Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire travaillait comme enseignante mais la Commission a refusé de lui verser des prestations puisque, notamment, elle n’était pas embauchée sur une base occasionnelle ou de suppléance. La division générale (DG) a confirmé la position de la Commission et la prestataire a porté l’affaire devant la division d’appel (DA). La DA a conclu que la DG avait commis une erreur et a décidé d’intervenir en rendant sa propre décision. La DA a annulé la décision de la DG et a conclu que la prestataire était en effet une enseignante embauchée sur une base occasionnelle ou de suppléance et ainsi admissible aux prestations. La Commission a demandé un contrôle judiciaire de la décision de la DA.

La Cour d’appel fédérale (CAF) a d’abord examiné l’erreur de la DG que la DA a invoquée pour intervenir dans le dossier. Elle a conclu que la DA avait fondé son intervention sur une erreur que la DG n’avait jamais commise. La DA était d’avis que la DG avait commis une erreur en interprétant le contrat de travail de manière à ce que les mots « prédéterminé et continu » signifient que la prestataire travaillait « sur appel ». Après une seconde analyse, la CAF a plutôt conclu que la DG n’avait pas interprété ces termes comme synonymes ou équivalents. Elle a aussi conclu que rien n’indiquait que la DG ait tiré une conclusion de fait abusive ou arbitraire lorsqu’elle a examiné l’ensemble de la preuve.

La CAF a conclu que la DA ne pouvait annuler la décision de la DG en l’absence d’une erreur de sa part, simplement parce qu’elle aurait jugé différemment des faits. Il était déraisonnable de la part de la DA de conclure que la DG avait rendu sa décision en se fondant sur une erreur de fait. La CAF a accueilli la demande de contrôle judiciaire parce que la DA n’a pas établi un motif d’appel valable lui permettant d’annuler la décision de la DG. L’affaire a été renvoyée à la DA afin qu’elle soit tranchée par une ou un autre membre.

Contenu de la décision



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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] J’ai rendu la décision qu’aurait dû rendre la division générale et je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations pendant la période de congé scolaire entre la fin de juin 2018 et le début de septembre de la même année.

Aperçu

[3] L’appelante, R. H. (prestataire), est une enseignante qui a demandé des prestations d’assurance-emploi pendant une période de congé scolaire. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a refusé sa demande au motif que les enseignantes et enseignants n’ont pas droit aux prestations d’assurance-emploi en période de congé scolaire à quelques exceptions près. Les circonstances où se trouvait l’intéressée ne répondaient pas aux critères d’exception.

[4] La prestataire a demandé la révision, mais la Commission a maintenu sa décision. Son appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a été rejeté, et elle en appelle aujourd’hui à la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur suivant l’article 58(1)(c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) en concluant que le contrat de travail en enseignement de la prestataire n’avait pas pris fin et qu’elle n’était pas suppléante. Cette conclusion a été tirée de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale.

[6] J’ai rendu la décision qu’aurait dû rendre cette division et j’estime que la prestataire était généralement employée comme suppléante dans l’année scolaire précédant la période de congé et qu’elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations dans la période d’absence d’enseignement comprise entre la fin de juin et le début de septembre 2018.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle conclu de façon abusive ou arbitraire qu’il n’y avait pas eu rupture de continuité dans l’emploi de la prestataire en invoquant la capacité pour l’intéressée de reporter l’ancienneté acquise dans son poste ETP 0,17?

[8] La division générale a-t-elle conclu que le contrat de la prestataire n’avait pas pris fin sans tenir compte du témoignage de l’intéressée ni de la preuve apportée par elle d’absence de rémunération pendant la période de congé scolaire?

[9] La division générale a-t-elle conclu de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance que la prestataire avait occupé un emploi « de façon continue et prédéterminée » pendant l’année scolaire 2017-2018?

Analyse

[10] La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale uniquement si elle peut conclure que celle‑ci a commis une erreur relevant des « moyens d’appel » décrits à l’article 58(1) de la LMEDS.

