Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] La prestataire a été congédiée par son employeur. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et a touché des prestations. Elle a également déposé une plainte auprès du tribunal des droits de la personne de sa province, alléguant que son employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit. La prestataire et son employeur ont fini par conclure un règlement avant que l’affaire ne soit soumise au tribunal des droits de la personne, et l’employeur a versé 12 000 $ à la prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que la totalité de cette somme d’argent était une rémunération, versée par suite de sa cessation d’emploi, et l’a appliquée aux semaines pour lesquelles la prestataire avait déjà reçu des prestations d’assurance-emploi. La décision de la Commission a entraîné un trop-payé. La prestataire en a demandé le réexamen, faisant valoir que l’argent du règlement n’était pas une rémunération parce qu’il s’agissait d’une indemnisation pour atteinte à sa dignité. La Commission a maintenu ses décisions initiales, et la prestataire a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[3] Je conclus que la prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l'argent lui a été versé à titre d’indemnisation pour atteinte à sa dignité. Je conclus que l’argent n’est pas une rémunération aux fins des prestations d’assurance-emploi, et donc que la Commission ne devrait pas en faire la répartition.

Question en litige

  • Première question en litige – Le paiement fait au titre du règlement est-il une rémunération qui doit être déduite des prestations d’assurance-emploi de la prestataire?

Analyse

[4] Lorsqu’un prestataire reçoit de l’argent tout en touchant également des prestations d’assurance-emploi, la Commission doit décider si la somme d’argent est une rémunération. Tout revenu d’emploi est une rémunérationNote de bas de page 1. Si elle décide que l’argent est une rémunération, la Commission doit en faire la répartition ou l’appliquer aux semaines appropriées. La raison pour laquelle le paiement a été effectué détermine les semaines de répartitionNote de bas de page 2.

[5] La Commission répartit toute rémunération versée par suite d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi au taux de la rémunération hebdomadaire normale du prestataire à compter de la semaine de la cessation d’emploiNote de bas de page 3. Par exemple, si un prestataire reçoit trois semaines de rémunération tenant lieu de préavis après avoir cessé de travailler, la Commission répartit cette rémunération sur les trois premières semaines commençant avec la dernière semaine de travail du prestataire. Le paiement est effectué en raison de la cessation d'emploi s’il est « déclenché » par la fin de l'emploiNote de bas de page 4.

[6] Il incombe au prestataire de prouver que toute somme reçue à la cessation d’emploi n’est pas un revenu d’emploi; en d’autres termes, le paiement effectué lors de la cessation d’emploi est réputé être une rémunération, à moins que le prestataire ne puisse prouver que le paiement visait à compenser une autre perte ou une autre dépenseNote de bas de page 5.

Première question en litige : Le paiement fait au titre du règlement est-il une rémunération?

[7] Je conclus que l’argent du règlement n'est pas une rémunération parce qu’à mon avis, cet argent n'est pas un revenu d'emploi. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le paiement visait à indemniser la prestataire pour atteinte à sa dignité.

[8] La prestataire et la Commission s’entendent sur les faits élémentaires. La prestataire avait travaillé pour l’employeur pendant environ six ans lorsque l’employeur l’a congédiée. L’employeur lui a versé une indemnité tenant lieu de préavis – la prestataire a noté que le montant représentait six semaines de salaire.

[9] La prestataire a déposé une plainte auprès du tribunal des droits de la personne de sa province. Elle a fait valoir que son employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison d’une incapacité et a demandé au tribunal des droits de la personne qu’on l’indemnise pour perte de salaire et qu’on l’indemnise également pour atteinte à sa dignité, à ses sentiments et à son respect de soi. Lors d’une première rencontre en vue d’un règlement, la prestataire et son employeur ont convenu d’un paiement de 12 000 $, et la prestataire a retiré sa plainte relative aux droits de la personne.

