Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas volontairement pris un congé, mais qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant cette période de congé.

Aperçu

[2] L’appelant est monteur-assembleur de structures d’acier chez X et il travaille sur le chantier du X. Il était en congé du 22 juillet 2018 au 4 août 2018. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de prestations de l’appelant parce qu’elle a conclu qu’il avait volontairement pris une période de congé sans motif valable et qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant cette période. L’appelant soutient que, conformément à la convention collective des monteurs-assembleurs, l’employeur l’oblige à prendre un congé de deux semaines entre le 1er mai et le 31 octobre chaque année. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a volontairement pris un congé et s’il était disponible pour travailler pendant cette période.

Questions en litige

[3] L’appelant a-t-il volontairement pris un congé du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 ?

[4] Si oui, prendre un congé était-il la seule solution raisonnable pour l’appelant ?

[5] L’appelant était-il disponible pour travailler du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 ? Pour le déterminer, le Tribunal doit répondre à trois questions :

  • L’appelant avait-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert ?
  • Si oui, l’appelant a-t-il manifesté ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable ?
  • Les chances de l’appelant de trouver un emploi convenable étaient-elles indûment limitées par des conditions personnelles ?

[6] L’appelant a-t-il démontré avoir fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi convenable du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 ?

Question préliminaire

[7] Le Tribunal a joint les dossiers des appelants travaillant pour l’employeur X afin de faciliter la production de la preuve ainsi que la présentation des arguments pour l’ensemble des dossiers reçus.

[8] Les dossiers joints sont les suivants : GE-19-700, GE-19-701, GE-19-703, GE-19-705, GE-19-707, GE-19-709, GE-19-711, GE-19-717, GE-19-721, GE-19-723, GE-19-725, GE-19-726, GE-19-728, GE-19-729, GE-19-730, GE-19-732, GE-19-733, GE-19-734, GE-19-735, GE-19-756, GE-19-757, GE-19-758, GE-19-759, GE-19-760, GE-19-765 et GE-19-767.

[9] Les dossiers ont été joints parce que les appels soulèvent des questions de faits ou de droit similaires et qu’une telle mesure ne risque pas de causer un préjudice aux parties. La présente décision est individuelle à l’appelant.

Analyse

L’appelant a-t-il volontairement pris un congé ?

[10] L’employé qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si la période de congé a été autorisée par l’employeur, et si l’employé et l’employeur ont convenu de la date à laquelle l’employé reprendra son emploiNote de bas de page 1.

[11] L’appelant ne conteste pas que ce congé ait été autorisé par l’employeur et que la date de retour à l’emploi était convenue entre lui et l’employeur, mais il soutient que l’employeur l’a obligé à prendre un congé pendant la période de huit semaines qui se situe entre le 1er mai et le 31 octobre.

[12] Le représentant de l’appelant a fait valoir lors de l’audience que la convention collective 2017-2021 du secteur Génie civil et Voirie prévoit qu’un congé d’une période de deux semaines est obligatoire pour les monteurs-assembleursNote de bas de page 2. Il a expliqué que l’employeur embauche environ 600 monteurs-assembleurs qui sont tous soumis à la convention collective. Il soutient que plusieurs de ces employés ont pris des vacances pendant cette période de congé et qu’ils n’ont pas demandé des prestations d’assurance-emploi alors que ce n’est pas le cas de l’appelant.

[13] Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant avait besoin de travailler pendant cette période et que n’eût été de l’application de la convention collective, il n’aurait pas pris un congé.

[14] D’abord, une personne responsable des ressources humaines chez l’employeur a déclaré qu’un relevé d’emploi avec la mention K a été émis aux travailleurs en raison d’un congé autorisé par l’employeur et parce que le chantier n’était pas fermé pendant la période estivale 2018. Le chantier a été fermé du 24 décembre 2017 au 6 janvier 2018. Pour cette raison, l’employeur ne pouvait indiquer la mention « manque de travail » au moment du congé de l’appelant.