[11] Les seuls moyens d’appel qui s’offrent sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question 1: La division générale a-t-elle conclu de façon abusive ou arbitraire à l’absence de rupture claire de continuité dans l’emploi de la prestataire en invoquant la capacité de l’intéressée à reporter l’ancienneté acquise dans son poste ETP 0,17?

[12] L’article 33(1) du Règlement sur l’assurance-emploi dit que les enseignantes et les enseignants n’ont pas droit aux prestations à l’égard de semaines de chômage qui tombent dans une période de congé scolaire sauf dans certaines circonstances. Une de ces circonstances est précisée à l’article 33(1)(a), il s’agit du cas où le contrat de travail dans l’enseignement du prestataire a pris fin. La Cour fédérale a jugé dans l’arrêt Oliver c Canada (Procureur général)Note de bas de page 1 Note de bas de page 2 qu’un contrat de travail dans l’enseignement du prestataire ne sera pas considéré comme ayant pris fin s’il n’y a pas de « rupture claire dans la continuité de son emploi ».

[13] La division générale a conclu à l’absence de rupture claire de continuité dans l’emploi de la prestataire, parce que celle-ci avait accepté, avant le 29 juin 2018 marquant la fin de l’année scolaire, un contrat à plein temps pour le trimestre d’automne suivant. Pour renforcer ce point, elle a aussi invoqué le fait que l’intéressée pouvait reporter l’ancienneté acquise dans son contrat d’enseignement à temps partiel à ETP 0,17 (proportion d’un emploi à plein temps), ce qui lui conférait l’ancienneté nécessaire pour ensuite solliciter l’emploi à plein temps.

[14] La Commission a fait valoir, dans le même sens que la division générale, que celle-ci avait tenu compte de ce que la prestataire n’avait pas été payée pendant la période de congé estivaleNote de bas de page 3. La Commission a cité l’arrêt Côté c Canada (ministère de l’Emploi et du Développement social)Note de bas de page 4 disant qu’une rupture claire est une rupture de continuité de la relation d’emploi.

[15] La division générale semble avoir accepté le témoignage de la prestataire quant au moment et à la nature de ses diverses ententes contractuelles avec le conseil scolaireNote de bas de page 5. Il avait toutefois fallu le libellé de la lettre d’offre du conseil pour que soit indiqué que l’intéressée avait reporté l’ancienneté acquise dans son ETP 0,17 dans son contrat à plein temps à partir de septembre 2018Note de bas de page 6. Interrogée sur cette [traduction] « mutation », l’intéressée a expliqué qu’elle avait dû faire valoir son contrat à ETP 0,17 de novembre à février pour avoir l’ancienneté nécessaire et solliciter un emploi permanent pour l’année scolaire suivanteNote de bas de page 7. Elle convenait ne pas avoir pu postuler le poste permanent sans d’abord avoir accepté le contrat à ETP 0,17.

[16] La division générale a accepté et invoqué le fait que l’ancienneté acquise par la prestataire dans son poste ETP 0,17 était reportée à son emploi à plein temps auprès du même employeur l’année scolaire suivante. Toutefois, elle n’avait aucune preuve sur laquelle elle puisse s’appuyer pour établir en quoi la capacité de reporter l’ancienneté ou les cotisations de retraite offrait de l’intérêt pour la question de savoir si le contrat d’emploi de l’intéressée avait pris fin. Rien ne prouvait que la prestataire n’aurait pas pu conserver son ancienneté si elle n’avait pas été embauchée dans un autre poste, et ce, jusqu’à une année scolaire postérieure comme 2019-2020; rien ne démontrait non plus qu’un autre conseil scolaire de la province n’aurait pu tenir compte de son ancienneté en enseignement.

