Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, R. T. (prestataire), a quitté le Canada le 20 décembre 2018 pour commencer un nouvel emploi aux États Unis le lendemain. Toutefois, son vol a été retardé et, lorsqu’il est arrivé, son nouvel employeur a décidé qu’il devrait commencer à travailler le 26 décembre 2018.

[3] Parce que le prestataire n’a pas touché de revenu pour le 21 décembre 2018, il a présenté à l’intimée, la Commission de l’assurance emploi du Canada (Commission), des prestations d’assurance emploi pour cette journée. La Commission a rejeté sa demande. Elle a jugé qu’il était inadmissible au bénéfice des prestations, car elle avait conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler et qu’il était à l’étrangerNote de bas de page 1. Le prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale. La division générale a conclu que le prestataire était disponible pour travailler, mais a rejeté son appel parce qu’il était à l’étranger et que sa situation ne correspondait à aucune des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’assurance emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission d’appeler de la décision de la division générale. Pour déterminer si la permission d’en appeler peut être accordée, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Puisque je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Questions en litige

[5] Voici les questions en litige

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou en ne concluant pas que le prestataire avait fait une recherche d’emploi sérieuse?

Question en litige no 3 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en ne considérant pas le fait que le prestataire aurait pu revenir au Canada en l’espace de 24 heures?

Question en litige no 4 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne considérant pas la demande de remboursement des dépenses engagées par le prestataire pour chercher un emploi?

Analyse

Principes généraux

[6] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la LMEDS se limitent aux suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La Cour d’appel fédérale a établi qu’une chance raisonnable de succès correspond à une cause défendable en droitNote de bas de page 2. Il s’agit d’un critère relativement peu exigeant. À l’étape de la permission d’en appeler, c’est un obstacle inférieur à celui auquel le demandeur devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Les prestataires n’ont pas à prouver leur thèse, mais ils doivent établir que leur appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. La Cour fédérale a adopté cette approche dans la décision Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 3.

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[8] Le prestataire affirme que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce que l’issue de son appel est injuste. Il s’attendait à commencer à travailler le 21 décembre 2018, mais il a été retardé pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il dit que, pendant qu’il était aux É.-U. le 21 décembre 2018, il a rencontré son futur gestionnaire et il a cherché un autre travail le même jour.

[9] Le principe de justice naturelle renvoie aux règles de procédure fondamentales qui s’appliquent dans un contexte judiciaire ou quasi judiciaire. Le principe vise à veiller à ce que toutes les parties reçoivent un avis suffisant de toute instance, à ce qu’elles aient pleinement la possibilité de présenter leur cause et à ce que l’instance soit équitable et exempte de partialité ou de crainte raisonnable de partialité. Ce principe se rapporte à des questions d’équité procédurale plutôt qu’à l’impact qu’une décision pourrait avoir sur une partie.

[10] En l’espèce, le prestataire n’a pas mentionné ni laissé entendre que la division générale ne lui avait pas transmis d’avis suffisant, qu’elle pourrait l’avoir privé d’une possibilité de présenter pleinement sa cause ou qu’elle pourrait avoir montré de la partialité à son détriment.

[11] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne concluant pas que le prestataire avait fait une recherche d’emploi sérieuse?

[12] Le prestataire allègue que la division générale a commis une erreur de droit en ne concluant pas qu’il avait fait une recherche d’emploi sérieuse telle que définie dans le Règlement sur l’assurance emploi. Il soutient qu’il faisait nécessairement une recherche d’emploi sérieuse, étant donné que son [traduction] « employeur pouvait refuser en tout temps de l’employer ». Il dit qu’il a cherché une occasion d’emploi le 21 décembre 2018, à un endroit où il travaille maintenant. Autrement dit, il soutient qu’une recherche d’emploi est sérieuse du moment qu’une personne possède un emploi incertain et que cette situation la force à continuer de chercher du travail. Le prestataire avance que la division générale aurait dû considérer que sa recherche d’emploi était sérieuse selon la définition du Règlement parce que son employeur pouvait « refuser en tout temps de l’employer ».

[13] La division générale savait que le prestataire disait qu’il cherchait un autre emploi. Au paragraphe 15 de sa décision, la division générale s’est arrêtée sur les allégations du prestataire à ce sujet. Elle a jugé qu’il n’était pas allé aux É.-U. pour faire une recherche d’emploi sérieuse. Selon la division générale, il ne pouvait pas effectuer une telle recherche parce qu’il était d’abord aux É.-U. pour commencer un contrat de travail. La division générale a conclu que le prestataire avait fait une démarche de recherche d’emploi qui était accessoire par rapport au premier objectif de son voyage aux É.-U.

