Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La division générale (DG) n’est pas tenue de faire référence à chacun des éléments de preuve portés à sa connaissance. On présume plutôt qu’elle a examiné l’ensemble de la preuve. Cependant, la DG peut commettre une erreur de droit si elle omet d’analyser la preuve d’une manière judicieuse – Cela peut se produire si, par exemple, la DG ne mentionne pas des éléments de preuve suffisamment importants ou ignore des contradictions importantes dans la preuve.

Contenu de la décision



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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] K. H. est l’appelant en l’espèce. Il était contremaître d’un grand projet de construction jusqu’au 25 juillet 2017. Son ancien employeur affirme qu’il a démissionné ce jour-là. L’appelant nie vigoureusement cette affirmation et accuse son ancien employeur de mentir et d’être un fraudeur.

[3] Après sa cessation d’emploi, l’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi (AE), mais l’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande initialement et après révision. Elle a conclu que l’appelant avait volontairement quitté son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Il a donc été exclu du bénéfice des prestations qu’il avait demandées.

[4] L’appelant a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel. Il a ensuite demandé la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Une de mes collègues a accueilli cette demande précédemment.

[5] L’appelant a aussi demandé à la division générale d’annuler ou de modifier sa décision initiale sur la foi de nouveaux faits, mais la division générale a refusé de le faire. L’appelant n’a pas interjeté appel de cette décision; je ne peux donc pas me pencher sur la question.

[6] J’estime maintenant que l’appel doit être accueilli, car la décision de la division générale datée de mai 2018 comporte une erreur de droit. En bref, la division générale n’a pas analysé la preuve de façon significative. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit que la Commission n’a pas prouvé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi en juillet 2017. Par conséquent, l’exclusion que la Commission a imposée à l’appelant devrait être levée.

Question préliminaire

[7] Dans la décision relative à la permission d’en appeler, ma collègue a décidé de ne pas tenir compte les nouveaux documents que l’appelant avait déposés après que la division générale a rendu sa décisionNote de bas de page 1.

[8] Je suis d’accord avec ma collègue sur ce point. Tel qu’il est décrit plus loin, le rôle de la division d’appel se limite habituellement à évaluer la décision de la division générale en se fondant sur les éléments dont elle disposaitNote de bas de page 2. Je n’ai donc pas non plus tenu compte des nouveaux documents de l’appelant.

Questions en litige

[9] Dans cette décision, j’ai mis l’accent sur les questions suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve de façon significative?
  2. Quelle est la réparation appropriée en l’espèce?
  3. La Commission a-t-elle démontré que l’appelant avait volontairement quitté son emploi?

Analyse

[10] Pour qu’une partie appelante puisse avoir gain de cause à la division d’appel, elle doit démontrer que la division générale a commis au moins l’une des erreurs reconnues (moyens d’appel) énoncées à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 3.

[11] En l’espèce, j’ai mis l’accent sur la question de savoir s’il était plus probable qu’improbable que la division générale ait commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision. Selon le libellé de la Loi sur le MEDS, toute erreur de droit peut justifier mon intervention dans cette causeNote de bas de page 4.

La division générale n’a pas analysé la preuve de façon significative

[12] Selon l’article 30 de la Loi sur l’AE, une personne qui demande des prestations régulières d’AE est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement un emploi précédent sans justification. Il incombe à la Commission de prouver qu’une partie prestataire a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 5. Lorsqu’on examine cette question, la question juridique pertinente à laquelle il faut répondre est relativement claire : La partie prestataire avait-elle le choix de rester ou de partirNote de bas de page 6?

[13] En l’espèce, la division générale a reconnu qu’il était plus probable que l’appelant avait quitté volontairement son emploi. Pour parvenir à cette conclusion, la division générale s’est fondée particulièrement sur la demande de prestations d’AE de l’appelant, dans laquelle il a affirmé que le projet sur lequel il travaillait était si exigeant qu’il mettait son mariage en danger. C’est ainsi qu’il est [traduction] « finalement juste parti du travail et [il a] appris peu après [qu’il] se retrouvait sans emploiNote de bas de page 7. »

[14] La division générale a privilégié la première explication que l’appelant avait fournie pour quitter son emploi et a estimé que les explications qu’il avait fournies plus tard, à l’oral et à l’écrit, n’étaient pas raisonnables et cohérentes.