[17] Si le contrat ETP 0,17 de la prestataire prenait fin en février 2018 et qu’elle ne pouvait conserver son ancienneté si elle ne revenait pas travailler pour le conseil à l’automne de 2018, ces faits auraient été d’intérêt pour la décision prise par la division générale. En revanche, si le contrat ETP 0,17 prenait fin en février et le contrat de travail occasionnel de longue durée (OLD) en juin et que la division générale concluait que la prestataire pouvait toujours reporter son ancienneté et ses cotisations de retraite à un futur poste d’enseignement, la capacité de l’intéressée à reporter l’ancienneté n’aurait dit en rien si son contrat auprès du conseil scolaire avait ou non pris fin.

[18] D’après la preuve dont disposait la division générale, je ne suis pas persuadé que la capacité de « report prospectif » de l’ancienneté entrait en ligne de compte lorsque la division générale a jugé que le contrat de travail de la prestataire n’avait pas pris fin.

[19] Ainsi, la division générale a conclu de façon abusive ou arbitraire que le contrat de la prestataire n’avait pas pris fin en invoquant le fait que l’ancienneté de l’intéressée serait reportée en avant, et ce, sans établir en quoi cet élément avait à voir avec la continuité de son contrat de travail. C’est là une erreur relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS.

Question 2 : La division générale a-t-elle conclu que le contrat de la prestataire n’avait pas pris fin sans tenir compte du témoignage de l’intéressée, et notamment de la preuve qu’elle avait apportée de l’absence de rémunération pendant la période de congé scolaire?

[20] Les seules circonstances dont la division générale ait tenu compte pour conclure que le contrat de la prestataire avait pris fin était la possibilité pour elle de reporter l’ancienneté acquise dans le poste ETP 0,17 et le fait qu’elle ait accepté l’offre d’emploi pour l’automne pendant que continuait à s’appliquer le contrat de travail OLD.

[21] La Commission a cité l’arrêt Côté c Canada (ministère de l’Emploi et du Développement social)Note de bas de page 8 pour suggérer comme critère la question de savoir s’il y avait rupture « dans la continuité du lien d’emploi » en impliquant que la division générale avait la conviction d’après les faits que le critère avait été respecté malgré ce qu’elle décrivait comme la [traduction] « brève analyse » de cette même divisionNote de bas de page 9.

[22] J’aime bien que l’arrêt Côté décrive la rupture claire comme étant dans le « lien d’emploi », mais la question n’est pas de savoir si l’enseignante avait maintenu une relation quelconque avec l’employeurNote de bas de page 10. Il s’agit plutôt de savoir si elle avait maintenu une relation contractuelle avec l’employeur. L’article 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi s’attache au cas où le « contrat de travail » prend fin. Si la continuité du contrat se définit par le maintien du « lien » avec l’employeur, celui‑ci ne peut être qu’une relation définie par contrat. Il serait absurde d’y voir que la cessation du contrat n’est autre qu’une période où il n’y a pas échange d’information ni autre lien ou relation, même collégial ou social, entre le prestataire et son employeur, passé, présent ou futur.

[23] Cette interprétation s’accorde avec ce que dit l’arrêt Côté. Dans cette affaire, la prestataire affirmait que son contrat d’enseignement avait pris fin, parce que le gouvernement avait légiféré et décrété la fin d’une de ses prestations. Les faits dans cette affaire n’exigeaient pas une distinction entre une rupture de relation contractuelle et la rupture d’un autre type de relations avec l’employeur. À mes yeux, la Cour a fait la distinction dans cette affaire entre une rupture de la relation contractuelle d’emploi et un changement de circonstances indépendant de la volonté des parties contractantes et qui, n’allant pas à l’encontre des fins essentielles du contrat, n’était pas si fondamental que ces mêmes parties soient relevées de leurs obligations foncières l’une envers l’autre.

