Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est accordée. La demande de permission d’en appeler et l’appel sont également accueillis. La présente affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] S. R. (la prestataire) a reçu des prestations d’assurance-emploi (AE) entre octobre 2012 et juin 2013. En juin 2018, après enquête, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a réparti de nouvelles sommes relatives à la rémunération de la prestataire pour cette période, ce qui a donné lieu à un trop-payé.

[3] La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision en ce qui concerne sa rémunération à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle ne s’est pas présentée à l’audience fixée au 2 janvier 2019. La décision de refuser la demande d’ajournement a été communiquée le 7 janvier 2019 (ainsi qu’un avis d’audience pour le 2 janvier 2019), et une décision sur le fond a été rendue le 8 janvier 2019. Cette affaire sera renvoyée à la division générale étant donné que la prestataire n’a pas reçu un préavis suffisant de la tenue de l’audience ou du refus de sa demande d’ajournement.

Questions en litige

[4] Les questions en litige sont les suivantes :

  • La prestataire devrait-elle obtenir une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler?
  • Est-ce une cause défendable, de sorte que la permission d’en appeler devrait être accordée?
  • La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en tenant l’audience en l’absence de la prestataire?
  • Quelle est la réparation appropriée?

Analyse

Question en litige 1 : La prestataire devrait-elle obtenir une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler?

[5] Selon la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler d’une question concernant l’assurance-emploi doit être présentée dans les 30 jours suivant la date où la décision de la division générale a été communiquéeNote de bas de page 1. La division d’appel peut accorder une prorogation du délai, pourvu qu’il ne dépasse pas un anNote de bas de page 2.

[6] Lorsqu’il s’agit de déterminer si une prorogation du délai doit être accordée, la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3. Les quatre facteurs suivants doivent être pris en considérationNote de bas de page 4 :

  1. La prestataire a-t-elle démontré l’intention persistante de poursuivre son appel?
  2. A-t-elle raisonnablement expliqué le retard?
  3. La cause est-elle défendable?
  4. La prorogation du délai pourrait-elle causer un préjudice à l’autre partie?

[7] En l’espèce, la division générale a transmis sa décision à la prestataire par courrier ordinaire le 9 janvier 2019. La prestataire a fait parvenir une lettre au Tribunal le 21 janvier 2019. Dans sa lettre, la prestataire exprime son désaccord avec la décision de la division générale de tenir l’audience en son absence et demande qu’on lui permette d’assister à l’audience. Le Tribunal a ensuite envoyé une lettre à la prestataire le 7 février 2019 dans laquelle il explique que le dossier d’appel de la division générale est clos et il décrit plus amplement le processus d’appel de la division d’appel. La prestataire a donné suite à cette lettre en présentant une demande à la division d’appel, le 13 mars 2019. Elle précise faire ces démarches [traduction] « dans la période de 30 jours suivant la date à laquelle j’ai été avisée que je devrais présenter à nouveau mon document et j’ai présenté une demande à la division d’appel ». La demande a été présentée trois semaines et demie après le délai d’appel prévu par la loi.

[8] Il ressort clairement de cette suite d’événements que la prestataire a démontré l’intention persistante de poursuivre l’appel et qu’elle avait une explication raisonnable pour ne pas avoir interjeté appel de la décision de la division générale dans les délais. Rien n’indique que la courte prorogation de délai causerait un préjudice à la Commission. Enfin, comme on le verra ci‑dessous, la cause de la prestataire était défendable en appel. Par conséquent, j’accorde la prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler.

Questions en litige 2 et 3 : Est‑ce une cause défendable, de sorte que la permission d’en appeler devrait être accordée? La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en tenant l’audience en l’absence de la prestataire?

[9] La division d’appel doit accorder la permission d’en appeler à moins que l’appel n’ait « aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5 ». Le fait d’avoir une « chance raisonnable de succès » consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de causeNote de bas de page 6. L’un des moyens d’appel à la division d’appel est que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelleNote de bas de page 7.

[10] La Commission a concédé qu’il y avait eu manquement à la justice naturelle dans ce cas. Elle recommande que la permission d’en appeler soit accordée, que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

[11] Dans sa lettre initiale, la prestataire contestait le refus de la division générale de lui accorder un ajournement et demandait qu’on lui permette d’assister à l’audition de son appel, comme l’avait prévu la division générale. En réponse à la concession de la Commission, la prestataire a fourni des dates de disponibilité pour une audience devant la division générale. J’en déduis que la prestataire est d’accord avec l’issue proposée. 

[12] Je suis d’avis que l’appel de la prestataire avait une chance raisonnable de succès et, par conséquent, je lui accorde la permission d’en appeler. Je suis également d’avis que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et j’accueille l’appel sur ce fondement.

