Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] La demande est rejetée. La décision est que le dossier no GE‑18‑640 du Tribunal ne fera pas l’objet d’une annulation ni d’une modification. G. S. (la « demanderesse ») a fourni de nouveaux renseignements provenant de son ancien employeur et de la conseillère juridique de son association à propos d’un montant de règlement de 34 000,00 $ reçu après avoir été licenciée par son employeur. Ces renseignements ne sont pas considérés comme des « faits nouveaux » parce que le règlement a eu lieu avant que la décision du Tribunal soit rendue dans le dossier du Tribunal GE-18-640 et que les nouveaux renseignements auraient pu être connus si la demanderesse avait agi avec diligence. Bien que la décision ait été rendue sans que ces renseignements soient connus, ils ne répondent pas non plus au critère permettant de les considérer comme des faits essentiels.

Aperçu

[2] La demanderesse travaillait pour un service de police municipal à titre de commis à l’information et aux dossiers aux termes d’un contrat de [traduction] « services temporaires selon les besoins » devant prendre fin le 31 mars 2017. Le 3 octobre 2016, l’employeur a mis fin à ce contrat, en fixant la date de fin au 17 octobre 2016, au motif que le rendement de la demanderesse n’était pas conforme aux normes de service. La demanderesse a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (AE) le 21 novembre 2016. Elle a demandé ultérieurement que sa demande soit antidatée, et sa période de prestations a débuté le 4 septembre 2016.   

[3] La demanderesse croyait que son licenciement était lié à la formulation d’une plainte au sujet des pratiques d’embauche de l’employeur et au dépôt d’une plainte de harcèlement contre d’autres employés. Un enquêteur a établi que la demanderesse n’avait pas fait l’objet de harcèlement, mais que l’environnement de travail était toxique. Après avoir reçu les résultats de l’enquête, la demanderesse, avec l’aide de son syndicat (association), a négocié un paiement de règlement de 34 000,00 $ de la part de son employeur en septembre 2017. L’employeur a noté la somme sur le relevé d’emploi (RE) comme une « allocation de retraite » et l’a présentée à l’intimée comme une « indemnité de départ ».

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (« l’intimée ») a traité le montant intégral du paiement de règlement de 34 000,00 $ comme une « rémunération » payée à la cessation d’emploi et l’a réparti sur la période de la demande selon la rémunération hebdomadaire normale de la prestataire, sur les semaines du 4 septembre 2016 au 25 mars 2017; un solde de 58,00 $ a été appliqué à la semaine du 26 mars 2017. Il en a résulté un trop‑payé de 15 631,00 $. L’intimée a maintenu cette décision à l’étape de la révision. La demanderesse a fait appel auprès du Tribunal de la décision rendue par l’intimée à l’issue de la révision. Le 17 juillet 2018, le Tribunal a tenu une audience. La demanderesse a allégué que le paiement ne constituait pas une rémunération parce qu’il résultait d’un [traduction] « règlement négocié » visant à l’indemniser pour ne pas avoir déposé de grief ou de plainte relative aux droits de la personne contre l’employeur et parce que 29 000,00 $ sur la somme en question avaient été versés dans un REER. Elle a aussi affirmé qu’elle avait reçu la somme une fois ses prestations d’AE terminées, et que la somme n’aurait donc pas dû être répartie sur la période de sa demande.

[5] Le 31 août 2018, le Tribunal a rendu une décision dans le dossier no GE-18-640 selon laquelle la somme de 34 000,00 $ constituait une rémunération et avait été répartie de manière appropriée par l’intimée. La demanderesse a demandé la permission d’en appeler. Le 19 octobre 2018, dans le cadre de la procédure d’appel, la demanderesse a soumis des renseignements additionnels sous la forme d’une lettre datée du 17 octobre 2018 et provenant de son ancien employeur, indiquant alors que le montant de règlement de 34 000,00 $ avait été payé à l’appelante pour avoir consenti à renoncer à son droit à la réintégration et à l’ensemble de ses droits prévus dans la convention collective. Le 11 mars 2019, la demanderesse a présenté une demande d’annulation ou de modification de la décision du 31 août 2018 de la division générale, en se fondant sur cette lettre. Sa demande de permission d’en appeler a été mise en suspens en attendant une décision concernant la demande d’annulation ou de modification.