[24] En l’espèce, la division générale n’a pas tenu compte d’un certain nombre de circonstances qui intéressent la question de savoir si le contrat de la prestataire avait pris fin. Pour commencer, disons que cette division n’a pas analysé le fait que l’intéressée n’ait pas été payée par le conseil scolaire pendant la période de congé scolaire et qu’elle n’ait pas non plus reçu de prime ni de supplément salarial dans ses périodes antérieures d’enseignement en compensation de la période prévue de congé. Je comprends la position de la Commission affirmant que la division générale reconnaissait que l’appelante avait elle-même affirmé ne pas avoir été payée pour la période de congéNote de bas de page 11. Il reste que la Commission en a pris acte uniquement après que la division générale avait d’ores et déjà conclu qu’il n’y avait pas de rupture claire, et il semble que ce soit là un préambule en guise d’excuse à l’avis proféré qu’elle [traduction] « se doit d’appliquer le Règlement sur l’assurance-emploi à la preuve ». Ce n’est pas là me convaincre que la division générale a délibérément soustrait à tout examen l’absence de rémunération de la prestataire, mais je crois savoir par ailleurs que ce facteur n’a pas été soupesé par cette même division dans son analyse.

[25] Dans son arrêt Stone c Canada (Procureur général)Note de bas de page 12, la Cour d’appel fédérale a énuméré un certain nombre de facteurs à prendre en compte au moment de déterminer si un contrat de travail dans l’enseignement a pris fin. Les facteurs en question sont indiqués après une première analyse portant sur la pertinence du facteur de la rémunération de l’enseignant ou de l’enseignante à l’égard de la période de congé scolaire. L’arrêt Stone renvoie à un certain nombre d’autres décisions qui confirment l’intérêt et l’importance de ce facteur particulier, même en considérant que [traduction] « la prévention du cumul des prestations [prestations d’assurance-emploi et rémunération de l’employeur] constitue une des finalités de l’article 33(2)(a) du RèglementNote de bas de page 13 ».

[26] Il y a d’autres faits négligés par la division générale et qui concernent d’autres facteurs reconnus par l’arrêt Stone. Cet arrêt énumère divers facteurs « dont il conviendra de tenir compte » pour savoir si un contrat de travail dans l’enseignement a pris fin :

  1. l’ancienneté de la relation d’emploi;
  2. la durée de la période de congé scolaire;
  3. les usages et pratiques du domaine de l’enseignement en cause;
  4. le versement d’une rémunération durant la période de congé scolaire;
  5. les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en a un;
  6. la méthode à laquelle recourt l’employeur pour rappeler le prestataire;
  7. le formulaire de relevé d’emploi rempli par l’employeur;
  8. les autres éléments attestant une reconnaissance de départ de la part de l’employeur;
  9. l’arrangement conclu entre le prestataire et l’employeur, et la conduite respective de chacun.

[27] La division générale n’a pas tenu compte de « l’ancienneté de la relation d’emploi », bien que la période d’ancienneté de la prestataire auprès du conseil scolaire soit courte. L’intéressée a entrepris sa première période d’emploi au conseil à titre de période d’essai en novembre 2017; elle n’avait jamais été employée auparavant, que ce soit avant ou après la période de congé estivale.

[28] Ajoutons que la division générale n’a pas tenu compte du degré de correspondance des circonstances de la prestataire avec les usages et pratiques du domaine de l’enseignement et, plus particulièrement, avec le régime habituel d’emploi dans cette discipline. Dans l’arrêt Stone, la CAF a fait observer que ce régime se caractérise habituellement par une relâche en juillet et août et une reprise en septembre, mais cet enchaînement n’était pas établi dans les antécédents de travail de l’intéressée. Au dire de la prestataire, elle avait travaillé trois mois dans un contrat ETP 0,17 et avait eu un contrat OLD à ETP 0,667 à la condition de devoir céder sa place en tout temps à l’enseignante qu’elle remplaçait et qui pouvait revenir au travail. Ces antécédents sont confirmés par la documentation de l’employeurNote de bas de page 14 faisant état d’un autre contrat OLD vers la fin de 2017Note de bas de page 15. Comme on le sait, le conseil a offert à la prestataire un poste permanent à plein temps avant la fin de son contrat ETP 0,667, et ce, dans une autre école et à un autre palier d’enseignement (primaire par opposition au secondaire) à l’automne.

