Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modification.

Aperçu

[2] L’appelante, D. G. (prestataire), a établi une période de prestations et reçu des prestations de maladie du régime d’assurance-emploi jusqu’au 27 janvier 2018. Elle a ensuite demandé des prestations régulières en disant être disponible pour travailler à partir du 1er février 2018. Le 26 février 2018, elle a quitté son domicile au Nouveau-Brunswick pour rendre visite à la famille à Toronto et y passer deux mois environ. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a jugé qu’elle était indisponible pour travailler pendant son séjour dans cette ville et l’a exclue du bénéfice des prestations du 26 février au 3 mai 2018.

[3] La prestataire a demandé la révision, mais la Commission a maintenu sa décision. L’intéressée a appelé de cette décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, laquelle a rejeté son appel. Elle sollicite aujourd’hui la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] La division générale a commis une erreur relevant de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) en négligeant ou interprétant mal le témoignage de la prestataire disant qu’elle avait cherché du travail pendant qu’elle séjournait à Toronto.

[5] J’ai rendu la décision qu’aurait dû rendre la division générale. Ayant examiné le dossier avec les renseignements que cette division avait négligés ou mal interprétés, je me dois d’encore confirmer cette décision. L’appel est donc rejeté.

Question(s) en litige

[6] En concluant que la prestataire n’était pas disponible pour travailler, la division générale a‑t‑elle négligé ou mal interprété les éléments de preuve de l’intéressée sur sa recherche d’emploi?

Analyse

[7] La division d’appel doit intervenir dans la décision de la division générale uniquement si elle est en mesure de conclure que celle‑ci a commis une erreur relevant des « moyens d’appel » décrits à l’article 58(1) de la LMEDS.

[8] Voici les seuls moyens d’appel qui s’offrent :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

En concluant que la prestataire n’était pas disponible pour travailler, la division générale a‑t‑elle négligé ou mal interprété les éléments de preuve de l’intéressée sur sa recherche d’emploi?

[9] La prestataire a demandé au départ la permission d’en appeler au motif que la division générale avait commis une erreur de droit, mais elle n’en a indiqué aucune et aucune ne ressort non plus à la lecture du dossier. Dans ses observations à la division d’appel et à l’audience devant cette division, elle n’a pas indiqué ni invoqué quelque autre motif d’appel.

[10] La permission d’en appeler a été accordée parce qu’il y aurait une cause défendable selon laquelle la division générale aurait tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, motif relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS.

[11] D’après la division générale, la prestataire a déclaré avoir demandé et obtenu un emploi [traduction] « à son retour [au Nouveau-Brunswick]Note de bas de page 1 ». La décision dit ensuite : [traduction] « Rien ne vient infirmer ses déclarations antérieures selon lesquelles elle ne cherchait pas de travail à TorontoNote de bas de page 2. » (Mis en évidence par le soussigné.) Cette même division a aussi dit que la prestataire n’avait produit aucun élément de preuve à l’encontre de l’affirmation faite par la Commission qu’elle ne cherchait pas de travail à plein temps pendant qu’elle était à TorontoNote de bas de page 3.

[12] Dans son témoignage, la prestataire présente une certaine preuve sur sa continuation de la recherche d’un emploi à Toronto, bien qu’il soit question d’un travail qui l’aurait obligée à retourner au Nouveau-Brunswick. L’intéressée a déclaré toujours chercher du travail en [traduction] « prenant » ou [traduction] « faisant » son curriculum vitæ et en sollicitant des emplois. À en juger par le contexte, elle a semblé rattacher cette recherche à son séjour dans cette villeNote de bas de page 4. Plus tôt à l’audience, elle avait mentionné avoir dit à la Commission qu’elle se trouvait à Toronto en ajoutant : [traduction] « Dans l’intervalle, j’avais fait des demandes […] et avais reçu trois offres d’emploiNote de bas de page 5. » Il s’agit apparemment d’emplois au Nouveau-Brunswick. La prestataire n’a pas contesté ne pas avoir cherché d’emplois à occuper à Toronto même.

[13] Je juge que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire était incapable de travailler et n’était pas disponible pour le faire pendant son séjour à Toronto, alors que l’intéressée affirme dans son témoignage y avoir cherché du travail.

[14] Dans ses observations verbales à la division d’appel, la prestataire a aussi insisté sur le fait que la division générale s’était trompée en comprenant qu’elle se trouvait à Toronto pour prendre soin de son frère. Elle rendait plutôt visite à ses petits-enfants dans cette ville, alors que son frère habitait au Nouveau-Brunswick.

[15] Le dossier de la division générale comprend des notes sur une conversation où la prestataire aurait déclaré être à Toronto pour prendre soin de son frèreNote de bas de page 6. Par ailleurs, des éléments de preuve au dossier confirmeraient qu’elle ait pu dire que son frère ne se trouvait pas dans cette ville, notamment les indications dans sa demande de prestationsNote de bas de page 7 et dans un entretien antérieur avec la CommissionNote de bas de page 8. Que la division générale n’ait pas pris toute la preuve en considération sur le soin par l’intéressée de son frère à TorontoNote de bas de page 9, aucun élément de preuve ou d’argumentation ne montre que cette question a à voir avec celle de sa disponibilité pour travailler pendant son séjour à Toronto.

