Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi et elle est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (prestations d’AE).

Aperçu

[2] L’appelante a établi une demande de prestations d’AE prenant effet le 2 décembre 2018. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a imposé une exclusion du bénéfice des prestations à l’égard de sa demande après avoir conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi chez X le 30 novembre 2018, sans justification. L’appelante a fait valoir que son contrat de travail prenait fin le 31 décembre 2018, mais qu’elle avait décidé de quitter son emploi un mois plus tôt parce qu’elle était harcelée au travail par une personne, soit la directrice du marketing. La Commission a maintenu l’exclusion à l’égard de la demande de l’appelante, et cette dernière a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

Questions préliminaires

[3] L’appelante était accompagnée à l’audience par J. R., qui a indiqué qu’il était un ami personnel de l’appelante et qu’il aiderait cette dernière à présenter sa preuve et ses observations.

Questions en litige

[4] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations d’AE parce qu’elle a quitté volontairement son emploi chez X le 30 novembre 2018, sans justification?

[5] L’appelante peut-elle établir une demande de prestations d’AE prenant effet à la date à laquelle son contrat de travail aurait pris fin si elle n’avait pas démissionné plus tôt, soit le 31 décembre 2018?

Analyse

[6] Le prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclu du bénéfice des prestations d’AE à moins qu’il ne puisse établir qu’il était « fondé » à quitter son emploi : article 30 Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas (White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imram,2008 CAF 17, Astronomo, A-141-97, Tanguay, A-1458-84).

[7] Le fardeau de la preuve initial incombe à la Commission, qui doit démontrer que l’appelante a quitté son emploi volontairement; une fois qu’il a été satisfait à cette charge initiale, le fardeau de la preuve passe à l’appelante, à qui il incombe de démontrer qu’elle était « fondée » à quitter son emploi (White, supra; Patel, A-274-09).

[8] Selon le contrat de travail initial de l’appelante, son dernier jour de travail chez X devait être le 21 novembre 2018 (GD3-27).

[9] Deux jours avant l’expiration du contrat de travail de l’appelante, le 19 novembre 2018, X a offert de prolonger son emploi de cinq semaines, jusqu’au 31 décembre 2018 (GD3-31). L’appelante a accepté la prolongation du contrat le même jour, prolongeant ainsi son emploi jusqu’au 31 décembre 2018 au lieu de se mettre en situation de chômage à compter du 21 novembre 2018.

[10] Le 22 novembre 2018, soit pendant la période de prolongation du contrat, mais avant son expiration, l’appelante a donné avis à X que son dernier jour de travail serait le 30 novembre 2018 – et non le 31 décembre 2018 (GD3-32). Pour cette raison, la Commission considère sa cessation d’emploi comme étant le résultat d’une démission plutôt que d’un manque de travail ou de la fin d’un contrat. Le Tribunal est d’accord et conclut que l’appelante a quitté volontairement son emploi avant l’expiration de la durée de celui-ci aux termes de la prolongation du contrat. L’appelante a pris l’initiative de mettre fin à sa relation d’emploi avec X lorsqu’elle a avisé l’employeur que son dernier jour de travail serait le 30 novembre 2018 au lieu du 31 décembre 2018. L’appelante ne le conteste pas, ayant informé la Commission qu’elle avait conclu avec X un contrat fixe qui prenait fin le 31 décembre 2018, mais qu’elle avait donné avis de son départ le 30 novembre 2018 parce qu’elle avait été harcelée par une supérieure (voir Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations à GD3-19).

[11] La charge de la preuve passe alors à l’appelante, à qui il incombe de prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[12] Le Tribunal doit prendre en considération le critère énoncé aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE et les circonstances mentionnées à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE, puis déterminer si ces circonstances étaient présentes à la date à laquelle l’appelante a quitté son emploi. Ces circonstances doivent être évaluées, selon Lamonde A-566-04, à la date à laquelle l’appelante a quitté son emploi : le 30 novembre 2018. La situation de l’appelante ne doit pas nécessairement correspondre exactement à l’un des facteurs énumérés à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE pour que l’on conclue qu’elle était fondée à quitter son emploi. Le critère à appliquer est la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées aux sous-alinéas 29c)(i) à (xiv) de la Loi sur l’AE, le départ de l’appelante constitue la seule solution raisonnable dans son cas, (voir Canada (Procureur général) c Landry, (1993) 2 C.C.E.I.).(2d) 92 (CAF)).