[29] La division générale ne s’est pas demandé si le retour à l’enseignement de la prestataire après une période normale de congé scolaire (relâche estivale en l’occurrence entre années scolaires) était caractéristique de la relation de l’intéressée avec le conseil ou si celle‑ci s’attendait à être réemployée d’office.

[30] La division générale a commis une erreur relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS. Elle n’a pas considéré ni analysé la preuve selon laquelle la prestataire ne toucherait ni rémunération ni prestations pendant sa période de congé scolaire et elle n’a pas pris non plus en considération les autres facteurs mentionnés.

Question 3 : La division générale a-t-elle conclu de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance que la prestataire avait occupé un emploi de façon continue et prédéterminée pendant l’année scolaire 2017-2018?

[31] Une autre circonstance pouvant donner à une enseignante ou un enseignant le droit de demander des prestations pendant une période de congé scolaire est mentionnée à l’article 33(1)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. C’est le cas où l’emploi s’exerce « sur une base occasionnelle ou de suppléance ». Dans l’affaire Dupuis-Johnson c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration)Note de bas de page 16, la Cour a dit qu’une enseignante ou un enseignant employé « de façon continue et prédéterminée » ne saurait être considéré comme étant occasionnel ou suppléant.

[32] La division générale a jugé que, dans le cas de la prestataire, [traduction] « les deux contrats [à ETP 0,17 de novembre à février et à ETP 0,667 de février à juin] n’étaient ni prédéterminés ni continus. Elle a continué à dire que, [traduction] « en d’autres termes », les contrats de travail occasionnel de longue durée ne comportaient pas d’enseignement [traduction] « sur appel » où on ne sait à quelle classe on enseignera le lendemain ». Il semblerait que la division générale a vu dans l’expression « de façon continue et prédéterminée » une locution interchangeable avec [traduction] « sur appel » ou synonyme. Il reste que cette locution « sur appel » est généralement applicable aux enseignants occasionnelsNote de bas de page 17. Le suppléant peut être sur appel, mais non nécessairement.

[33] Que la division générale se soit égarée ou non sur ce point, rien n’indique dans la décision qu’elle ait tenu compte du témoignage de la prestataire considérant son emploi comme de jour en jour, ni de l’éventualité que l’enseignante qu’elle remplaçait revienne en tout temps de son congé de maladie, ce qui aurait mis fin au contrat de l’intéressée.

[34] C’est là un grand facteur d’intérêt au moment de déterminer si la prestataire était employée de façon continue et prédéterminée. Je conclus que la division générale a commis une erreur relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS en ne retenant pas le témoignage de l’intéressée selon lequel son contrat de travail occasionnel de longue durée pouvait prendre fin en tout temps avant la fin du trimestre en juin 2018.

Conclusion

[35] La prestataire a établi des motifs d’appel relevant de l’article 58(1) de la LMEDS. Je dois donc examiner la réparation qui s’impose.

Réparation

[36] L’article 59 de la LMEDS m’habilite à rendre la décision qu’aurait dû rendre la division générale, à renvoyer l’affaire à cette même division avec ou sans directives ou à confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[37] Je considère que le dossier d’appel est complet et que je peux donc rendre la décision qu’aurait dû prendre la division générale.

Cessation du contrat

[38] La preuve la plus convaincante est que, avant même que la prestataire ne termine son contrat OLD, le conseil scolaire lui a offert un poste après la période de congé estivale.

[39] Je reconnais par ailleurs que le conseil n’a pas rémunéré la prestataire pendant les mois d’été, alors que le personnel enseignant permanent reçoit une rémunération en période de congé scolaire. Comme le dit l’arrêt Stone, un des objectifs de politique avec l’article 33(2) du Règlement sur l’assurance-emploi est la prévention du cumul des prestations.

[40] Comme je l’ai indiqué, je ne crois pas qu’il y ait d’éléments de preuve confirmant l’intérêt que peut présenter la capacité de report de l’ancienneté de la prestataire pour la question de savoir si son contrat a pris fin. La seule autre raison donnée par la division générale est que l’intéressée a accepté l’offre d’un emploi permanent par le conseil avant d’avoir terminé son contrat de travail occasionnel de longue durée. À la lumière des autres éléments de preuve, je ne saurais conclure que le contrat de travail n’avait pas pris fin pour cette seule raison.

