris effet le 20 avril 2014. Bien que le relevé d’emploi (RE) du prestataire indique qu’il a été congédié, la Commission a néanmoins approuvé la demande du prestataire parce que son employeur, XX n’a pas fourni suffisamment d’information pour prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[3] L’employeur a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a fait valoir que le prestataire avait été congédié de son poste de gestionnaire après qu’une enquête judiciaire a révélé qu’il était impliqué dans le fractionnement d’un contrat avec une entreprise qui appartenait à son frère et qu’il avait participé à un comité de sélection qui avait embauché son beau-frère. Le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas reçu de formation adéquate en ce qui concerne les politiques de l’employeur et qu’il ne considérait pas son beau-frère comme un parent. L’employeur a affirmé que le prestataire était bien au courant de ses politiques et qu’il a choisi de ne pas divulguer ses actions à personne. La Commission a infirmé sa décision initiale et a imposé une inadmissibilité rétroactive au prestataire parce qu’elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[4] La division générale a estimé que la conduite du prestataire qui a conclu un contrat avec deux compagnies avec lesquelles il avait des liens de dépendance et qui a fractionné un contrat dans le cadre du projet de congélateur, et qui n’a pas révélé ses liens familiaux lorsqu’il a embauché son beau-frère, contrairement aux différentes politiques régissant l’emploi du prestataire, était délibérée et à ce point insouciant qu’elle frôlait le caractère délibéré. La division générale a aussi estimé que le prestataire aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi pour ces actes et qu’une telle conduite nuirait irrémédiablement à sa relation avec son employeur. Elle a conclu que la conduite du prestataire constituait de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[5] Le prestataire a obtenu la permission d’interjeter appel à la division d’appel. Le prestataire fait valoir que la membre de la division générale a formulé plusieurs commentaires pendant l’audience qui ont démontré qu’elle n’était pas impartiale dans l’évaluation de son témoignage, et que cela a influencé sa décision. Le prestataire donne aussi des exemples indiquant que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le Tribunal doit décider si les commentaires de la membre de la division générale pendant l’audience soulèvent une crainte de partialité chez une personne raisonnable et bien informée. Il doit aussi décider si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le Tribunal rejette l’appel.

Questions en litige

Question no 1 : La division générale a‑t‑elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Question no 2 : Les commentaires de la membre de la division générale pendant l’audience ont-ils soulevé une crainte de partialité chez une personne raisonnable et bien informée?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, elle a comme mandat celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette LoiNote de bas de page 1.

[9] Lorsqu’elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait omis d’observer un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question no 1 : La division générale a‑t‑elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[11] Le Tribunal répète que le rôle de la division générale n’était pas de juger de la sévérité de la sanction imposée au prestataire, mais bien de déterminer si sa conduite constituait de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[12] La division générale a déterminé que la conduite du prestataire qui a conclu un contrat avec deux compagnies avec lesquelles il avait des liens de dépendance et qui a fractionné un contrat dans le cadre du projet de congélateur, et qui n’a pas révélé ses liens familiaux lorsqu’il a embauché son beau-frère, contrairement aux différentes politiques régissant l’emploi du prestataire, était volontaire et à ce point insouciante qu’elle frôlait le caractère délibéré.

[13] La division générale a aussi conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi pour ces gestes et qu’une telle conduite nuirait irrémédiablement à sa relation avec son employeur. Elle a conclu que la conduite du prestataire constituait de l’inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] L’allégation principale de l’employeur à l’égard de l’inconduite du prestataire concerne un projet de conversion de réfrigérateur et d’installation de congélateur qui a eu lieu en octobre 2013, au laboratoire de l’employeur.

[15] X a reçu le mandat de procéder à une enquête indépendante et a présenté son rapport d’enquête et ses conclusions à l’employeur en mai 2015. Le prestataire a choisi de ne pas coopérer à l’enquête selon les conseils de ses avocats. En juin 2015, après avoir suspendu le prestataire, l’employeur a pris la décision finale de congédier le prestataire en se fondant sur les résultats de l’enquête par des tiers. L’employeur a expliqué que les résultats de l’enquête ont révélé que le prestataire était impliqué dans le fractionnement du contrat et que les fournisseurs avaient des liens avec le prestataire.

[16] La preuve démontre que le respect du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat à l’XNote de bas de page 3 et du Code de conduiteNote de bas de page 4 est une condition d’emploi pour tous les employés de l’X. L’offre d’emploi du prestataire faisait état de cette exigence qu’il a acceptée en signant l’offreNote de bas de page 5. De plus, l’acceptation et le respect des comportements attendus énoncés dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur public sont une condition d’emploi pour chaque fonctionnaire de la fonction publique fédéraleNote de bas de page 6.

[17] Le rapport de X mentionne que le prestataire a suivi de nombreux programmes de formation, y compris le programme « Gérer pour le succès », qui porte particulièrement sur l’approvisionnement et les marchésNote de bas de page 7.

