Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, C. M. (prestataire), a demandé et reçu pour 26 semaines de prestations de compassion du régime d’assurance-emploi, soit du 1er avril au 6 octobre 2018. Sa cousine dont elle était très proche et dont elle avait pris soin est décédée en août 2018Note de bas de page 1. La prestataire avait l’intention de réintégrer le monde du travail, mais dans une lettre du 29 octobre 2018, son médecin s’est dit d’avis qu’elle était incapable de travailler. Elle n’a pas repris le travail, parce qu’elle était indisposée. Le 30 octobre 2018, elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Dans sa lettre à la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), elle a fait mention du décès de sa cousine.

[3] La Commission a jugé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations de compassion après le 12 août 2018, date du décès de la cousine. Il en est résulté en fait un trop-payé en prestations. Peu après cette décision, la Commission a approuvé la demande de prestations de maladie du 28 octobre au 29 décembre 2018. Ces prestations ont été appliquées en compensation des prestations de compassion versées en trop. La prestataire a produit d’autres notes de son médecin indiquant qu’elle avait été incapable de travailler après le 14 août 2018. La Commission a fait de ses prestations de compassion des prestations de maladie à compter de la semaine du 12 août 2018. En d’autres termes, elle lui a servi des prestations de maladie de la semaine du 12 août 2018 à celle du 23 décembre de la même année. Un trop-payé subsistait néanmoins.

[4] La prestataire a suggéré que la Commission renonce à tout trop-payé et qu’elle lui verse des prestations de maladie prolongées au‑delà de la période maximale de 15 semaines parce qu’elle était incapable de travailler après ces 15 semainesNote de bas de page 2. Dans sa décision en réexamen, la Commission a soutenu qu’elle lui avait déjà versé le maximum en prestations de maladieNote de bas de page 3. L’intéressée a appelé de cette décision à la division générale. Elle a prétendu que la Commission l’avait amenée à croire qu’elle aurait droit aux prestations de maladie jusqu’en mars 2019 si elle continuait à produire des rapports. Elle soutenait également que l’organisme aurait dû cesser de lui verser de ces prestations une fois atteint le maximumNote de bas de page 4. La division générale a examiné si elle avait droit à des semaines supplémentaires de prestations de maladie et si elle-même avait le pouvoir de radier la somme payée en trop. La division générale a rejeté l’appel de la demanderesse.

[5] La prestataire demande maintenant la permission d’appeler de la décision de la division générale. Pour pouvoir l’accorder, je dois juger si l’appel a des chances raisonnables de succès. Comme je doute que ces chances existent, je refuse la permission d’en appeler.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

Question 1 : Peut‑on soutenir que la membre de la division générale était partiale?

Question 2 : Peut‑on soutenir que la division générale a refusé d’exercer sa compétence dans son examen de la question du trop-payé?

Question 3 : Peut‑on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait informé seulement en octobre 2018 la Commission du décès de sa cousine?

Question 4 : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en négligeant des questions?

Analyse

Principes généraux

[7] Pour pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois avoir la conviction que les motifs invoqués relèvent des moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la LMEDS et que l’appel a des chances raisonnables de succès. Voici les seuls moyens d’appel qu’offre cet article :

(a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] La Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à l’existence d’une cause défendable en droitNote de bas de page 5. Ce critère est relativement peu exigeant. Au stade de la permission d’en appeler, c’est là un moindre obstacle à franchir que les critères à respecter à l’audition de l’appel sur le fond. Les prestataires n’ont pas à prouver leur cause; ils ont simplement à établir que l’appel a des chances raisonnables de succès parce qu’a été commise une erreur susceptible de révision. C’est l’approche qu’a adoptée la Cour fédérale dans l’affaire Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 6.

Question 1 : Peut‑on soutenir que la membre de la division générale a été partiale?

[9] La prestataire prétend que la membre de la division générale a fait preuve de partialité, ce qui serait devenu évident pour elle lorsqu’elle a reçu la décision de la division générale dans les 12 heures suivant l’audience, alors que la membre avait déclaré au cours des délibérations qu’il lui faudrait jusqu’à 30 jours pour rendre sa décision. Cela démontrait à ses yeux que la membre avait déjà tranché l’appel.

[10] L’audience a eu lieu le 23 avril 2019 devant la division générale et la décision a été rendue le 24. Bien que la prestataire soutienne que la membre avait décrété l’issue de l’appel, ayant rendu sa décision si tôt après l’audience, elle ne laisse pas entendre par ailleurs que celle‑ci pourrait avoir négligé son témoignage ou sa preuve documentaire ni coupé court à l’examen de toute question d’intérêt. De fait, la membre a expressément fait mention du témoignage de l’intéressée et, bien que l’énoncé de sa décision soit relativement court, elle a passé en revue l’ensemble des faits et des questions en litige. C’est pourquoi je ne suis pas persuadée qu’on puisse soutenir qu’elle aurait fait preuve de partialité parce que rendant sa décision tôt après l’audience.