[41] Par autres éléments de preuve, j’entends la preuve de l’absence de rémunération ou de droit à certaines prestations pendant la période de congé scolaire. Je considère également que la prestataire n’a pas travaillé pour le conseil suffisamment longtemps pour établir une probabilité de réemploi, ni prouvé qu’elle s’attendait à être employée après les périodes de congé scolaire. Il faut aussi dire que le contrat OLD avait des modalités bien différentes de celles du contrat qui commencerait en septembre 2018. À la différence du contrat de septembre, il n’était ni à plein temps ni permanent et l’employeur ne prenait pas en charge tous les avantages sociaux de la prestataire. Celle‑ci devait passer à une autre école ce mois-là et enseigner au primaire plutôt qu’au secondaire. Tous ces facteurs tendraient à faire conclure que le contrat d’enseignement OLD de l’intéressée avait pris fin en juin 2018 et qu’elle concluait un nouveau contrat tant en substance qu’en esprit pour l’automne.

[42] Je dois cependant tenir compte aussi de la situation d’employée à temps partiel à ETP 0,17 de la prestataire. Je ne peux convenir que le seul intérêt de ce poste est qu’il aurait permis d’acquérir une certaine ancienneté entre novembre 2017 et février 2018. La prestataire ne contestait pas que l’ancienneté acquise serait reportée, elle a plutôt signalé que ce qu’elle acquérait ainsi comme ancienneté était nécessaire si elle entendait solliciter un emploi permanent à plein temps pour la nouvelle année scolaire.

[43] S’il est vrai que la prestataire a acquis de l’ancienneté dans un poste à ETP 0,17 et que cet apport l’aurait aidée à décrocher un poste permanent à plein temps, je constate par ailleurs que ce même poste à 0,17 était permanent et que l’intéressée est demeurée employée à 0,17 auprès du conseil scolaire jusqu’à ce qu’elle prenne le poste à plein temps en septembre 2018.

[44] Cette conclusion est étayée par la lettre du 28 juin 2018 du conseil qui confirme l’acceptation par la prestataire du poste permanent à plein temps. L’auteur de cette lettre la décrit comme une [traduction] « confirmation de mutation » et il donne les détails d’un changement d’affectation intervenant le 1er septembre 2018 entre le poste ETP 0,17 [à l’école secondaire où on avait offert au départ cette affectation en novembre 2017]Note de bas de page 18 et le poste à ETP 1,0 dans une autre école du même conseil.

[45] La description du conseil scolaire dans cette lettre doit être examinée avec le protocole d’accord et annexesNote de bas de page 19 (convention) régissant les relations du conseil avec son personnel enseignant. La prestataire n’a contesté l’exactitude d’aucun des documents en question dans son appel à la division générale.

[46] D’après la convention, tous les enseignants occasionnels de longue durée acquièrent de l’ancienneté comme le font les enseignants à temps partiel et peuvent postuler des emplois en faisant valoir l’ancienneté acquise. Ainsi, il n’y aurait pas d’intérêt particulier à prêter à l’ancienneté acquise par l’intéressée dans son poste ETP 0,17 à comparer à son poste OLD à ETP 0,667 sauf si le poste à 0,17 avait été un emploi permanent à temps partiel.Selon la convention, le conseil doit offrir les postes vacants permanents au personnel enseignant à temps partiel avant de le faire au personnel enseignant occasionnel. Si un poste permanent est offert au personnel occasionnel, seuls les enseignants occasionnels ayant mené à terme une affectation de longue durée d’au moins quatre mois sont admissibles.

