Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Aperçu

[2] La prestataire a travaillé pour X à titre d’aide générale dans la cuisine jusqu’au 5 novembre 2017, date à laquelle elle a été mise à pied. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi régulières, après quoi elle a commencé à toucher des prestations. Quelques jours plus tard, elle a été rappelée au travail comme employée sur appel. Le travail étant sporadique, la prestataire a décidé d’entreprendre des études de PAB pour devenir X. Les cours étaient offerts les fins de semaine. La prestataire a consulté son employeur au début de décembre et a été informée qu’elle pouvait sans problème maintenir son statut d’employée sur appel et ne travailler que les jours de semaine. Elle a travaillé sur appel entre le mois de décembre 2017 et la mi‑février 2018, date à laquelle son mari est tombé gravement malade. Elle n’a pas travaillé dans la deuxième moitié du mois de février et au mois de mars 2018. En avril, son employeur a émis un relevé d’emploi indiquant que la prestataire avait quitté son emploi. La prestataire ignorait que ce relevé d’emploi avait été émis. Ce n’est qu’en juin 2017 qu’elle a appris par l’entremise de la Commission que l’employeur avait émis un relevé d’emploi indiquant qu’elle avait démissionné.

[3] La Commission a exclu la prestataire du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi après avoir conclu que cette dernière avait volontairement quitté X sans justification. Il en est résulté un trop‑payé de prestations. La prestataire a interjeté appel de cette exclusion devant le Tribunal de la sécurité sociale et soutient qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi.

Questions préliminaires

[4] Au début de l’audience, j’ai précisé à la prestataire que je n’ai compétence que pour déterminer si elle a quitté volontairement son emploi sans justification. Je l’ai informée que je n’avais pas compétence pour rendre des décisions sur la question de la répartition de la rémunération qui avait également été soumise à la Commission. La prestataire a compris la façon dont j’avais circonscrit ma compétence et nous avons procédé à l’audience.

Questions en litige

Première question en litige : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi chez X?

Deuxième question en litige : Dans l’affirmative, la prestataire était‑elle fondée à quitter volontairement son emploi parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[5] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il peut établir qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi s’il peut prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable compte tenu des circonstancesNote de bas de page 2.

[6] La Commission a le fardeau de prouver que le départ était volontaire. Puis, le fardeau passe à la prestataire, qui doit prouver qu’elle était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 3. Le fardeau de la preuve de la prestataire et de la Commission tient à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’elles doivent prouver qu’il est « probable » que les événements se soient produits ainsi qu’ils ont été décrits.

Première question en litige : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi chez X?

[7] Pour déterminer si le prestataire a quitté volontairement son travail, la Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a pris l’initiative de rompre la relation employeur‑employéNote de bas de page 4.

[8] Je conclus que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[9] La Commission se fonde sur la déclaration de l’employeur pour étayer sa décision selon laquelle l’employeur [sic] a quitté volontairement son emploi. L’employeur affirme que la prestataire a démissionné parce que l’employeur voulait qu’elle travaille les fins de semaine, mais que la prestataire a refusé de travailler les fins de semaine parce qu’elle suivait des cours le samedi et le dimanche. Il a déclaré que l’horaire de travail des employés est déterminé par la convention collective et que, par conséquent, la prestataire était tenue de travailler trois quarts par mois les fins de semaine. Il a fourni une liste des dates, en février et en mars, auxquelles la prestataire a été appelée à travailler, mais soit n’a pas répondu à l’appel, soit a refusé de travailler.