[13] L’appelante a fait valoir qu’elle était fondée à quitter son emploi le 30 novembre 2018 parce qu’elle était victime de harcèlement au travail et en raison de la nécessité de prendre soin de son enfant, qui avait besoin de soins médicaux et avait une série de rendez-vous chez le médecin en décembre 2018.

Première question en litige : L’appelante était-elle fondée à quitter son emploi parce qu’elle était victime de harcèlement au travail?

[14] Le Tribunal s’est demandé si le harcèlement dont l’appelante alléguait avoir été victime au travail était un harcèlement « de nature ... autre » au sens du sous-alinéa 29c)(i) de la Loi sur l’AE, qui prévoit que le prestataire est fondé à quitter son emploi s’il y a « harcèlement, de nature sexuelle ou autre », et que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[15] Le « harcèlement » invoqué doit rendre le milieu de travail véritablement intolérable et, même si la preuve du harcèlement a été faite, il peut exister une obligation de faire tous les efforts raisonnables pour corriger la situation avant de démissionner (CUB 7619). L’examen de la jurisprudence dans laquelle les juges-arbitres ont conclu que l’employé était fondé à quitter son emploi en raison d’un harcèlement au sens du sous-alinéa 29c)(i) de la Loi sur l’AE envisage de nombreux incidents et (ou) un modèle de comportement couvrant une certaine période (CUB 55611, 56604, 57338).

[16] Le Tribunal conclut qu’en ce qui concerne l’appelante, de telles circonstances n’existaient pas.

[17] Il a examiné le témoignage de l’appelante au sujet du harcèlement dont elle a été victime au travail, à savoir :

  1. Dans ses déclarations initiales à la Commission (GD3-19)
    • « L. », la X chez X, se présentait au bureau de l’appelante et [traduction] « la dérangeait au sujet de son travail » et lui demandait pourquoi certaines choses n’avaient pas été faites. L. n’était pas la patronne de l’appelante, mais elle la dérangeait continuellement.
    • La patronne de l’appelante était une amie de L., de sorte que l’appelante ne voulait pas se plaindre à elle. 
    • L’appelante savait que son contrat prenait fin bientôt, de sorte qu’elle a décidé qu’elle n’avait plus à supporter la situation et a donné sa démission, devant prendre effet le 30 novembre 2018.
    • Elle n’a pas demandé de mutation ni commencé à chercher un autre emploi, ni communiqué avec le service des ressources humaines (RH) de l’employeur. Elle a simplement décidé de partir.
    • Lors de sa dernière journée de travail le 30 novembre 2018, l’appelante a parlé à un représentant des RH et lui a expliqué la situation. Le représentant des RH a dit que le service ferait le suivi, mais l’appelante ne sait pas s’il l’a fait parce qu’elle a quitté son emploi ce jour-là.
  2. Dans sa demande de réexamen (GD3-22 à GD3-24)
    • Le contrat de travail initial de 12 mois de l’appelante devait prendre fin le 21 novembre 2018 (GD3-27). L’appelante voulait rester chez X jusqu’au 31 décembre 2018 – ce qui constituait une prolongation de contrat – mais elle a quitté tôt [traduction] « parce qu’elle était harcelée par une femme faisant partie de la haute direction » (GD3-24). Cela s’est poursuivi pendant quatre ou cinq semaines, pendant lesquelles l’appelante a estimé qu’il serait plus facile de rester [traduction] « uniquement pour remplir mes obligations contractuelles » (GD3-24).
  3. Pendant l’entrevue à l’appui de sa demande de réexamen (GD3-43 à GD3-44)
    • Les incidents liés au harcèlement sont notamment des courriels condescendants de la directrice du marketing, qui a envoyé un courriel à la haute direction et donné des instructions ridicules pour l’appelante.