[14] En cherchant à déterminer si le prestataire avait fait une recherche d’emploi sérieuse, la division générale n’a pas cherché à établir si l’employeur du prestataire pouvait mettre fin à son emploi en tout temps. Le fait que son employeur pouvait mettre fin à son emploi pourrait expliquer pourquoi le prestataire cherchait du travail, mais ne montrerait pas nécessairement qu’il en cherchait. L’alinéa 55(1)(f) du Règlement ne définit pas une recherche d’emploi sérieuse. Il s’agit clairement d’une question de détermination des faits.

[15] En somme, le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur en appliquant un principe juridique établi aux faits. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la division d’appel n’a pas compétence pour examiner des erreurs reposant seulement sur un désaccord quant à l’application de règles de droit bien établies aux faits de l’espèceNote de bas de page 4. Lorsqu’une erreur mixte de fait et de droit commise par la division générale révèle une erreur de droit isolable, la division d’appel peut intervenir au titre du paragraphe 58(1) de la LMEDS, mais ce n’est pas le cas en l’espèce. Le prestataire ne conteste pas la conclusion de la division générale selon laquelle sa recherche d’emploi ne pouvait pas être sérieuse si le principal objectif de son voyage aux É.-U. n’était pas de chercher un emploi. D’ailleurs, il ne m’a présenté aucune source faisant autorité pour montrer que la division générale avait interprété le Règlement incorrectement.

[16] Le prestataire se trouve simplement à plaider de nouveau la cause qu’il a présentée devant la division générale, en affirmant que je devrais réévaluer la preuve et tirer une conclusion différente à partir des faits qui ont été présentés à la division générale. Toutefois, le paragraphe 58(1) de la LMEDS ne permet pas de réévaluer la preuve ou d’instruire de nouveau la question. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que, sur ce fondement, la cause est défendable.

[17] Enfin, je note que le libellé de l’alinéa 55(1)(f) permet de penser qu’un prestataire qui aimerait faire reconnaître sa situation comme un cas d’exception doit réellement être à l’extérieur du pays pour mener une recherche d’emploi sérieuse. Voici ce qu’il est écrit : « est à l’étranger pour […] faire une recherche d’emploi sérieuse ». Cet alinéa semble indiquer que la recherche d’emploi peut être effectuée seulement à l’étranger et que c’est pour cette recherche d’emploi que le prestataire est à l’étranger.

[18] En l’espèce, le prestataire s’est servi de son échange de courriels avec un employeur possible pour montrer qu’il faisait une recherche d’emploi sérieuse. Toutefois, cet échange aurait pu avoir lieu si le prestataire était resté au Canada. Il n’était certainement pas nécessaire qu’il soit à l’étranger pour ces communications. Cependant, la division générale n’a pas abordé cet élément de preuve ni l’éventualité qu’il exclue aussi le prestataire de l’exception prévue à l’alinéa 55(1)(f) du Règlement. Je soulève la question seulement pour demander si cela aurait pu rendre le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations, étant donné les faits.

Question en litige no 3 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en ne considérant pas le fait que le prestataire aurait pu revenir au Canada en 24 heures?

[19] Le prestataire affirme qu’il aurait pu revenir au Canada en l’espace de 24 heures s’il y avait eu du travail pour lui, étant donné qu’il est devenu disponible pour travailler le 21 décembre 2018. Le prestataire allègue que Service Canada devrait avoir à prouver qu’il était incapable de revenir au Canada dans un délai de 48 heures.

[20] Au paragraphe 6, la division générale a noté les arguments de la Commission selon lesquels le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. La division générale a aussi souligné que, selon la Commission, le prestataire n’était pas en mesure de revenir au Canada en 48 heures parce qu’il aurait dû donner un préavis de deux semaines à son employeur aux É.-U. avant de quitter son emploi.

[21] La division générale a établi que le prestataire était disponible pour travailler le 21 décembre 2018. Le fait que le prestataire ait été capable ou non de revenir au Canada en 24 ou 48 heures n’est pas pertinent en soi à ce stade ci. Je ne suis pas convaincue que la cause soit défendable sur ce fondement.

Question en litige no 4 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en ne considérant pas la demande de remboursement des dépenses engagées par le prestataire pour chercher un emploi?

[22] Le prestataire demande le remboursement des dépenses engagées pour le voyage qu’il a fait aux É-U. lorsqu’il cherchait du travail. Il allègue que Service Canada devrait lui rembourser ses dépenses parce qu’il a cherché un emploi [traduction] « sans conditions ».

[23] Dans cette affaire, le fait que le prestataire a cherché un emploi « sans conditions » n’est pas pertinent. Ni la Loi sur l’assurance emploi ni le Règlement ne prévoient le remboursement des dépenses de voyage engagées par des prestataires lorsqu’ils cherchent du travail. De plus, la division générale et la division d’appel n’ont pas compétence pour consentir à des demandes de remboursement de dépenses de voyage. Je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable fondée sur ce point.

Conclusion

[24] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Demandeur :

R. T., se représentant lui-même

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