Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de prorogation du délai est refusée et la demande de permission d’en appeler est de ce fait rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, S. M. (prestataire), s’est blessée au genou dans un accident du travail le 12 septembre 2016Note de bas de page 1. Elle est demeurée en congé jusqu’en janvier 2017 avant d’entreprendre un retour progressif au travail. Elle a repris ses fonctions à plein temps en mai 2017. Elle a sollicité une indemnité d’accident du travail pour une blessure au dos, mais WorkSafe BC a refusé sa demande. Elle calcule avoir perdu près de 500 heures de salaire. En août 2018, elle a demandé des prestations de maladie du régime d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a jugé qu’elle n’avait pas eu d’heures d’emploi assurable entre le 27 août 2017 et le 25 août 2018 et a donc rejeté la demandeNote de bas de page 2. En réexamen, elle a maintenu sa décision, jugeant qu’une période de prestations n’avait pas été établie et que l’intéressée n’avait pas droit à une antidatationNote de bas de page 3. La prestataire a appelé de la décision en réexamen de la Commission à la division générale, mais celle‑ci a rejeté l’appel au motif que l’appelante n’avait pas de motif valable pour justifier le retard. La demanderesse sollicite maintenant la permission d’interjeter appel de la décision de cette division.

[3] Je dois d’abord estimer si la demande de permission d’en appeler de la prestataire a été déposée à temps et, si ce n’est pas le cas, je dois ensuite exercer mon pouvoir discrétionnaire et éventuellement proroger le délai de dépôt de cette demande. Enfin, si j’accorde la prorogation, je dois juger si l’appel a des chances raisonnables de succès. Je n’ai pas la conviction qu’il s’agit là d’une cause défendable, et c’est pourquoi je rejette la demande de prorogation du délai de demande de permission d’en appeler.

Questions en litige

[4] Les questions en litige sont les suivantes :

Question 1 : La prestataire a‑t-elle déposé à temps sa demande de permission d’en appeler?

Question 2 : Si ce n’est pas le cas, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de dépôt de demande de permission d’en appeler?

Question 3 : Si j’accorde la prorogation, l’appel a‑t‑il des chances raisonnables de succès?

Analyse

Question 1 : La prestataire a‑t-elle déposé à temps sa demande de permission d’en appeler?

[5] Non, la demande n’a pas été déposée à temps.

[6] Suivant l’article 57(1)(a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler — d’une décision de la section de l’assurance-emploi — doit se faire à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date de communication de la décision au demandeur.

[7] La prestataire n’a pas fait connaître dans sa demande quand la décision de la division générale lui avait été communiquée. Je remarque cependant que la lettre d’envoi de la décision à la demanderesse par le Tribunal de la sécurité sociale porte la date du 21 janvier 2019 et que ce même tribunal a fait parvenir un courriel mentionnant la même date à la prestataire avec copie de la décision. Suivant l’article 19(1)(c) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, une décision est présumée avoir été communiquée à la partie le premier jour ouvrable suivant sa transmission par un moyen électronique, notamment par courriel ou par télécopieur. Dans le cas qui nous occupe, si le Tribunal a envoyé la décision le 21 janvier 2019, la date de réception est réputée être le 22 janvier 2019. Ainsi, la prestataire avait l’obligation de déposer la demande de permission d’en appeler au plus tard le 21 février 2019. Comme sa demande est timbrée en réception au 23 mai 2019, elle était en retard lorsqu’elle a produit cette demande.

Question 2 : Devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de dépôt de demande de permission d’en appeler?

[8] L’article 57(2) de la LMEDS dit : « La division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. » Cette division peut accorder un délai supplémentaire pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais celle‑ci ne peut jamais être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision est communiquée au demandeur.

[9] Lorsqu’il s’agit de décider d’accorder ou non la prorogation, la considération qui prime est celle de l’intérêt de la justiceNote de bas de page 4. Dans les arrêts X (Re) et Canada (Procureur général) c Larkman, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit comme facteurs à prendre en considération :

  • il y a une cause défendable en appel ou la demande à un certain fondement;
  • il y a des circonstances particulières ou une explication raisonnable pour justifier le retard;
  • le retard est excessif;
  • le défendeur subit un préjudice si la prorogation est accordée.

[10] Dans l’affaire Larkman, la Cour d’appel fédérale a considéré si le demandeur avait manifesté une intention constante de poursuivre sa demande.

[11] La prestataire n’a pas donné d’explication du retard ni manifesté d’intention constante. Le retard en cause n’est guère plus que de trois mois, et la Commission ne subira sans doute aucun préjudice si j’accorde la prorogation. Que la prestataire n’ait pas donné d’explication raisonnable du retard ne devrait pas généralement en soi faire obstacle à la prolongation. Au moment de juger s’il est dans l’intérêt de la justice que la prorogation ait lieu, on prête habituellement un plus grand poids à l’existence d’une cause défendable s’il n’y a pas d’autres circonstances particulières. Je m’emploierai ici à voir si le motif invoqué est défendable.

[12] La prestataire fait valoir qu’il y a là une cause défendable, parce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle fait valoir plus précisément que cette division s’est trompée en concluant qu’elle ne s’était pas enquise de son admissibilité aux prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] La Cour d’appel fédérale a estimé qu’il y a une chance raisonnable de succès en appel si la cause y est défendable en droit et vice versaNote de bas de page 5. D’une manière ou d’une autre, il ne saurait y avoir de chances raisonnables de succès si les moyens d’appel ne sont pas fondés sur l’article 58(1) de la LMEDS. On y trouve les seuls motifs à invoquer pour qu’un appel ait des chances raisonnables d’être accueilli :

(a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Les prestataires n’ont pas à prouver leur cause; ils ont simplement à établir que l’appel a des chances raisonnables de succès parce qu’a été commise une erreur susceptible de révision.