[10] L’entente de règlement désigne simplement la somme d’argent comme étant des « fonds de règlement ». L’employeur a décrit l’argent comme étant une allocation de retraite, mais il n’a pas fourni plus de détails sur la façon dont il a calculé le montant ou pourquoi il a qualifié celui-ci d’allocation de retraite.

[11] La prestataire soutient que la totalité de la somme est une indemnité qu’elle a reçue pour atteinte à sa dignité. Elle soutient qu’elle a déjà reçu une paie tenant lieu de préavis, de sorte que l’employeur l’a déjà payée pour la perte de salaire; elle soutient également qu’elle est incapable de travailler en raison d’une invalidité et qu’elle n’a donc pas un grand potentiel de gains futurs qui nécessiterait une indemnisation supplémentaire de la part de l’employeur. La prestataire soutient que la somme de 12 000 $ se compare aux montants accordés par le tribunal provincial des droits de la personne pour atteinte à la dignité, et fournit un exemple d’une décision rendue en 2017, dans laquelle le tribunal des droits de la personne a ordonné à un employeur de verser à un ancien employé la somme de 15 000 $ pour atteinte à la dignité de cet ancien employé.

[12] La Commission soutient qu’un montant d’argent versé à titre de règlement est présumé être une rémunération. Elle fait remarquer que l’entente de règlement n’indique pas explicitement que l’argent se rapporte à autre chose qu’une perte de salaire, de sorte que la Commission soutient que la somme totale est une rémunération.

[13] Je reconnais qu’il existe une présomption selon laquelle toute somme d’argent versée par un employeur constitue une rémunération. Toutefois, la prestataire peut réfuter cette présomption si elle fournit une preuve suffisante pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe des circonstances spéciales et que l’argent est une indemnité pour autre chose que le salaire perduNote de bas de page 6.

[14] Je conclus qu’en faisant valoir que l’entente de règlement doit décrire explicitement la nature du paiement, la Commission impose une norme de preuve trop rigoureuse. Pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe – selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 7 –, la prestataire doit simplement démontrer qu’il est probable que l’argent lui ait été versé à titre d’indemnité pour atteinte à sa dignité.

[15] Je reconnais que l’employeur qualifie la somme d’argent en cause d’allocation de retraite. Toutefois, j’accorde peu de poids à cela, puisque ni l’employeur ni la Commission n’ont fourni d’autres éléments de preuve expliquant comment l’employeur a calculé la somme d’argent ou pourquoi il qualifie celle-ci d’allocation de retraite.

[16] J’accorde du poids au fait que la prestataire avait déjà reçu six semaines de rémunération tenant lieu de préavis. Je conclus que cela indique que la prestataire avait déjà reçu une certaine indemnisation pour la perte de revenus futurs.

[17] J'accorde également du poids au fait que la prestataire a déposé une plainte au tribunal des droits de la personne. Si sa principale préoccupation était l’insuffisance de l’indemnité de départ, la perte de salaire ou un congédiement injustifié, il y a d’autres endroits mieux adaptés pour régler ces questions. Par exemple, elle aurait pu déposer une plainte auprès de la Direction des normes d’emploi de sa province. Je conclus que le fait que la prestataire s’est adressée au tribunal des droits de la personne plutôt qu’à un autre organisme démontre qu’elle estimait que l’employeur lui devait une indemnité pour atteinte à sa dignité. De plus, la prestataire a retiré sa plainte relative aux droits de la personne lorsque l’employeur lui a offert un règlement.

[18] Enfin, j’accepte que le montant versé par l’employeur – 12 000 $ – est conforme à d’autres décisions du tribunal des droits de la personne accordant une indemnisation pour atteinte à la dignité.

[19] Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’argent est une indemnité pour atteinte à la dignité de la prestataire. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas une indemnité pour perte de revenu, et donc qu’il n’est pas une rémunération aux fins des prestations d’assurance-emploi. Je conclus qu’il ne devrait pas être réparti.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli.

 

Mode d’instruction :

Questions et réponses

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