[16] Se méprendre sur un fait parce qu’ayant mal compris la preuve ne peut être une erreur relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS que si la division générale a effectivement fondé sa décision sur cette conclusion de fait. Je ne peux affirmer que la décision de cette division reposait sur la question de savoir si l’intéressée prenait soin de son frère à Toronto. Ainsi, la division générale n’a pas commis une erreur relevant de cet article en parlant de la visite à Toronto comme d’une visite faite par la prestataire en vue de prendre soin de son frère.

Réparation

[17] J’ai conclu que la prestataire avait établi des motifs d’appel relevant de l’article 58(1)(c) de la LMEDS. Je me dois donc de considérer la réparation qui s’impose.

[18] L’article 59 de la LMEDS m’habilite à rendre la décision qu’aurait dû rendre la division générale, à renvoyer l’affaire à cette même division avec ou sans directives ou à confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[19] Je considère le dossier d’appel comme complet et je peux donc rendre la décision qu’aurait dû prendre la division générale.

[20] La division générale a jugé que la prestataire était indisponible pour travailler en se fondant sur les trois facteurs décrits par la Cour d’appel fédérale dans son arrêt Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 10. Elle a fait observer à juste titre que les trois facteurs suivants devaient être pris en considération :

  • désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable s’offrirait;
  • manifestation de ce désir par les démarches faites en vue de trouver un emploi convenable;
  • absence de conditions personnelles pouvant indûment limiter les chances de réintégrer le marché du travail.

[21] La division générale a estimé que la prestataire n’avait pas démontré le sincère désir de revenir le plus tôt possible sur le marché du travail, qu’elle avait restreint sa recherche d’un emploi pendant son séjour à Toronto et qu’elle n’avait pas prouvé faire des démarches constantes pour obtenir un emploi.

[22] J’examinerai tour à tour ces facteurs de l’arrêt Faucher.

Désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable s’offrirait

[23] La prestataire a fait une double déclaration à la Commission sur sa capacité à retourner au travail dès qu’un emploi convenable s’offrirait. Dans la première, elle a dit ne pas chercher de travail pendant qu’elle se trouvait à Toronto et ne pas envisager de revenir au Nouveau-Brunswick dans les 24 à 48 heures si un emploi s’offraitNote de bas de page 11. Selon le dossier, elle a aussi dit comprendre être inadmissible aux prestations [traduction] « pour le moment », mais vouloir aviser la Commission lorsqu’elle retournerait chez elle et serait à nouveau disponible pour travailler. Cinq mois après, elle y est allée d’une seconde déclaration où elle niait avoir fait la première et faisait observer que la distance en voiture était de 16 heures seulement entre Toronto et le Nouveau-BrunswickNote de bas de page 12.

[24] La prestataire n’a pas concilié ces deux déclarations à ma convenance et je préfère la première. Elle a dit avoir été mal comprise lorsqu’elle s’est exprimée la première fois. Elle confirmait avoir compris être inadmissible aux prestations pendant son séjour à Toronto (conséquence de ce qu’elle ait déjà avoué ne pas chercher de travail ni être disponible pour en accepter dès qu’un emploi s’offrirait) et elle avait aussi accepté de reprendre contact avec la Commission lorsqu’elle retournerait chez elle et serait à nouveau disponible pour le travail. Je juge improbable que l’agent de la Commission et la prestataire se soient mal compris à ce point.

[25] Qui plus est, la prestataire était toujours à Toronto au moment de sa première déclaration. On peut penser que c’était le temps où elle pouvait rendre compte au mieux de ses actions et de ses intentions du moment dans ses démarches de recherche d’emploi. La seconde déclaration faisait appel à sa mémoire des faits survenus cinq mois auparavant après la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations pendant qu’elle se trouvait à Toronto.

[26] Je remarque aussi que la prestataire a seulement évoqué la possibilité de retourner au Nouveau-Brunswick dans les 24 à 48 heures suivant un appel (d’un employeur), parce que la distance en voiture n’était que de 16 heures, mais sans mentionner qu’elle reviendrait de fait au Nouveau-Brunswick dans les 24 à 48 heures.

[27] Je conclus que la prestataire n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités avoir le désir de retourner au travail dès que s’offrirait un emploi convenable pendant son séjour à Toronto. Ce facteur de l’arrêt Faucher permet de conclure que l’intéressée n’était pas disponible pour travailler.

