Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. J’estime que le prestataire n’est pas admissible à des prestations durant la période de congé d’hiver parce que son contrat d’enseignement n’a pas pris fin, il n’exerçait pas son emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance, et il n’avait pas d’heures découlant d’un emploi autre que l’enseignement.

Aperçu

[2] Le prestataire a travaillé comme enseignant durant l’année scolaire de 2017-2018 et il a commencé un contrat d’enseignement occasionnel à long terme le 8 décembre 2017 pour remplacer une enseignante en congé. Le prestataire a fait une demande de prestations pour la période de congé d’hiver allant du 25 décembre 2017 au 5 janvier 2018. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que des prestations d’assurance-emploi (AE) ne pouvaient pas être versées au prestataire parce qu’il ne répondait pas aux conditions auxquelles doivent satisfaire les enseignantes et les enseignants qui souhaitent recevoir des prestations d’AE durant la période de congé.  L’appelant a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision initiale. L’appelant a donc fait appel au Tribunal.

Question en litige

Le prestataire est-il admissible à recevoir des prestations durant le congé d’hiver de l’année scolaire de 2017-2018?

Analyse

[3] Les enseignantes et les enseignants ne sont pas habituellement admissibles à recevoir des prestations d’AE durant les congés d’été, d’hiver et du printemps. L’objectif du régime d’assurance-emploi est de verser des prestations aux personnes qui sont « véritablement au chômage ». Puisque les enseignantes et les enseignants ne sont pas « véritablement au chômage » durant les congés scolaires, ils ne sont pas admissibles aux prestations (Oliver c Canada (Procureur général), 2003 CAF 98).

[4] Toutefois, dans certains cas, il est possible qu’une enseignante ou un enseignant soit véritablement au chômage durant les périodes de congé. Par conséquent, une enseignante ou un enseignant peut recevoir des prestations d’AE durant les congés scolaires si elle ou il satisfait à une des conditions énumérées à l’article 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) :

  1. son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
  2. son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. elle ou il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

Le prestataire est-il admissible à recevoir des prestations durant le congé d’hiver de l’année scolaire de 2017-2018?

[5] J’estime que l’appelant ne répond à aucune des exceptions énumérées dans le Règlement sur l’AE et qu’il n’est pas admissible à recevoir des prestations durant la période de congé d’hiver.

Son contrat dans l’enseignement a-t-il pris fin?

[6] Afin d’évaluer si le contrat dans l’enseignement du prestataire a pris fin, je dois vérifier s’il y a eu une réelle rupture du lien d’emploi entre l’appelant et son employeur, et si l’appelant était véritablement au chômage durant les congés d’hiver et du printemps (Stone c Canada (Procureur général), 2006 CAF 27).

[7] Le prestataire a reçu un relevé d’emploi (RE) qui précisait que son dernier jour payé était le 22 décembre 2017.  Toutefois, l’appelant avait commencé un contrat d’enseignement occasionnel à long terme le 8 décembre 2017, et le contrat n’a pas pris fin le 22 décembre 2017. L’appelant est plutôt retourné au même poste d’enseignant après le congé d’hiver. Bien que le prestataire ait affirmé à l’audience qu’il n’était pas certain s’il retournerait à son poste après le congé d’hiver, je note que le RE précisait que la date prévue de rappel du prestataire était le 8 janvier 2018.

[8] Le prestataire a affirmé qu’il remplaçait une enseignante qui était en congé. Il a expliqué que l’enseignante qu’il remplaçait aurait pu reprendre son poste et lui faire perdre son poste si elle revenait de son congé avant la fin de l’année scolaire. Le prestataire a affirmé que si l’enseignante était revenue, son contrat (ou sa charge) d’enseignant occasionnel à long terme aurait pris fin et il serait retourné sur appel comme enseignant suppléant. Il a dit qu’il ne s’attendait pas à retourner travailler à la fin du congé d’hiver, étant donné que l’enseignante qu’il remplaçait avait déjà pris un congé semblable et elle était revenue après 10 jours environ. Par conséquent, le prestataire a dit qu’il s’attendait à recevoir un appel lui disant qu’on n’aurait plus besoin de lui après le congé d’hiver. Le prestataire note aussi qu’il n’a reçu aucun salaire durant le congé d’hiver, et qu’il n’était pas couvert par le régime de prestations de son employeur à ce moment.

