Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières le 15 janvier 2013.

[3] L’appelant est actionnaire à 30 % dans une entreprise qui œuvre dans le domaine de la construction.

[4] Lors d’une enquête, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a découvert que l’appelant n’avait pas déclaré la rémunération d’entreprise considérant qu’il était travailleur indépendant durant la période de prestations débutant le 23 décembre 2012. Ainsi, les revenus de l’entreprise n’ont pas été considérés dans le cadre du paiement des prestations. De plus, la Commission a déterminé que l’appelant avait reçu une rémunération de son entreprise durant les semaines où il a réclamé des prestations d’assurance-emploi, ce qui a occasionné un trop-payé.

[5] Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelant a reçu une rémunération se traduisant comme étant le revenu d’entreprise qui doit être réparti.

Questions préliminaires

[6] Le présent dossier a procédé en même temps que les 2 autres dossiers de l’appelant, soit les dossiers 19-1628 et 19-1629.

[7] À l’audience, la représentante de l’appelant a confirmé que la question du réexamen n’est pas contestée. Par conséquent, le Tribunal n’en tiendra pas compte dans sa décision.

Question en litige

[8] De quelle façon devrait être répartie la rémunération de l’entreprise de l’appelant?

Analyse

[9] De quelle façon devrait être répartie la rémunération de l’entreprise de l’appelant?

[10] La notion de rémunération se définit comme étant « le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi » (paragraphe 35(2) du Règlement).

[11] Pour un travailleur indépendant, le revenu comprend les montants qu’il reçoit à titre de salaire, mais également le reste du revenu brut que cette personne tire de cet emploi après les dépenses d’exploitation qu’il y a engagées qui ne comprend pas les dépenses en immobilisation (alinéas 35 (2) a) et (10) c) du Règlement).

[12] Ainsi, lorsqu’un montant versé a été qualifié comme étant une rémunération, ce montant doit être réparti sur une certaine période en fonction des raisons justifiant son paiement (article 36 du Règlement).

[13] Pour ce qui est de la rémunération du revenu d’un travailleur indépendant, elle est répartie sur les semaines où ont été fournis les services qui y ont donné lieu (paragraphe 36 (6) du Règlement).

[14] L’appelant ne conteste pas que les bénéfices nets de l’entreprise constituent une rémunération au sens de l’alinéa 35(10) c) du Règlement. Ce que l’appelant conteste est la façon dont la Commission a calculé la rémunération et effectué la répartition.

[15] En effet, la Commission a utilisé les mois où l’entreprise a fait des bénéfices nets et dans lesquels l’appelant avait présenté des demandes de prestations. Par la suite, la Commission a divisé les bénéfices par 30 % et par le nombre de jours du mois.

[16] Ainsi, la Commission a déterminé que la rémunération de l’appelant qui doit être répartie selon les calculs suivants (bénéfice net/ nombre de jours par mois x les parts dans l’entreprise) :

  • Décembre 2012 : 35 792,11 $ / 31 = 1 154,58 $ par jour
  • Janvier 2013 : 26 895 $ / 31 = 867,58 $ par jour
  • Février 2013 : aucun bénéfice

[17] Selon le rapport du comptable de l’entreprise de l’appelant, les impôts sur le bénéfice sont de 9 097 $ et l’amortissement des immobilisations corporelles est de 9 329 $ pour l’année se terminant le 31 mars 2013. Pour déduire ces montants du calcul du bénéfice la Commission a fait le calcul suivant : 9 097 $ + 9 329 $ = 18 426 $ / 52 semaines = 354 $.