[15] J’admets que la division générale n’est pas tenue de renvoyer à chaque élément de preuve dont elle dispose. Il est plutôt présumé qu’elle a examiné l’ensemble de la preuveNote de bas de page 8. Toutefois, la division générale peut commettre une erreur de droit si elle omet d’analyser la preuve de façon significativeNote de bas de page 9. Cela se produit si, par exemple, la division générale ne mentionne pas suffisamment des éléments de preuve importants ou ignore des contradictions majeures dans la preuve.

[16] À mon avis, la division générale n’a pas analysé la preuve de façon significative en l’espèce.

[17] Par exemple, au paragraphe 8 de sa décision, la division générale a correctement estimé que l’appelant avait rempli sa demande de prestations d’AE comme s’il avait démissionné. Cependant, la division générale a ensuite affirmé que le témoignage de l’appelant à l’audience n’avait fourni aucune explication valable à la question de savoir pourquoi il avait agi de cette façon :

[traduction]
L’appelant conteste l’affirmation qu’il aurait quitté son emploi. Toutefois, le Tribunal estime que l’appelant a déclaré sur sa demande de prestations qu’il avait quitté volontairement son emploi, car son travail était très exigeant et drainait tout son temps et son énergie, à tel point que cela compromettait son mariage et sa famille, et il était finalement parti du travail et il a appris peu après qu’il se retrouvait sans emploi (GD3-11). Le Tribunal estime également que l’appelant a affirmé qu’il ne savait pas pour quelle raison il avait écrit qu’il avait démissionné de son emploi, alors que ce n’était pas le cas. Son explication était qu’« il ne sait pas pourquoi il aurait écrit cela » et il a de plus déclaré qu’« il n’avait pas les idées claires ou il n’avait pas lu les questions convenablement. » Le Tribunal n’a pas jugé que l’explication de l’appelant pour avoir déclaré qu’il avait quitté volontairement son emploi était raisonnable, étant donné qu’il a insisté sur le fait qu’il ne l’avait pas quitté volontairement. [mis en évidence par le soussigné]

[18] Il est important de souligner que la division générale ne mentionne pas dans sa décision une explication significative fournie par l’appelant. De fait, à trois reprises durant l’audience devant la division générale, l’appelant a dit qu’il avait écrit « démission » dans sa demande de prestations d’AE en raison des conseils qu’il a reçus d’une ou d’un des agentes ou agents de la CommissionNote de bas de page 10. Selon moi, la division générale se devait de tenir compte de cette explication dans son analyse.

[19] De plus, il y a d’autres éléments de preuve que la division générale n’a pas mentionnés, mais qui contredisent certaines de ses conclusions. Par exemple, la division générale n’a pas mentionné ce qui suit :

  1. les courriels que l’appelant et son ancien employeur ont échangés entre le 29 et le 31 juillet 2017Note de bas de page 11. Dans ces courriels, l’appelant s’est plaint que ses plans de vacances avaient été bouleversés et qu’il n’avait plus accès au chantier, ce qui signifiait qu’il était incapable de récupérer les outils qui lui appartenaient. Ces plaintes laissent entendre que c’est l’employeur, et non l’appelant, qui a mis fin à la relation d’emploi;
  2. l’enregistrement d’une conversation téléphonique démontrant que, trois jours après avoir soumis sa demande prestations d’AE, l’appelant a communiqué avec la Commission pour préciser qu’il n’avait pas démissionné de son emploi et pour contester ce que son ancien employeur avait écrit sur son relevé d’emploiNote de bas de page 12;
  3. des lettres de recommandation faisant état de l’intégrité et de l’éthique de travail de l’appelant, ainsi que les sacrifices qu’il avait faits et l’engagement qu’il avait démontré par le passé pour son ancien employeurNote de bas de page 13.

[20] La question de savoir si l’appelant avait quitté volontaire son emploi se trouvait au cœur même de la question en litige. À mon avis, cependant, la division générale n’a pas analysé de façon significative toute la preuve importante et toutes les contradictions portant sur le sujet. Elle a donc commis une erreur de droit au sens de l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

[21] Parallèlement, la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS; sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à la connaissance.

