Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme X à X depuis le 12 janvier 2015. Il a été congédié et son emploi a pris fin le 20 décembre 2018, suite à une entente négociée avec la Ville. Cette entente prévoit le versement par l’employeur d’une somme de 22 600$ à l’appelant. L’appelant a aussi reçu une somme de 900$ pour une avance de salaire. À la lecture de l’entente, la Commission a déterminé que les sommes versées à l’appelant constituaient de la rémunération et devait être répartie. L’appelant de son côté soutien que le montant reçu ne constitue pas de la rémunération puisqu’il est versé en renonciation à son droit à la réintégration.

Questions préliminaires

[3] L’appelant indique que la somme de 900$ reçu pour une avance de salaire n’est pas en litige dans le présent appel. L’appelant conteste la répartition de la rémunération de la somme de 22 600$ reçue de son employeur, suite à l’entente établie.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si la somme de 22 600$ versée à l’appelant constitue de la rémunération au sens de la Règlement sur l’assurance-emploi.
[5] Si oui, le Tribunal doit déterminer de quelle façon cette somme doit être répartie.

Analyse

[6] La rémunération est définie comme étant le revenu intégral provenant de tout emploi, sauf pour les exceptions prévues au paragraphe 35 (7) du Règlement sur l’assurance-emploi (« RAE ») (RAE, paragr. 35 (2)).

[7] De façon générale, à moins d’être précisé par exception, le revenu intégral d’une personne provenant de tout emploi constitue de la rémunération (McLaughlin c Canada (PG), 2009 CAF 365).

Question en litige no 1 : La somme de 22 600$ versée à l’appelant constitue-t-elle une rémunération au sens du Règlement sur l’assurance-emploi ?

[8] Il incombe au prestataire d’établir que tout ou une partie des sommes reçues par suite de son congédiement constituait autre chose qu’une rémunération (Bourgeois (Procureur général) c Canada, 2004 CAF 117).

[9] Afin de déterminer si un montant constitue ou non de la rémunération, le Tribunal doit statuer sur la nature de la somme reçue. La jurisprudence a établi qu’une somme versée à titre de renonciation à son droit de réintégration au travail n’a pas valeur de rémunération et que, par conséquent, elle ne devrait pas être répartie.

[10] En l’espèce, le Tribunal conclut que la somme reçue par l’appelant ne constitue pas de la rémunération pour les raisons qui suivent.

[11] La Cour d’appel fédérale a reconnu que des sommes reçues liées à la renonciation d’une personne à son droit de réintégration constituaient une exception et qu’elles ne devaient pas être considérées comme de la rémunération au sens de la Loi (Canada (PG) c Warren, 2012 CAF 74; Plasse c Canada (PG) A-693-99; Canada (PG) c Meechan, 2003 CAF 368; Canada (PG) c Cantin, 2008 CAF 192). La Cour a de plus défini clairement dans Meechan les paramètres à appliquer dans le cas de ce type de revenu :

  • Le droit d’être réintégré doit exister en vertu d’une loi ou d’un contrat
  • Le prestataire doit avoir demandé à être réintégrée
  • L’entente de règlement doit démontrer que le montant a été versé à titre de compensation pour renoncer au droit d’être réintégré.

[12] Un employé a un droit distinct et négociable d’être réintégré au travail et le droit à la réintégration doit avoir pris naissance et être négociable (Plasse A-693-99; Warren 2012 CAF 74).

[13] Dans ce contexte, l’appelant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’en raison de circonstances particulières la somme de 22 600$ n’est pas une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement. Dans la présente affaire, l’appelant soutient que la somme de 22 600$ a été versée en contrepartie à la renonciation à son droit à la réintégration au travail.

[14] Le Tribunal constate que l’entente négociée avec l’appelant indique que « la Municipalité versera, au bénéfice de l’Employé, une somme de 22 600$, selon les modalités fixées par l’Employé (GD3-22).

[15] Le Maire de la Municipalité indique que « c'est une somme d'entente pour ne plus que le client revienne au travail à la municipalité, ainsi qu'une prime de départ et de séparation » (GD3-25).

[16] Le Code municipal du Québec indique à l’article 267.0.4 que le tribunal administratif du travail peut ordonner à la municipalité de réintégrer le fonctionnaire ou employé (GD3-43).

[17] Malgré le fait que l’appelant ait indiqué qu’il s’agissait d’une indemnité de départ en reconnaissance de ses années de service (GD3-92), il a témoigné à l’audience que la question de son droit à la réintégration avait été discutée dès les négociations ayant mené à l’entente. Il ajoute qu’il avait demandé au procureur de la Municipalité d’indiquer qu’il renonçait à se droit dans l’entente, mais que celui-ci n’avait pas voulu, préférant utiliser des termes génériques. L’appelant a indiqué qu’il n’était pas représenté puisqu’il avait déjà vécu une situation similaire en 2009.

[18] Enfin, une déclaration assermentée de la part de l’avocat de la Municipalité atteste que l’appelant « avait le droit de demander sa réintégration en vertu de l’article 267.0.1 du Code municipal du Québec en exerçant un recours devant le tribunal administratif du travail ». De plus, l’avocat ajoute avoir mené la négociation au nom de la Municipalité et indique que celle-ci a accepté de verser « une indemnité pour le seul et unique motif que D. B. a renoncé à sa réintégration qu’il souhaitait dans son emploi » (GD2-9).

[19] La Commission indique reconnaître que « le droit du client à obtenir une réintégration dans son emploi existait en vertu de l’article 267.0.4 du Code municipal du Québec. Cependant, la preuve n’est pas concluante à l’effet que le client ait demandé sa réintégration ni que la somme qui lui a été versée vise explicitement à le compenser pour renoncer à son droit d’être réintégré.” En ce qui a trait à la déclaration assermentée de l’avocat, la Commission maintient que malgré cette déclaration assermentée de son avocat signée le 16 avril 2019, le prestataire a clairement mentionné, le 2 avril 2019 qu’il n’avait pas demandé la réintégration. De plus, l’avocat peut formuler les conditions de l’entente de n’importe quelle façon qui puisse avantager son client. Dans le cas présent, l’entente hors cour ne fait nullement mention que le droit à la renonciation existe, que D. B. a demandé à être réintégrée et que les sommes lui ont été accordées pour renoncer à ce droit. (GD4-7).

[20] Le Tribunal remarque que contrairement à la position de la Commission, la déclaration assermentée ne provient pas de l’avocat de l’appelant, mais bien de celui de l’employeur qui a participé à la négociation au nom de la Municipalité. Ainsi, cet avocat n’avait aucun avantage à utiliser un langage favorisant l’appelant, puisque ce dernier n’était pas son client. Par conséquent, selon le témoignage de l’appelant ainsi que la déclaration assermentée de l’avocat de l’employeur, le Tribunal est d’avis que le droit à la réintégration de l’appelant existait, que l’appelant a demandé à être réintégré et que la somme reçue a été versée en contrepartie de la renonciation à ce droit à la réintégration (Meechan).

[21] Dans ce contexte, le Tribunal estime que l’appelant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la somme de 22 600$ a été versée en contrepartie à la renonciation à son droit à la réintégration.

[22] Par conséquent, la somme de 22 600$ ne constitue pas une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement. Elle n’a donc pas à être répartie selon l’article 36 du Règlement.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

14 mai 2019

Téléconférence

D. B., appelant

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