[13] Je reconnais la séquence d’événements suivante, qui s’appuie sur la documentation au dossier :

  • L’audience était initialement prévue pour le 28 novembre 2018. La division générale a accepté la demande de la prestataire de reporter l’audience pour cause de maladie.
  • Le Tribunal a fixé la nouvelle date d’audience au 2 janvier 2019. L’avis d’audience a été transmis à la prestataire par Xpresspost le 29 novembre 2018. L’envoi a été retourné au Tribunal avec la mention « non réclamé » le 27 décembre 2018.
  • Le 27 décembre 2018, le personnel du greffe a laissé un message à la prestataire sur sa boîte vocale pour un retour d’appel. Le compte rendu des conversations téléphoniques indique que le membre du personnel [traduction] « a mentionné la date d’audience et lui [a] demand[é] de fournir son adresse courriel si elle voulait qu’on lui envoie l’avis d’audience par courriel ». La prestataire a rappelé le jour même et a parlé à quelqu’un au centre d’appels. Le compte rendu des conversations téléphoniques indique que la prestataire « a téléphoné pour demander que l’appel prévu pour le 2 janvier 2019 soit reporté à la semaine du 4 au 8 février 2019 pour des raisons de santé ». Elle n’a pas fourni d’adresse courriel et rien n’indique que cela a été demandé. Le personnel du greffe a essayé de nouveau d’appeler la prestataire « pour lui demander d’envoyer sa demande d’ajournement par écrit et d’expliquer ses raisons », mais sa boîte vocale n’était pas disponible à ce moment, ni le 29 décembre 2018. Il n’y a eu aucune autre communication avec la prestataire.
  • Rien n’indique dans le dossier que l’avis d’audience a été renvoyé à la prestataire le 27 décembre 2018 ou après cette date. De toute façon, seulement deux jours ouvrables séparaient cette date de la date d’audience. Rien n’indique non plus dans le dossier que la décision de refuser l’ajournement a été communiquée à la prestataire à quelque moment avant le 7 janvier 2019.

[14] L’erreur ne réside pas dans le refus de la demande d’ajournement. Puisqu’un ajournement avait déjà été accordé à la prestataire, un deuxième ajournement pouvait seulement être accordé dans des « circonstances exceptionnellesNote de bas de page 8 ». Le manquement à la justice naturelle est plutôt attribuable au fait que la division générale a tenu l’audience en l’absence de la prestataire même si :

  • la prestataire n’avait pas reçu l’avis d’audience;
  • rien n’indiquait qu’elle avait été informée de l’heure de l’audience du 2 janvier 2019;
  • elle a demandé que l’audience soit remise à une autre date deux jours avant d’apprendre que l’audience aurait lieu le 2 janvier 2019, ce qui aurait dû être traité comme un changement administratif de la date d’audienceNote de bas de page 9;
  • elle semble avoir eu l’impression que sa demande du 27 décembre 2018 pour que l’audience soit reportée a été acceptée, et aucun document au dossier ne suggère que ce n’était pas le cas;
  • pendant ou après cette conversation, elle n’a pas été informée que l’audience se tiendrait comme prévu si une décision d’ajournement officielle n’était pas prise avant le 2 janvier 2019;
  • elle n’a été avisée du refus d’ajournement qu’après la date de l’audience.

[15] Compte tenu de toutes ces circonstances, la division générale n’aurait pas dû tenir l’audience en l’absence de la prestataire, le 2 janvier 2019. Par conséquent, la prestataire a été privée de son droit d’être entendue.

Question en litige 4 : Quelle est la réparation appropriée?

[16] La prestataire n’a pas encore eu la possibilité de fournir des éléments de preuve sous forme de témoignage à la division générale. Par conséquent, le dossier dans la présente affaire n’est pas complet, et je ne peux rendre une décision sur le fond de l’appel de la prestataire. Cette affaire doit plutôt être renvoyée à la division générale pour qu’une audience soit tenue. 

[17] La division générale est tenue d’envoyer un avis d’audience à la prestataire par courrier ordinaire puisque c’est le moyen de communication privilégié de la prestataire. La prestataire est priée de téléphoner au Tribunal pour confirmer la réception de l’avis d’audience. La prestataire est informée qu’elle peut demander un changement administratif de la date, à condition qu’elle le fasse dans les deux jours suivant la réception de l’avis d’audience. Il est rappelé à la prestataire qu’une demande subséquente d’ajournement ne sera accordée que dans des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 10.

Conclusion

[18] La prorogation de délai pour une demande de permission d’en appeler est accordée. La demande de permission d’en appeler et l’appel sont également accueillis. Cette affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen, avec la directive d’envoyer un avis d’audience à la prestataire par courrier ordinaire.

 

Représentants :

S. R., non représentée

I. Thiffault, pour l’intimée

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