Questions préliminaires

[6] En présentant sa demande d’annulation ou de modification de la décision initiale, la demanderesse a fourni brièvement les motifs de cette demande. Le 14 mars 2019, les parties ont été avisées qu’elles disposaient de 30 jours pour déposer toute observation ou tout document additionnel. Le 19 mars 2019, le Tribunal a reçu des observations supplémentaires de l’intiméeFootnote 1. La demanderesse n’a pas présenté d’autres observations.

[7] Le Tribunal a tenu une audience au moyen de questions et réponses écrites étant donné que certains renseignements que la demanderesse avait fournis dans sa demande nécessitaient des éclaircissements.Footnote 2 Le Tribunal a envoyé une liste de questions à la demanderesse le 16 avril 2019 et a demandé une réponse pour le 30 avril 2019Footnote 3. Le 26 avril 2019, la demanderesse a demandé une prolongation du délai de réponse, disant qu’elle n’était pas disponible du 28 août 2019 [sic] au 5 mai 2019. Le 30 avril 2019, la demanderesse a précisé qu’elle était à l’étranger jusqu’au 5 mai 2019, et qu’elle avait accès au courriel seulement sporadiquement. Le Tribunal a accordé une prolongation jusqu’au 10 mai 2019 et la demanderesse a fourni ses réponses le 10 mai 2019Footnote 4. En plus de ses réponses, la demanderesse a fourni de nouveaux renseignements prenant la forme d’un échange de courriels entre la conseillère juridique de l’association et elle‑même au sujet de la lettre de l’employeur et des négociations relatives au règlementFootnote 5.

Questions en litige

[8] Question 1 : La demanderesse remplit-elle les conditions préliminaires à respecter pour aller de l’avant avec une demande de modification ou d’annulation d’une décision?

[9] Question 2 : Dans l’affirmative, la décision rendue dans le dossier no GE-18-640 du Tribunal devrait‑elle être annulée ou modifiée?

Analyse

[10] Pour aller de l’avant avec une demande d’annulation ou de modification d’une décision du Tribunal, la demanderesse doit démontrer qu’elle satisfait à certaines exigences préliminaires. Une demande d’annulation ou de modification d’une décision doit être présentée dans l’année suivant la date où la décision a été communiquée au demandeur. Chaque personne faisant l’objet d’une décision ne peut faire qu’une demande d’annulation ou de modification de la décision, et une décision doit être annulée ou modifiée par la division du Tribunal qui l’a rendueFootnote 6.

[11] Une demande d’annulation ou de modification d’une décision ne sert pas à débattre ou à débattre à nouveau du fond de la question en litige. Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière : dans le cas d’une décision visant la Loi sur l’assurance-emploi, si des faits nouveaux lui sont présentés ou s’il est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel faitFootnote 7.

Question 1 : La demanderesse remplit-elle les conditions préliminaires à respecter pour aller de l’avant avec une demande de modification ou d’annulation d’une décision?

[12] Oui. La demanderesse remplit les conditions préliminaires qui doivent être respectées pour aller de l’avant avec une demande de modification ou d’annulation de la décision rendue par le Tribunal le 31 août 2018.

[13] Je constate que la demanderesse a déposé sa demande d’annulation ou de modification dans l’année suivant la date où la décision initiale lui a été communiquée. Même si, dans sa demande d’annulation ou de modification, elle dit qu’elle a reçu le 21 février 2019 la décision rendue par le Tribunal le 31 août 2018, elle semble faire référence à une communication de la division d’appel du Tribunal puisqu’elle mentionne également un numéro de dossier d’appel. Selon les dossiers du Tribunal, la décision du 31 août 2018 a été postée à la demanderesse le 4 septembre 2018. La décision est présumée avoir été communiquée à la demanderesse le dixième jour suivant celui de sa mise à la posteFootnote 8, ce qui serait le 14 septembre 2018. La demanderesse a présenté sa demande d’annulation ou de modification de cette décision le 11 mars 2019, à l’intérieur du délai d’un an. Le dossier du Tribunal ne contient aucune preuve d’une autre demande qui aurait été faite par la demanderesse pour annuler ou modifier la décision dans le dossier du Tribunal no GE 18-640. Je suis convaincue qu’il s’agit de la première demande. La demande d’annulation ou de modification soumise par la demanderesse est présentée à la division du Tribunal qui a rendu la décision initiale, c’est-à-dire la division générale.

Question 2 : La décision rendue dans le dossier no GE-18-640 du Tribunal devrait‑elle être annulée ou modifiée?