[18] La Commission a multiplié les montants par le nombre de jours compris dans chacune des semaines, elle a déduit les impôts et l’amortissement par semaine (354 $) et multiplié par les parts de l’appelant dans l’entreprise (30 %) pour déterminer la rémunération par semaine. En effet, le calcul des revenus de l’entreprise doit s’établir à partir du revenu brut après déduction des dépenses d’exploitation, sauf immobilisation (paragraphe 35 (10) c) du Règlement; Lafave c Procureur général du Canada, 2003 CAF 66). Par conséquent, la Commission est d’avis que les montants de rémunération que l’appelant aurait dû déclarer sont les suivants :

  • Semaine du 23 décembre 2012 : 1 154,58 $ x 7 = 8 082 $
    8 082 $ - 354 $ = 7 728 $
    7 728 $ x 30 % = 2 318 $
  • Semaine du 30 décembre 2012 : (1 154, 58 $ x 2 jours en décembre = 2 309,16 $) + (867,58 $ x 5 jours en janvier = 4 337,90$) = 6 647,06 $
    6 647,06 $ - 354 $ = 6 293,06 $
    6 293,06 $ x 30 % = 1 887,91 $
  • Semaine du 6 janvier 2013: 867, 58 $ x 7 = 6 073 $
    6 073 $ - 354 $ = 5 719,06 $
    5 719,06 $ x 30 % = 1 715,71 $
  • Semaine du 13 janvier 2013: 867, 58 $ x 7 = 6 073 $
    6 073 $ - 354 $ = 5 719,06 $
    5 719,06 $ x 30 % = 1 715,71 $
  • Semaine du 20 janvier 2013: 867, 58 $ x 7 = 6 073 $
    6 073 $ - 354 $ = 5 719,06 $
    5 719,06 $ x 30 % = 1 715,71 $
  • Semaine du 27 janvier 2013: 867,58 $ x 5 jours en janvier = 4 337,90 $
    4 337,90 $ - 354 $ = 3 983,90 $
    3 983,90 $ x 30 % = 1 195 $

[19] La représentante de l’appelant a soulevé que la Commission a commis une erreur dans la répartition mensuelle des bénéfices nets de l’entreprise. La représentante de l’appelant a expliqué que le calcul proposé par la Commission est inapproprié, car les bénéfices nets par mois ne sont pas le reflet d’un profit réel généré par l’entreprise. En effet, ce revenu ne tient pas compte des dépenses qui sont engendrées pour être en mesure d’obtenir un bénéfice réel. Ainsi, il est possible qu’en raison d’un achat de matériel, l’entreprise conclût un mois avec un déficit, mais que le mois suivant l’entreprise ait un bénéfice important, car le client a payé la réalisation du contrat provenant de l’achat de matériel. Par conséquent, le montant du bénéfice ne reflète pas le profit de l’entreprise, puisqu’il ne tient pas compte de la dépense effectuée pour ce contrat.

[20] Au soutien de sa prétention, la représentante de l’appelant a soumis la décision Commission de l’assurance-emploi du Canada c Talbot, 2017 TSSDAAE 155, dans laquelle le membre de la division d’appel du Tribunal réfère à une décision de la Cour d’appel fédérale, Procureur général du Canada c Talbot, 2013 CAF 53.

[21] Dans la décision Talbot, supra, la Cour d’appel fédérale s’est justement questionnée sur la période pendant laquelle les revenus doivent être répartis. La Cour a déterminé que le revenu visé par l’alinéa 35(10) c) du Règlement n’est pas le revenu annuel de l’entreprise. « Il s’agit plutôt de calculer les revenus générés pendant la période où les services furent rendus et de répartir cette somme sur le nombre de semaines que cette période comporte conformément au paragraphe 36(6) du Règlement. » (Talbot, supra)

[22] Suivant la décision Talbot, supra, la représentante de l’appelant a soumis que la part de l’appelant du bénéfice net annuel de l’entreprise devrait être divisée en 365 jours et répartie sur 365 jours. Ainsi, du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, l’entreprise a eu un bénéfice net de 6 553 $ multiplié par 30% et divisé par 365 jours pour un total de 5,39 $ par jour. Donc, la Commission doit répartir 5,39 $ tous les jours.