[9] Selon le témoignage du prestataire, je reconnais qu’il n’a pas reçu de salaire durant la période du congé d’hiver et qu’il n’était pas couvert par le régime de prestations de l’employeur. J’accepte aussi la preuve du prestataire selon laquelle l’enseignante aurait pu revenir au travail et lui faire perdre son poste. Bien que je reconnaisse ce risque, j’estime qu’à l’exception de cette possibilité, l’employeur (comme il est noté dans le RE) et le prestataire s’attendaient tous les deux à ce que le prestataire reprenne le même emploi d’enseignement après le congé d’hiver. Je note également que la preuve devant moi montre que l’ancienneté et la pension du prestataire le suivaient d’une période d’enseignement à l’autre.

[10] Puisque l’employeur et le prestataire avaient pris une entente pour que celui-ci occupe le même poste après le congé d’hiver, ce qu’il a fait, et que son ancienneté et sa pension le suivaient d’une période d’enseignement à une autre, je ne peux pas conclure qu’il était véritablement au chômage durant le congé d’hiver et qu’il y a vraiment eu une interruption d’emploi durant cette période. Par conséquent, j’estime que son contrat d’enseignement n’a pas pris fin.

Avait-il un emploi d’enseignant occasionnel ou suppléant?

[11] Pour évaluer si un emploi en enseignement était sur une base occasionnelle ou de suppléance, je dois examiner la nature de l’emploi plutôt que le statut de l’enseignante ou l’enseignant à la commission scolaire. Il faut donner aux termes « occasionnel » ou « suppléance » leur sens ordinaire et éviter de les interpréter de façon complexe ou philosophique (Canada (Procureur général) c Blanchet, 2007 CAF 377). Une enseignante ou un enseignant qui exerce son rôle de façon continue et prédéterminée n’est pas une enseignante ou un enseignant sur une base occasionnelle ou de suppléance (Dupuis-Johnson c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), A-511-95).

[12] Le prestataire enseignait dans une salle de classe au primaire et il remplaçait une enseignante qui était en congé. Il a expliqué qu’il avait accepté le poste contractuel (ou la charge) commençant le 8 décembre 2017 et pour le reste de l’année scolaire. Le prestataire a aussi noté que l’enseignante aurait pu revenir au travail et lui faire perdre son poste à n’importe quel moment. Le prestataire soutient que l’employeur a classé son poste comme un poste de suppléance, et que la preuve devant le Tribunal porte à croire qu’il était enseignant suppléant à ce moment.

[13] J’accepte la preuve du prestataire selon laquelle le fait que lui et son employeur considéraient son poste comme un poste d’enseignant suppléant pourrait être pertinent dans ce cas, même si cela ne permet pas de trancher la question de savoir s’il était embauché sur une base occasionnelle ou de suppléance. Dans des circonstances semblables, la Cour d’appel fédérale a soutenu ce qui suit dans l’arrêt Stephens c Canada (ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 477 :

le fait qu'un contrat d'enseignement ait été qualifié de [TRADUCTION] « contrat de suppléance » constitue un élément pertinent, mais pas nécessairement concluant. Il est théoriquement possible qu'un enseignant soit employé comme suppléant pendant des périodes qui surviennent à des intervalles suffisamment réguliers pour qu'on ne puisse pas affirmer qu'il s'agit d'un emploi « exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ». Toutefois, la simple existence d'un contrat d'enseignement à durée déterminée visant une période précise n'empêche pas nécessairement une personne de se prévaloir des dispositions de l'alinéa 33(2)b) pour la période en question.