[14] Non. Je juge que le critère à respecter pour l’annulation ou la modification d’une décision n’a pas été rempli.

La lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018 ou la documentation sous forme de courriels de la conseillère juridique de l’association au sujet du règlement constituent-elles des « faits nouveaux »?

[15] Non. Ces renseignements ne sont pas considérés comme des « faits nouveaux » parce que le règlement entre la demanderesse et son ex-employeur a eu lieu avant que la décision du Tribunal soit rendue le 31 août 2018. La demanderesse aurait été au courant de la lettre et des renseignements fournis par courriel par la conseillère juridique de l’Association si elle avait agi avec diligence.

[16] Pour que des faits soient considérés comme des « faits nouveaux », il doit s’agir de faits qui se sont produits après que la décision a été rendue, ou qui ont eu lieu avant la décision, mais qui n’auraient pas pu être découverts par un appelant diligent. De plus, les faits en question doivent avoir décidé de la question soumiseFootnote 9.

(i) Quand les faits se sont-ils produits?

[17] Le règlement a eu lieu avant la décision du Tribunal le 31 août 2018, soit en septembre 2017.

[18] Selon la nouvelle lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018, la demanderesse était sous contrat à partir du 13 septembre 2013 jusqu’à ce que l’employeur mette fin à son emploi le 17 octobre 2016. La lettre mentionne que la demanderesse a formulé un grief concernant la validité de son licenciement et qu’il a été réglé peu après. Un relevé d’emploi (RE) révisé a été produit lorsque le règlement a eu lieu. La lettre indique que la somme de 34 000,00 $ payée à la demanderesse en tant qu’allocation de retraite en 2017 a été versée conformément à un accord de règlement et que ce paiement était lié au consentement de la demanderesse de renoncer à son droit à la réintégration et à l’ensemble de ses droits prévus dans la convention collectiveFootnote 10.

[19] Bien que la lettre de l’employeur ait été écrite après la décision du 31 août 2018 du Tribunal, le règlement a eu lieu avant cette décision. La lettre de l’employeur ne donne pas la date exacte du règlement, mais précise que le relevé d’emploi (RE) révisé a été produit lorsque le règlement a eu lieu. Le RE révisé mentionnant l’allocation de retraite de 34 000,00 $ est daté du 20 septembre 2017. Par conséquent, je conclus que le règlement a eu lieu le 20 septembre 2017 ou aux environs de cette date, donc avant la décision du 31 août 2018 du Tribunal.

[20] Les courriels entre la demanderesse et la conseillère juridique de l’association ont des dates différentes qui sont postérieures à la décision du 31 août 2018 du Tribunal. Toutefois, les courriels font référence au règlement concernant la demanderesse, qui a eu lieu avant la décision du 31 août 2018Footnote 11.

[21] Il existe une différence entre des faits nouveaux et de nouveaux éléments de preuve appuyant des faits déjà connus. « Une version différente des faits déjà connus de la prestataire, de simples réflexions après coup ou la constatation soudaine des conséquences d’actions passées ne sont pas des "faits nouveaux"Footnote 12. » Je considère que la lettre de l’employeur et les renseignements dans les courriels de la conseillère juridique de l’association ne constituent pas des faits nouveaux, mais plutôt de nouveaux éléments de preuve appuyant des faits déjà connus au sujet du règlement.

(ii) La lettre de l’employeur et la documentation sous forme de courriels de la conseillère juridique de l’association sont-elles des éléments qui auraient pu être connus par la demanderesse si elle avait agi avec diligence?

[22] Oui. Je suis d’avis que l’exercice de la diligence aurait permis à la demanderesse d’être au courant de la lettre de l’employeur et de la documentation sous forme de courriels de la conseillère juridique de l’association.

[23] La demanderesse a informé le Tribunal qu’elle avait demandé la lettre de son employeur au début d’août 2018 et que cette lettre lui avait été envoyée le 18 octobre 2018. Elle l’a fournie au Tribunal le 19 octobre 2018Footnote 13.