[18] Au cours du processus de réexamen, l’employeur a indiqué que, le 19 novembre 2018, le contrat de l’appelante a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018 (GD3-31). Or, peu après cette date, soit le 22 novembre 2018, l’appelante a dit à l’employeur qu’elle avait [traduction] « d’autres obligations » et qu’elle avait décidé que son dernier jour de travail serait le 30 novembre 2018 (GD3-32).

[19] L’employeur a également informé la Commission de ce qui suit (GD3-29 à GD3-30) :

  • X avait en place une politique régissant le harcèlement en milieu de travail (une copie de la politique a été fournie et se trouve aux pièces GD3-33 à GD3-42).
  • L’appelante n’a informé l’employeur qu’elle était victime de harcèlement au travail qu’après avoir remis sa démission, à savoir lors de son entrevue de départ.
  • Si l’appelante avait l’impression d’être dérangée par la haute direction, elle aurait dû le signaler aux RH, qui auraient examiné la situation avant sa démission. Le processus suivi aurait été le suivant : les RH auraient discuté avec les parties en cause, et la structure hiérarchique ainsi que la façon dont on s’adressait à l’appelante auraient été modifiées. L’enquête de l’employeur aurait commencé immédiatement.

[20] Dans son avis d’appel, l’appelante a indiqué qu’elle avait initialement accepté la prolongation du contrat jusqu’au 31 décembre 2018, mais que dans les jours qui ont suivi, elle avait informé l’employeur [traduction] « que cela ne convenait pas » à sa situation. L’appelante a écrit ceci :

[Traduction] « En raison de l’attitude d’un membre de la haute direction, j’ai décidé que je devais entreprendre ma recherche d’emploi immédiatement. » (GD2-3)

[21] À l’audience, l’appelante a témoigné au sujet du harcèlement dans les termes suivants :

  • J’avais un problème avec [traduction] « une dame de la haute direction » nommée L., qui était X.
  • L. n’était pas la superviseure directe de l’appelante.
  • L’appelante a [traduction] « participé à une conversation » avec sa patronne, [traduction] « J.», à laquelle L. était également présente. Cette conversation [traduction] « a comporté un peu trop d’information » sur la [traduction] « vie personnelle » de J. et L.
  • Peu de temps après, [traduction] « L. s’est transformée », elle est devenue [traduction] « une autre personne » et a affiché une [traduction] « attitude agressive » envers l’appelante.
  • L. [traduction] « entrait simplement dans le bureau et faisait tout » et [traduction] « m’a rendu la vie misérable pendant environ les cinq dernières semaines avant mon départ ».
  • L. a rendu la vie misérable à l’appelante [traduction] « simplement en se présentant à l’établissement de Guelph » et en critiquant l’appelante au sujet de son travail, notamment lorsqu’elle s’est présentée et a voulu savoir si l’appelante s’était occupée des nouveaux contrats pour un immeuble qui allait ouvrir. L’appelante s’en occupait et elle n’a pas apprécié les questions de L.
  • L’appelante a également reçu des courriels condescendants de L.
  • À un moment donné, L. s’est présentée au bureau de l’appelante [traduction] « et elle a demandé qu’on m’envoie une copie de ma description de travail », puis elle [traduction] « s’est assise à côté de moi et m’a dit de la lire ». L’appelante savait très bien ce que comportait son travail, puisqu’elle y était depuis près d’un an à ce moment-là, et elle n’a pas apprécié ce geste.

[22] Le Tribunal conclut que les descriptions que l’appelante a faites du comportement de L. sont davantage de la nature de communications désagréables ou légèrement conflictuelles liées au travail que de celle d’un harcèlement. Bien que cela ait été contrariant pour l’appelante, le fait d’avoir été traitée avec grossièreté et de ne pas avoir été appréciée pour son travail ne fait pas en sorte que le comportement de L. était du harcèlement. C’est particulièrement le cas du fait que L. n’était pas la superviseure de l’appelante et qu’elles ne travaillaient pas au même endroit, qu’il n’y a eu aucun avertissement au sujet du rendement de l’appelante au travail, et que les interactions de cette dernière avec L. prendraient fin bientôt, soit à la date d’expiration de la prolongation du contrat, le 31 décembre 2018.