[15] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas été suffisamment prompte à s’enquérir de ses obligations suivant la Loi sur l’assurance-emploi et que, par conséquent, elle n’avait pas prouvé avoir un motif valable pour justifier son retard à demander des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[16] La prestataire nie ne pas avoir agi avec une promptitude raisonnable pour comprendre ses droits. Elle soutient que la division générale a négligé une partie de la preuve :

  • Elle a travaillé pendant 20 ans comme professionnelle agréée à titre de gestionnaire en ressources humaines pour un grand nombre de gros organismes où elle a formé les employés à la façon d’accéder aux relevés d’emploi, à consulter leurs comptes au site Web de Service Canada et à demander des prestations d’assurance-emploi ou de maladie.
  • Elle a consulté le site Web de Service Canada pour obtenir son propre relevé d’emploi et se renseigner sur les prestations d’assurance-emploi. En août 2018, elle a eu recours à ce site pour demander des prestations de maladie.
  • En juillet 2018, elle a demandé des renseignements en personne aux agents de Service Canada et ceux‑ci l’ont avisée que tous les formulaires de demande tardive étaient en ligne. Un gestionnaire de cas à l’assurance-emploi a communiqué avec elle pour lui confirmer la chose.

[17] En fait, la division générale a fait référence à certains de ces éléments de preuve. Aux paragraphes 15 et 17, elle mentionne que la prestataire travaillait comme gestionnaire des ressources humaines et qu’elle était responsable de la délivrance des relevés d’emploi. Elle a constaté qu’elle connaissait donc bien le régime d’assurance-emploi. Il ressort également de sa décision que l’intéressée a demandé des prestations de maladie en ligne en passant par le site Web de Service Canada en août 2018Note de bas de page 6. Je ne suis pas persuadée, par conséquent, qu’on puisse soutenir que la division générale a négligé cette preuve.

[18] La division générale n’a pas mentionné que, en juillet 2018, la prestataire avait posé des questions aux agents de Service Canada, lesquels lui auraient dit qu’elle pouvait trouver des formulaires en ligne pour une demande tardive. Elle n’a pas fait mention non plus que l’intéressée avait par la suite vérifié cette indication auprès d’un gestionnaire de cas. Aucune preuve documentaire au dossier de l’audience devant la division générale n’indique qu’elle s’est renseignée auprès des agents de Service Canada en juillet 2018. J’ai écouté l’enregistrement audio de cette audience, et il n’y a pas de preuve orale non plus que l’intéressée est allée aux renseignements ce mois‑là. Comme la division générale ne disposait pas de ces éléments de preuve, je ne crois pas qu’on puisse soutenir qu’elle aurait négligé cette preuve.

[19] Même si la preuve avait été là, plus de 1,5 an s’était écoulé depuis la dernière journée de travail de la prestataire en septembre 2016 à la suite d’un accident du travail. Que celle‑ci ait parlé à un agent en juillet 2018 n’explique toujours en rien les démarches qui auraient été les siennes entre cette dernière journée de travail en septembre 2016 et juillet 2018. Comme l’a fait remarquer la division générale, les demandeurs doivent démontrer avoir un motif valable justifiant toute la période de retard.

[20] La prestataire fait en outre valoir que la division générale a commis une erreur en concluant qu’elle-même aurait déclaré ignorer être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle prétend que, en réalité, elle ignorait si WorkSafe BC lui verserait des prestations et que, pour cette raison, elle avait attendu la décision de cet organisme pour solliciter des prestations d’assurance-emploi, ne voulant pas prendre le risque de [traduction] « cumuler les prestations ».

[21] Il reste que ses allégations ne concordent pas avec la preuve documentaire. Ainsi, les notes au registre téléphonique indiquent qu’elle aurait dit ignorer avoir pu demander des prestations de maladie du régime d’assurance-emploi pendant qu’elle recevait une indemnité d’accident du travailNote de bas de page 7.

[22] Il faut dire que, même si la division générale s’était trompée en concluant que la prestataire ignorait son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, cela n’aurait guère aidé aux fins de son appel. En d’autres termes, si la prestataire avait su avoir droit aux prestations, cela ne lui aurait pas donné de motif valable pour justifier son retard à demander des prestations.

[23] Enfin, la prestataire me demande de réexaminer la décision de la division générale et d’accepter sa demande d’antidatation. Toutefois, l’article 58(1) de la LMEDS ne permet pas de réévaluer la preuve ni d’instruire l’affaire à nouveau. Je ne crois donc pas que l’appel ait des chances raisonnables de succès.

[24] N’ayant pas la conviction qu’il y a là une cause défendable ni que l’appel a des chances raisonnables de succès, je conclus que proroger le délai de dépôt de demande de permission d’en appeler n’est pas dans l’intérêt de la justice.

Question 3 : L’appel a‑t‑il des chances raisonnables de succès?

[25] Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas persuadée que l’appel ait des chances raisonnables de succès et je refuse donc la permission d’en appeler.

Conclusion

[26] La demande de prorogation du délai est refusée.

[27] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Demanderesse :

S. M., non représentée

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