[15] Bien qu’une personne responsable chez l’employeur ait déclaré que les employés en général n’ont aucune obligation de prendre des vacances sauf pendant la période de fermeture du chantier, lorsque questionnée spécifiquement sur les conditions de travail des monteurs-assembleurs la responsable a finalement indiqué qu’elle devait vérifier l’information fournie puisque c’était la première année de l’application de la nouvelle convention collective.

[16] Quant à la Commission, elle soutient que l’appelant aurait pu continuer de travailler pour l’employeur pendant cette période. Elle affirme que l’appelant n’était pas forcé, cette année-là, à prendre des vacances et que prendre un congé était un choix personnel de l’appelant.

[17] La question à laquelle le Tribunal doit répondre en l’espèce est : est-ce que l’employé avait le choix de prendre un congé ou nonNote de bas de page 3?

[18] L’appelant a demandé un congé pour la période du 22 juillet 2018 au 4 août 2018. La preuve démontre qu’un congé de deux semaines était obligatoire et qu’il devait être pris entre le 1er mai et le 31 octobre. En ce sens, une note de service émise par l’employeur au printemps 2018 indique ce qui suit Note de bas de page 4:

Ainsi, toujours en vertu de la convention collective, à l’article 20.01 3), les travailleurs peuvent prendre deux semaines de congés annuels d’été entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année après entente avec leur superviseur et en autant que la compagnie ne soit pas privé de plus de 25% de ses salariés du même métier, spécialité ou occupation.  

[19] Selon cette lettre, il est clair que les travailleurs peuvent prendre un congé et que des dispositions sont prises justement afin qu’ils puissent prendre des vacances s’ils le veulent.

[20] Cependant, la Convention collective 2017-2021 des travailleurs du secteur Génie civil et Voirie prévoit une disposition différente pour les monteurs-assembleurs.

[21] En ce sens, la note de service précise qu’il en est autrement pour les monteurs-assembleursNote de bas de page 5:

De plus, en vertu de cette même convention collective, il existe une particularité pour la prise des vacances pour le type de travaux de construction effectués par le monteur assembleur sur le projet.

3.1) Monteur-assembleur affecté à des travaux sur un pont :

Nonobstant le paragraphe 3) de l’article 20.01, le salarié monteur-assembleur affecté à des travaux sur un pont bénéficie obligatoirement de deux semaines consécutives de congés d’été dans la période de huit semaines au milieu de laquelle se trouvent les deux semaines déterminées au paragraphe 1) de l’article 20.01.

Aa tous, afin de nous conformer à la convention collective, nous vous invitons donc à discuter de la prise de vos vacances avec votre contremaître et/ou surintendant et à lui remettre le formulaire de demande de congé joint à la présente complété avant le 15 juin 2018.

[22] Une deuxième note de service ayant pour objet « Vacances d’été 2018 » indique également ce qui suitNote de bas de page 6 :

Veuillez noter que si nous ne recevons pas votre formulaire complété dans le délai prescrit, en conformité avec la convention collective, l’Employeur déterminera la période de deux semaines consécutives de congés applicable à chacun des salariés n’ayant pas fourni son formulaire de demande de congé et un avis écrit indiquant les semaines applicables sera transmis à cet égard. 

[23] Il apparaît, à la lumière de cette note de service, que les monteurs-assembleurs devaient remplir le formulaire de vacances afin de faire autoriser leur période de congé de deux semaines sinon c’est l’employeur qui déterminerait la période de congé obligatoire.

[24] En ce sens, le Tribunal est d’avis que la situation était différente pour les monteurs-assembleurs de X qui devaient prendre un congé obligatoire d’une durée de deux semaines préalablement autorisé par l’employeur. À défaut de le faire, l’employeur aurait choisi les deux semaines du congé puisque, selon la convention collective, ce le travailleur monteur-assembleur devait obligatoirement prendre ce congé entre le 1er mai et le 31 octobre.

