Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai de demande de permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] H. D. est le prestataire en l’espèce. Il a travaillé comme conducteur de camion long-courrier au Canada et aux États-Unis jusqu’en décembre 2017, mois où son passeport a été volé. L’ex‑employeur de l’intéressé a insisté pour qu’il remplace son passeport, mais celui‑ci s’est opposé au tarif qu’il avait à acquitter pour ce faire et a refusé de remplacer le document. C’est ainsi que la question bien réelle de savoir si le prestataire avait quitté son emploi en décembre 2017 ou avait été renvoyé ou mis en disponibilité pour manque de travail s’est posée dans cette affaire.

[3] Le prestataire a présenté sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) en février 2018. Toutefois, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) l’a exclu du bénéfice des prestations ordinaires, jugeant qu’il avait volontairement quitté son emploi sans motif valable au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire a contesté la décision, mais la Commission l’a maintenue en réexamen.

[4] Le prestataire a alors appelé de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal, mais celle‑ci a rejeté l’appel. Il convient de noter que la division générale n’a pas conclu que l’appelant avait volontairement quitté son emploi, mais qu’il avait été renvoyé pour ne pas avoir renouvelé son passeport, ce qui était une clause essentielle à son contrat. Il reste que cette conclusion de la division générale n’avait aucune incidence sur l’exclusion du prestataire du bénéfice des prestations.

[5] Le prestataire veut maintenant appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal, mais doit franchir un premier obstacle avant que le dossier ne puisse aller de l’avant. En effet, la demande de l’intéressé à la division d’appel a été déposée après le délai prescrit de 30 jours, d’où la nécessité d’obtenir une prorogation du délai de dépôt de demande de permission d’en appeler.

[6] Je refuse la demande de prorogation du prestataire. Voici mes raisons :

Questions en litige

[7] Pour parvenir à cette décision, je me suis attaché aux questions suivantes :

  1. La demande adressée par le prestataire à la division d’appel a‑t-elle été déposée en retard?
  2. Le prestataire devrait‑il se voir accorder une prorogation du délai de demande de permission d’en appeler?

[8] Il convient de souligner que le prestataire a été invité à traiter des questions d’intérêt dans cette décision directement dans sa demande à la division d’appelNote de bas de page 1. Il a été avare de réponses cependant et les questions ont été reprises dans une lettre du Tribunal du 21 mars 2019 à laquelle l’intéressé n’a jamais répondu.

Analyse

Question 1 : La demande adressée par le prestataire à la division d’appel a‑t-elle été déposée en retard?

[9] Oui, la demande à la division d’appel a été déposée en retard.

[10] Les demandes à la division d’appel doivent se faire dans les 30 jours suivant la réception par le prestataire de la décision de la division générale, mais la division d’appel peut accorder une prorogation du délai si le dépôt de la demande accuse un retard de moins d’un anNote de bas de page 2.

[11] Dans cette affaire, il paraît clair que le prestataire avait reçu la décision de la division générale au 5 février 2019, puisque ce jour‑là il a téléphoné au Tribunal pour poser des questions à son sujet. Ainsi, la demande à la division d’appel devait se faire au plus tard le 7 mars 2019, mais le Tribunal l’a reçue le 18 mars 2019 pour un retard de moins de deux semaines.

[12] Pour tout dire, le prestataire n’a pas respecté la date limite de dépôt de sa demande à la division d’appel, mais une prorogation du délai est possible dans son cas.

Question 2 : Le prestataire devrait-il se voir accorder une prorogation du délai de demande de permission d’en appeler?

[13] Non, le prestataire ne satisfait pas aux critères juridiques d’obtention de la prorogation.

[14] Pour trancher cette question, j’ai soupesé les quatre facteurs suivantsNote de bas de page 3 :

  1. Le prestataire a‑t‑il manifesté une intention constante de poursuivre son appel?
  2. A‑t‑il donné une explication raisonnable du retard?
  3. Toute autre partie subirait-elle un préjudice par l’octroi de la prorogation?
  4. Y a‑t‑il une cause défendable en appel?

[15] On n’a pas à satisfaire aux quatre critères; la considération qui doit primer est celle de l’intérêt de la justiceNote de bas de page 4.

Intention constante manifestée de poursuivre l’appel

[16] Les dossiers du Tribunal montrent que, dès le 6 février 2019, le prestataire avait dit au personnel du Tribunal qu’il appellerait de la décision de la division générale. Il a aussi exprimé l’intention d’en appeler dans d’autres entretiens téléphoniques avec le personnel du Tribunal. Fait important cependant, rien n’indique qu’il ait dit à la Commission avoir l’intention d’appeler de la décision de la division générale. À mes yeux, ce facteur est neutre.

Explication raisonnable du retard

[17] À la suite de sa demande, le Tribunal a posté au prestataire le 6 février 2019 un exemplaire vierge du formulaire de demande à la division d’appel. Le 25 février 2019, l’intéressé a dit au personnel du Tribunal qu’il renverrait à celui‑ci par télécopieur le formulaire dûment rempli. Le 4 mars 2019 et le 8 mars aussi, il a téléphoné au Tribunal en niant avoir jamais reçu le formulaire, si bien que le Tribunal a dû lui réexpédier le document une deuxième et une troisième fois.