[23] Le Tribunal conclut en outre que la situation au 30 novembre 2018 n’était pas à ce point intolérable que l’appelante n’aurait pu continuer de travailler jusqu’à la fin de la prolongation du contrat. Rien de ce que l'appelante a décrit n'était à ce point horrible qu'elle n'aurait pu rester jusqu’à la fin de la prolongation du contrat. Le Tribunal conclut également qu’il n’y a aucune preuve d’un modèle de comportement démontrant qu’au fil du temps, L. a rabaissé ou intimidé l’appelante, ou encore d’un conflit personnel ou d’une agression s’intensifiant. L’appelante a elle-même admis que le conflit personnel en question durait depuis environ cinq semaines lorsqu’elle a accepté la prolongation du contrat. Elle a également témoigné que, n’eut été une série de rendez-vous médicaux prévus pour son fils en décembre 2018, elle [traduction] « aurait probablement » continué d’occuper son emploi chez X jusqu’à la fin de la prolongation du contrat le 31 décembre 2018 (voir le paragraphe 29 ci-dessous).

[24] La situation en ce qui concerne L. était telle que l’appelante a dû faire appel à sa propre superviseure immédiate et tenter de désamorcer et de résoudre tout conflit personnel avant de simplement renoncer à une autre période de cinq semaines d’emploi à temps plein. C’est particulièrement le cas étant donné que l’employeur avait une politique sur le harcèlement en milieu de travail et un service des ressources humaines. Le Tribunal accorde beaucoup de poids au témoignage du représentant des ressources humaines de l’employeur selon lequel une enquête aurait débuté immédiatement et de simples changements auraient été mis en œuvre en conséquence (voir GD3-29 à GD3-30).

[25] Le Tribunal conclut que, plutôt que de quitter son emploi le 30 novembre 2018, l’appelante aurait pu raisonnablement continuer de travailler chez X jusqu’au 31 décembre 2018, date à laquelle sa prolongation de contrat devait expirer. L’appelante aurait pu aussi raisonnablement communiquer avec le service des ressources humaines et avoir une discussion approfondie sur la situation concernant L. et sur la façon dont elle se sentait, et permettre au service des ressources humaines de résoudre tout malentendu et préciser qui était chargé de superviser l’appelante et de lui parler de son travail. L’appelante n'a pris aucune de ces mesures raisonnables.

[26] Le Tribunal conclut donc que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que le conflit personnel qu’elle a vécu était un « harcèlement, de nature ... autre » au sens du sous-alinéa 29c)(i) de la Loi sur l’AE, de sorte que son départ le 30 novembre 2018 constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi chez X le 30 novembre 2018 en raison d’un harcèlement dont elle était victime au travail.

Deuxième question en litige : L’appelante était-elle fondée à quitter son emploi en raison de la nécessité de prendre soin d’un enfant?

[27] Le Tribunal s’est ensuite demandé s’il y avait pour l’appelante une nécessité de prendre soin de son fils adulte au sens du sous-alinéa 29c)(v) de la Loi sur l’AE, qui prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter son emploi s’il y a « une nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent » et que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante a soulevé ce moyen lors de l’audition de son appel.

[28] Elle n’a pas soulevé la situation de son fils auprès de la Commission, que ce soit lors de son premier contact avec elle ou lors du processus de réexamen. Lors de son entrevue à l’appui de sa demande de réexamen, l’appelante a mentionné le fait d’avoir été harcelée par la directrice du marketing comme étant la raison pour laquelle elle avait quitté son emploi le 30 novembre 2018, mais elle n’a fourni aucun renseignement sur les rendez-vous médicaux de son fils (GD3-43 à GD3-44). Lorsque l’agent de la Commission lui a demandé si d’autres facteurs l’avaient amenée à quitter son emploi, l’appelante a répondu qu’elle ne pouvait penser à aucun (voir GD3-44).