Il convient de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[22] Les réparations que je peux accorder sont énoncées à l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS. Parmi ces options, j’ai surtout réfléchi à la question de renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen ou celle de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[23] En fin de compte, j’ai décidé qu’il s’agit d’une cause où il convient de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, en raison de ce qui suit :

  1. l’objectif de la Loi sur l’AE est de fournir des prestations aux personnes qui se retrouvent sans emploi pour une raison qui est indépendante de leur volonté, et d’établir un système qui vise à fournir des décisions rapidement;
  2. le Tribunal a le pouvoir étendu de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire pour statuer sur un appelNote de bas de page 14;
  3. procéder ainsi favorise l’atteinte de l’objectif d’avoir un processus décisionnel à la fois rapide et économique, et est conforme aux articles 2 et 3(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[24] Il vaut aussi la peine de souligner que les parties ont eu pleinement l’occasion de présenter leur preuve et de déposer leurs observations expliquant les raisons pour lesquelles l’appelant est exclu ou non du bénéfice des prestations d’AE. J’ai également écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Par conséquent, il y aurait peu d'avantages à renvoyer l’appel devant la division générale pour qu’un autre membre procède à un examen du dossier, particulièrement si je suis en mesure de mettre fin à l’affaire.

[25] Pour ces motifs, j’ai décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

La Commission n’a pas démontré que l’appelant avait quitté volontairement son emploi

[26] Le relevé d’emploi et la demande de prestations d’AE de l’appelant spécifient tous deux que celui-ci a démissionné le 25 juillet 2017Note de bas de page 15.

[27] Toutefois, le 25 août 2017, soit trois jours après avoir présenté sa demande de prestations d’AE, l’appelant a téléphoné à la Commission pour contester le motif de cessation d’emploi que son ancien employeur avait inscrit sur son relevé d’emploiNote de bas de page 16. L’appelant a nié avoir démissionné et a affirmé qu’il y avait plutôt un manque de travail. La Commission a alors entrepris une enquête à ce sujet.

[28] Dans le cadre de l’enquête de la Commission, différents agentes ou agents ont parlé avec l’appelantNote de bas de page 17. L’appelant a expliqué que, en raison des exigences du projet, il n’avait pas eu l’occasion de prendre beaucoup de congés, même lorsqu’un proche parent était décédé. Par conséquent, l’appelant et son patron (le propriétaire de l’entreprise) s’étaient entendus pour qu’il puisse prendre congé en juillet 2017, une fois que la quantité de travail à faire sur le projet aurait diminué.

[29] Selon l’appelant, ses vacances ont commencé le mercredi 19 juillet 2017, et il avait planifié de passer la première semaine à faire des rénovations dans sa maison, puis de faire un voyage familial en Colombie-Britannique. L’appelant a aussi affirmé qu’il devait recevoir une prime de rendement et qu’il comptait recevoir cet argent avant de partir en voyage.

[30] Toutefois, après quelques jours de vacances, l’appelant a affirmé qu’il avait été rappelé au travail parce que les choses avaient pris du retard. L’appelant a affirmé qu’il avait inspecté le chantier le samedi, avait fait rentrer une équipe de travail le dimanche et que le projet était à nouveau sur la bonne voie le lundi matin. L’appelant a également déclaré qu’il avait travaillé le lundi et le mardi matin, mais qu’il avait insisté sur le fait que sa prime de rendement lui soit versée avant l’heure du dîner le mardi, parce qu’il partait en Colombie-Britannique avec sa famille.

[31] Cependant, lorsque le mardi 25 juillet 2017 est arrivé, l’appelant admet qu’il était frustré, car son patron n’était pas disponible et le chèque pour sa prime de rendement n’avait pas été préparé. Comme il s’agissait de la fin d’une période de paie de toute façon, et que l’appelant voulait toucher au moins un peu d’argent avant de partir en voyage, il a téléphoné au bureau de son patron et a exigé qu’un chèque de paie régulier soit préparé le plus rapidement possible.

[32] Peu après, l’appelant affirme qu’il s’est rendu au bureau pour prendre son chèque de paie, qui se trouvait dans une enveloppe, mais qu’il n’a pas ouvert l’enveloppe immédiatement. Après avoir récupéré son enveloppe, l’appelant a déclaré qu’il était retourné au chantier, mais qu’on lui a soudain refusé l’accès. Il s’est rapidement rendu compte que son téléphone de travail avait aussi été déconnecté. Lorsque l’appelant a finalement ouvert l’enveloppe devant contenir son chèque de paie, il a été surpris de découvrir qu’elle contenait aussi un relevé d’emploi sur lequel il était inscrit qu’il avait démissionné.

[33] L’appelant a affirmé qu’il avait été tellement désemparé par cette nouvelle que sa belle-sœur avait dû partir de la Colombie-Britannique en voiture pour que le reste de la famille puisse commencer leur voyage de famille sans lui. Pendant ce temps, l’appelant est resté à la maison pour plusieurs jours pour tenter de régler l’affaire avec son ancien employeur.

