Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. J’estime que l’appelante (que j’appellerai la prestataire) a démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi étant donné qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable compte tenu de ses circonstances particulières.

Aperçu

[2] La prestataire a quitté son emploi le 26 décembre 2018 après avoir évité de justesse deux accidents alors qu’elle retournait à la maison sur les chemins de campagne glacés tard en soirée après avoir terminé son quart de soir. L’intimée (la Commission) a conclu qu’elle n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi étant donné qu’elle avait l’option raisonnable de chercher un autre emploi avant de démissionner. Après révision de la décision demandée par la prestataire, la Commission a maintenu sa décision.

[3] La prestataire a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale, en soutenant qu’elle avait envisagé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à elle, comme essayer de passer à un quart de jour. Elle a soutenu que la barrière linguistique l’avait empêchée de comprendre et de répondre aux questions de la Commission et que celle-ci n’avait pas permis à la fille de la prestataire de l’aider en interprétant ces questions.

[4] Je dois déterminer si la prestataire a su démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait en démontrant qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle.

Questions préliminaires

[5] En raison de problèmes techniques, l’audience a été retardée et l’interprète fourni par le Tribunal n’a pas pu faire l’interprétation. Afin d’éviter d’ajourner l’audience, j’ai permis à la fille de la prestataire (qui représentait sa mère et témoignait) d’aider avec l’interprétation.

Questions en litige

[6] Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[7] Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, la prestataire a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

Analyse

[8] Lorsqu’une partie prestataire quitte un emploi, elle n’est pas automatiquement admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle ne peut pas recevoir de prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Elle peut montrer qu’elle était fondée à quitter son emploi si, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de l’ensemble des circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2.

[9] Le fardeau de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploi incombe à la CommissionNote de bas de page 3. Une fois que la Commission a prouvé que le départ était volontaire, il y a renversement du fardeau de la preuve, et c’est à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 4.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[10] Oui. La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle aurait pu conserver son emploi, mais qu’elle avait décidé de démissionner. Le critère juridique utilisé pour déterminer si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi est celui de savoir si elle avait ce choixNote de bas de page 5. Puisque la prestataire avait ce choix, j’estime que la Commission s’est acquittée de son fardeau de démontrer que la prestataire avait quitté son emploi volontairement.

Question en litige no 2 : La prestataire a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

[11] Oui. Compte tenu de toutes ses circonstances, j’estime que la prestataire était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle a commencé à avoir trop peur pour continuer de voyager tard le soir en raison des conditions dangereuses causées par la chaussée glacée. J’estime qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi lorsque son employeur a refusé de la faire passer à des quarts de jour.

[12] Afin de déterminer si un départ est fondé, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes. Une partie prestataire peut avoir une bonne raison de quitter son emploi, mais il existe une différence entre une bonne raison et une justification aux termes de la Loi sur l’AENote de bas de page 6. La loi énumère plusieurs situations pouvant démontrer qu’une personne était fondée à quitter son emploi, mais il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, ce qui signifie que d’autres circonstances peuvent aussi être pertinentesNote de bas de page 7.

[13] J’ai examiné toutes les circonstances de la prestataire en me fondant sur la preuve devant moi. Elle a soutenu qu’elle avait dû quitter son emploi parce qu’elle avait perdu confiance en sa capacité à conduire seule sur les chemins de campagne tard le soir lorsque la chaussée était glacée. Elle devait conduire au moins 90 minutes dans chaque sens. Elle avait été capable de conduire l’hiver précédent après avoir déménagé dans une région rurale plus loin de son travail, mais elle avait évité de justesse deux accidents en décembre 2018. Elle a affirmé que même les pneus d’hiver ne l’aidaient pas à se sentir en sécurité lorsque les conditions météorologiques commençaient à se détériorer. Elle a soutenu qu’en décembre 2018, les conditions routières étaient pires que celles qu’elle avait connues lorsqu’elle retournait chez elle après le travail à l’hiver 2017-2018.

[14] La Commission a affirmé qu’une solution raisonnable au départ de la prestataire aurait été d’attendre d’avoir trouvé un autre emploi avant de quitter son emploi. Elle a soutenu que la prestataire n’avait pas démontré que sa situation était si intolérable qu’elle avait dû quitter son emploi immédiatement sans d’abord trouver un autre emploi.

[15] J’accorde beaucoup d’importance au témoignage de la prestataire selon lequel elle a parlé à son employeur, comme il est requis avant de quitter un emploiNote de bas de page 8. Elle a affirmé avoir ensuite demandé à son superviseur de passer à un quart de jour afin d’au moins ne pas avoir à retourner à la maison tard le soir dans de mauvaises conditions routières. Toutefois, elle n’avait pas assez d’ancienneté pour choisir ses quarts de travail.

[16] J’accorde également beaucoup de poids à la déclaration de l’employeur, présentée par la Commission, selon laquelle il n’y avait aucune possibilité de transfert et la prestataire n’était pas admissible à un congé.

[17] Bien que la Commission ait signalé que la prestataire avait dit qu’elle n’avait pas cherché un autre emploi avant de démissionner, j’accepte l’observation de la prestataire selon laquelle elle a fait une démarche pour trouver un autre emploi. J’estime que son témoignage sous serment était crédible étant donné qu’elle a répondu aux questions de façon ouverte et directe.

[18] D’ailleurs, la fille de la prestataire a affirmé que sa mère n’avait pas compris les questions de la Commission et qu’elle lui avait demandé de l’aider en les interprétant. La fille a déclaré que la Commission avait refusé de lui permettre d’aider sa mère lors de l’entrevue téléphonique. Compte tenu de cette barrière linguistique, je ne peux être certaine que la prestataire a compris les questions de la Commission lorsqu’elle a répondu qu’elle n’avait pas cherché un autre emploi.

[19] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire s’est acquittée du fardeau de la preuve qui consistait à démontrer qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi. Pour tirer cette conclusion, j’ai pris en considération le principe selon lequel les parties prestataires ont la responsabilité de ne pas risquer de se retrouver au chômageNote de bas de page 9. C’est pourquoi le fait de demeurer employé est généralement considéré comme une solution plus raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 10.

[20] Toutefois, après avoir examiné toutes les circonstances de cette affaire, j’estime que cela n’aurait pas été une solution raisonnable pour la prestataire de demeurer employée en attendant que sa recherche d’emploi soit fructueuse. Je conclus qu’elle n’était pas obligée de continuer de voyager sur des routes potentiellement dangereuses afin de conserver son emploi simplement parce qu’elle avait été capable de le faire l’hiver précédent.

[21] En résumé, j’estime que la prestataire s’est acquittée du fardeau de la preuve qui consistait à démontrer qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi étant donné qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 3 avril 2019

Vidéoconférence

H. R., appelante
X, représentante de l’appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.