[29] L’appelante et J. R. ont témoigné ce qui suit à l’audience au sujet de la nécessité de prendre soin de son fils :

  • En août 2018, son fils [traduction] « a éprouvé des problèmes de santé mentale » et il était [traduction] « trop déprimé » pour retourner à l’université pour entreprendre sa troisième année d’études.
  • L’appelante et son ex-mari ont dû [traduction] « prendre d’autres dispositions », communiquer avec des médecins et amener leur fils à des rendez-vous médicaux à l’hôpital St. Joseph de Hamilton.
  • L’appelante habite à Brantford et il lui faut 45 minutes pour se rendre en voiture à Hamilton.
  • Entre août et décembre 2018, il s’est écoulé un certain délai avant que son fils puisse [traduction] « rencontrer son médecin généraliste à Hamilton », qui a alors dû prendre des dispositions pour le diriger vers une clinique de l’hôpital St. Joseph de Hamilton. Puis, il y a eu quelques « entrevues d’admission » initiales en novembre avec « l’équipe » de quatre praticiens (le psychiatre, le psychologue et deux infirmières cliniciennes) à l’hôpital St. Joseph. Après les réunions d’équipe tenues en novembre, [traduction] « une batterie complète de tests divers » (un ECG, des tests cognitifs, une IRM et autres) a été prévue pour son fils en décembre 2018.
  • Plusieurs rendez-vous ont été fixés pour son fils en décembre 2018, parfois à raison de deux par semaine, soit les lundis et jeudis.
  • Lorsque X lui a offert la prolongation du contrat jusqu’au 31 décembre 2018, l’appelante a accepté.
  • Or, quelques jours plus tard, après y avoir réfléchi, elle a décidé que ce serait mieux si elle quittait simplement son emploi. Son fils avait ces rendez-vous médicaux à Hamilton en décembre et elle n’avait aucun moyen de faire en sorte qu’il s’y rende à moins qu’elle ne l’y conduise.
  • L’appelante a dit ceci : [Traduction] « On m’a seulement demandé verbalement de rester jusqu’au 31 décembre, et je l’aurais probablement fait si je n’avais pas eu tous ces rendez-vous avec mon fils. » 
  • Elle ne voulait pas que l’employeur soit au courant de sa « situation personnelle » et n’a donc jamais parlé de son fils à X.
  • Elle croyait également que son « obligation juridique » aux termes de son contrat de travail avec X avait pris fin le 21 novembre 2018 – conformément à l’offre d’emploi écrite qu’elle avait reçue de l’employeur. Le fait qu’elle soit restée jusqu’au 30 novembre 2018 lorsqu’on lui a demandé « verbalement » de prolonger son emploi jusqu’à la fin de l’année n’a pas changé sa conviction qu’elle avait déjà rempli ses obligations contractuelles. C’est pourquoi elle n’a expliqué à personne chez X les raisons pour lesquelles elle avait quitté son emploi avant le 31 décembre 2018.
  • Elle n’a pas envisagé de demander à l’employeur un congé pour amener son fils à ses rendez-vous à venir parce que [traduction] « c’était un peu personnel ». Elle savait que son emploi chez X prenait fin bientôt [traduction] « de toute façon » et elle ne voulait pas [traduction] « divulguer » sa situation personnelle concernant la santé mentale de son fils.
  • Elle n’a jamais non plus parlé de son fils à la Commission parce qu’elle n’avait jamais eu auparavant dans sa famille des problèmes de santé mentale. C’était [traduction] « tout nouveau » pour elle, elle essayait elle-même de s’habituer à cette idée, et elle [traduction] « ne voulait pas emprunter cette voie et expliquer que c’était la véritable raison sous-jacente pour laquelle je ne suis pas restée au cours de ces dernières semaines ».
  • Son fils n’était pas « légalement » un enfant, puisqu’il avait 21 ou 22 ans, mais il est un proche parent de l’appelante. Il vivait avec elle à temps plein et continue de le faire.