Manifestation de ce désir par les démarches faites en vue de trouver un emploi convenable

[28] Selon le témoignage de la prestataire, elle a fait un certain effort pour trouver du travail pendant qu’elle était encore à Toronto, mais sans préciser ce qu’avait été cet effort. Elle a déclaré chercher toujours du travail, [traduction] « prendre » ou [traduction] « faire » son curriculum vitæ et solliciter des emplois, mais son témoignage n’est pas accompagné au dossier d’une preuve documentaire corroborante ni de déclarations quelque peu plus détaillées.

[29] La division générale a dit de la prestataire qu’elle n’avait pas fait de [traduction] « démarches raisonnables et habituelles » pour trouver du travail. Elle faisait ainsi référence à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi habilitant la Commission à exiger du prestataire « qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable ». Le Règlement sur l’assurance-emploi précise à l’article 9.001 ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables ».

[30] La prestataire a produit une autre déclaration où elle prétend avoir rencontré une fois un employeur à Toronto pour un emploi au Nouveau-Brunswick. Elle a dit à l’audience devant la division d’appel avoir oublié de le mentionner à l’audience devant la division générale. Il reste que cette rencontre ou cette entrevue d’emploi ne figurait pas dans la preuve dont disposait la division générale, et je ne suis pas autorisé à en tenir compte au moment de trancher le présent appel. La division d’appel n’a pas compétence pour examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 13.

[31] La description des démarches de la prestataire est si peu détaillée qu’elle se ramène à la simple affirmation qu’elle faisait des efforts en vue de trouver du travail. Je n’estime pas que l’intéressée a établi avoir manifesté le désir de retourner au travail par les efforts consentis en vue de trouver un emploi convenable. Ce facteur de l’arrêt Faucher fait conclure que la prestataire n’était pas disponible pour travailler.

Absence de conditions personnelles fixées qui pourraient indûment limiter les chances de réintégrer le marché du travail

[32] Le présent appel ne vise que la disponibilité de la prestataire pour travailler pendant son séjour à Toronto. Elle était en visite dans cette ville où elle ne réside pas ordinairement. Elle demeure au Nouveau-Brunswick et a affirmé chercher du travail dans sa ville d’origine ainsi que dans deux autres petites villes de cette provinceNote de bas de page 14, les deux à moins d’une heure en voiture.

[33] Que la recherche d’emploi de la prestataire à Toronto se soit limitée à du travail à trouver au Nouveau-Brunswick ne signifie pas qu’elle fixait une condition personnelle susceptible de limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. Elle n’a pas l’obligation de chercher du travail dans une ville distante de bien des heures de son domicile en voiture.

[34] À mes yeux, la question est de savoir si la distance entre Toronto et son domicile au Nouveau-Brunswick empêcherait la prestataire de retourner au Nouveau-Brunswick à temps pour accepter toute offre d’emploi. J’ai déjà estimé qu’elle n’avait pas prouvé vouloir revenir au Nouveau-Brunswick dès qu’un emploi convenable s’offrirait. Même là, je n’affirmerais pas qu’elle [traduction] « limite indûment ses chances de retourner au travail » juste parce qu’elle serait incapable d’accepter un emploi l’obligeant à entrer immédiatement en fonction. Elle n’a pas fixé de conditions personnelles propres à restreindre ses chances de réintégrer le marché du travail. Avec ce facteur de l’arrêt Faucher, on ne peut pas confirmer que l’intéressée n’était pas disponible pour travailler.

[35] J’ai pris en considération tous les critères de cet arrêt et j’accorde plus de poids aux deux premiers qu’au dernier. Que la prestataire n’ait pas fixé de conditions personnelles quant à l’emploi qu’elle accepterait ne fait guère de différence en matière de disponibilité effective pour travailler pendant le séjour à Toronto, puisque, au demeurant, elle n’avait pas montré le désir de retourner au travail dès que s’offrirait un emploi convenable ni n’avait consenti d’efforts importants dans sa recherche d’emploi. Je conclus qu’elle était indisponible pour le travail pendant qu’elle était à Toronto et qu’elle est donc exclue du bénéfice des prestations.

Modification

[36] La Commission a demandé que je rejette l’appel « avec modification », parce que la période effective d’indisponiblité de la prestataire pour le travail devrait être comprise entre le 26 février et le 27 avril 2018, et non entre le 26 février et le 3 mai de la même année.

[37] Cette modification diminue la période d’exclusion des prestations et ne désavantage donc pas la prestataire. Qui plus est, elle s’accorde avec la preuve au dossierNote de bas de page 15. Je conclus que la période d’exclusion devrait s’étendre du 26 février au 27 avril 2018.

Conclusion

[38] La division générale a commis une erreur relevant de l’article 58(1)(c), mais j’ai rendu la décision qu’aurait dû rendre cette division. Je modifie la décision en question en fixant comme période d’exclusion la période comprise entre le 26 février et le 27 avril 2018, mais je confirme par ailleurs ce qu’a décidé la division générale. L’appel de la prestataire est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution(s) :

Le 4 juin 2019

Téléconférence

D. G., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.