Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelante R. A., que j’appellerai la prestataire, a démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi le 10 novembre 2017. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] L’appelante travaillait comme apprentie cuisinière et lorsqu’elle a commencé sa deuxième année de formation d’apprentie, elle a dû se rendre dans une autre ville et trouver un hébergement temporaire. Pendant qu’elle suivait sa formation, la prestataire a commencé à faire du réseautage pour essayer de trouver un autre emploi dans la même ville que sa formation afin de ne pas avoir à déménager chaque année.

[3] Lorsqu’elle a terminé sa formation d’apprentie le 20 octobre 2017, la prestataire est retournée à son emploi chez X, situé dans la ville où elle vivait de façon permanente. Quelques semaines plus tard, pendant qu’elle était en congé, la prestataire est retournée en ville et après avoir rencontré le chef de cuisine de X, elle a cru qu’elle s’était trouvé un autre emploi. La prestataire est retournée chez elle et a donné son préavis à X avant de déménager en ville. La prestataire affirme que lorsqu’elle est arrivée en ville, elle a communiqué de nouveau avec X, et comme ils ne la rappelaient pas et qu’ils ne lui avaient pas fourni sa date de début, elle a commencé à chercher un autre emploi. Treize jours après avoir quitté son emploi chez X et déménagé en ville, la prestataire a trouvé un emploi dans un autre restaurant. Quatre mois plus tard, la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période pendant laquelle elle a fait sa troisième année de formation d’apprentie.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a effectué une révision et a jugé que la prestataire avait volontairement quitté son emploi chez X sans justification. Elle a aussi conclu que la prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières qu’elle avait reçues durant sa troisième année de formation d’apprentie. De plus, la Commission a jugé que la prestataire n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable depuis qu’elle avait quitté X pour établir une nouvelle période de prestations.

[5] La Commission a maintenu sa décision après révision. La prestataire a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale en soutenant qu’elle avait quitté son emploi chez X pour vivre et travailler en ville afin de pouvoir suivre une formation et faire avancer sa carrière.

[6] L’appel de la prestataire a initialement été instruit par la division générale du Tribunal le 19 novembre 2018 sous forme de questions et réponses écrites. Une décision a été rendue le 19 novembre 2018 et l’appelante en a fait appel à la division d’appel en affirmant qu’elle n’avait pas reçu les questions du membre du Tribunal. La division d’appel a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la division générale afin qu’elle soit entendue de nouveau.

Questions en litige

[7] La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi chez X?

[8] Dans l’affirmative, quelles sont les circonstances qui ont amené la prestataire à quitter cet emploi?

[9] La prestataire a-t-elle exploré toutes les autres solutions raisonnables avant de quitter cet emploi?

Analyse

[10] Il incombe à la Commission de démontrer que la prestataire a volontairement quitté son emploi. Ensuite, la prestataire doit démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 1.

a) Départ volontaire

[11] La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a choisi de quitter volontairement son emploi chez X à compter du 10 novembre 2017. Par conséquent, j’estime que la Commission s’est acquittée de son fardeau.

b) Motif valable

[12] Pour décider si la prestataire avait un motif valable pour quitter volontairement son emploi, je dois prendre en considération toutes les circonstances et vérifier si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 2.

i) Toutes les circonstances

[13] Une liste non exhaustive des circonstances précises qu’il faut prendre en considération au moment d’évaluer s’il y avait un motif valable se trouve à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et comprend l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatNote de bas de page 3. La simple existence d’une des circonstances énumérées ne prouve pas automatiquement que la prestataire était fondée à quitter son emploi, car elle doit quand même prouver qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[14] Pour décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi, les circonstances qui doivent être prises en considération sont celles qui existaient au moment où la prestataire a démissionné de son emploiNote de bas de page 4.

[15] Lorsqu’une partie prestataire soutient qu’elle a quitté son emploi pour aller travailler ailleurs et qu’elle a seulement reçu une offre d’emploi conditionnelle, je dois considérer que le critère de l’assurance raisonnable d’un autre emploi n’est pas satisfaitNote de bas de page 5.

[16] Dans le cas présent, j’ai jugé que le témoignage de la prestataire, selon lequel elle croyait avoir trouvé un autre emploi chez X avant de quitter son emploi chez X, était crédible étant donné qu’il était cohérent et plausible. La prestataire m’a dit que lorsqu’elle avait donné son préavis avant de quitter son emploi chez X, elle croyait qu’elle aurait un emploi chez « X », un restaurant en ville où plusieurs des autres étudiantes et étudiants avaient travaillé.