[30] Comme l’appelante n’a pas soulevé la situation concernant son fils avant l’audition de son appel, la Commission n’a pas été en mesure d’examiner cette préoccupation avec l’employeur ou de l’aborder comme motif de départ volontaire dans sa réponse à l’appel de l’appelante (GD4). À la fin de l’audience, le Tribunal a demandé à l’appelante de fournir une déclaration écrite énonçant tous les détails des raisons pour lesquelles elle a dû quitter son emploi le 30 novembre 2018 du fait de la nécessité de prendre soin de son fils. L’appelante a accepté de le faire et a fourni la lettre sous la cote GD6.

[31] Dans sa lettre, l’appelante a déclaré qu’elle [traduction] « se sentait obligée de veiller » à ce que son fils se présente à ses rendez-vous médicaux en décembre, car ils étaient [traduction] « extrêmement importants » (GD6-2). Elle a ajouté qu’elle n’avait d’autre choix que de le conduire à ces rendez-vous, car personne d’autre n’était disponible pour le faire. L’appelante a également déclaré que l’appelante [sic] devait passer un ECG le 26 novembre 2018, et avait ensuite quatre rendez-vous médicaux en décembre 2018 :

  • (Lundi) 3 décembre 2018 de 10 h à 11 h 30
  • (Jeudi) 6 décembre 2018 à 16 h 45
  • (Mardi) 11 décembre 2018, de 10 h à 11 h 30
  • (Jeudi) 13 décembre 2018, de 10 h à 12 h 15

[32] L’appelante a fait valoir que, même si la Commission soutient qu’elle aurait dû conserver son emploi jusqu’au 31 décembre 2018, [traduction] « la perspective change immédiatement » en tant que parent lorsque le problème concerne la santé d’un enfant (GD6-3).

[33] Les observations de la Commission en réponse à la lettre de l’appelante se trouvent sous la cote GD8.

[34] L’appelante a déposé une autre lettre sous la cote GD9 en réponse aux observations de la Commission. Dans cette lettre, l’appelante a expliqué que sa semaine de travail chez X allait du mardi au samedi et qu’elle avait fixé des rendez-vous personnels les lundis pour éviter de prendre congé. Elle a également déclaré que lorsque l’équipe médicale lui a dit qu’un certain nombre de rendez-vous seraient fixés en décembre, elle n’en connaissait pas le nombre exact. L’appelante a dit ceci :

[Traduction] « Je me suis sentie obligée de veiller à ce qu’aucun de ces rendez-vous ne soit manqué, car cela pourrait nuire à l’approche systématique de l’équipe. » (GD9-2).

[35] Un parent sera fondé à quitter son emploi pour s’occuper d’un enfant s’il prouve que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Il incombe à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ de chez X le 30 novembre 2018 pour s’acquitter de ses responsabilités parentales et prendre soin de son enfant, constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Yeo, 2011 CAF 26).

[36] Le Tribunal conclut que l’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

[37] Le Tribunal compatit avec l’appelante, qui s’inquiétait au sujet de la santé mentale de son fils. Il comprend également le désir légitime de l’appelante de s’assurer que ce dernier se présente aux rendez-vous médicaux qui étaient prévus pour lui en décembre 2018. Bien qu’elle n’ait pas besoin d’être responsable des soins de son fils à temps plein pour démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi, l’appelante doit cependant prouver que son aide continue en ce qui concerne les soins personnels prodigués à son fils était nécessaire au point où elle ne pouvait pas accomplir son travail en même temps. Le Tribunal n’a été saisi d’aucune preuve selon laquelle l’appelante était tenue de fournir des soins personnels continus à son fils adulte, au point où elle ne pouvait pas continuer à travailler jusqu’au 31 décembre 2018.

[38] En fait, la preuve indique que l’appelante a pris la décision personnelle de quitter son emploi un mois plus tôt afin d’être facilement disponible pour conduire son fils à ses rendez-vous médicaux.