[25] L’appelant n’avait pas le choix de prendre un congé de deux semaines. La seule possibilité qui lui était offerte était de choisir le moment de ces deux semaines entre le 1er mai et le 31 octobre puis de faire autoriser son choix auprès de l’employeur à défaut de quoi l’employeur aurait choisi le moment du congé pour lui. Ce n’est donc pas volontairement que l’appelant a pris ce congé.

[26] Le Tribunal estime que la preuve est claire. L’appelant devait remplir un formulaire de vacances qu’il devait remettre à l’employeur afin de faire autoriser le moment de son congé et, s’il ne l’avait pas fait, l’employeur l’aurait obligé à prendre un congé d’une période de deux semaines conformément à la convention collective qui régit les monteurs-assembleurs.

[27] Le congé autorisé de l’appelant a eu lieu entre le 22 juillet 2018 et le 4 août 2018 et le Tribunal est d’avis que ce n’est pas volontairement que l’appelant a pris ce congé.

[28] Puisque ce n’est pas volontairement que l’appelant a pris un congé, il n’a pas à démontrer qu’il était fondé de le prendre ou que prendre ce congé constituait la seule solution raisonnable dans ce cas.

L’appelant était-il disponible pour travailler du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 ?

[29] Un prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations pendant tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7.

[30] Pour établir si une personne est disponible à travailler, le Tribunal considère les trois critères suivantsNote de bas de page 8 :

  • le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable est offert;
  • la manifestation de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable; et,
  • le non-établissement ou l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

L’appelant avait-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert ?

[31] L’appelant était présent lors de l’audience, mais il a choisi de ne pas témoigner. Le représentant de l’appelant a fait valoir que c’est le service de placement qui est responsable de trouver un emploi aux travailleurs de la construction et que l’appelant a justement indiqué son arrêt de travail au bureau de placement.

[32] Cependant, le bureau de placement n’aurait pas contacté l’appelant étant donné la période de l’année qui concordait en partie avec les vacances de la construction.

[33] L’appelant n’a fait valoir aucune autre démarche d’emploi. Le représentant a fait valoir que ce n’est pas en regardant dans les journaux, mais bien en attendant un appel du bureau de placement que l’appelant peut se trouver un emploi dans ce domaine.

[34] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a démontré un certain désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offertNote de bas de page 9. Le Tribunal doit maintenant évaluer si l’appelant a effectué des démarches d’emploi concrètes en ce sensNote de bas de page 10.

L’appelant a-t-il manifesté ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable ?

[35] L’appelant a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[36] La Commission soutient que, pendant la période du 22 juillet 2018 au 4 août 2018, l’appelant était en vacances. Elle affirme que le fait que son nom se trouvait sur la liste du syndicat ne prouve pas sa disponibilité. Elle fait également valoir que l’appelant n’a démontré avoir effectué aucune démarche d’emploi et qu’il se considérait en « vacances obligatoire ».

[37] Le Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement) précise plusieurs manières d’orienter la recherche d’emploi et les recherches d’emploi de l’appelant doivent être soutenues, c’est-à-dire habituelles et raisonnables, pendant tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 12.

[Notre soulignement]

[38] L’appelant n’a fait valoir aucune autre démarche d’emploi que d’avoir avisé le bureau de placement qu’il était en arrêt de travail. Il a déclaré qu’il recherchait un emploi dans son domaine et qu’il avait avisé la Commission de la construction du Québec de son arrêt de travail.

[39] Le Tribunal a entendu les arguments du représentant de l’appelant faisant valoir que, dans la construction, c’est le bureau de placement qui peut orienter l’appelant pour se trouver un emploi. Cependant, au terme de la Loi, l’appelant doit démontrer avoir effectué des démarches d’emploi pour avoir droit à des prestations.