[24] La demanderesse a fait savoir au Tribunal qu’elle n’avait pas demandé les renseignements à son ancien employeur avant l’audience initiale du 17 juillet 2018 pour la raison suivante [traduction] : « J’ai parlé de la question à la conseillère juridique de l’association et la conseillère m’a avisée des définitions à utiliser qui, selon elle, auraient clarifié tout malentendu. Je ne savais pas que le Tribunal aurait eu besoin de plus de renseignements que ceux qui étaient suffisants d’après ce que m’avait dit mon associationFootnote 14. »

[25] La demanderesse a aussi expliqué au Tribunal qu’elle n’avait pas demandé et soumis la lettre dans le délai supplémentaire que lui avait accordé le membre du Tribunal après l’audience pour fournir plus de renseignements parce qu’elle avait avisé le membre du Tribunal qu’elle ne serait pas en mesure de contacter l’association avant que ses examens soient terminés, soit après le 29 juillet 2018. Elle l’a fait sans tarder après ses examens, mais a été informée que la conseillère juridique de l’association était à l’extérieur jusqu’à la mi-août. La demanderesse a ensuite expliqué que la conseillère juridique de l’association l’avait informée à son retour qu’elle donnerait suite à sa demande. Elle a expliqué que, le 23 août 2018, la conseillère juridique de l’association lui avait dit qu’elle avait parlé à l’avocat externe conseillant l’association et que le fait que le motif sur le RE soit passé de licenciement à démission n’aurait pas dû entraîner un trop‑payé; la conseillère juridique lui avait dit qu’elle contacterait son employeur pour savoir si cela pouvait être régléFootnote 15.

[26] La demanderesse a fourni des courriels qu’elle avait échangés avec la conseillère juridique de l’association à propos de l’obtention de la lettre de l’employeur. Un courriel non daté que la conseillère juridique de l’association lui a envoyé indique que cette conseillère a eu plusieurs communications avec l’employeur à ce sujet, puis présente la position que la conseillère juridique a adoptée à l’endroit de l’employeur et mentionne que ce dernier se demandait s’il devait produire une lettreFootnote 16. La demanderesse a alors envoyé un courriel à la conseillère juridique de l’association le 12 septembre 2018 pour s’informer de la lettre et, le 18 octobre 2018, la conseillère a répondu : [traduction] « Vous trouverez ci-joint la lettre de l’employeur dont nous avons parlé. J’ai confirmé la formulation avec l’avocat externe et j’ai été avisée que c’est ce que Service Canada doit faire confirmerFootnote 17. »

[27] La demanderesse explique que le membre du Tribunal avait demandé une copie du règlement et qu’elle s’était dite préoccupée par le fait de communiquer un document qu’elle avait accepté de garder confidentiel. Elle affirme que l’employeur ne lui avait pas donné la permission de discuter du règlement et qu’elle avait communiqué activement avec la conseillère juridique de l’association au début d’août après ses examens, comme elle avait dit qu’elle le ferait. Elle dit qu’elle a répondu de son mieux aux questions sur le règlement lors de l’audience. Elle soutient qu’il n’était pas raisonnable pour elle de contacter l’employeur puisqu’elle se sent anxieuse chaque fois qu’elle pense à le faire. Elle souligne qu’elle contacte l’employeur par l’intermédiaire de la conseillère juridique de l’association, ce qui est stressant en soi.

[28] L’intimée affirme que les faits au dossier indiquent que le règlement a eu lieu aux environs de la date d’émission du RE modifié. La demanderesse avait en main les renseignements écrits nécessaires pour indiquer comment le règlement avait été conclu, et n’avait pas été empêchée de fournir cette information au membre du Tribunal lors du processus d’appel. L’intimée ajoute que, puisque la demanderesse était en mesure de fournir la lettre de l’employeur quelques mois après le rejet de son appel par le membre, il est raisonnable de conclure qu’elle était capable de contacter l’employeur et de demander des éclaircissements par écrit sur la somme versée à la cessation d’emploi. Elle aurait aussi pu contacter le membre du Tribunal et demander plus de temps. L’intimée fait valoir que, puisque la demanderesse était à l’emploi d’une organisation d’application de la loi, il serait logique qu’elle dispose d’une version écrite du règlement, d’une copie de l’enquête ou d’une déclaration de son grief. Elle a seulement fourni la lettre de son employeur après le rejet de son appel. L’intimée soutient que la lettre ne constitue pas des « faits nouveaux ». La demanderesse aurait pu présenter ces faits pendant l’établissement initial des faits si elle avait agi avec diligence. La lettre de l’employeur ne constitue pas des « faits nouveaux », mais seulement des [traduction] « faits additionnels ».