[39] La décision de quitter un emploi pour des raisons strictement personnelles, comme le désir d’aider un proche parent qui éprouve des problèmes de santé (comme l’a décrit l’appelante), peut bien être une bonne raison de quitter l’emploi. Toutefois, le fait d’avoir une bonne raison n’équivaut pas à être « fondé » à quitter un emploi (Laughland, 203 CAF 129), et il est possible qu’un prestataire ait une bonne raison de quitter son emploi sans être « fondé » à le faire au sens de l’article 29 de la Loi sur l’AE (Vairumuthu, 2009 CAF 277). En outre, le fait pour un prestataire de quitter son emploi pour améliorer sa situation personnelle – qu’il s’agisse de la nature du travail, de l’horaire de travail, de la rémunération ou d’autres facteurs liés au style de vie – ne signifie pas qu’il est fondé à le faire au sens de la Loi sur l’AE (Langevin, 2011 CAF 163; Astronomo, précité, Tremblay, A-50-94; Martel, A-169-92; Graham, 2011 CAF 311; Lapointe, 2009 CAF 147; Langlois, 2008 CAF 18).

[40] Le Tribunal conclut que l’appelante a quitté son emploi chez X le 30 novembre 2018 par suite d’une décision personnelle qu’elle a prise afin d’être facilement disponible pour amener son fils à ses rendez-vous médicaux. Le Tribunal admet que l’appelante avait de bonnes raisons de vouloir le faire. Toutefois, il s’agit là de raisons strictement personnelles qui ne font pas en sorte que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi au sens de l’article 29 de la Loi sur l’AE.

[41] Le Tribunal conclut en outre que le départ de l’appelante ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas, c’est-à-dire qu’elle aurait pu parler à l’employeur pour organiser son horaire de travail afin qu’elle puisse amener son fils à ses rendez-vous à mesure qu’ils se présentaient. Compte tenu de l’excellent dossier d’assiduité de l’appelante pendant son emploi chez X (seulement deux jours de congé dans une année de travail à X – GD9-2) et du fait que, de son propre aveu, elle ne savait même pas combien de journées de congé elle devrait prendre avant que les rendez-vous ne commencent réellement, il est raisonnable de penser qu’elle aurait pu continuer à travailler et demander des congés au besoin. C’est particulièrement le cas étant donné que le rendez-vous de la première semaine est tombé un lundi, c’est-à-dire un jour où l’appelante avait congé de toute façon, et que le rendez-vous de la deuxième semaine était prévu à 16 h 45, ce qui n’aurait pas nécessité une journée de congé complète. De plus, bien que l’appelante ait pu vouloir protéger la vie privée de sa famille, il n’aurait pas été nécessaire qu’elle fournisse des détails personnels sur la situation de son fils pour demander un congé à son employeur.

[42] L'appelante ne s'est pas prévalue de cette solution raisonnable.

[43] Le Tribunal conclut donc qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver qu’il était nécessaire qu’elle prenne soin de son fils au sens du sous-alinéa 29c)(v) de la Loi sur l’AE, de sorte que son départ le 30 novembre 2018 constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi chez X le 30 novembre 2018 – avant l’expiration de la prolongation de son contrat – en raison de la nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent.

Troisième question en litige : L’appelante peut-elle toucher des prestations d’assurance-emploi à compter du 31 décembre 2018, date à laquelle son contrat de travail aurait pris fin si elle ne l’avait pas quitté plus tôt?

[44] Aux termes de la prolongation du contrat à laquelle l’appelante a acquiescé, son dernier jour de travail chez X devait être le 31 décembre 2018.

[45] Elle n’a pas travaillé jusqu’au 31 décembre 2018. Elle a quitté son emploi après sa dernière journée de travail le 30 novembre 2018, soit quatre (4) semaines avant l’expiration de la prolongation de son contrat.