[47] En d’autres termes, un poste ETP 0,17 de trois mois entre novembre et février ne conférerait aucune priorité sur les enseignants occasionnels sauf s’il s’agit d’un emploi permanent à temps partiel. Il reste que, si le poste ETP 0,17 n’était pas permanent (et n’était que d’une durée de trois mois, ainsi que l’a déclaré la prestataire), cette durée n’aurait pas suffi pour que l’intéressée postule même si le concours pour le poste permanent s’ouvrait au personnel enseignant occasionnel. Dans ce cas, la prestataire aurait eu la possibilité de postuler seulement si aucun enseignant permanent n’était intéressé et elle aurait alors eu à faire valoir son affectation de cinq mois à titre d’enseignante occasionnelle de longue durée.

[48] La prestataire a déclaré que son contrat ETP 0,17 s’est terminé en février et elle s’est elle-même décrite comme enseignante occasionnelle de longue duréeNote de bas de page 20. Si ce même poste à 0,17 avait été un contrat de travail occasionnel de trois mois, il n’aurait joué aucun rôle dans la capacité de postuler. Et pourtant, la prestataire a clairement compris que son poste 0,17 était important pour sa propre capacité à postuler et à décrocher le poste permanent à plein temps.

[49] La prestataire a en outre confirmé à la Commission que, outre son poste OLD de cinq mois, elle avait eu un poste permanent à temps partiel (0,17)Note de bas de page 21. Je préfère cette déclaration à son témoignage selon lequel le poste ETP 0,17 aurait duré de novembre 2017 à février 2018, car cette indication s’accorde avec la lettre du conseil confirmant une mutation ou un changement d’affectation de 0,17 à 1,0 ETP pour le poste permanent à occuper en septembre 2018.

[50] Ayant aussi considéré le témoignage de la prestataire sur l’ancienneté dont elle avait besoin pour se qualifier compte tenu des modalités de la convention, je conclus que la raison pour laquelle elle a pu postuler et décrocher l’emploi permanent à plein temps qui lui était offert en juin 2018 est que le conseil scolaire la considérait déjà comme permanente. Elle avait ainsi la priorité sur les enseignants occasionnels et sur tout autre enseignant permanent à temps partiel intéressé par le nouveau poste, mais ayant moins d’ancienneté.

[51] Je conviens que le poste débutant en septembre 2018 venait largement changer les avantages sociaux et la possibilité pour la prestataire d’être rémunérée à l’avenir à l’égard des périodes de congé scolaire. Je sais également que sa période d’emploi était courte au conseil et qu’il n’était pas établi qu’elle serait rappelée après les périodes de congé. D’après les documents et les déclarations du conseil, j’admets en outre que l’intéressée avait accepté des contrats de travail occasionnel, bien que j’aie constaté qu’elle était une enseignante permanente à temps partiel.

[52] Je juge néanmoins que sa relation contractuelle essentielle avec le conseil était une relation d’emploi permanent, ce qu’a confirmé l’offre d’emploi acceptée pendant qu’elle travaillait toujours pour ce conseil. Cette relation contractuelle a été la sienne pendant la période de congé scolaire, d’où la conclusion qu’il n’y a pas eu de rupture claire de la relation d’emploi. L’emploi de la prestataire n’avait pas pris fin et l’article 33(2)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi n’a pas pour effet de l’admettre aux prestations en période de congé scolaire.

Enseignement « sur une base occasionnelle ou de suppléance »

[53] Comme il est dit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c BlanchetNote de bas de page 22, le Règlement sur l’assurance-emploi ne définit pas l’expression « sur une base occasionnelle ou de suppléance ». Le jugement Blanchet renvoie à la décision Dupuis-Johnson c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration)Note de bas de page 23 devant exclure l’emploi qui s’exerce « de façon continue et prédéterminée » de la catégorie de l’enseignement « sur une base occasionnelle ou de suppléance ». L’arrêt Arkinstall c Canada (Procureur général)Note de bas de page 24n’est pas allé à l’encontre d’une décision du juge-arbitre selon laquelle les demandeurs étaient des travailleurs occasionnels ou suppléants même s’il n’était pas mis fin à leur contrat de travail à durée déterminée. L’arrêt Stephens c Canada (Ministre du Développement des ressources humaines)Note de bas de page 25dit : « Toutefois, la simple existence d’un contrat d’enseignement à durée déterminée visant une période précise n’empêche pas nécessairement une personne de se prévaloir des dispositions de l’alinéa 33(2)b) pour la période en question. »