[29] Je suis d’avis, comme l’intimée, que les nouveaux renseignements fournis ne sont pas des « faits nouveaux ». « Une version différente des faits déjà connus de la prestataire, de simples réflexions après coup ou la constatation soudaine des conséquences d’actions passées ne sont pas des "faits nouveaux"Footnote 18. » La question ne consiste pas à se demander si la demanderesse savait qu’il était nécessaire de fournir la nouvelle preuve à l’audience de la division générale, mais plutôt si elle aurait pu produire cette preuve si elle avait fait preuve de diligenceFootnote 19.

[30] Je conclus que les faits entourant l’accord de règlement de la demanderesse, et ce que les montants représentaient, étaient connus de la demanderesse au moment de la première audience. La lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018 et les courriels échangés entre la demanderesse et la conseillère juridique de l’association ne sont pas des « faits nouveaux ». Il s’agit plutôt d’une version différente des faits que la demanderesse connaissait déjà.

[31] La demanderesse s’est présentée à l’audience devant la division générale et a eu amplement l’occasion de présenter les faits de sa cause et de déposer tout document pour l’appuyer. J’estime que, si la demanderesse avait agi avec diligence, elle aurait pu obtenir plus tôt la lettre et l’information de la conseillère juridique de l’association au sujet du règlement. Il était indiqué dans le dossier du Tribunal que l’employeur avait caractérisé le règlement d’indemnité de [traduction] « départ ». Je comprends que contacter l’employeur directement était stressant pour la demanderesse, mais elle aurait pu communiquer avec la conseillère juridique de l’association avant l’audience pour obtenir tout renseignement qu’elle voulait afin de clarifier la façon dont l’employeur avait caractérisé le règlement. À ce propos, le dossier d’appel envoyé à la demanderesse le 30 avril 2018 contenait le relevé d’emploi daté du 20 septembre 2017 et où le paiement de 34 000,00 $ était indiqué, avec la mention « Allocation de retraite/Crédits de congé de retraite »Footnote 20. Le dossier contenait aussi des notes d’une conversation entre l’intimée et l’employeur le 26 février 2018, dans laquelle l’employeur a dit que l’allocation de retraite/crédits de congé de retraite était une [traduction] « indemnité de départ »Footnote 21. La demanderesse a eu amplement le temps de chercher à obtenir une lettre de l’employeur pour corriger l’information de ce dernier dans le dossier, ou obtenir l’information sur le règlement auprès de la conseillère juridique de l’association avant l’audience.

[32] Du temps était aussi accordé à la demanderesse après l’audience, jusqu’au 3 août 2018, pour fournir plus de documentation au sujet du règlement. Elle a fourni l’information le 7 août 2018, en dehors de cette période, ce que le Tribunal a accepté. Bien que la demanderesse ait mentionné dans sa documentation du 7 août 2018 que la conseillère juridique de l’association était à l’extérieur jusqu’au 13 août 2018, la demanderesse n’a pas demandé de prolongation, et aucun autre document n’a été fourni au Tribunal avant que la décision soit rendue le 31 août 2018.

[33] Je suis d’avis que la présentation de la demande et des pièces jointes par la demanderesse constitue une tentative pour défendre de nouveau sa cause à partir de faits existant au moment de l’audience devant la division générale, en utilisant des éléments de preuve différents. Le règlement et ce qu’il représentait constituent un fait qui existait avant l’audience du Tribunal. La demanderesse était partie au règlement. Elle aurait pu, en agissant avec diligence, contacter la conseillère juridique de l’association avant l’audience pour demander des éclaircissements de l’employeur et demander plus de renseignements à la conseillère au sujet du règlement.

Question 2 : La décision a-t-elle été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a‑t‑elle été fondée sur une erreur relative à un tel fait?

[34] Non. La décision n’a pas été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou n’a pas été fondée sur une erreur relative à un fait essentiel.

[35] Pour que j’annule ou que je modifie ma décision pour ce motif, je devrais être convaincue que je ne connaissais pas un fait important pour ma décision ou que j’ai commis une erreur relative à un tel fait.

[36] Un fait essentiel est un fait dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il établisse, à lui seul ou combiné à d’autres éléments de preuve, que la somme de 34 000,00 $ ou une partie de cette somme n’était pas une « rémunération ».

[37] Je n’ai pas rendu ma décision en me fondant sur une erreur relative à un fait essentiel dans la preuve qui était à ma disposition au moment de ma décision. Ma décision du 31 août 2018 a été rendue sans la lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018 et sans l’information transmise par courriel par la conseillère juridique de l’association parce que la demanderesse ne les a pas fournies, et non à cause d’une erreur.