[34] L’appelant a admis que cette version des événements diffère de ce qu’il a écrit dans sa demande de prestations d’AE, mais il a expliqué durant son témoignage qu’un des agents de la Commission lui avait conseillé de remplir sa demande en fonction du motif de cessation d’emploi qui était inscrit sur son relevé d’emploi. L’appelant croyait que son ancien employeur allait produire un autre relevé d’emploi, notamment parce qu’on lui avait versé une somme supplémentaire, et que le motif de cessation allait être corrigé à ce moment-là. Selon l’appelant, l’agente ou l’agent à qui il a parlé lui a dit que tout pourrait être corrigé quand il recevrait le nouveau relevé d’emploi, mais celui-ci n’est jamais arrivé.

[35] À l’appui de son récit, l’appelant a déposé des courriels échangés à cette époque et des lettres de recommandation, décrits plus hautNote de bas de page 18. Les courriels montrent que l’appelant n’a pas pu récupérer ses outils avant de quitter le chantier et que, dans les faits, il n’était pas parti en voyage. Les lettres font état de l’intégrité, de l’engagement et de l’éthique de travail de l’appelant.

[36] L’appelant a aussi expliqué qu’il a eu de la difficulté à obtenir d’autres documents, parce qu’on lui a refusé l’accès au chantier de façon soudaine et il n’avait plus accès à son compte de courriels du travail. Enfin, l’appelant a décrit les effets fortement négatifs que ces événements ont eus sur sa famille et luiNote de bas de page 19.

[37] Toutefois, durant l’enquête de la Commission, l’ancien employeur de l’appelant a donné une version des faits très différente. Par exemple, l’ancien patron de l’appelant, le propriétaire de l’entreprise, a nié que les vacances de l’appelant avaient été approuvéesNote de bas de page 20. Selon lui, l’appelant a appelé au bureau le 25 juillet 2017 pour demander une avance sur sa paie ou sa prime de rendement et, lorsqu’on lui a répondu que ce n’était pas possible, il a été frustré et il a démissionné. Selon le propriétaire, l’appelant ne lui a jamais fourni un avis écrit de démission, mais cela a été communiqué de vive voix à lui, à la ou le réceptionniste de l’entreprise, à la commis de paie (l’épouse du propriétaire) et à un gestionnaire de projet.

[38] Cette version des faits a été essentiellement répétée par les autres membres du personnel de l’entreprise, bien que certaines différences et certains détails sont dignes de mention :

  1. Selon le gestionnaire de projet, l’appelant a appelé à 11 h pour recevoir une avance sur sa paie et il a démissionné lorsqu’on lui a répondu que son avance ne serait prête qu’après le dîner. Le gestionnaire de projet a également affirmé qu’il avait texté l’appelant pour savoir pourquoi il s’était absenté du travail le 24 juillet 2017Note de bas de page 21. Au contraire, l’appelant affirme qu’il était au travail le 24 juillet 2017, mais qu’il était absent à la fin de la semaine précédente, car il avait déjà commencé ses vacances. Toutefois, la Commission n’a obtenu aucun document pour étayer l’un ou l’autre de ces récits contradictoires.
  2. La commis de paie a nié que l’appelant avait demandé une avance sur sa paie et a nié que l’appelant lui avait dit directement qu’il démissionnait. Elle prétend avoir appris que l’appelant démissionnait de son époux (le propriétaire) ou du gestionnaire de projetNote de bas de page 22.
  3. Dans une conversation subséquente entre la Commission et l’ancien patron de l’appelant, ce dernier a modifié quelque peu son récit. Il a alors affirmé que son gestionnaire de projet lui avait appris la décision de l’appelant de démissionner et il a nié que l’appelant le lui avait appris directement. L’ancien patron a aussi nié avoir discuté avec l’appelant de la possibilité de changer le motif de cessation d’emploi inscrit sur le relevé d’emploi, mais un courriel que l’appelant a déposé en preuve contredit cette déclarationNote de bas de page 23.

[39] Devant ces récits très différents, je ne peux pas convenir qu’il est plus que probable que l’appelant ait démissionné de son emploi le 25 juillet 2017. Par conséquent, la Commission n’a pas prouvé sa thèse. Je fais particulièrement remarquer que l’appelant a fourni une certaine preuve documentaire pour appuyer sa version des événements et qu’il a été le seul à témoigner, sous serment, à l’audience devant la division générale. Il a également expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas été en mesure d’accéder à d’autres éléments de preuve documentaire.