[18] Pendant l’entretien téléphonique du 4 mars 2019 avec le personnel du Tribunal, le prestataire a demandé qu’une note sur la conversation soit versée au dossier au cas où sa demande à la division d’appel serait déposée en retard, ce qui montre qu’il connaissait la date limite pour produire sa demande. Il reste que la seule explication qu’il ait donnée de sa demande tardive a été la suivante : [traduction] « En attente de la législation gouvernementale sur la questionNote de bas de page 5 ».

[19] À mes yeux, le prestataire n’a pas donné d’explication raisonnable de son retard en l’espèce. Sur la question de savoir s’il avait reçu ou non le formulaire à remplir, il s’est contredit dans ses entretiens avec le personnel du Tribunal. On ne sait pas non plus quelle législation il pouvait attendre, quand celle‑ci prendrait effet ou quelle en serait l’incidence sur l’issue de son affaire.

Préjudice causé à une autre partie

[20] Si nous considérons les ressources de la Commission et la disponibilité des documents utiles, il n’y a pas de raison évidente pour laquelle la capacité de l’organisme à répondre à l’appel serait indûment touchée par la prorogation du délai.

Existence d’une cause défendable

[21] À mon avis, le prestataire n’a pas de cause défendable en appel.

[22] Au niveau de la division d’appel, l’accent se met sur la question de savoir si la division générale pourrait avoir commis une ou plusieurs erreurs reconnues (moyens d’appel) à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). Ainsi, la division d’appel peut intervenir dans une affaire seulement si la division générale :

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur liée à l’exercice de sa compétence;
  2. b) a rendu une décision entachée d’une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[23] Dans le cas qui nous occupe, le prestataire allègue que la décision de la division générale est entachée d’une erreur de droit. Répétons qu’il a écrit être [traduction] « [e]n attente de la législation gouvernementale sur la questionNote de bas de page 6 ». Il a également écrit qu’il attendait des renseignements supplémentaires qu’il n’avait pu fournir à la première audienceNote de bas de page 7.

[24] Selon moi, les arguments avancés par le prestataire ne créent pas une cause défendable en appel. Ainsi, il n’allègue pas que la division générale a mal interprété la loi dans l’état qui était le sien le jour de la décision. Ajoutons que la Cour fédérale a déjà dit clairement que de nouveaux documents ne procurent pas un moyen d’appel relevant de l’article 58(1) de la LMEDSNote de bas de page 8.

[25] Il faut à nouveau souligner que, dans la lettre du 21 mars 2019 du Tribunal, le prestataire a été prié de livrer plus de détails sur ses raisons d’en appeler et s’est fait donner des exemples pour chacun des trois moyens d’appel déjà décrits. Comme je l’ai mentionné, il n’a jamais répondu à cette lettre.

[26] Bien que les arguments du prestataire dans sa demande à la division d’appel ne s’insèrent pas d’emblée dans le cadre juridique de la division d’appel, je n’oublie pas pour autant les décisions de la Cour fédérale où celle‑ci a mis en garde la division d’appel contre un examen trop strict des demandes de permission d’en appeler. Elle invitait plutôt la division d’appel à examiner le dossier sous-jacent pour voir si la division générale s’était trompée au moment d’interpréter ou de dûment considérer la preuveNote de bas de page 9 .

[27] Après examen du dossier documentaire et de la décision visée par l’appel, je suis persuadé que la division générale n’a pas mal interprété la preuve ni négligé de dûment la considérer.

[28] Pour tous ces motifs, je conclus que le prestataire n’a pas de cause défendable en appel.

Conclusion sur la prorogation du délai

[29] Les facteurs que j’ai considérés sont relativement équilibrés, mais j’ai aussi jugé bon de faire une évaluation générale de ce que pourrait commander l’intérêt de la justice. À cet égard, je reconnais que le refus d’accorder la prorogation signifie que l’appel du prestataire se termine ici, mais je dois mettre ce fait en balance avec la mesure dans laquelle l’intérêt de la justice serait bien servi si je laissais l’appel aller de l’avant même sans chances raisonnables de succès.

[30] Je connais des affaires où la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont accordé une importance particulière au facteur de la cause défendable et je considère que ce facteur doit de même recevoir un poids important dans la présente affaireNote de bas de page 10.

[31] Ayant examiné les quatre facteurs qui précèdent et l’intérêt de la justice, j’ai décidé de refuser la prorogation du délai nécessaire pour demander la permission d’en appeler.

Conclusion

[32] Le prestataire a besoin d’une prorogation du délai pour que sa demande aille de l’avant. J’ai toute sympathie pour la situation de l’intéressé, mais ma conclusion est que je dois refuser la demande de prorogation.

 

Représentant :

H. D., non représenté

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