[38] Je ne considère pas ces nouveaux renseignements comme des faits essentiels parce que ces renseignements, pris seuls ou avec les autres éléments de preuve, n’ont pas d’incidence sur la décision que j’ai rendue dans le dossier du Tribunal no GE-18-640, selon laquelle la somme de 34 000,00 $ constituait une rémunération.

[39] La question qu’il fallait trancher dans le dossier du Tribunal no GE-18-640 était si la somme de 34 000,00 $ reçue à titre de règlement constituait une « rémunération » selon l’article 35 du Règlement sur l’AE et, dans l’affirmative, comment cette somme devrait être répartie en application de l’article 36 de ce règlement. Les nouveaux renseignements fournis par la demanderesse sont pertinents pour savoir si le montant de 34 000,00 $ constitue une rémunération.

[40] La demanderesse affirme dans sa demande d’annulation ou de modification de la décision initiale que la lettre de l’employeur confirme l’information qu’elle a fournie au départ à Service Canada et que la décision originale a été fondée sur des hypothèses en l’absence d’une vérification de la part de l’employeur.

[41] L’intimée dit avoir contacté l’employeur pour vérifier la somme payée à la cessation d’emploi. L’intimée explique avoir contacté l’employeur le 30 octobre 2017 et clarifié le fait que la somme de 34 000,00 $ en allocation de retraite ou crédits de congé de retraite sur le relevé d’emploi modifié était une indemnité de départ. L’intimée souligne que la demanderesse avait informé l’intimée que 29 000,00 $ des 34 000,00 $ avaient été versés dans son régime enregistré d’épargne‑retraite.

[42] L’intimée fait valoir que, lorsque le Tribunal a rejeté l’appel de la demanderesse, celle‑ci a fourni une lettre de son employeur disant que la somme lui avait été payée pour avoir renoncé à son droit à la réintégration et à l’ensemble de ses droits prévus dans la convention collective. L’intimée affirme que la demanderesse a fourni des renseignements contradictoires au sujet de la somme payée à la cessation d’emploi.

[43] Dans la décision du Tribunal no GE-18-640, j’ai conclu que la somme de 34 000,00 $ payée à titre de règlement constituait une « rémunération » aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement sur l’AE. J’ai conclu qu’aucune des exceptions du paragraphe 35(7) ne s’appliquait. J’ai établi que le revenu en question provenait d’un emploi, puisqu’il y avait un lien suffisant entre la perte d’emploi de la demanderesse et la somme reçue. J’ai aussi conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé l’existence de circonstances particulières faisant en sorte que la totalité ou une partie de la somme de 34 000,00 $ représentait autre chose qu’une perte de revenu découlant de la perte de son emploiFootnote 22.

[44] Si une personne allègue que des sommes reçues de son employeur ou de son ancien employeur ont été versées pour des raisons autres que la perte de revenu provenant d’un emploi, dans le cas d’un règlement ou d’un accord reposant sur une poursuite, une plainte ou une réclamation en raison d’un congédiement, il incombe à cette personne de démontrer qu’en raison de « circonstances particulières », une partie de ce revenu doit être considérée comme une rémunération concernant une dépense ou perte autre que la perte de revenu provenant d’un emploiFootnote 23.

[45] Une somme payée pour la renonciation aux droits de réintégration n’est pas considérée comme une rémunération aux fins de l’assurance-emploi et n’est pas répartie. Toutefois, trois conditions doivent être respectées, c’est‑à‑dire qu’il existe un droit à la réintégration, que la réintégration ait été demandée, et que la somme soit payée en échange de la renonciation à ce droitFootnote 24.

[46] Dans la décision du 31 août 2018, j’ai établi que la demanderesse n’avait pas demandé d’être réintégrée dans le cadre des négociations sur le règlement et que la somme de 34 000,00 $ ne représentait donc pas une renonciation à ce droit. Cette constatation reposait sur le témoignage de la demanderesse selon lequel elle n’avait pas déposé de grief et n’avait pas demandé une réintégrationFootnote 25 et sur une déclaration écrite à ce sujet à l’intention du TribunalFootnote 26. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle croyait que le paiement de 34 000,00 $ était consigné dans l’accord de règlement en tant qu’allocation de retraite. Elle a aussi déclaré que l’une des modalités de l’entente était qu’elle n’allait pas déposer de grief ou de plainte relative aux droits de la personne et que, à ses yeux, le montant de 34 000,00 $ représentait une indemnité pour ne pas déposer de telles plaintes.  