[18] La preuve prépondérante démontre que le prestataire était le seul responsable de la passation de marchés de biens et services relativement au projet de congélateur et que les deux fournisseurs avec qui un marché a été conclu avaient un lien de dépendance avec le prestataire. De plus, la séparation du projet de congélateur en trois phases distinctes a clairement été faite dans le but de maintenir les coûts de chaque entrepreneur à moins de 10 000 $, ce qui est défini comme un fractionnement de marché dans la Politique d’approvisionnement et de passation de marchés de l’XNote de bas de page 8.

[19] Le prestataire soutient qu’il s’est fié de bonne foi aux conseils de sa gestionnaire des ressources en ce qui concerne les règles d’approvisionnement en tentant d’obtenir l’achat et l’installation d’un congélateur pour un total de plus de 10 000 $. Il fait valoir que la gestionnaire des ressources estimait que le fait de procéder de cette manière ne constituait pas un fractionnement de marché. Il ajoute que de nombreuses personnes savaient qu’il avait approché l’entreprise de son frère pour obtenir un congélateur étant donné les besoins urgents du laboratoire et que personne n’avait alors soulevé la question d’un possible conflit d’intérêts.

[20] Toutefois, la preuve démontre que le prestataire savait très bien que tout contrat de plus de 10 000 $ dépassait ses pouvoirs et qu’il devait suivre les procédures d’approvisionnement de l’XNote de bas de page 9. La gestionnaire des ressources, Mme W., et un autre collègue, M. H., avaient informé le prestataire que l’acquisition du congélateur devait passer par un processus d’approvisionnement national puisque le coût estimé devait dépasser 10 000 $Note de bas de page 10. Le prestataire aurait pu parler de cette question avec d’autres ressources s’il avait vraiment voulu obtenir des éclaircissementsNote de bas de page 11. De plus, le prestataire savait qu’il ne pouvait traiter avec un fournisseur avec qui il avait un lien de dépendance sans enfreindre le Code régissant les conflits d’intérêts, puisqu’il s’agit d’une condition d’emploi qu’il a reconnue en signant le contrat d’emploi.

[21] En l’espèce, la division générale disposait d’éléments de preuve suffisants pour justifier une conclusion d’inconduite. Il est clair que les actions du prestataire ont brisé la confiance de son employeur. En agissant ainsi, le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[22] Le Tribunal conclut que le prestataire a fait preuve, à tout le moins, d’insouciance ou de négligence à un point tel que l’on pourrait dire qu’il a décidé volontairement de ne pas tenir compte des répercussions qu’auraient ses actes sur l’exécution de ses obligations envers son employeur lorsqu’il a fractionné les contrats attribués à deux entreprises ayant un lien de dépendance pour réaliser le projet de congélateur, en sachant très bien que le coût total du projet excédait ses pouvoirs de dépenser.

[23] Le Tribunal estime que la décision de la division générale repose sur les faits et est conforme à la loi et à la jurisprudence.

[24] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que ce moyen d’appel n’est pas fondé.

Question 2 : Les commentaires de la membre de la division générale pendant l’audience ont-ils soulevé une crainte de partialité chez une personne raisonnable et bien informée?

[25] Le prestataire fait valoir que la membre de la division générale a formulé plusieurs commentaires pendant l’audience indiquant qu’elle faisait preuve de partialité dans l’évaluation de son témoignage et qu’ainsi elle avait influencé l’issue de la décision.

[26] Une allégation de partialité contre un tribunal, surtout réelle et non pas appréhendée, est une allégation grave. Elle remet en cause l’intégrité du tribunal et de ses membres qui ont participé à la décision contestée. Cette allégation ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressions d’un demandeur ou de son avocat. Elle doit être étayée par des preuves matérielles démontrant un comportement qui déroge à la norme. Il est souvent utile, voire nécessaire, de recourir à des éléments de preuve extrinsèques à l’affaireNote de bas de page 12.

[27] Le prestataire fonde son allégation de partialité sur les mots utilisés pas la membre pendant l’audience. Compte tenu de la gravité de cette allégation, le Tribunal a procédé à l’écoute de l’audience devant la division générale.

[28] Le Tribunal estime que l’allégation du prestataire n’est pas étayée par les paroles de la membre de la division générale.

[29] Le prestataire a fait valoir dans son témoignage que l’employeur l’avait d’abord suspendu, puis congédié parce qu’il n’a pas assisté aux réunions prévues. La membre a fait une remarque maladroite : [traduction] « c’est ce qui arrive quand on ne se présente pas aux réunions » faisant clairement référence à la suspension qui s’est transformée en congédiement. Cependant, elle a immédiatement invité le prestataire à poursuivre son témoignage à propos des faits pertinents.

[30] Le Tribunal estime que la division générale a exercé son rôle de juge des faits. La division générale a procédé à l’écoute complète du témoignage et de la présentation du prestataire et a nécessairement mis à l’épreuve sa crédibilité. Elle a clarifié certains points et arguments soulevés par le prestataire lors de l’audience. Elle a clairement expliqué au prestataire les faits qu’elle devait examiner afin de déterminer s’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[31] Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de preuve matérielle démontrant que le comportement de la membre de la division générale a dérogé à la norme. Le Tribunal répète qu’une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressions d’un prestataire.

[32] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que ce moyen d’appel n’est pas fondé.

Conclusion

[33] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 25 avril 2019

Téléconférence

H. E., appelant

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