[40] Au contraire, on aurait pu s’attendre à ce que l’ancien patron de l’appelant dispose de documents beaucoup plus pertinents, mais la Commission n’en a obtenu aucun.

[41] J’admets que la demande de prestations d’AE de l’appelant dit clairement qu’il a démissionné, mais l’appelant a expliqué pourquoi il avait écrit cela, et il a téléphoné à la Commission à peine trois jours plus tard pour contester le motif de cessation d’emploi inscrit sur son relevé d’emploiNote de bas de page 24.

[42] À mon avis, la version des faits rapportée par l’ancien employeur de l’appelant comporte également des incohérences importantes en ce qui concerne les personnes que l’appelant aurait informées de sa décision de démissionner. De plus, la version de l’employeur n’a pas autant un air de réalisme. Par exemple :

  1. Si les vacances de l’appelant n’étaient pas approuvées, comme l’a laissé entendre son ancien employeur, il est difficile de comprendre pourquoi il était si pressé de recevoir sa paie. Vraiment, il est improbable qu’il aurait été frustré au point de démissionner, parce que son chèque serait seulement prêt après le dîner, plutôt qu’à 11 h lorsqu’il a appelé et parlé au gestionnaire de projet. Une démission de l’appelant en raison de ce petit retard ne semble pas correspondre du tout à son caractère, si l’on se fie aux lettres de recommandation qu’il a fournies.
  2. Si l’appelant a démissionné, il est étrange qu’il ait quitté le chantier sans d’abord récupérer ses effets personnels, comme ses outils et ses carnets. Tout comme il est étrange que l’appelant ait reçu sa paie avant de remettre les outils et autres matériels de travail qu’il avait en sa possession à l’entreprise.
  3. Si l’appelant a démissionné en partie parce qu’il devait choisir entre sa famille et son travail, pourquoi dans ce cas n’est-il pas parti en Colombie-Britannique avec le reste de sa famille?

[43] L’appelant a aussi décrit l’importance de son emploi pour lui et sa famille. Il avait un bon salaire, bénéficiait d’une variété d’avantages sociaux, était en position d’autorité et avait une certaine sécurité d’emploi, car le prochain projet de l’entreprise était déjà assuré. De plus, l’appelant croyait que l’entreprise lui devait des sommes d’argent importantes en salaire pour des heures supplémentaires et en prime de rendement. L’appelant a demandé pour quelle raison il aurait sacrifié tout cela en démissionnant, d’autant plus qu’il était la seule source de revenus de la familleNote de bas de page 25.

[44] Au contraire, l’appelant a soutenu que son ancien employeur avait grandement avantage en reprenant l’emploi que l’appelant avait quitté, et cela était conforme avec une tendance à avoir moins d’employés et à engager plus d’entrepreneurs indépendantsNote de bas de page 26.

[45] En l’espèce, je n’ai pas à déterminer de manière concluante quelle version des événements est vraie. Néanmoins, il est évident selon moi que la Commission n’a pas déterminé qu’il était plus probable que le contraire que l’appelant avait quitté volontairement son emploi le 25 juillet 2017. Par conséquent, je n’ai pas à évaluer si l’appelant était fondé à démissionner.

Conclusion

[46] J’accueille l’appel, car la division générale n’a pas analysé la preuve d’une façon significative. Par conséquent, elle a commis une erreur de droit ou de fait, comme il est énoncé aux articles 58(1)(b) et 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS. Plus précisément, la division générale a omis de mentionner des éléments de preuve importants qui contredisaient certaines de ses principales conclusions.

[47] Dans cette décision, j’ai aussi décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. À cet égard, je conclus que la Commission n’a pas prouvé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi en juillet 2017. L’exclusion imposée contre l’appelant en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’AE devrait donc être levée.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 mars 2019

Téléconférence

K. H., appelant

S. Prud’Homme, représentante de l’intimée (observations écrites seulement)

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

  1. Moyens d’appel
  2. 58(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :
    1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
    2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
    3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  3. [...]
  4. Décisions
  5. 59 (1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.
  6. [...]
  7. Pouvoir du Tribunal
  8. 64(1) Le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la présente loi.

Loi sur l’assurance-emploi

  1. Exclusion : inconduite ou départ sans justification
  2. 30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins [...]
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