[10] La prestataire a témoigné qu’elle et son mari travaillent tous les deux chez X. En tant qu’employée permanente à temps plein, la prestataire a déclaré que son horaire de travail l’obligeait à travailler cinq jours par semaine et qu’elle travaillait trois fins de semaine sur quatre. La prestataire a témoigné qu’elle et son mari ont été mis à pied le 5 novembre 2017 et qu’ils ont décidé que la prestataire essaierait de s’orienter vers un autre domaine de travail pour qu’ils ne se retrouvent pas tous deux sans emploi à l’avenir. La prestataire a donc décidé de suivre des cours les fins de semaine pour devenir X. Par la suite, a‑t‑elle témoigné, elle a été rappelée au travail comme employée sur appel. Elle a témoigné qu’elle a commencé ses études pendant les fins de semaine le 2 décembre 2017. Mais avant cela, a‑t‑elle témoigné, elle a appelé Service Canada pour s’assurer qu’elle pouvait fréquenter l’école les fins de semaine et toucher des prestations d’assurance‑emploi. Elle a témoigné qu’elle a également parlé au gestionnaire des ressources humaines pour s’assurer qu’il n’y avait aucun problème à ce qu’elle ne soit pas disponible pour travailler les fins de semaine pendant qu’elle était sur appel. Elle a ajouté que le gestionnaire des ressources humaines l’a encouragée à poursuivre ses études et ne l’a pas informée que le fait qu’elle fréquente l’école les fins de semaine posait problème. Elle a témoigné qu’en décembre, janvier et février, elle avait travaillé lorsque son employeur l’avait appelée. À la mi-février, son mari est tombé gravement malade. Comme il travaille lui aussi chez X, la prestataire a communiqué régulièrement avec le gestionnaire des ressources humaines pour fournir des notes de médecins expliquant l’absence de son mari du travail entre le 26 février et le 10 avril 2018. La prestataire a témoigné que le gestionnaire des ressources humaines lui a conseillé de prendre le temps qu’il lui fallait pour prendre soin de son mari. Elle a affirmé catégoriquement que le gestionnaire des ressources humaines ne lui avait à aucun moment dit que son absence du travail pour prendre soin de son mari mettait en péril son statut d’emploi ou qu’elle serait considérée comme ayant abandonné son travail. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas été appelée au travail par l’employeur en avril ou en mai. En juin, elle a appris que l’employeur avait, le 12 avril 2018, émis un relevé d’emploi indiquant qu’elle avait quitté son emploi. La prestataire a déclaré qu’elle avait été surprise de l’apprendre, car elle n’avait jamais réalisé que sa situation d’emploi était en péril en dépit du fait qu’elle avait parlé à plusieurs reprises avec le gestionnaire des ressources humaines en février et en mars. La prestataire a également déclaré qu’elle n’a jamais été avertie par son employeur qu’il mettait en doute son désir de continuer à travailler pour lui, qu’elle n’était au courant d’aucune règle ou politique aux termes de laquelle elle serait réputée avoir abandonné son travail, et qu’on ne lui avait jamais demandé de retourner ses cartes d’employée lorsque l’employeur a émis le relevé d’emploi en avril. La prestataire a témoigné qu’elle n’a reçu aucune forme d’avis de l’employeur selon lequel son emploi était à risque. Elle n’a pas non plus reçu de lettre de licenciement l’informant qu’elle avait abandonné son poste.

[11] J’estime que le témoignage de la prestataire était crédible et sincère. J’accepte le fait qu’elle a, par précaution, parlé à son employeur avant d’entreprendre son programme de formation les fins de semaine et qu’elle a cherché à obtenir l’assurance que ses études ne compromettraient pas son poste d’employée sur appel auprès de son employeur. Le statut d’employée sur appel de la prestataire est confirmé par le relevé d’emploi couvrant la période du 17 novembre 2017 au 13 février 2018, qui indique que la prestataire a travaillé de façon sporadique durant la période en question. Je rejette donc l’explication de l’employeur selon laquelle la prestataire est réputée avoir quitté son emploi parce qu’elle ne pouvait satisfaire aux exigences de l’emploi à temps plein, à savoir notamment travailler les fins de semaine, et que l’employeur ne pouvait pas répondre à sa demande d’être exemptée des fins de semaine en raison des exigences de la convention collective. La preuve appuie l’argument de la prestataire selon lequel elle était sur appel à ce moment‑là et elle n’avait pas besoin de satisfaire aux exigences rigoureuses de l’horaire de travail à temps plein. De plus, la tendance qui se dessine sur le plan des heures de travail dans le relevé d’emploi discrédite la déclaration de l’employeur selon laquelle la prestataire a refusé d’être inscrite sur la liste de disponibilité.