[23] Cependant, la Commission est d’avis que la décision Talbot, supra ne s’applique pas au présent dossier, car la rémunération doit être déterminée et répartie à la semaine, car la semaine est la période de base utilisée dans la législation. De plus, la Commission est d’avis que la répartition d’un revenu provenant de l’exploitation d’une entreprise doit se faire en fonction des revenus nets perçus au cours de chaque semaine durant la période de prestations même si le prestataire peut avoir subi une perte nette au cours des opérations pour une période plus longue.

[24] Toujours selon la Commission, si l’appelant avait déclaré ses gains pendant sa demande de prestations, la rémunération aurait été répartie de façon hebdomadaire dès le départ. Lorsque la Commission doit répartir la rémunération de façon rétroactive, elle utilise la méthode de calculer le revenu net qui se rapproche le plus possible des résultats obtenus si les gains avaient été déclarés pendant la demande de prestations. De plus, il s’agit aussi d’une question d’équité dans la mesure où un prestataire ne devrait pas profiter du fait qu’il n’a pas déclaré ses revenus de travail indépendant.

[25] Le Tribunal est d’avis que le calcul proposé par la Commission est erroné. En effet, le calcul mensuel proposé par la Commission ne tient pas compte des revenus générés pendant la période où les services furent rendus, mais tient compte uniquement des bénéfices nets de certains mois de la période totale d’exploitation de l’entreprise (paragraphe 36 (6) du Règlement et Talbot, supra). En effet, ce n’est pas parce que l’entreprise a obtenu des bénéfices durant un mois que les services ont effectivement été rendus dans ce mois.

[26] D’ailleurs, le Tribunal est également d’avis que le raisonnement proposé par la représentante de l’appelant de répartir les montants sur 365 jours n’est pas conforme aux dispositions du Règlement et de la jurisprudence. En effet, la rémunération doit être répartie sur les semaines où les services ont été rendus (paragraphe 36 (6) du Règlement). Donc, la rémunération doit être répartie en termes de semaine et non en jour. De plus, la rémunération ne devrait pas être aveuglément répartie sur une année, mais sur le nombre de semaines pour lesquelles l’entreprise est exploitée, soit sur les semaines où ont été fournis les services (Talbot, supra; paragraphe 36 (6) du Règlement).

[27] Qu’en est-il pour le présent dossier ? À l’audience, l’appelant a expliqué qu’il exploite son entreprise habituellement entre les mois de mai et décembre, mais il est possible que l’entreprise ait des contrats à l’extérieur de cette période. Ainsi, l’appelant n’a pas été en mesure de préciser la période d’exploitation exacte de l’entreprise pour l’année 2012.

[28] Par conséquent, le Tribunal répartit la rémunération de l’année financière du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, soit 52 semaines.

[29] D’emblée, le Tribunal tient à noter que les montants utilisés par la représentante de l’appelant sont erronés puisqu’ils visent l’exercice financier se terminant le 31 mars 2012 (GD3-29).

[30] Selon le rapport financier, le revenu brut de l’entreprise au 31 mars 2013 était de 116 266 $. De ce montant, il faut déduire les dépenses d’exploitation de 44 059 $ et l’impôt de 9 097 $. Le revenu de l’entreprise à répartir est donc de 63 110 $. De ce montant, il faut le multiplier par le pourcentage de part dans l’entreprise, soit 30 % et le diviser par 52 semaines pour un total de 364,10 $ par semaine. Le Commission doit ajouter 364,10 $ au salaire déclaré de l’appelant par semaine du 1er avril 2012 au 31 mars 2013.

[31] L’appel est accueilli en partie.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli en partie.

[33] Le Tribunal est d’avis que la rémunération et de la répartition tel que proposé par la Commission étaient erronées. Le Tribunal a ajusté le calcul selon la décision Talbot, supra et conclut que le revenu d’entreprise est de 364,10 $ par semaine entre le 1er avril 2012 et 31 mars 2013.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 27 mai 2019

Vidéoconférence

R. G., appelant

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