[46] L’appelante soutient que son départ de chez X était [traduction] « inévitable » et que la prolongation de contrat qu’on lui avait offerte visait à servir [traduction] « les fins [de l’employeur] » et non les siennes. Elle a continué de travailler pendant quelques semaines au-delà de ce que son contrat initial exigeait, mais elle a changé d’idée quant à son maintien en poste jusqu’au 31 décembre 2018. L’appelante est âgée de 58 ans; elle a deux enfants à la maison et un père âgé. Elle devrait toucher des prestations d’AE à compter du 31 décembre 2018 parce que son emploi prenait fin le 31 décembre 2018 de toute façon.

[47] N’ayant pas prouvé que son départ le 30 novembre 2018 constituait la seule solution raisonnable dans son cas (voir l’analyse relative aux première et deuxième questions ci-dessus), l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi avant l’expiration de la prolongation de son contrat. En conséquence, elle est exclue du bénéfice des prestations d’AE en application de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[48] La Loi sur l’AE prévoit un certain allégement lorsqu’un prestataire quitte volontairement son emploi dans les trois (3) semaines précédant l’expiration de sa période d’emploi. En vertu du paragraphe 33(2) de la Loi sur l’AE, l’inadmissibilité pour départ volontaire sans justification du prestataire qui démissionne dans les trois semaines précédant la fin de sa période d’emploi (que ce soit en vertu d’un contrat ou d’une prolongation de contrat) dure jusqu’à la fin de la période d’emploi. En d’autres termes, si l’appelante avait quitté son emploi sans justification dans les trois semaines précédant le 31 décembre 2018, elle n’aurait été exclue du bénéfice des prestations d’AE que pour la période comprise entre la date de son départ et la fin de la prolongation du contrat, et elle aurait été admissible à des prestations d’AE à compter du 31 décembre 2018.

[49] Or, le Tribunal en arrive à la conclusion que l’appelante n’est pas admissible à cet allégement, puisqu’elle a quitté son emploi le 30 novembre 2018, soit plus de trois semaines avant l’expiration de la prolongation de son contrat le 31 décembre 2018.  Par conséquent, l’exclusion du bénéfice des prestations prévue à l’article 30 de la Loi sur l’AE s’applique et l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’AE à compter du 2 décembre 2018.

[50] Le Tribunal comprend très bien la déception de l’appelante de ne pas toucher de prestations d’AE pour le moment, mais la Loi sur l’AE ne prévoit aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la période de trois (3) semaines pour ce qui est de remédier à une exclusion du bénéfice des prestations attribuable à un départ avant l’expiration d’une période d’emploi. Il n’a pas le pouvoir discrétionnaire de modifier le libellé clair de l’article 33 de la Loi sur l’AE, ni n’est compétent pour accéder à la demande de prestations d’AE de l’appelante parce que la fin de son emploi chez X était « inévitable ». La Cour d’appel fédérale a confirmé l’obligation d’appliquer rigoureusement des dispositions comme celle-ci dans l’arrêt Procureur général (Canada) c Levesque, 2001 CAF 304, dans lequel elle a examiné la situation d’un prestataire à qui il ne manquait qu’une (1) heure d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’AE, et a statué que la Loi sur l’AE et le Règlement d’application n’accordent aucun pouvoir discrétionnaire pour éliminer ce défaut de la demande. Le Tribunal est appuyé également dans son analyse par la déclaration de la Cour suprême du Canada dans Granger c Canada (CEIC), [1989] 1 RCS 141, selon laquelle le juge est lié par la loi et ne peut, même pour des raisons d’équité, refuser de l’appliquer.

Conclusion

[51] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé que son départ de chez X le 30 novembre 2018 constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Il conclut donc que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi, et qu’elle est par conséquent exclue du bénéfice des prestations d’AE en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[52] Le Tribunal conclut en outre que l’exclusion de l’appelante ne peut prendre fin le 31 décembre 2018 – date d’expiration de la prolongation de son contrat – parce que l’appelante n’a pas quitté son emploi dans les trois (3) semaines précédant la fin de sa période d’emploi et, par conséquent, elle n’est pas admissible à l’allègement prévu à l’article 33 de la Loi sur l’AE.

[53] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 avril 2019

Téléconférence

C. M., appelante

J. R., représentant de l’appelante :

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