[11] La prestataire a également fait valoir que la membre était manifestement irritée d’avoir dû [traduction] « faire tout le chemin jusqu’à London » pour une audience en personne, alors qu’elle aurait pu préférer la téléconférence ou la vidéoconférence comme mode d’instruction. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Au départ, la membre a mentionné que la prestataire était arrivée de bonne heure et qu’elle acceptait de commencer plus tôt. Au lieu de démarrer à 12 h, l’audience s’était amorcée à 11 h 20. Elle devait durer 90 minutes et elle a pris environ 1 heure et 20 minutes. La prestataire ne m’a pas indiqué d’éléments de preuve et je n’en vois aucun pour penser que la membre s’irritait d’avoir dû se déplacer pour une audience en personne ou encore qu’elle était pressée de conclure l’instance. En fait, elle a incité la prestataire au cours des délibérations à [traduction] « prendre son tempsNote de bas de page 7 » et, à trois occasions, elle lui a demandé s’il y avait d’autres questions qu’elle désirait souleverNote de bas de page 8.

[12] La membre a mentionné que la prestataire avait demandé une audience en personne. L’échange a été le suivant :

[traduction]

Prestataire : Je veux que tout cela finisse, que ce soit derrière moi et clos. Il m’a été difficile de même venir ici aujourd’hui et je suis […]

Membre : Et vous avez demandé une audience en personne. Je sais que le Tribunal vous a aussi offert une audience au téléphone mais […]

Prestataire : […] c’est que je n’ai jamais fait cela avant et que je ne suis pas à l’aise.

Membre : Ça va, aucun problème à cela. Nous vous laissons seulement […]

Prestataire : Je regrette maintenant de ne pas l’avoir fait […]

Membre : […] Je sais que nous avons fait au mieux pour vous faciliter la chose en vous accordant une audience en personne.

Prestataire : Oui, vous l’avez fait. Vous avez été très gentils et je l’apprécie. Non, non, cela n’a rien à voir avec vous personnellementNote de bas de page 9.

[13] Forte de cet enregistrement audio comme preuve, je ne suis pas persuadée qu’on puisse soutenir que la membre de la division générale était irritée ou qu’elle a manifesté de l’hostilité ou de la partialité à l’endroit de l’intéressée parce qu’une audience en personne avait remplacé une audience par téléconférence.

Question 2 : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant qu’elle n’avait pas compétence pour ordonner la radiation de tout trop-payé?

[14] La prestataire prétend que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pris aucune décision de radiation du trop-payé et qu’elle-même n’avait pas demandé que la créance soit radiée. Elle soutient que, à cause de cette conclusion de fait erronée, la division générale a refusé d’exercer sa compétence et de voir si elle avait le droit d’ordonner la radiation du trop-payé. Elle fait valoir que tout le fondement de son appel à la division générale a à voir avec le paiement en trop.

[15] Je ne vois aucune demande officielle de radiation d’un paiement en trop de la part de la prestataire, ni aucune indication selon laquelle la Commission pourrait avoir examiné une demande de radiation. Je remarque également que la division générale a expressément demandé à la prestataire si elle avait sollicité la radiation. L’intéressée a répondu ne pas avoir recherché la radiation, ignorant cette possibilité. Elle a fait observer que, à un certain moment, elle avait reçu un [traduction] « solde nul ». Elle a ajouté avoir ignoré que la Commission l’avait trop payéeNote de bas de page 10.

[16] La question du droit de la prestataire à des prestations soit de compassion soit de maladie influerait sur le montant de tout paiement en trop (et peut-être sur l’existence même d’un trop-payé), mais il ne faut pas confondre cette question et celle d’une demande de radiation de trop-payé.

[17] D’une manière ou d’une autre, je ne suis pas persuadée qu’il y ait une cause défendable avec ce motif, parce que la division générale n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir si la demanderesse avait sollicité la radiation du trop-payé et en grande partie aussi parce que cette même division a examiné au demeurant si elle avait le pouvoir discrétionnaire de radier le paiement en trop. À la fin, elle a jugé que la Loi sur l’assurance-emploi ne lui conférait aucune compétence en la matière, et ce, malgré la situation difficile de la prestataire.

[18] Je fais remarquer en passant que la division générale s’est appuyée sur l’arrêt Canada (Procureur général) c LévesqueNote de bas de page 11. En tout respect, je trouve que cet arrêt n’est guère pertinent ni applicable dans le cas de la demanderesse. La question à trancher était de savoir si l’article 7(2) de la Loi sur l’assurance-emploi conférait quelque pouvoir discrétionnaire que ce soit pour renoncer au nombre prescrit d’heures que la prestataire devait accumuler pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Le pouvoir discrétionnaire en question intéressait en propre cet article et ne visait pas les trop-payés. Le division générale a commis une erreur en invoquant cette décision particulière, mais elle n’en a pas commis lorsqu’elle a conclu que la législation (en l’occurrence la loi et le règlement sur l’assurance-emploi) n’habilitait pas à radier le paiement en trop. La compétence pour agir ainsi appartient exclusivement à la Commission. Le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas le pouvoir de contraindre celle‑ci à radier quelque trop-payé que ce soit.