[47] Malgré la lettre de l’employeur [sic] la demanderesse a fournie, indiquant que la somme ou l’argent lui a été versé pour avoir accepté de renoncer à son droit à la réintégration et à l’ensemble de ses droits prévus dans la convention collective, la demanderesse continue à affirmer dans les documents soumis à l’appui de cette demande qu’elle n’a pas déposé de grief et n’a pas demandé de réintégration. Elle dit qu’elle a accepté le règlement au lieu de déposer un griefFootnote 27. Elle précise ceci [traduction] : « On ne m’a pas offert de me réintégrer, et je n’ai pas demandé à être réintégrée. Dans l’accord de règlement, il y avait une clause disant que j’acceptais de renoncer à mon droit d’être réintégréeFootnote 28. »

[48] Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, la conseillère juridique de l’association dit dans les courriels fournis comme nouveaux renseignements qu’un grief verbal a été formulé conformément à la convention collective et qu’une réintégration a été demandée dans le cadre de ce griefFootnote 29.

[49] Selon le courriel de la conseillère juridique de l’association, dans toutes les discussions, l’association avait toujours adopté la même position, soit : a. Le licenciement (de la demanderesse) était un congédiement injuste, abusif ou discriminatoire, sans motif raisonnable; b. Le rendement au travail (de la demanderesse) n’avait pas été géré adéquatement; c La formation reçue (par la demanderesse) était insuffisante ou comportait des lacunes; d. La gestion des présences n’était pas administrée de manière équitable; e. (La demanderesse) avait été ciblée, intimidée et harcelée par ses collègues et assujettie à un environnement qui était globalement toxique et nocif; f. (L’employeur) n’avait pas fourni (à la demanderesse) un milieu de travail sans discriminationFootnote 30.

[50] La conseillère juridique de l’association a expliqué que l’association avait toujours été d’avis que les mesures correctives suivantes étaient nécessaires pour redresser la situation : a. Des déclarations reconnaissant la véracité de la position de la demanderesse; b. Une ordonnance réintégrant la demanderesse avec une indemnité pour l’ensemble de la perte du salaire, des avantages sociaux et des autres droits et avantages prévus dans la convention collective; c Des dommages-intérêts pour le harcèlement/l’environnement de travail toxique et la discrimination raciale; et d. Des mesures de protection (veiller à ce que la demanderesse soit loin des responsables du harcèlement, etc.). La conseillère juridique explique ensuite que, puisque l’employeur avait compris qu’un grief serait déposé sous peu et que des discussions étaient engagées conformément à la procédure de grief, aucune lettre de grief n’a été envoyée. Elle affirme que le paiement a été versé à titre de règlement d’un grief. Elle fait référence à l’article 7.02(a) de la convention collective, qui permet un grief verbal. Cette disposition présente la procédure de grief et prévoit que, lorsqu’un membre a une plainte ou allègue que la convention collective a été enfreinte, les faits relatifs à la plainte doivent être transmis au superviseur du membre, verbalement ou par écritFootnote 31.

[51] Je suis convaincue, d’après l’information fournie par la conseillère juridique de l’association et la disposition de la convention collective citée, qu’un grief verbal a été présenté au nom de la demanderesse et que, conformément à la convention collective, il existait un droit à la réintégration. Le fait qu’un grief a été présenté est corroboré par la lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018. Je suis aussi convaincue que, par l’intermédiaire de la conseillère juridique de l’association, la demanderesse a demandé d’être réintégrée dans son emploi. Je reconnais que la demanderesse insiste pour dire qu’aucun grief n’a été présenté et qu’une réintégration n’a pas été demandée. Toutefois, la conseillère juridique de l’association menant les négociations en son nom, il se peut que la demanderesse n’ait pas été au courant de tous les détails des négociations. J’accepte le fait qu’une demande de réintégration a été formulée en son nom. Je suis donc convaincue que la demanderesse remplit les deux premières conditions dans lesquelles une somme payée à la suite d’un licenciement peut être considérée comme une indemnité pour la renonciation au droit à la réintégration, soit qu’elle avait un droit à la réintégration et que sa réintégration a été demandée.   