[40] En ce sens, l’appelant peut mettre à jour son curriculum vitae, évaluer les possibilités d’emploi, il peut contacter des employeurs éventuels et il peut également proposer sa candidature.

[41] Dans le cas spécifique de l’appelant, il aurait pu s’informer des emplois disponibles auprès du bureau de placement pendant son congé autorisé et/ou évaluer les emplois disponibles en faisant une recherche d’emplois sur Internet et/ou en présentant concrètement sa candidature pour un emploi.

[42] Cependant, le Tribunal est d’avis que les recherches d’emploi de l’appelant ne sont pas soutenues et concrètes pendant tout jour ouvrable de sa période de prestations. Cette recherche doit être active et l’appelant a la responsabilité de faire la démonstration de ses démarches d’emploi.

[43] La disponibilité d’un prestataire est essentiellement une question de faits et l’appelant peut faire le choix de prendre des vacances pendant un congé autorisé, mais pour avoir le droit de recevoir des prestations, il doit démontrer qu’il était disponible pour travaillerNote de bas de page 13.

[44] Pour toute démarche d’emploi, l’appelant a indiqué avoir avisé son bureau syndical et la Commission de la construction du Québec qu’il était disponible. Même s’il soutient avoir « regardé » pour les emplois comme monteur-assembleur, l’appelant n’a aucune démarche d’emploi concrète à faire valoir. Or, l’appelant a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi et il a cette responsabilité pour chaque jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 14.

[45] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts significatifs pour se trouver un emploi convenable chaque jour ouvrable de sa période de prestations du 22 juillet 2018 au 4 août 2018Note de bas de page 15.

Les chances de l’appelant de trouver un emploi convenable étaient-elles indûment limitées par des conditions personnelles?

[46] L’appelant n’a pas présenté de conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de trouver un emploi convenable. Cependant, l’appelant n’était pas activement à la recherche d’un emploi pendant son congé et il a limité lui-même ses chances de trouver un emploi convenable en ne faisant pas de démarches d’emploi.

Démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi convenable

[47] Les critères servant à déterminer si les démarches faites par un prestataire pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables sont les suivantsNote de bas de page 16 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi ;
  • la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation ;
  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement ;
  • la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi ;
  • le réseautage ;
  • la communication avec des employeurs éventuels ;
  • la présentation de demandes d’emploi ;
  • la participation à des entrevues ;
  • la participation à des évaluations des compétences.

[48] L’appelant n’a démontré aucune démarche d’emploi mis à part avoir signalé au bureau de placement syndical son arrêt de travail pour l’employeur X et avoir indiqué son arrêt de travail à la Commission de la construction du Québec. Le Tribunal ne peut conclure que les démarches de l’appelant étaient soutenues, habituelles et raisonnables pendant tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[49] Avoir indiqué sa disponibilité au bureau de placement n’est pas suffisant pour démontrer une recherche active d’emploi au sens du paragraphe 50(8) de la Loi.

[50] Le Tribunal énonce de nouveau que l’appelant a la responsabilité de faire des démarches d’emploi pendant tout jour ouvrable de sa période de prestations et que les recherches effectuées par l’appelant doivent être orientées vers l’obtention d’un emploi.

[51] Pour ces raisons, le Tribunal estime justifiée l’imposition d’une inadmissibilité du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 puisque l’appelant n’a pas démontré sa disponibilité pour travailler à compter de ce moment.

[52] Le Tribunal conclut que l’appelant n’était pas disponible pour travailler du 22 juillet 2018 au 4 août 2018 parce qu’il n’a pas démontré avoir fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi convenable au sens du paragraphe 50(8) de la Loi ainsi qu’en vertu des articles 9.001 et 9.002 du Règlement à compter de ce moment.

Conclusion

[53] L’appel est accueilli en partie.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 29 avril 2019

Téléconférence

Richard Benoît, représentant de l’appelant

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