Question 3 : Peut‑on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait seulement en octobre 2018 avisé la Commission du décès de sa cousine?

[19] La prestataire fait observer qu’elle a présenté le certificat de décès de sa cousine daté du X juillet 2018 à Service Canada immédiatement après ce décèsNote de bas de page 12. Elle prétend que la division générale a commis une erreur de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu qu’elle-même avait avisé bien plus tard la Commission du décès de la cousine, soit en octobre 2018.

[20] Il reste que la division générale n’a pas fondé sa décision sur le moment où la prestataire pourrait avoir avisé Service Canada du décès de sa cousine. Son souci était d’établir pour combien de semaines la prestataire avait reçu des prestations de maladie et de voir si elle pouvait radier tout trop-payé. Comme elle n’a pas fondé sa décision sur la date de ce décès, l’argument ne relève pas des moyens d’appel prescrits à l’article 58(1) de la LMEDS. Je n’ai donc pas la conviction que ce soit là une cause défendable en appel.

Question 4 : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en négligeant des questions?

[21] La prestataire n’a pas expressément soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit, mais dans la demande de révision qu’elle a adressée à la Commission, elle a énuméré trois questions pour lesquelles elle souhaitait un réexamen, celles du relevé d’emploi, des prestations de maladie et des prestations de compassion. Elle n’a cependant pas entièrement précisé ce qu’elle contestait si ce n’est en disant que, à ses yeux, des heures manquaient dans le relevé d’emploiNote de bas de page 13. Dans sa décision en réexamen, la Commission a traité de la question de savoir si elle avait servi des prestations de maladie pendant le maximum de semainesNote de bas de page 14.

[22] Dans son avis d’appel de la décision en réexamen de la Commission, la prestataire a écrit que son employeur avait menti dans son relevé d’emploi sur les heures d’emploi assurable et sur les circonstances dans lesquelles elle avait quitté son emploi. Elle prétend que l’employeur l’a injustement renvoyée.

[23] La prestataire a joint plusieurs pièces à son avis d’appel, notamment la décision en réexamen de la Commission. Elle a joint copie de la correspondance destinée au service provincial des normes d’emploi et d’une décision en matière d’assurabilité émanant de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Elle avait avisé ce service provincial qu’elle contestait la mention des heures de son relevé d’emploi et son congédiement. Elle voulait que ce même service enquête là‑dessus pour elle. L’ARC comptait qu’elle avait 603 heures d’emploi assurable entre le 23 octobre 2017 et le 25 février 2018. Elle l’a également informée de ses droits d’appel.

[24] Par les pièces jointes à l’avis, on peut déduire que l’intéressée interjetait appel de ce que la Commission ait refusé sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi pour ce qui est de cet emploi, tout comme de la mention de nombre d’heures dans le relevé d’emploi. Toutefois, elle n’a pas entièrement précisé ce qui était l’objet de son appel et, par conséquent, la division générale n’a pas traité ces deux questions. Tel est peut-être le cas, mais cette même division n’avait pas compétence pour annuler la décision de l’ARC quant au nombre d’heures d’emploi assurable de la demanderesse. Comme l’ARC l’a indiqué dans sa correspondance, les recours de la prestataire se trouvaient ailleurs.

[25] Le dossier de l’audience ne comprend pas copie du relevé d’emploi ni de la décision de la Commission sur la demande de prestations régulières de l’intéressée. Il semblerait cependant, à regarder les documents de notification d’appel de la prestataire, que la Commission a refusé sa demande de prestations parce qu’elle n’avait pas le nombre d’heures d’emploi assurable que prescrit la Loi sur l’assurance-emploi pour l’admissibilité aux prestations ordinaires. L’arrêt Lévesque serait applicable dans ces circonstances.

[26] La division générale n’a pas traité toutes les questions que la prestataire a éventuellement soulevées dans son avis d’appel, mais elle n’aurait pu en être dûment saisie de toute manière parce que ces questions découlent d’une autre décision prise par la Commission. À proprement parler, la prestataire aurait pu demander la révision ou appeler de la décision de la Commission au sujet de sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[27] Je ne suis pas persuadée que l’appel ait des chances raisonnables de succès pour ce motif.

Conclusion

[28] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

[29] Enfin, je vois que la prestataire prend acte de ce que l’Agence du revenu du Canada l’ait invitée à s’adresser au Tribunal de la sécurité sociale pour demander à être dispensée du paiement en trop. Elle devrait plutôt adresser à la Commission une demande de radiation de tout paiement en trop.

Demanderesse :

C. M., non représentée

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