[17] La prestataire a fourni un témoignage détaillé sur le fait qu’avant de quitter son emploi chez X, elle était allée en ville pour rencontrer le chef de cuisine chez X. Elle a affirmé, entre autres, qu’elle avait parlé avec le chef de cuisine pendant un certain temps, qu’il lui avait demandé son curriculum vitae et qu’il lui avait dit [traduction] « j’aimerais beaucoup t’embaucher » et « appelle-nous quand tu seras déménagée », et qu’elle avait alors cru qu’on lui offrait un emploi.

[18] La prestataire a affirmé avoir essayé de joindre X aussitôt qu’elle est arrivée en ville. Comme ils ne l’ont pas rappelée, elle a cherché du travail ailleurs et a obtenu un emploi 13 jours après avoir quitté son emploi chez X.

[19] Le représentant de la prestataire a soutenu que les employeurs ne font pas d’offres d’emploi formelles au niveau d’emploi des apprentis cuisiniers de deuxième année. Je considère cet argument plausible compte tenu des circonstances présentées. J’accepte aussi l’argument du représentant selon lequel les salaires ne sont pas habituellement négociés à ce niveau d’emploi, parce que les employeurs offrent seulement le salaire minimum.

[20] De plus, j’accepte l’affirmation du représentant voulant que la prestataire n’avait aucune intention malveillante lorsqu’elle a omis d’inscrire dans sa demande du 1er mai 2018 que son emploi chez X avait pris fin. Elle croyait plutôt qu’elle n’avait pas besoin de mentionner de nouveau son emploi chez X puisqu’elle l’avait fait dans sa demande initiale.

[21] Je n’accepte pas l’argument du représentant selon lequel les options dans la section « Autres employeurs » de la demande de la prestataire ne s’appliquaient pas à sa situation. Cela est dû au fait que la prestataire admet volontiers avoir démissionné de cet emploi le 10 novembre 2017 pour déménager en ville, et [traduction] « vous avez quitté volontairement » est la première réponse que l’on peut sélectionner à la question [traduction] « Depuis votre dernière demande de prestations, avez-vous travaillé pour un autre employeur et cessé de travailler pour l’une des raisons suivantes? » Cela dit, j’accepte que la prestataire pensait peut-être que X ne serait pas considéré comme un « autre employeur » et qu’elle croyait réellement qu’elle aurait un emploi chez X avant de quitter X et de déménager en ville.

[22] Selon la preuve susmentionnée, j’estime que la prestataire a prouvé qu’elle avait l’assurance « raisonnable » d’un autre emploi chez X lorsqu’elle a quitté son emploi chez X. De plus, je ne suis pas convaincue que la prestataire était irresponsable au point de quitter son emploi pour déménager dans une autre ville sans avoir une certaine assurance d’un autre emploi, car lorsque cette occasion d’emploi ne s’est pas concrétisée, elle a trouvé un autre emploi chez X en 13 jours, et elle n’a pas demandé de prestations durant cette période.

ii) Autre solution raisonnable

[23] Après avoir examiné toutes les circonstances de cette affaire, je juge que la prestataire a démontré qu’au moment où elle a quitté volontairement son emploi, elle a épuisé toutes les autres solutions raisonnables en se trouvant un autre emploi d’une façon qui est courante dans son domaine. Même si la prestataire s’est trompée en supposant qu’elle avait obtenu un emploi chez X, on ne peut pas la pénaliser pour s’être trompée « de bonne foiNote de bas de page 6 ».

[24] De plus, j’accepte que lorsque la prestataire s’est rendu compte que son emploi chez X ne se concrétiserait pas, elle a pris toutes les mesures raisonnables et trouvé un emploi chez X 13 jours après avoir quitté son emploi chez X, comme le démontre le relevé d’emploi déposé en preuve. La prestataire n’a pas demandé de prestations d’assurance-emploi durant cette période de 13 jours. Elle a plutôt attendu près de quatre mois avant de présenter une demande de prestations durant la période où elle a fait sa troisième année de formation d’apprentie.

[25] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve devant moi, je conclus que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi chez X le 10 novembre 2017. Ainsi, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 7.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

Dates de l’audience :

Le 24 avril 2019 et le 14 mai 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

Le 24 avril 2019

R. A., appelante (prestataire)

D. A., représentant de l’appelante

Le 14 mai 2019

R. A., appelante (prestataire)

D. A., représentant de l’appelante

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