[14] De plus, la Cour a aussi soutenu dans l’arrêt Blanchet c Canada (Procureur général), 2007 CAF 377, que l’article 33(2)(b) met l’accent sur l’exécution de l’emploi et non sur le statut de l’enseignante ou l’enseignant qui l’occupe. Blanchet note aussi qu’une enseignante ou un enseignant peut avoir un statut de suppléante ou de suppléant, mais que durant la période d’admissibilité, elle ou il peut accepter un contrat d’emploi régulier à temps plein ou à temps partiel. Dans ces cas, la Cour affirme que même si une personne conserve son statut de suppléante ou de suppléant au titre de la convention collective et du syndicat des enseignants, elle n’est pas suppléante ou suppléant pour les besoins de son emploi contractuel à temps partiel.  Par conséquent, la Cour a soutenu que dans un tel cas, l’enseignante ou l’enseignant ne répond pas aux conditions de l’exception au titre de l’article 33(2)(b).

[15] J’estime que ces décisions sont utiles compte tenu des circonstances de la présente affaire. Comme il a été noté précédemment, je reconnais que l’appelant risquait de perdre son poste si l’enseignante revenait au travail avant la fin de l’année scolaire. Toutefois, je note aussi que l’appelant a travaillé dans la même salle de classe du 8 décembre 2017 jusqu’à la fin de l’année scolaire. Étant donné qu’il avait obtenu un contrat, ou une charge, pour travailler dans la même salle de classe avec les mêmes élèves du 8 décembre 2017 jusqu’à la fin de l’année scolaire, j’estime que le prestataire s’attendait de manière générale à occuper le même rôle, dans la même salle de classe, avec les mêmes élèves chaque jour de l’année scolaire à partir du 8 décembre 2017. Je considère que cette attente d’emploi régulier signifie que l’emploi du prestataire n’était pas un emploi exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, mais plutôt sur une base continue et prédéterminée. Par conséquent, je juge que le poste d’enseignant que l’appelant a occupé durant l’année scolaire de 2017-2018 ne peut pas vraiment être considéré comme un emploi occasionnel ou de suppléance malgré le fait que l’employeur et le prestataire le qualifiaient ainsi.

Est-il admissible à recevoir des prestations en utilisant des heures provenant d’un emploi autre que l’enseignement?

[16] Le prestataire ne conteste pas le fait que la Commission a conclu qu’il n’avait pas d’heures d’un autre emploi que l’enseignement. Il n’a pas présenté de RE d’autres employeurs et il n’a pas affirmé avoir eu un autre emploi que l’enseignement. Par conséquent, j’estime que l’appelant n’était pas admissible à recevoir des prestations en utilisant des heures provenant d’un emploi autre que l’enseignement.

Le prestataire est-il admissible à des prestations durant le congé d’hiver de 2017-2018?

[17] J’ai conclu que le contrat d’enseignements de l’appelant n’a pas pris fin durant le congé d’hiver, que son emploi n’était pas sur une base occasionnelle ou de suppléance, et qu’il n’était pas admissible à recevoir des prestations en utilisant des heures provenant d’un autre emploi que l’enseignement.

[18] Je suis sensible aux circonstances du prestataire, surtout en ce qui concerne le fait qu’il n’a pas reçu de salaire durant le congé d’hiver, et qu’il a affirmé que ses collègues dans des circonstances semblables avaient reçu des prestations. Toutefois, je peux seulement prendre en considération les circonstances du prestataire et la façon dont elles se conforment au critère énoncé dans le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). Malheureusement, en appliquant les faits de cette affaire à la loi applicable, je conclus que l’appelant ne répond à aucune des exceptions établies dans le Règlement sur l’AE et qu’il n’est donc pas admissible à recevoir des prestations durant la période de congé d’hiver.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté. Je juge que le prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations durant la période de congé d’hiver étant donné que son contrat d’enseignement n’a pas pris fin, que son emploi n’était pas exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, et qu’il n’avait pas d’heures d’un autre emploi que l’enseignement.

 

Date de l’audience :

Le 14 mai 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

R. F., appelant

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