[54] L’arrêt Blanchet se reportait au Guide de la détermination de l’admissibilitéNote de bas de page 26 (Guide) et aux définitions du dictionnaire, mais a dit devoir tenir compte du contrat signé par l’enseignante. La conclusion en l’occurrence a été que, malgré le caractère précaire de leur contrat, les enseignantes en cause n’étaient ni occasionnelles ni suppléantes. Dans l’affaire Blanchet, la CAF dit que la situation qui lui est présentée est « précisément » la même que dans l’affaire Dupuis-Johnson, en ce sens que le contrat exigeait que les membres du personnel enseignant se voient offrir un contrat à temps partiel si on savait d’avance qu’ils seraient absents plus de deux mois.

[55] Ni la convention ni la correspondance entre le conseil et la prestataire ne donnent à entendre que les suppléants doivent se voir offrir un contrat à temps partiel en cas d’absence prolongée et rien ne prouve en l’espèce que le conseil ait déterminé de quelque manière la durée de l’absence de l’enseignante régulière. La prestataire a déclaré être foncièrement suppléante dans son contrat de travail occasionnel de longue durée. Elle a dit avoir donné deux cours à la place d’une enseignante en congé de maladie et savoir que celle-ci pouvait revenir à tout moment de son congé. Elle considérait donc que son contrat OLD était de jour en jour. Si la prestataire avait aussi le statut d’enseignante permanente ETP 0,17 depuis son arrivée au conseil en novembre 2017, elle travaillait généralement comme suppléante sous divers contrats dans l’année scolaire précédant la période de congé. La preuve était cohérente et disait que, malgré son ETP 0,17 et au moins depuis février 2018, l’intéressée ne travaillait qu’en vertu de son contrat de cinq mois, ce que décrit le conseil comme un travail en deux tranches OLDNote de bas de page 27. En fait, elle avait dû confirmer être indisponible pour un autre travail pendant cette période. Elle a aussi occupé un emploi de suppléante du 2 octobre au 22 décembre 2017 dans ce qu’on a dit être un poste ETP 1,0 (et qui exclurait donc une autre charge d’enseignement)Note de bas de page 28.

[56] La prestataire répond à la définition usuelle de « suppléante » que donne le dictionnaire, en ce sens qu’elle [traduction] « prend la place ou la fonction d’un autre »Note de bas de page 29. Le Guide énonce la politique de la Commission : « L’emploi dans l’enseignement est exercé sur une base de suppléance lorsque l’enseignant remplace, temporairement, un autre enseignant, par exemple un enseignant en congé, en vacances ou maladeNote de bas de page 30. »

[57] Je reconnais que le Guide poursuit : « Toutefois, si l’emploi sur une base de suppléance devient fixe ou régulier ou fait l’objet d’un contrat temporaire à temps plein ou à temps partiel […] l’emploi ne peut plus être considéré comme étant sur une base de suppléance. » Dans la présente affaire, l’enseignement par la prestataire à titre de suppléante était assujetti aux modalités d’un contrat temporaire de travail du type « occasionnel de longue durée ».

[58] Il reste que la politique de la Commission ne me lie pas. L’emploi de la prestataire peut avoir été continu comme il s’est révélé être, mais je n’admets pas qu’il ait été prédéterminé si je tiens compte de l’incertitude quant au retour au travail d’une enseignante régulière et considère que le maintien de son emploi était conditionnel à la continuation de l’absence de l’enseignante remplacée.

[59] Je conclus que la prestataire était employée comme suppléante et qu’elle répond donc aux critères d’exception à l’article 33(1)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. Vu l’application de cet article, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations pendant la période de congé scolaire entre la fin de juin 2018 et le début de septembre de la même année.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution(s) :

Le 21 mai 2019

Téléconférence

R. H., appelante

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