[52] Toutefois, je ne suis pas convaincue que la troisième condition ait été remplie. Bien que j’accepte qu’une partie du montant du règlement de 34 000,00 $ représentait une indemnité pour la renonciation au droit à la réintégration, la demanderesse n’a pas prouvé, selon tous les éléments de preuve, y compris les nouveaux renseignements, que la somme intégrale a été payée à titre d’indemnité pour la renonciation au droit à la réintégration, ou quelle partie du règlement a été payée comme indemnité pour la renonciation à ce droit.

[53] La lettre de l’employeur datée du 17 octobre 2018 souligne que l’indemnisation dans le règlement n’était pas seulement pour la renonciation au droit de réintégration. L’employeur a écrit ce qui suit à ce propos : [traduction] « que la somme de 34 000,00 $ versée à Mme Spaulding comme allocation de retraite en 2017 a été payée conformément à un accord de règlement et a été payée pour son consentement à renoncer à son droit de réintégration et à l’ensemble de ses droits prévus dans la convention collective ».

[54] Les renseignements fournis par la conseillère juridique de l’association montrent aussi clairement que de nombreuses revendications ont été faites au nom de la demanderesse et que la somme de 34 000,00 $ constituait un règlement global pour tout ce qui était demandé dans le grief, y compris le droit de la demanderesse de renoncer à un emploi ultérieur et la protection de la confidentialitéFootnote 32. Ces demandes comprenaient ce qui suit : [traduction] « Une ordonnance réintégrant la demanderesse avec une indemnité pour l’ensemble de la perte du salaire, des avantages sociaux et des autres droits et avantages prévus dans la convention collective et des dommages‑intérêts pour le harcèlement/l’environnement de travail toxique et la discrimination racialeFootnote 33. »

[55] Autrement dit, les réparations demandées par la conseillère juridique au nom de l’appelante incluaient des éléments liés à la rémunération et d’autres non. Toutefois, aucun élément de preuve qui m’a été présenté dans la lettre de l’employeur ou les renseignements fournis par la conseillère juridique de l’association ou tout autre élément de preuve ne précise comment le montant de 34 000,00 $ a été fixé, ni quelle partie de ce montant représente une indemnisation pour chacune des demandes qui auraient été faites. « Dans chaque cas, le conseil doit déterminer quels sont les divers éléments d’un règlement d’après les faits qui lui sont présentés en preuveFootnote 34. »

[56] Il incombe au demandeur de démontrer quelle partie de ce paiement, en raison de « circonstances particulières », doit être considérée comme une rémunération concernant une dépense ou perte autre que la perte de revenu provenant d’un emploiFootnote 35. Les nouveaux renseignements, même considérés avec l’ensemble de la preuve, ne donnent aucune indication sur la manière dont la somme de 34 000,00 $ a été fixée et sur la partie de cette somme qui représente une rémunération comme une perte de salaire et des avantages liés à la rémunération, et la partie qui représente une indemnité qui n’est pas liée à la rémunération et qui a été versée pour la renonciation au droit à la réintégration, ou des dommages-intérêts pour harcèlement et discrimination. Je ne suis pas convaincue que toute la somme représente une indemnité non liée à la rémunération, étant donné l’existence d’une revendication pour la perte de salaire.

[57] Je ne connais aucune source qui me permettrait de simplement estimer ces montants. Il incombe à la demanderesse de prouver quelle partie du montant de 34 000,00 $ devrait être considérée comme une indemnité pour une dépense ou perte autre que la perte de revenu provenant d’un emploi. Je juge donc que la lettre de l’employeur et les renseignements fournis par la conseillère juridique de l’association, bien qu’ils soient bel et bien pertinents, ne sont pas des renseignements essentiels. Ils ne me convainquent pas de modifier ma décision selon laquelle toute la somme de 34 000,00 $ est une « rémunération » parce que la demanderesse n’a pas démontré l’existence de circonstances particulières pour montrer quelle partie du règlement global de 34 000,00 $ devrait être considérée comme une indemnisation pour une dépense ou perte autre que la perte de revenu provenant d’un emploi.   

[58] Je conclus que la demanderesse n’a pas satisfait au critère établi à l’alinéa 66(1)(a) de la Loi sur le MEDS pour l’annulation ou la modification de la décision du 31 août 2018 du Tribunal rendue dans le dossier no GE-18-640 du Tribunal.

Conclusion

[59] La demande est rejetée.

Mode d’instruction :

Questions et réponses

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