[12] En outre, je retiens l’argument de la prestataire selon lequel l’employeur savait qu’elle serait peu disponible les fins de semaine en raison de ses cours. Il ne s’agit pas dans la présente affaire d’une situation où une employée a unilatéralement réduit sa disponibilité au travail et a demandé à l’employeur de prendre des mesures pour répondre à ses besoins. Il ne s’agit pas non plus d’une situation où une employée a simplement abandonné son travail. Je conclus qu’il s’agit plutôt d’une situation où une employée sur appel a cherché à obtenir l’assurance que sa disponibilité réduite ne compromettrait pas sa situation d’employée sur appel, et où l’employeur a accepté la situation. Le relevé d'emploi indique qu’il y a eu des semaines au cours desquelles l’employée a travaillé pendant la période où elle était sur appel et qu’il y a eu des semaines où elle n’a pas travaillé pendant cette période.

[13] La prestataire a admis à l’audience qu’à la fin de février et en mars, elle a refusé certains appels à travailler. Toutefois, j’accepte son témoignage selon lequel elle avait informé son employeur qu’elle s’occupait de son mari, qui était très malade. J’accepte également le témoignage détaillé de la prestataire concernant ses conversations avec le gestionnaire des ressources humaines au sujet de l’état de son mari et les assurances du gestionnaire des ressources humaines que la prestataire devrait prendre soin de son mari. À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait été déconcertée lorsque, après lui avoir dit de prendre le temps nécessaire pour s’occuper de son mari, le gestionnaire des ressources humaines avait ensuite semblé avoir oublié cette conversation et avoir jugé qu’elle avait abandonné son emploi. La prestataire a produit deux notes médicales qu’elle a envoyées au nom de son mari au gestionnaire des ressources humaines chez X. La première est datée du 26 janvier 2018 et la seconde, du 19 mars 2018. La prestataire a témoigné qu’elle a parlé au gestionnaire des ressources humaines lorsqu’elle a envoyé ces documents à l’employeur. Elle a déclaré que, chaque fois, on lui a dit de prendre soin de son mari, et qu’elle n’a jamais été informée que sa situation au travail était en péril en raison de ses absences du lieu de travail ou de sa décision de refuser des quarts de travail lorsqu’elle était appelée. Je conclus que les dates figurant sur les notes médicales corroborent le témoignage de la prestataire selon lequel elle était en contact avec l’employeur au cours des mois de février et mars.

[14] De plus, j’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle ignorait qu’elle était tenue d’accepter et de travailler un certain nombre de quarts, à défaut de quoi l’employeur considérerait qu’elle avait abandonné son poste. La Commission n’a fourni aucun extrait de la convention collective à l’appui de la prétention selon laquelle les employés doivent maintenir leur statut d’employés sur appel en travaillant un certain nombre d’heures au cours d’une période donnée. De plus, les déclarations de l’employeur ne fournissent aucune information sur le statut d’employée sur appel de la prestataire. Bien que l’employeur fournisse une preuve qu’en février et en mars, la prestataire a refusé des quarts de travail lorsqu’elle a été appelée, je crois que l’employeur connaissait les raisons de l’absence du travail de la prestataire et qu’il ne lui a pas dit qu’elle devait travailler un nombre minimum de quarts de travail, à défaut de quoi elle serait considérée comme ayant quitté son emploi.

[15] Bref, je conclus que la prestataire n’a pas mis fin à la relation d’emploi et qu’elle n’avait pas le choix de rester ou de quitter son emploiNote de bas de page 5. Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Deuxième question en litige : La prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

[16] Puisque j’ai conclu que la Commission n’a pas démontré que la prestataire a quitté volontairement son emploi, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

Conclusion

[17] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

30 mai 2019

En personne

H. S., appelante

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